Intervention de Christiane Taubira

Réunion du 5 novembre 2015 à 14h30
Justice du xxie siècle — Article 44, amendement 81

Christiane Taubira, garde des sceaux :

Cette disposition me semble susceptible d’introduire de l’ambiguïté dans le texte. En effet, vous dites qu’il n’existe pas de définition de la discrimination, alors que celle-ci existe de manière très claire et très précise. D’ailleurs, l’amendement de Mme Cukierman, que nous avons examiné tout à l’heure, la déclinait.

Les cas précis relèvent de catégories. Par exemple, la discrimination est interdite à raison de l’apparence, de l’appartenance à une ethnie ou à une race, de la croyance, du genre, de l’état de santé ou du handicap ; il ne peut s’agir de prendre tous les cas, dont la liste serait interminable.

En outre, les préjugés qui conduisent aux discriminations ne relèvent pas de la seule raison et ne peuvent donc être énoncés ou enfermés dans une formulation. Ce sont des situations imprévisibles. Je pense par exemple, dans le monde du travail, aux discriminations du fait de l’adresse, que personne n’avait imaginées a priori et dont la constatation a conduit à instaurer le principe du curriculum vitae anonyme. C’est d’ailleurs ce qui fragilise les victimes, qui sont prises de court et ne s’attendent pas à faire l’objet d’une telle agression pour un prétexte qui n’a aucun sens.

Notre droit décline les motifs et les prétextes, en précisant très clairement qu’ils sont inacceptables et en fixant d’éventuelles sanctions pénales. Dans ce contexte, je le répète, les dispositions de cet amendement me paraissent susceptibles d’introduire de l’ambiguïté ; c’est pourquoi je lui donne un avis défavorable.

S’agissant de l’amendement n° 81, je demande son retrait, car, lorsqu’une disposition juridique mentionne une personne, il s’agit bien d’une personne physique ou morale.

J’en viens à l'amendement n° 40 rectifié. Comme M. le rapporteur le fait à propos de la nécessité d’un agrément national pour les associations, M. Mézard revient à la charge sur la capacité d’agir, pour au moins deux personnes, sans l’intervention d’une association. Comme j’ai pu le faire concernant les amendements précédents sur ce thème, je demande le retrait de cet amendement.

Les dispositions de l’amendement n° 75 rectifié bis résultent peut-être d’une erreur d’appréciation ou d’une mauvaise information. Il n’y a aucune crainte à avoir sur la capacité des juridictions à estimer le préjudice moral. Elles savent très bien le faire, et il s’agit de décisions qu’elles prennent couramment.

Enfin, l’amendement n° 185 tend à prolonger la discussion que nous avons eue sur la possibilité pour deux personnes d’introduire une action de groupe. L’avis du Gouvernement est toujours défavorable.

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