Il nous est proposé de doter la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » de 2,8 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 2,7 milliards d'euros en crédits de paiement, ce qui représente une contraction respective de 9 % et 6 % par rapport à 2015. Sur le fond, l'exercice 2016 est peu marqué par le plan de soutien à l'élevage annoncé le 22 juillet dernier, qui prévoit notamment des allègements et reports de charges pour un montant estimé d'au moins 600 millions d'euros. Les mesures devraient être imputées sur 2015 et largement financées par le dégel de la réserve de précaution. À la fin de l'été 2015, seuls 110 millions d'euros ont ainsi été dégelés. Je suivrai les modalités de mise en oeuvre du plan avec vigilance et j'interrogerai en séance publique le Gouvernement sur son mode de financement.
Au regard de l'insuffisance de ce plan, qui ne contient presque rien en matière de réformes structurelles, j'ai déposé le 16 octobre 2015, avec de nombreux collègues, une proposition de loi en faveur de la compétitivité de l'agriculture, qui sera examinée le 9 décembre prochain en séance.
En 2013, notre commission avait rendu public un rapport sur le dispositif public de soutien aux exportations agroalimentaires qui concluait que l'agriculture française restait insuffisamment compétitive et tournée vers l'export. Or, notre balance commerciale agricole et agroalimentaire se détériore et elle est négative si l'on en retranche nos exportations de vins et d'alcools. Nous perdons chaque année des parts de marché. Dans ce contexte alarmant, je déplore que le soutien à l'export ne soit pas une priorité pour le Gouvernement. Non seulement notre recommandation d'une réforme profonde du dispositif public de soutien n'a pas été suivie, mais les moyens mêmes de ce dispositif sont en baisse : 5,85 millions d'euros dans le présent projet de loi de finances contre 10,2 millions d'euros en 2015, soit une réduction de près de 42 % de la dotation. Une telle évolution ne peut que compromettre la présence des produits agricoles et agroalimentaires français sur les marchés internationaux.
De même, les moyens alloués à la gestion des crises et des aléas passent de près de 30 millions d'euros à moins de 4 millions d'euros en 2016. Le Gouvernement fait valoir le transfert du financement de la gestion des risques, notamment l'aide à l'assurance récolte, au second pilier de la PAC mais la sincérité de la prévision me semble douteuse. Ce doute est renforcé par le niveau de nos refus d'apurement communautaires.
Ces corrections ont atteint 429 millions d'euros en 2014 et devraient s'établir à 871 millions d'euros en 2015, puis à 360 millions d'euros au moins en 2016 et 2017. Début 2015, 1,1 milliard d'euros de corrections dues pour l'année en cours et pour les deux exercices suivants ont été identifiés ; mais le Gouvernement a choisi de faire porter le coût des deux tranches 2015 et 2016 sur l'exercice 2015 et de reporter le versement de la troisième tranche à 2017. Au-delà de ces acrobaties budgétaires, dont l'intérêt en termes d'amélioration du solde 2016 est entendu, je regrette que le Gouvernement continue de faire le choix de mouvements ex post pour couvrir ces dépenses, qui devraient faire l'objet d'une dotation en loi de finances initiale. Une fois de plus, ce n'est pas le cas, alors que la France subira certainement de nouvelles corrections l'année prochaine.
Pour conclure, une remarque positive sur le compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural », dit Casdar. Je me félicite de l'augmentation du financement d'actions par le biais de procédures d'appels à projets : 29 % des crédits du compte en 2016, contre 12,82 % en exécution 2014. Je plaide pour la poursuite de cette tendance. En effet, la justification des dépenses reste encore insuffisante pour s'assurer que les crédits ne sont pas distribués en vertu d'une logique d'abonnement des organisations par lesquelles ils transitent.
En conclusion, je vous propose de ne pas adopter les crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », mais d'adopter ceux du compte spécial.