Intervention de Matthias Fekl

Commission des affaires économiques — Réunion du 4 novembre 2015 à 10h03
Loi de finances pour 2016 — Audition de M. Matthias Fekl secrétaire d'état chargé du commerce extérieur de la promotion du tourisme et des français de l'étranger

Matthias Fekl, secrétaire d'État chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l'étranger :

Madame Lamure, je vous rejoins sur le diagnostic des difficultés de nos PME à l'export. Certaines réformes ont été mises en oeuvre pour améliorer la compétitivité. Le CICE, le pacte de responsabilité ont contribué à abaisser de manière significative le coût du travail. Pour la première fois depuis de nombreuses années, le coût du travail dans l'industrie en France est inférieur - légèrement inférieur, mais inférieur néanmoins - à ce qu'il est en Allemagne. Nos entreprises sont aussi engagées dans une montée en gamme et dans l'amélioration de la compétitivité hors-prix, mais le rétablissement en cours de notre compétitivité-prix doit être souligné.

Concernant l'insuffisante formation des chefs d'entreprise à l'anglais, je suis d'accord avec vous. La nouvelle génération de créateurs ou de repreneurs d'entreprises ne rencontrent cependant cette difficulté avec la même acuité que les précédentes. J'ajouterai que le besoin en formation linguistique ne se limite pas à l'anglais.

Je reprends votre suggestion sur les sites web des PME. Il n'existe pas d'outil d'accompagnement spécifique dans ce domaine et c'est une chose sur laquelle nous devons travailler.

Pour ce qui est des modalités d'accès à l'export, je partage le diagnostic fait par plusieurs d'entre vous. Les entreprises arrivent trop souvent en ordre dispersé. C'est précisément le but du parcours cohérent à l'export que j'ai mis en place pour la première fois lors du premier forum de soutien des PME à l'international qui s'est tenu le 11 mars dernier au quai d'Orsay. Les différents opérateurs se sont mis d'accord pour créer un continuum, afin que tous ceux qui concourent à la politique de l'export tirent dans le même sens et que les entreprises qui s'engagent à l'export sachent clairement, à chaque étape du processus, qui fait quoi dans la chaîne de l'accompagnement.

Concernant les conseillers du commerce extérieur de la France (CCEF), je veux rendre hommage à ce très beau réseau de 3 500 membres, présents partout dans le monde, mais aussi dans nos régions, bénévoles, qui partagent leurs succès mais aussi leurs échecs -ce qui permet aussi de tirer des enseignements utiles à tous. Dans les forums que nous organisons, les CCEF sont présents et je signale qu'ils ont mis en place un système de parrainage : 150 référents PME en France et à l'étranger sont désormais nommés et disponibles.

Monsieur Bourquin, sur l'insuffisante culture à l'export, je vous rejoins : il faut ouvrir les esprits à l'international et c'est d'ailleurs un problème général d'état d'esprit dans notre pays. À l'heure où certaines forces prônent le repli sur soi et le retranchement derrière des lignes Maginot imaginaires, il faut dire clairement que l'avenir de notre pays n'est pas là. Ceux qui défendent ces idées se trompent d'époque et commettent une faute contre l'intérêt supérieur de notre pays. Faire croire à nos agriculteurs, même s'ils sont en difficulté, que leur avenir passe par la fermeture des frontières, ce n'est pas leur rendre service.

La stratégie de montée en gamme concerne aussi le tourisme. À la demande de Laurent Fabius, a été mise en place la conférence des formations d'excellence du tourisme. Il s'agit de créer un réseau d'écoles dans les domaines de la gastronomie, de l'hôtellerie et du luxe, visible à l'international -j'étais d'ailleurs à Ferrières pas plus tard qu'hier, l'école de l'excellence à la française. L'avenir est d'aller vers l'authenticité, vers le lien avec les terroirs : l'oenotourisme mais aussi ce qu'on appelle le slow tourisme, avec le vélo ou les croisières fluviales, entrent dans cette offre touristique appelée à se développer.

Concernant le lien entre PME et grands groupes à l'international, il est moins efficace en France que dans d'autres pays. Il faut développer davantage le portage. Je ne manque pas de le rappeler à chaque fois que je rencontre des responsables de grands groupes. Cependant le problème en France dépasse la seule question de l'export et concerne de façon plus générale la qualité des relations au sein des filières. Les PME ont besoin de visibilité et d'équité dans leurs relations aux grands donneurs d'ordre.

Concernant le TTIP, l'opacité est inacceptable et pose un problème démocratique fondamental. Je rejoins les déclarations parlementaires qui émanent de tous les bancs de nos assemblées. Je l'ai dit au représentant spécial du président Obama, que j'ai reçu au Quai d'Orsay. Les conditions actuelles ne sont pas tolérables. Les parlementaires français ont moins d'accès aux documents officiels que les parlementaires américains, mais moi-même, si je respectais scrupuleusement les règles, la seule manière pour moi de consulter les informations officielles à Paris, ce serait d'aller dans une salle sécurisée de l'Ambassade des États-Unis à Paris. Je ne l'ai jamais fait et je ne le ferai jamais. Respect et réciprocité doivent être de mise dans les relations entre des pays partenaires, alliés et amis. Le climat de confiance aujourd'hui dans ces négociations n'est pas au rendez-vous.

La France a fait une proposition de cour publique de justice commerciale internationale. Nous n'acceptons pas les tribunaux privés qui permettent d'attaquer des choix démocratiques faits dans les parlements et qui sont composés d'arbitres à qui il arrive de devenir ensuite les avocats des entreprises pour lesquelles ils ont rendu un arbitrage. Tout cela est choquant et contraire aux exigences de transparence, de déontologie et de lutte contre les conflits d'intérêts au coeur de la réforme de la vie publique. À l'heure où les parlementaires et les membres du gouvernement sont soumis à des contrôles de plus en plus stricts, on ne peut tolérer que se développent ce type d'instances opaques. La proposition que fait la France, et qui est partagée avec l'Allemagne, interdit ce genre de pratique, clarifie le droit applicable et empêche d'attaquer des choix démocratiques. On ne peut pas faire payer au contribuable des choix qu'il a validés en tant que citoyen. L'acceptation de cette proposition est une condition à la poursuite des négociations, je veux le dire clairement aux États-Unis mais aussi à nos partenaires européens.

Monsieur Leroy, je m'emploierai à vous fournir toutes les statistiques disponibles. Les services travaillent à l'amélioration de la présentation et à de l'analyse des données. Nous devons encore progresser sur la connaissance statistique des chaînes de valeurs mondiales, mais c'est un sujet qui ne peut être traité uniquement au niveau national.

Concernant le manque de culture PME de Business France, je vous trouve sévère. Les opérateurs de Business France mais aussi les ambassadeurs ont désormais bien compris qu'ils seraient évalués sur leurs performances dans l'accompagnement des PME. Dans le nouveau contrat d'objectifs et de performance de Business France, cela est clairement établi.

Sur les moyens de Business France, voici quelques chiffres : l'agence s'appuie sur 1500 équivalents temps plein, parmi lesquels 1200 travaillent pour l'exportation ; les deux tiers travaillent à l'étranger dans 70 pays. J'ai inauguré avec le ministre de l'agriculture un bureau en Iran au mois de septembre. Quant aux services économiques, ils représentent 750 ETP. Leur métier est plutôt l'analyse. Mais nous sommes attentifs à ce qu'il y ait une seule porte d'entrée et un seul interlocuteur pour les entreprises.

Monsieur César, nous comptons atteindre les 10 000 VIE à la fin de 2017. Il y a plus de demandes que de postes. Le problème n'est donc pas de trouver des candidats, sauf peut-être pour les VIE professionnels qui ont besoin d'être popularisés. Il nous faut négocier dans certains pays le relèvement des plafonds d'emplois. Vous savez que les pays d'accueil doivent autoriser les VIE et qu'il existe des formes de quotas. Ce relèvement des seuils fait partie des points de négociation avec les pays où le problème se pose.

Concernant la Sopexa, il n'y aura pas de fusion avec Business France. En revanche, nous avons transféré la délégation de service public de la Sopexa à Business France pour tout ce qui concerne les foires et salons.

Les chambres consulaires sont impliquées dans le travail d'accompagnement à l'export. Elles signent des conventions avec l'État dans ce domaine. En revanche, il n'appartient pas à ce dernier, dans le respect du principe de libre administration des collectivités territoriales, d'imposer une formalisation des relations entre les chambres et les Régions.

Monsieur Montaugé, élu moi-même d'un département où se posent des enjeux de ruralité très forts et des enjeux de reconversion d'une partie de l'activité vers le tourisme rural, je suis convaincu qu'il y a de nombreuses initiatives à prendre de la part des agriculteurs et des viticulteurs et que l'État, en lien avec les collectivités, doit les accompagner. Un pôle spécifique a été créé pour traiter les problématiques d'oenotourisme et, plus généralement, d'agritourisme et pour travailler à la diffusion du tourisme dans l'ensemble du territoire au-delà des grands sites. Atout France et mon cabinet sont à la disposition des élus pour étudier les projets de vos territoires dans ce domaine.

Monsieur Bailly, concernant l'embargo russe, je dois dire que, dans ce dossier, la géopolitique prime sur toute autre considération. Il est d'abord question de paix et de guerre, de respect des frontières aux portes de l'Union européenne. Pour autant bien sûr, nous sommes conscients des difficultés économiques que pose l'embargo à certains secteurs. Je pense en particulier à la filière porcine, qui a vu ses exportations chuter de 20%. Aussi les pouvoirs publics travaillent-ils à la recherche de débouchés alternatifs. Nous avons obtenu des ouvertures de marchés vers la Chine notamment, qui apprécie les produits charcutiers, ou les États-Unis pour ce qui est des pommes. Il y a un embargo ESB dans de nombreux pays et nous avons mené une action vigoureuse qui a permis de le lever dans de nombreux pays, comme l'Afrique du sud, Singapour et le Vietnam. Nous travaillons à la structuration de la filière viande à l'export avec le ministre de l'agriculture et nous avons lancé début octobre la plateforme « France viande export ».

Concernant les statistiques sur la filière bois, je vous les ferai parvenir.

Monsieur Courteau, je partage votre diagnostic sur le manque de cohérence et la complexité du dispositif d'accompagnement à l'export, mais, comme je l'ai déjà indiqué, les choses évoluent et un parcours cohérent à l'export se met en place.

Je suis également d'accord pour dire qu'il y a un besoin de simplification dans le domaine des exportations de vin. Nous travaillons sur les simplifications douanières et sur la lutte contre les contrefaçons qui constituent un préjudice pour les grandes comme les petites appellations. Pour ce qui est du budget de promotion du vin, nous travaillons à la mise en place d'une comptabilité analytique qui permettra dans un avenir proche de répondre à votre questionnement.

Monsieur Navarro, je peux vous dire que j'associe les régions de bout en bout du processus d'accompagnement à l'export. Dans le conseil stratégique de l'export, que je réunis régulièrement, les régions sont présentes. Nous analysons également les PRIE qui sont des outils puissants. Du reste, ayant été élu régional, vice-président en charge de l'économie, je sais bien quel est l'apport des régions dans ce domaine. Alors il peut y avoir des problèmes ici ou là, mais je suis disponible pour aider à les résoudre.

Madame Primas, je vais vous communiquer les chiffres les plus récents concernant les performances sectorielles à l'export : premier secteur excédentaire, l'aéronautique avec un excédent commercial en 2014 de 24 milliards d'euros, suivi de la chimie-cosmétique-parfumerie (10,8 milliards d'euros), de l'agroalimentaire (9,1 milliards d'euros) et de la pharmacie (2 milliards d'euros). Les principaux déficits proviennent du secteur de l'énergie (55 milliards d'euros), l'informatique et l'électronique (13,6 milliards d'euros), le textile (12,8 milliards d'euros) et l'automobile (4,7 milliards d'euros).

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