Intervention de Claude Raynal

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 4 novembre 2015 à 9h08
Loi de finances pour 2016 — Tome i du rapport général - examen des principaux éléments de l'équilibre

Photo de Claude RaynalClaude Raynal :

Je veux m'efforcer de lever l'embarras qu'ont pu provoquer chez notre rapporteur général les propos d'allure louangeuse de mon collègue Richard Yung.

Vous jugez l'hypothèse de croissance de 1,5 % retenue en 2016 atteignable, en relevant que l'activité économique continuera de profiter de facteurs favorables : « reprise économique dans la zone euro, faiblesse des taux d'intérêt et de l'euro en lien avec la politique de la BCE, amélioration du climat des affaires, etc. » Vous n'oubliez qu'une chose : les effets de la politique gouvernementale. Mais peut-être cela tient-il dans le « etc. » ?

Je suis surpris de vous voir ressortir la notion de « solde structurel », que vous tirez de la naphtaline où notre commission des finances, consciente que sa définition est difficile à établir et suscite des dissensions entre les économistes, l'avait placée. Sans compter que l'impact sur la croissance d'une politique guidée par cette exigence de réduction du déficit structurel serait considérable, ainsi que l'a magistralement démontré, chiffres en main, Michel Sapin. Je suis étonné, enfin, de voir Les Républicains que vous vous targuez d'être adopter le point de vue incantatoire de l'Union européenne. « De Gaulle, reviens ! Ils sont devenus fous », ai-je envie de m'écrier.

Nous traversons, d'évidence, une période économique trouble. Nous connaissons les fragilités qui s'imposent à nous. Vous reprochez au Gouvernement d'en rester au chiffre de 50 milliards d'euros de réduction des dépenses. Mais il ne faut pas confondre les adaptations budgétaires annuelles, comme celle qui résulte de la volonté unanime de renforcer les moyens de la défense nationale, donc ses effectifs, ce qui ne va pas sans coût - et qui doit trouver, vous avez raison en cela, sa compensation - avec le programme, structurel, de réduction des dépenses de 50 milliards d'euros, qui doit suivre sa trajectoire. Il s'agit d'un plan d'action sur trois ans dont les chiffres, si l'on veut qu'il reste lisible, ne doivent pas varier sans cesse.

Les réformes structurelles que vous appelez de vos voeux ? Celle que vous proposez nous laisse un peu sur notre faim. Sa seule vertu est de ne pas vous engager dans la course à l'échalote à laquelle on assiste aujourd'hui : 100 milliards, 120 milliards, 150 milliards d'euros, chaque fois que se déclare une nouvelle candidature aux primaires de votre parti, les enchères montent un peu plus. Au regard de quoi, l'économie de 2 milliards d'euros sur la fonction publique que vous avancez n'est pas de taille. D'autant que si vous pensez que l'on peut supprimer six jours de congé sans contrepartie, vous vous faites des illusions.

Vous nous avez présenté un intéressant graphique, qui remonte jusqu'à 2005, sur l'évolution de la charge fiscale des ménages et des entreprises, mais en avez livré un curieux commentaire. Car il fait apparaître que c'est entre 2010 et 2012 que l'effort fiscal demandé aux ménages a commencé à s'alourdir et qu'entre 2012 et aujourd'hui, il n'est passé que de 15,4 % du PIB à 15,9 %. Le Gouvernement n'a fait que poursuivre un mouvement déjà largement entamé.

Quant à votre raisonnement sur l'effort demandé aux collectivités territoriales et son impact sur l'impôt local, on peut le retourner comme un gant. En 2016, dites-vous, l'effort de 3,5 milliards d'euros qui leur est demandé risque de susciter une augmentation des impôts locaux à hauteur de 0,8 milliard d'euros. Et bien, voilà qui montre que 80 % de l'effort ainsi demandé peut être accompli de façon relativement indolore, je veux dire sans augmentation des impôts.

Dire que le pays n'investit plus en mettant en avant la baisse de 10 % des investissements de l'État me semble, pour le moins, excessif. Ce qui doit faire aujourd'hui le moteur de l'investissement, ce n'est pas l'investissement public, qui augmente la charge des prélèvements obligatoires - à rebours de votre voeu de ne pas voir augmenter les impôts. Quant à l'investissement des collectivités locales, il peut s'accommoder d'un recul temporaire : les infrastructures, les équipements publics, sur nos territoires, sont de qualité. En revanche, c'est l'investissement économique qu'il faut rechercher. Il faut faire en sorte que ceux qui créent de la richesse investissent.

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