Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la décision du 23 juillet du Conseil constitutionnel nous a conduits, la semaine dernière, à examiner de plus près les mesures de surveillance des communications électroniques internationales qui figuraient dans la loi relative au renseignement du 24 juin 2015.
Cela a été rappelé, le Parlement, lors de cette discussion législative, n’avait pas exercé la plénitude de ses compétences en laissant trop de marge, faute de précisions, au pouvoir réglementaire. Aussi, avec l’examen de cette proposition de loi, en réponse aux griefs du Conseil constitutionnel, nous exerçons en quelque sorte notre droit à réparation, et ce avec une certaine sérénité – il faut le reconnaître –, puisque le texte proposé diffère peu de qui était prévu dans les décrets.
Sur la forme, cela nous permettra dans tous les cas de nous conformer aux prescriptions de l’article 34 de la Constitution, aux termes duquel le législateur « fixe les règles concernant […] les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques ».
S’agissant de la loi relative au renseignement, nous sommes en effet au cœur du débat sur ces libertés publiques. Il va de soi que tout doit être mis en œuvre pour les préserver, ce qui n’est pas un exercice facile quand il s’agit de collecter dans l’ombre des informations.
Le président Mézard l’a rappelé dans chacun des débats sur ces textes, la problématique du renseignement implique par nature une discussion sur les fins et les moyens, entre, d’une part, ce qui est possible pour garantir la sécurité de nos concitoyens et, d’autre part, ce qui n’est pas possible au nom des principes démocratiques.
Cela étant dit, nous sommes parvenus à trouver un équilibre acceptable au regard des valeurs qui fondent notre République. Aujourd’hui, il faut décliner cette exigence pour les communications électroniques internationales avec quelques nuances, compte tenu du champ opérationnel qui diffère fort logiquement de celui des communications nationales. Le chapitre du code de la sécurité intérieure qui est concerné par la proposition de loi conserve, à mon sens, cet esprit de conciliation entre sécurité de tous et liberté de chacun.
Mes chers collègues, la proposition de loi adoptée en première lecture le 27 octobre dernier, que le rapporteur du Sénat, Philippe Bas, avait eu la sagesse d’assortir, par un jeu de procédure, d’un avis du Conseil d’État, a posé les bases d’un encadrement par le droit de l’activité de surveillance des communications internationales.
Le groupe du RDSE approuve l’essentiel des dispositifs et des garde-fous mis en place pour les contrôler.
Tout d’abord, sur les conditions d’exploitation, les précisions apportées sur les personnes et entités visées et le détail du processus décisionnel pour la délivrance des autorisations sont de nature à garantir un régime alliant efficacité des renseignements et respect de la vie privée.
Ensuite, s’agissant des conditions de conservation des données, il est tout à fait normal de prévoir des durées supérieures au droit commun, compte tenu des contraintes de langue, notamment, ou de celles qui sont liées au statut des personnes surveillées, qui échappent de fait aux pouvoirs de la puissance publique française.
Enfin, concernant le contrôle juridictionnel en matière de surveillance internationale, j’approuve l’extension des possibilités de recours devant la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, la CNCTR. Sur ce volet, je soulignerai juste que le président Mézard a souvent émis des réserves sur la question de la compétence grandissante du juge administratif en matière de libertés individuelles, réserves que je partage.
À l’issue des travaux de la commission mixte paritaire, le texte conserve tous ces fondamentaux, puisque seules quelques modifications à la marge ont été apportées. C’est notamment le cas s’agissant de l’article 1er, la rédaction de l’Assemblée nationale sur la durée de conservation des correspondances interceptées, soit douze mois, ayant été retenue. Les membres du groupe du RDSE étaient plutôt favorables à la position de la commission des lois du Sénat, à savoir dix mois, ce qui est plus protecteur des libertés ; mais puisqu’il est prévu une sorte de « clause de revoyure », sous la responsabilité de la délégation parlementaire au renseignement, pour éventuellement réduire cette durée, nous n’avons pas d’objections sur ce point.
Mes chers collègues, la proposition de loi a été examinée dans un esprit consensuel. C’est pourquoi la majorité des membres du RDSE est favorable aux conclusions de la CMP.
J’ajouterai, en tant qu’ancien membre de la commission des affaires étrangères, que j’approuve la position exprimée par celle-ci dans son avis. Comme elle le souligne, « les dispositions proposées […] n’affaiblissent pas les capacités opérationnelles des services spécialisés de renseignement », ce qui est essentiel au regard du spectre de menaces qui peuvent malheureusement fragiliser la sécurité de nos concitoyens.