Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je ne siégeais pas au banc du Gouvernement lors de l’examen du projet de loi relatif à la transparence de la vie publique : le Gouvernement avait alors été représenté par un ministre infiniment plus éminent que moi. Cela étant, j’assume bien évidemment l’omission commise à cette occasion.
Monsieur Sueur, j’ai apprécié la double explication que vous avez donnée de cette erreur : vous avez d’abord généralisé la faute, en passant en revue l’ensemble des catégories d’acteurs n’ayant pas perçu la malfaçon, puis vous l’avez imputée partiellement au calendrier des travaux parlementaires.
Il convient de souligner à la fois la vigilance du législateur et son courage pour corriger cette erreur. Monsieur le sénateur, j’ai noté la gratitude très relative que vous avez exprimée à l’endroit des députés qui ont tenté de le faire au travers d’un amendement au projet de loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l’Union européenne, que le Conseil constitutionnel, saisi par des sénateurs, a censuré, considérant qu’il s’agissait d’un cavalier.
Reste que des députés, en particulier Dominique Raimbourg, rapporteur de ce projet de loi, ont eu à cœur d’apporter la réponse législative la plus rapide possible à cette lacune juridique extrêmement pénalisante et difficilement supportable.
C’est au législateur qu’il appartient de faire la loi, de définir la norme, que le magistrat doit appliquer en observant le principe de la stricte interprétation de la loi pénale. En vertu de ce principe, une juridiction a considéré que, dans un cas d’espèce, la sanction du récipiendaire d’un don provenant d’une personne morale n’était pas établie par la loi, en tout cas que le délit n’était plus constitué.
Il me paraît bon de rappeler que le législateur, qu’il s’agisse de l’Assemblée nationale ou du Sénat, a manifesté le souci de définir de façon claire et précise, dans la loi relative à la transparence de la vie publique, le délit de financement illicite des partis politiques, tout en rendant possible la participation au financement d’un parti politique et sans sanctionner indûment un parti politique qui recevrait des sommes d’un donateur en ignorant que ce dernier a également financé d’autres partis politiques et franchi ainsi le plafond. Enfin, il a fait en sorte de prévenir les contournements auxquels avait donné lieu la législation précédente. Les intentions du législateur étaient donc extrêmement louables, raisonnables, d’une grande maturité. C’est seulement une erreur de rédaction qui nous conduit aujourd'hui à devoir corriger cette loi. Le Conseil constitutionnel ayant considéré que les dispositions introduites à cette fin dans le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine de la santé étaient des cavaliers, il était urgent d’y revenir.
Le travail effectué par la commission des lois du Sénat permettra une meilleure application des dispositions de votre proposition de loi, monsieur Sueur. La commission a en effet précisé les conditions dans lesquelles le délit est constitué pour le donateur des fonds, ainsi que pour celui qui les reçoit. À cet égard, le plafond est fixé à 7 500 euros par an et par personne physique, et non plus par an et par bénéficiaire, comme c’était le cas avant l’entrée en vigueur de la loi relative à la transparence de la vie publique. Le délit est également constitué si le don provient d’une personne morale autre qu’un parti politique ou un groupement politique, d’un État étranger ou d’une personne morale étrangère.
La rédaction me semble cette fois précise et exhaustive. Ce texte s’inscrit dans la longue lignée des dispositions prises pour moraliser le financement de la vie publique, depuis le scandale des décorations vendues par le gendre du président Jules Grévy, voilà plus d’un siècle.
Nous ajoutons aujourd'hui un étage supplémentaire et important à notre législation. Je ne suis pas très éloignée de penser que, en l’état actuel du fonctionnement des partis politiques, cet étage constitue le dernier de l’édifice, même si, comme vous tous, je suis instruite de l’ingéniosité, de l’inventivité et de la créativité de ceux qui cherchent à contourner la loi. Il n’est pas donc pas à exclure que nous devions légiférer de nouveau dans l’avenir ; souhaitons que ce soit le plus tard possible !