Article 22
L'article 22 du projet de loi de finances pour 2016 évalue le prélèvement sur recettes au profit du budget de l'Union européenne à 21,51 milliards d'euros, soit 767 millions d'euros de plus que le montant prévu par la loi de finances initiale pour 2015, en hausse de 3,7 %. La contribution française au budget communautaire prend la forme d'un prélèvement sur les recettes de l'État, voté chaque année en loi de finances. Entre 1982 et 2016, le montant en valeur de notre contribution a été multiplié par 5,5, passant de 4,1 à 21,51 milliards d'euros. Les écarts considérables entre la prévision et l'exécution de cette participation au budget de l'Union sont récurrents et posent problème au regard de la sincérité du prélèvement voté chaque année. L'estimation du prélèvement soumise au vote du Parlement doit être aussi précise et fiable que possible.
Deuxième bénéficiaire des dépenses de l'Union européenne, la France reste le deuxième État contributeur au budget communautaire derrière l'Allemagne et devant l'Italie, le Royaume-Uni et l'Espagne. Notre solde net, qui représentait moins de 400 millions d'euros en 1999, a été multiplié par près de vingt depuis, mais 2014 marque un arrêt apparent de la dégradation : de 9,4 milliards d'euros en 2013, il est revenu à 7,9 milliards d'euros en 2014.
Mais cette amélioration n'est qu'apparente et ne révèle aucune tendance de fond. Elle s'explique, selon le Gouvernement, par deux facteurs conjoncturels. D'abord, les contributions des États membres ne prennent pas en compte, en 2014, les rabais et corrections, à l'exception du chèque britannique, dans l'attente de l'entrée en vigueur en 2016 de la nouvelle décision « ressources propres » (DRP), avec effet rétroactif au 1er janvier 2014. Les corrections et rabais instaurés par cette DRP et dus au titre de 2014 et 2015 n'auront d'impact que sur les contributions nationales 2016. Ensuite, le budget 2014 est inférieur à celui de 2013 ; le solde de la France étant négatif, toute diminution du niveau de dépenses améliore son solde net. J'ajoute que la baisse relative de la part de notre RNB dans celui de l'Union contribue à éroder la part de notre prélèvement assise sur la ressource RNB.
Comme à l'accoutumée, l'avant-projet de budget a été présenté par la Commission européenne au printemps ; la négociation du budget communautaire 2016 donne lieu aux postures habituelles : cet avant-projet prévoit une baisse de 5 % des crédits d'engagement et une hausse de 1,6 % des crédits de paiement par rapport au budget 2015, le Conseil y a opéré des coupes notables dans sa proposition du 4 septembre 2015, tandis que le Parlement européen a voté, le 27 octobre 2015, un projet encore plus ambitieux que celui de la Commission, tant au regard des crédits d'engagement que des crédits de paiement. La proposition d'augmentation des crédits formulée par nos collègues députés européens rendra plus difficiles les négociations lors de la phase de conciliation qui devrait aboutir d'ici la fin novembre. À nouveau, l'état du stock de restes à liquider (RAL), qui devrait dépasser 220 milliards d'euros à la fin 2016, est préoccupant.
Une note positive toutefois : le budget de l'Union est toujours davantage tourné vers l'investissement et la croissance, ainsi qu'en témoigne la mise en place en 2015 du Fonds européen pour les investissements stratégiques (FEIS) qui vise la réalisation de 315 milliards d'euros d'investissements et répond à l'objectif de soutien à la croissance en Europe.
La DRP du 7 juin 2007 est en cours de remplacement par la DRP du 26 mai 2014, applicable à compter du 1er janvier 2016 avec un effet rétroactif sur 2014 et 2015. Cette nouvelle DRP a fait l'objet d'un projet de loi en autorisant l'approbation, sur lequel j'ai rendu un rapport. Je répète qu'il s'agit à mon sens d'une occasion de réforme manquée : la nouvelle décision maintient l'essentiel du système en vigueur, voire aggrave ses défauts en créant de nouveaux rabais.
Sous réserve de ces différentes observations, je recommande toutefois à la commission d'adopter sans modification l'article 22 du projet de loi de finances pour 2016. Je conserve ma foi dans la construction européenne et vous invite à faire de même.
Le budget doit être voté et contrôlé par le Parlement. Or pour ce qui est de ce prélèvement sur les recettes de l'État, nous sommes dans une situation étonnante : face à un débit correspondant au prélèvement de 21 milliards d'euros, nous n'avons aucune entrée puisque pour des raisons comptables, aucune précision n'est apportée sur ce qui revient à l'économie française. Dans ces conditions, il est difficile d'expliquer à nos concitoyens l'intérêt de l'Union européenne et d'un budget commun.
La présentation de la contribution française devrait comprendre un document consolidé faisant figurer les pénalités versées par la France dans le cadre de contentieux pour usage abusif des aides agricole - héritage des gouvernements précédents. Nous n'avons pas de vision cumulative de ce que nous payons réellement. Dans mon rapport sur la citoyenneté dans l'Union, je proposais que le secrétariat général aux affaires européennes (SGAE) présente un document annuel sur les actions de l'Union européenne en France. Comment expliquer, sinon, l'intérêt de l'Union avec les éléments fragmentaires dont nous disposons sur ce que versent et reçoivent l'État et les collectivités territoriales ?
Vous avez évoqué un budget davantage tourné vers l'investissement et la croissance, mais nous n'en voyons pas les effets concrets. Les principaux piliers en sont le plan Juncker qui devrait libérer 315 milliards d'euros sur trois ans et l'assouplissement quantitatif mis en place par la banque centrale européenne (BCE) depuis le mois d'avril. Quelle part de ces fonds a reçu la France ? Quelle est votre analyse sur l'absence d'effets, pour le moment, en termes de relance économique ?
Le plan Juncker est une avancée, mais 315 milliards pour vingt-huit pays et étalés sur trois ans, ce n'est pas non plus une relance à la Roosevelt ! Le budget sur la période 2014-2020 est en baisse par rapport à la période précédente. Il y a des efforts à faire. Concernant les financements et les ressources propres, où en est le projet de taxe sur les transactions financières, régulièrement évoqué ? Le dispositif actuel est à bout de souffle, fragilisé par les nombreux rabais et corrections. Fidèle à ses principes, la France ne demande pas de rabais, mais l'effort doit être collectif. Peut-on espérer une remise à plat du dispositif à une échéance de deux à trois ans ?
Notre récent rapport d'information sur le e-commerce évalue à 168 milliards d'euros le montant de TVA qui échappe aux pays européens. Or une part du produit de la TVA est perçue par le budget européen. La Commission européenne s'attaque-t-elle à cette question ?
On parle des 315 milliards d'euros du plan Juncker, mais en réalité ce sont 23 à 25 milliards d'euros disponibles, dont on attend un effet levier. Cet effet est-il réellement à la hauteur des espérances ? Une première sélection de projets éligibles en France a-t-elle été effectuée ? Par ailleurs, à travers son plan d'assouplissement quantitatif, la BCE soulage la dette des États et injecte de l'argent frais : quelle est la part reçue par les banques françaises ?
Environ 500 millions d'euros ont été débloqués au niveau européen pour répondre à la crise de l'élevage. Est-ce une aide dédiée la filière porcine française ou une enveloppe globale ?
Je vous remercie. Les aides à la pomme sont presque entièrement allées à la Pologne, ce qui explique ma question.
La France est le deuxième contributeur du budget européen et participe au chèque britannique depuis 1984. L'Allemagne, l'Autriche, les Pays-Bas et la Suède obtiennent des rabais sur ce rabais. La France et l'Italie, pourtant des pays latins supposés tricheurs, sont les plus vertueux.
Votre note de présentation répond à la question que je me posais sur la différence entre les restes à liquider, qui s'élèvent à 220 milliards d'euros, les restes à payer, et les restes à réaliser de nos budgets communaux.
Merci de vos questions qui témoignent de votre intérêt pour l'Europe.
Je conviens avec André Gattolin que les Français devraient être mieux informés des interventions européennes. Le jaune budgétaire annexé au projet de loi de finances relatif aux relations financières avec l'Union européenne détaille, rubrique par rubrique, les moyens budgétaires alloués par l'Union européenne à la France. En revanche nous n'avons pas, pour le moment, de bilan économique ni d'évaluation des conséquences et effets leviers de ces interventions sur la dynamique économique de notre pays.
Vous trouverez dans la note de présentation des éléments explicatifs sur la proportion du budget de l'Union européenne qui concerne la France. Ainsi, 10,5 % des dépenses, soit 13,5 milliards d'euros, sont réalisées sur notre sol. Nous sommes le deuxième bénéficiaire, principalement grâce à la PAC dont la part dans le total des aides est néanmoins en baisse : de 75 % les années précédentes, elle est passée à 68 % en 2013 puis à 63 % en 2014. En revanche, en se référant au retour par habitant, la France arrive en vingtième position avec 205 euros par an. En 2008, nous étions quinzième. Toujours à l'aune du retour par habitant, nous ne sommes que le onzième bénéficiaire de la PAC avec 205 euros par habitant, l'Irlande occupant la première place avec 269 euros par an. Ces chiffres nourrissent une inquiétude justifiée. Nous ne recevons aucun rabais ou surplus, et nous avons le sentiment de ne pas bénéficier d'un traitement de faveur.
Les contributions subies ou pénalités pour non-respect des règles figurent aussi dans le jaune budgétaire relatif à nos relations financières avec l'Union européenne. Nous y reviendrons, avec un point particulier sur la PAC.
Le comité de suivi du plan Juncker est en cours d'installation. Pour l'instant, la dotation de l'Union européenne au titre de ce plan s'élève à 16 milliards d'euros, celle de la Banque européenne d'investissement (BEI) à 5 milliards. Depuis le début de l'année, 28 opérations ont bénéficié du soutien du FEIS, dont deux concernent la France : un programme sur l'efficacité énergétique des bâtiments et un autre sur les énergies renouvelables. Toutefois, en phase de mise en place, les données n'ont pas encore été agrégées.
Il est vrai qu'une baisse des réalisations budgétaires européennes a été constatée entre 2013 et 2014 ; mais la programmation des dépenses est quant à elle en hausse de 2 % par an, même si, par la suite, les réalisations peuvent se révéler inférieures. Concernant la remise à plat que vous appelez de vos voeux, le groupe de haut niveau présidé par Mario Monti, formé il y a un an, réfléchit à une architecture pertinente des ressources de l'Union : le système en vigueur a mal vieilli. Enfin, l'affectation de la taxe sur les transactions financières a été annoncée ici et là, au profit de la transition énergétique, des ressources propres de l'Union... Nous n'avons pas d'éléments plus précis à ce sujet.
Pour répondre à Jacques Chiron, nous devons redoubler d'efforts pour lutter contre la fraude à la TVA, dont le montant estimé est supérieur au budget européen. À nous d'activer les dispositifs anti-fraude.
Les 500 millions d'euros d'aides agricoles sont attribués en plus du budget de la PAC : 64 millions reviendront à la France, principalement aux filières lait et porc. Elles seront financées grâce à des prélèvements sur les pays qui ont dépassé leurs quotas laitiers en 2014, notamment l'Irlande, l'Allemagne et le Danemark.
Le reste à payer, sur lequel m'interroge Jean-Claude Requier, est le total des factures en décalage d'un exercice à l'autre. Cet agrégat comptable est similaire aux restes à réaliser de nos budgets locaux. Alors que le reste à liquider est la somme des engagements sur plusieurs exercices qui ne sont pas encore couverts par des crédits de paiement.
La commission des affaires européennes examinera jeudi 5 novembre une proposition de résolution européenne sur le plan Juncker déposée par nos collègues Jean-Paul Emorine et Didier Marie, qui sera envoyée pour examen au fond à la commission des finances.
L'article 22 est adopté sans modification.
Cette année, l'article 22 sera examiné jeudi 19 novembre à la suite de la discussion générale sur le projet de loi de finances.
Puis la commission procède à l'examen du rapport de MM. Alain Houpert et Yannick Botrel, rapporteurs spéciaux, sur la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » et sur le compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural ». Elle entend ensuite leur communication, conjointement avec M. François Marc, rapporteur spécial des affaires européennes, sur les relations entre le budget communautaire et le budget national à travers la politique agricole commune (PAC).
Il nous est proposé de doter la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » de 2,8 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 2,7 milliards d'euros en crédits de paiement, ce qui représente une contraction respective de 9 % et 6 % par rapport à 2015. Sur le fond, l'exercice 2016 est peu marqué par le plan de soutien à l'élevage annoncé le 22 juillet dernier, qui prévoit notamment des allègements et reports de charges pour un montant estimé d'au moins 600 millions d'euros. Les mesures devraient être imputées sur 2015 et largement financées par le dégel de la réserve de précaution. À la fin de l'été 2015, seuls 110 millions d'euros ont ainsi été dégelés. Je suivrai les modalités de mise en oeuvre du plan avec vigilance et j'interrogerai en séance publique le Gouvernement sur son mode de financement.
Au regard de l'insuffisance de ce plan, qui ne contient presque rien en matière de réformes structurelles, j'ai déposé le 16 octobre 2015, avec de nombreux collègues, une proposition de loi en faveur de la compétitivité de l'agriculture, qui sera examinée le 9 décembre prochain en séance.
En 2013, notre commission avait rendu public un rapport sur le dispositif public de soutien aux exportations agroalimentaires qui concluait que l'agriculture française restait insuffisamment compétitive et tournée vers l'export. Or, notre balance commerciale agricole et agroalimentaire se détériore et elle est négative si l'on en retranche nos exportations de vins et d'alcools. Nous perdons chaque année des parts de marché. Dans ce contexte alarmant, je déplore que le soutien à l'export ne soit pas une priorité pour le Gouvernement. Non seulement notre recommandation d'une réforme profonde du dispositif public de soutien n'a pas été suivie, mais les moyens mêmes de ce dispositif sont en baisse : 5,85 millions d'euros dans le présent projet de loi de finances contre 10,2 millions d'euros en 2015, soit une réduction de près de 42 % de la dotation. Une telle évolution ne peut que compromettre la présence des produits agricoles et agroalimentaires français sur les marchés internationaux.
De même, les moyens alloués à la gestion des crises et des aléas passent de près de 30 millions d'euros à moins de 4 millions d'euros en 2016. Le Gouvernement fait valoir le transfert du financement de la gestion des risques, notamment l'aide à l'assurance récolte, au second pilier de la PAC mais la sincérité de la prévision me semble douteuse. Ce doute est renforcé par le niveau de nos refus d'apurement communautaires.
Ces corrections ont atteint 429 millions d'euros en 2014 et devraient s'établir à 871 millions d'euros en 2015, puis à 360 millions d'euros au moins en 2016 et 2017. Début 2015, 1,1 milliard d'euros de corrections dues pour l'année en cours et pour les deux exercices suivants ont été identifiés ; mais le Gouvernement a choisi de faire porter le coût des deux tranches 2015 et 2016 sur l'exercice 2015 et de reporter le versement de la troisième tranche à 2017. Au-delà de ces acrobaties budgétaires, dont l'intérêt en termes d'amélioration du solde 2016 est entendu, je regrette que le Gouvernement continue de faire le choix de mouvements ex post pour couvrir ces dépenses, qui devraient faire l'objet d'une dotation en loi de finances initiale. Une fois de plus, ce n'est pas le cas, alors que la France subira certainement de nouvelles corrections l'année prochaine.
Pour conclure, une remarque positive sur le compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural », dit Casdar. Je me félicite de l'augmentation du financement d'actions par le biais de procédures d'appels à projets : 29 % des crédits du compte en 2016, contre 12,82 % en exécution 2014. Je plaide pour la poursuite de cette tendance. En effet, la justification des dépenses reste encore insuffisante pour s'assurer que les crédits ne sont pas distribués en vertu d'une logique d'abonnement des organisations par lesquelles ils transitent.
En conclusion, je vous propose de ne pas adopter les crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », mais d'adopter ceux du compte spécial.
Les conclusions de notre récent rapport sur la filière forêt-bois, restent entièrement d'actualité, à commencer par un soutien renforcé à l'innovation et à la stratégie de montée en gamme. L'audition des responsables du pôle de Compétitivité « Xylofutur », situé en Aquitaine, dans le cadre de la préparation de l'examen du présent projet de loi de finances, l'a confirmé.
Les crédits du programme 149 « Forêt » sont quasi-stables en 2016, la légère diminution s'expliquant par la réduction de la subvention à l'Office national des forêts (ONF). Justifiée par le redressement du cours du bois, celle-ci n'est pas entièrement compensée par la réinscription au budget de la subvention au Centre national de la propriété forestière (CNPF), qui n'avait pas bénéficié de dotation en 2015 et avait dû se financer sur son fonds de roulement, largement excédentaire. L'État tient ses engagements à ce niveau.
Le contrat d'objectifs et de performance (COP) pour 2016-2020 de l'ONF fait l'objet d'une négociation anticipée et devrait être signé avant la fin de l'année. Selon mes informations, les objectifs de l'opérateur en termes de mobilisation de la ressource bois seront revus à la baisse, ce que je ne peux que regretter ; toutefois, la nouvelle direction, que nous avons entendue, fixe des objectifs qu'elle juge réalistes et atteignables. Le nouveau COP prévoit une stabilisation des moyens en personnel de l'ONF et son retour à l'équilibre financier en cohérence avec sa dotation budgétaire. Il est urgent de tourner l'office vers une logique de résultats et d'accroître ses récoltes de bois. L'ONF doit mettre en place une véritable politique commerciale, structurée et dotée d'une expertise autonome. Ses efforts en matière d'organisation interne doivent également être poursuivis.
À la fin de l'année 2015, le CNPF, autre opérateur majeur du programme « Forêt », pourrait faire face, selon ses responsables, à des problèmes de trésorerie. Il conviendrait que le Gouvernement anticipe ces éventuelles difficultés.
Les onze dépenses fiscales rattachées au programme 149 représentent un coût total de 113 millions d'euros en 2016. Les deux mesures de fiscalité forestière fiscales les plus coûteuses sont les exonérations au titre de l'ISF et des droits de mutation à titre gratuit. D'après la Cour des Comptes, le coût strictement forestier de ces deux mesures fiscales patrimoniales serait en réalité plus proche de 20 millions d'euros. Le coût du dispositif d'encouragement fiscal à l'investissement en forêt (Defi) devrait être de 9 millions d'euros.
Au lieu de réduire le coût global des dépenses fiscales dont bénéficie la filière, il serait pertinent de rééquilibrer progressivement les soutiens publics vers les mesures fiscales incitatives telles que le Defi ou le Compte d'investissement forestier et d'assurance (Cifa).
Le programme 206, consacré au fonctionnement de la direction générale de l'alimentation (DGAL) et de l'Agence nationale de sécurité sanitaire, de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses), met en évidence l'attention que le Gouvernement porte à ce sujet. Les principales actions - moyens de la DGAL, dépenses consacrées à l'Anses et dépenses liées à la lutte contre les maladies animales - seront reconduites en 2016. Ce budget acte également la création de soixante postes de contrôleur sanitaire et phytosanitaire. En deux ans, 120 postes auront été créés, complétés en 2017 par soixante postes supplémentaires. La baisse des crédits ne reflète donc pas une exigence diminuée en matière de sécurité sanitaire.
J'ai, enfin, souhaité faire le point sur l'incidence de la tuberculose bovine dans les cheptels, qui fait peser un risque sur l'agrément de nos produits à l'exportation, ainsi que sur les moyens utilisés pour la combattre. J'attire l'attention du Gouvernement sur le financement de ces mesures nécessaires, mais qui en l'état, se ferait à enveloppe réduite par rapport à 2015.
Pour conclure, je suis favorable à l'adoption des crédits de la mission et du compte spécial.
J'invite nos rapporteurs à présenter, dans le prolongement de ces rapports, le contrôle sur la politique agricole commune (PAC).
J'ai conduit cette année avec Yannick Botrel et Alain Houpert un contrôle sur les relations entre le budget de l'Union européenne et le budget national à travers la PAC, en mettant l'accent sur la problématique des refus d'apurement communautaires. Ce type de contrôle commun entre rapporteurs spéciaux de plusieurs missions me semble être une expérience intéressante.
Nous avons déjà abordé la question des refus d'apurement communautaires lors de l'examen du projet de loi de règlement pour 2014 : le 24 juin dernier, la commission entendait Hervé Durand, directeur général adjoint de la performance économique et environnementale des entreprises du ministère de l'agriculture ainsi que Frédéric Lambert, chef du service gouvernance et gestion de la PAC du ministère. Nous avons procédé à de nombreuses auditions, avec le cabinet du ministre de l'agriculture, l'administration du ministère, les opérateurs payeurs (Agence de services et de paiement et FranceAgriMer), les syndicats agricoles (Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles, Confédération paysanne et Coordination rurale). À Bruxelles, nous avons rencontré le cabinet du commissaire à l'agriculture Phil Hogan, la directrice générale du budget et les services de la direction générale de l'agriculture, ainsi que les spécialistes économiques et agricoles de la représentation permanente de la France et des parlementaires européens, dont notre ancien collègue Jean Arthuis, président de la commission des budgets du Parlement européen.
Plus importante et plus ancienne des politiques communautaires, la PAC, initialement axée sur le soutien des prix, s'est orientée après 1992 sur un soutien à la production, avec des aides directes dites couplées. Depuis 2003, cette politique donne une place croissante au développement rural à travers la modulation. Elle recourt également de plus en plus à des soutiens dits découplés, appelés droits à paiement unique (DPU), évalués sur une base historique indépendamment de la production. Le bilan de santé de la PAC en 2008 a conduit à renforcer ce découplage. La nouvelle PAC 2014-2020, entrée en vigueur en 2015, remplace les DPU par une aide en trois parties : les droits au paiement de base (DPB), le paiement vert et le paiement redistributif. Ces aides relèvent du premier pilier de la PAC, qui regroupe comme auparavant les paiements directs et les mesures de soutien aux marchés agricoles. Le deuxième pilier reste consacré au développement rural, dont la programmation a été largement régionalisée. Ces deux piliers sont financés par deux fonds, qui font partie du budget général de l'Union européenne : le Fonds européen agricole de garantie (Feaga), qui finance essentiellement les mesures de soutien aux marchés, et le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader).
Le budget PAC 2014-2020 s'élève à environ 410 milliards d'euros, soit une diminution de 2 % par rapport à 2007-2013 : 313 milliards d'euros pour le premier pilier et 96 milliards d'euros pour le second. L'enveloppe destinée à la France pour le premier pilier devrait être de l'ordre de 54 milliards d'euros, soit un peu moins de 8 milliards d'euros par an en moyenne, en baisse de 3,7 %. Quant aux dépenses de développement rural sur notre territoire, elles devraient augmenter de 11 % pour atteindre 9,9 milliards d'euros, soit 1,42 milliard d'euros par an. En 2016, le financement communautaire atteindra 9,7 milliards d'euros, dont 7,3 milliards d'euros au titre du premier pilier et 2,4 milliards d'euros au titre du deuxième pilier : nous appliquons donc la PAC avec intelligence en maintenant le maximum d'aides couplées grâce à l'utilisation de toutes les marges permises par la réglementation européenne. En outre, les taux de cofinancements communautaires qui concernent le second pilier ont légèrement évolué : le taux de droit commun passe à 53 % au lieu de 50 %.
Pour comprendre les refus d'apurement communautaires, il faut présenter la procédure assez complexe de paiement des aides et de mode de remboursement par l'Union européenne. En effet, les règles de gestion de la PAC confient à la Commission la gestion du Feaga et du Feader, mais en vertu du principe de gestion partagée, le paiement des aides est délégué aux États membres par l'intermédiaire d'organismes payeurs nationaux ou régionaux accrédités par la Commission, tels que FranceAgriMer ou l'Agence de services et de paiement (ASP). Ceux-ci doivent préalablement contrôler l'admissibilité des demandes d'aide, directement ou par l'intermédiaire d'organismes délégués. Les États membres doivent prendre les mesures nécessaires pour garantir l'exécution efficace et correcte des opérations financées et prévenir et poursuivre toute irrégularité.
Nous utilisons pour cela le système intégré de gestion et de contrôle (SIGC), pierre angulaire du système de paiements aux agriculteurs, qui prévoit une base uniforme pour les contrôles administratifs et sur place, ainsi que pour le système informatique auquel l'administration nationale a recours. Le SIGC est mis en place dans les États membres par les organismes payeurs agréés. Il est également utilisé pour gérer les contrôles et garantir le respect des critères et des normes relevant de la conditionnalité. Il repose sur des bases de données informatisées et interconnectées.
Les dépenses effectuées par les organismes payeurs sont ensuite remboursées aux États membres par la Commission, tous les mois dans le cas du Feaga et tous les trimestres dans celui du Feader. Ces remboursements sont sujets à des corrections financières que la Commission peut apporter dans le cadre de procédures d'apurement des comptes : ce sont les refus d'apurement communautaires. Lorsque la Commission estime, à l'issue de ses contrôles, que les paiements ne sont pas conformes aux règles ou que le SIGC présente des lacunes, elle récupère auprès de l'État membre le montant qui aurait été indûment payé, calculé soit sur la base des pertes réelles, soit selon une extrapolation, soit selon des taux forfaitaires, de 2 %, 5 %, 10 %, ou 25 % des dépenses, selon la gravité des erreurs. Un organe de conciliation peut être convoqué afin de rapprocher les positions des protagonistes. In fine, la Commission européenne adopte une décision, qui peut suivre ou non le résultat de la négociation, et que l'État membre peut toujours contester devant la Cour de justice de l'Union européenne. En pratique, le ministère de l'agriculture procède au paiement par redéploiement de ses crédits ou par un abondement du programme 154 par décret d'avance ou loi de finances rectificative.
Pendant les années 1990 et 2000, le montant moyen de nos refus d'apurement représentait un peu moins de 100 millions d'euros par an. L'exercice 2011 a marqué un niveau minimal record, à 18,41 millions d'euros. En 2012 et 2013, ce montant était de 63,73 millions d'euros et 41,2 millions d'euros. Mais depuis 2013, les refus d'apurement supportés par le budget national explosent : avec 429 millions d'euros en 2014 et 871 millions d'euros en 2015. En 2016 et 2017, on table sur un minimum de 360 millions d'euros, à la suite de l'identification, début 2015, de 1,1 milliard d'euros de corrections dues pour l'année en cours et pour les deux exercices suivants. Le Gouvernement a choisi de faire porter le coût des tranches 2015 et 2016 sur l'exercice 2015 et de reporter le versement de la troisième tranche à 2017. Le ministre de l'agriculture a précisé fin 2014 que la France a réussi à éviter un niveau de refus d'apurement de près de 4 milliards d'euros. En effet, la procédure de conciliation a permis de passer de l'application d'un taux forfaitaire à un niveau de corrections plus proche des réalités. Ce milliard d'euros ne représente que 2 % du total des aides PAC reçues sur la période 2008-2013.
Ce montant élevé correspond au cumul de plusieurs années de corrections, de 2008 à 2013. La Commission européenne se serait montrée particulièrement rigoureuse, sous la pression croissante de la commission du contrôle budgétaire (Cocobu) du Parlement européen et de la Cour des comptes européenne. Les causes des corrections qui nous sont infligées sont multiples : il s'agit des aides à la surface, les photographies aériennes et leur interprétation ayant été jugées inadaptées, du calcul des DPU ou encore de la mise en oeuvre des contrôles au titre de la conditionnalité.
Le registre parcellaire graphique a été contesté ainsi que le travail de photo-interprétation visant à distinguer les surfaces non agricoles, dont les éléments de paysage, et donc à identifier les surfaces admissibles. Selon la direction générale de l'agriculture de la Commission européenne, le Gouvernement français aurait sa part de responsabilité, puisque chaque État membre définit les règles de la PAC qui s'imposent à lui, y compris dans les modalités d'attribution des droits à paiement. Ainsi, l'Allemagne a choisi de rendre éligibles les éléments paysagers avec le respect de leur maintien à l'identique. À l'inverse, notre pays a préféré utiliser un pourcentage d'éléments topographiques de 3 % ou 4 %, sans obliger au maintien individuel des éléments. Nous avons ensuite attribué des droits à paiements sans respecter la règle que nous avions fixée. Cela a d'ailleurs conduit des agriculteurs, notamment dans l'Ouest, à raser leurs haies pour prévenir le risque contentieux.
Quelles conséquences tirer de ce constat ? Le Gouvernement a mis en place deux plans d'action depuis 2013, l'un concernant les aides du Feaga, le second les aides cofinancées par le Feader afin de répondre à la Commission européenne et de faire évoluer les procédures et systèmes de gestion et de contrôle. Sur le premier pilier, il est proposé d'améliorer la qualité du registre parcellaire graphique, de réviser le calcul des droits à paiements et de réformer le système de sanction découlant des contrôles mis en oeuvre au titre de la conditionnalité. Au niveau du deuxième pilier, le ministère et les organismes payeurs ont préparé de nouvelles instructions concernant le renforcement du contrôle administratif, le contrôle du respect des marchés publics, la vérification des obligations sociales et fiscales et le contrôle du caractère raisonné des coûts. Ces plans nécessiteront des moyens supplémentaires et du temps pour leur mise en oeuvre.
Nous faisons quatre recommandations. Premièrement, simplifier les règles de la PAC, au niveau national comme au niveau européen. Il s'agit d'exiger du ministère et des opérateurs qu'ils ne rajoutent pas de la complexité par rapport aux textes européens, ce qui rejoint la question de la lutte contre la suradministration du monde agricole. Il s'agit aussi de dialoguer avec nos partenaires et avec la Commission européenne pour simplifier les règles de la PAC. Deuxièmement, simplifier les procédures de déclaration pour les agriculteurs. 90 % des bénéficiaires des aides PAC recourent à la procédure dématérialisée, dite téléPAC ; la procédure de télédéclaration dure trois heures, ce qui est encore trop long. Troisièmement, étaler les refus d'apurement : la Commission européenne ne doit pas procéder à des redressements sur cinq ou six ans, qui conduisent à des corrections très élevées. Quatrièmement, la France doit poursuivre la mise en oeuvre des plans d'action et mobiliser l'Institut géographique national (IGN) pour l'actualisation des photos et pour une expertise en matière de photo-interprétation. Il faudra répondre à des défis technologiques, comme le recours aux images satellite : le niveau d'exigence de la Commission européenne est de 50 centimètres alors que la précision de nos photos était d'1,5 mètre... Le travail est titanesque. La numérisation des éléments non agricoles, comme les mares, bosquets et rochers, représente un gros effort : l'IGN dispose d'un inventaire de 200 millions d'objets dans les terres agricoles, il s'agira d'inclure 40 millions d'objets supplémentaires au titre des éléments paysagers.
Merci pour la précision et la qualité de ce rapport. Nous restons sur notre faim en ce qui concerne les activités et les espaces précis qui ont fait l'objet de redressements importants, faute de réponses précises du ministère de l'agriculture.
Nous sommes dans la caricature administrative. C'est Courteline ! Si l'on votait les crédits de la mission, il faudrait un amendement pour supprimer autant de postes de contrôleur que possible. Ce serait rendre service aux agriculteurs. La surtranposition en matière agricole est un vrai mal français. Dans la loi Macron, une disposition autorise le suramortissement pour les coopératives d'utilisation de matériel agricole (Cuma). Pourquoi n'a-t-elle pas été étendue aux coopératives ? Quant aux forêts, même si les ventes de bois sont meilleures, n'y a-t-il pas un risque que l'ONF cherche à faire du profit à court terme en remplaçant les feuillus par des résineux ?
Le contrôle des superficies pose problème car les systèmes géostationnaires ne tiennent pas compte de la pente, de sorte qu'il manque des hectares à l'arrivée. Nos contrôleurs semblent croire que la terre est plate partout. C'est important pour le calcul des indemnités compensatoires de handicaps naturels (ICHN), dont il faut saluer la progression. J'ai une interrogation persistante sur les crédits du service de restauration des terrains en montagne (RTM), hébergé par l'ONF, mais qui dépend des crédits budgétaires de l'État. Ces crédits seront encore cette année inférieurs à ce qu'ils étaient dans la constatation de 2013-2014, malgré une légère progression par rapport aux inscriptions budgétaires de 2015, puisqu'ils s'établissent à 8,6 millions en autorisations d'engagement et à 9,6 millions en crédits de paiement. Le rapport précise qu'ils doivent servir à entretenir 392 000 hectares et 20 000 ouvrages d'art. Beaucoup de ces ouvrages ont vieilli et nécessitent des travaux importants. Il manque au moins 500 000 euros pour assurer le renouvellement et le repeuplement de certaines zones et l'entretien des ouvrages d'art. Plus grave, une partie significative de ces crédits sont inscrits au programme 180 « Prévention des risques » qui dépend du ministère de l'environnement, et les montants alloués ces trois dernières années sont divisés par deux. Alors que les phénomènes d'érosion se multiplient en montagne, les préfets et les collectivités n'ont plus les moyens de faire réaliser les expertises et les ouvrages de protection nécessaires contre les risques hydrauliques et les glissements de terrain.
Yannick Botrel a tout lieu de se satisfaire de la légère baisse des crédits des programmes « Forêts » et « Sécurité sanitaire », conforme aux objectifs de réduction de la dépense globale de l'État. En revanche, je comprends qu'on ne puisse valider de telles propositions budgétaires. Les organisations agricoles s'inquiètent du peu de moyens qui leur sera dévolu pour surmonter la crise qu'elles subissent. Les plans d'urgence ne seront pour la plupart pas financés en 2015, ce qui aura des incidences en 2016 alors que le budget est déjà réduit. Les exploitants agricoles n'arrivent plus à joindre les deux bouts, et le secteur agricole a besoin de moyens pour financer ses évolutions structurelles. On a su, pour les collectivités locales, introduire dans le projet de loi de finances pour 2016 une réforme de la DGF mais on reste impuissant en ce qui concerne les activités agricoles. Notre agriculture souffre d'un manque de compétitivité. Puisqu'on ne peut fonctionner avec des prix artificiellement fixés et déconnectés du marché, il faut réduire les charges pesant sur les agriculteurs - réduction qui ne pourra se faire que sur les postes sur lesquels les pouvoirs publics ont une certaine maîtrise. Un allègement de charges s'impose. Les quelques mesures que prévoit le Gouvernement ne suffiront pas à satisfaire l'ensemble de la profession. L'agriculture reste un facteur d'aménagement du territoire très significatif dans notre pays : si le nombre d'exploitations agricoles baisse de 3 %, il continue à se créer chaque année dans le Finistère 300 emplois salariés de plus dans l'agriculture. Au vu des annonces faites en 2015, les mesures d'urgence pourront-elles être financées en 2016 ? Sera-t-il possible de baisser les charges qui pèsent sur les agriculteurs, afin qu'ils puissent équilibrer leurs comptes ?
Les rapporteurs ont insisté sur la situation inquiétante du monde agricole, et notamment celle des éleveurs. Les moyens humains ont baissé. Comment cette diminution se répartit-elle entre l'administration centrale et les directions locales de l'agriculture qui ont été englobées dans les directions départementales des territoires ? La dispersion est telle que l'on n'a quasiment plus de moyens pour gérer les risques et les aléas. Des pistes sont-elles envisagées pour combler ce manque ?
C'est un paradoxe que les crédits de l'agriculture soient en baisse, alors que plusieurs filières sont en crise. Comment justifier la baisse de la compensation des exonérations de charges sociales pour l'embauche des travailleurs saisonniers ? En Allemagne, c'est l'inverse qui se produit. L'an passé, les crédits consacrés à l'installation des jeunes agriculteurs avaient augmenté. Pourquoi cette dotation baisse-t-elle de 6 % cette année ? La baisse des crédits alloués aux mesures environnementales et climatiques est surprenante ; idem pour l'agriculture biologique. Dans le cadre de la transition énergétique, on aurait pu s'attendre à leur maintien. Enfin, les chambres d'agriculture accompagnent l'aménagement du territoire, notamment en secteur très rural. Beaucoup n'arrivent plus à payer leurs charges, car l'État a puisé dans leurs réserves ces dernières années.
Le rapporteur général a eu raison de lier le budget de l'agriculture au budget européen : on ne peut s'en tenir au budget franco-français en matière d'agriculture. Dire que les crédits en matière agricole diminuent en 2016 n'est pas objectif. Si le budget national pour l'administration baisse de 2,8 %, celui de la PAC est à un niveau que nous n'aurions jamais pensé atteindre il y a quelques années. Si l'on cumule le budget européen et le budget agricole français sur la partie interventions agricoles, il n'y a pas de baisse des crédits. Ce matin, au petit-déjeuner organisé par la fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles, le président de la fédération, très positif quant au budget, a surtout évoqué les normes et le plan Ecophyto 2. Quant au budget consacré au soutien à l'élevage, le Premier ministre s'est engagé à prévoir les financements nécessaires dans le projet de loi de finances rectificative.
Oui, et nous aurons les orientations pour 2016. Je ne vois pas pourquoi le Gouvernement reviendrait sur ces engagements pris en concertation avec le syndicat majoritaire. On enregistre dans ce budget 1,7 milliard d'euros de baisse de charges : le pacte de responsabilité s'applique aussi pour les agriculteurs. Est également prévue la création de 185 postes pour l'enseignement et la recherche, essentiels pour améliorer la compétitivité de notre agriculture. Ce n'est jamais assez. Considérons cependant ce qui a augmenté. Pour avoir une activité compétitive, nous devrons changer de modèle, ce que nous ne pourrons faire qu'en développant la recherche. Si le budget consacré à l'installation des jeunes agriculteurs est en légère baisse, c'est qu'on s'est engagé sur 6 000 installations en 2016, comme en 2015 - or les crédits prévus l'an dernier n'ont pas été intégralement dépensés. Avec la multiplication des crises sanitaires, les postes de contrôleur que l'on créera aideront les éleveurs face à des maladies comme la fièvre catarrhale ovine (FCO). Dans ce genre de crise, l'Europe doit lâcher du lest. Elle ne peut se contenter de fermer un cheptel.
Sur l'amortissement des Cuma, le rapporteur général a raison. Il faudra vérifier la régularité du suramortissement pour les coopératives par rapport à leur régime fiscal. Si c'est juridiquement possible, nous serons favorables à cette extension du suramortissement.
Enfin, nous n'avons jamais eu autant de moyens pour soutenir l'export. Une plateforme a été mise en place. Elle est gérée à la fois par le ministère des affaires étrangères, le ministère de l'économie et des finances et le ministère de l'agriculture. En réalité, il n'y a aucune baisse d'interventions dans ce budget. En revanche, on constate une baisse dans l'administration centrale. Les moyens des ex-directions départementales de l'agriculture ont fondu, car la révision générale des politiques publiques est passée par là.
Cela pose problème dans les départements très ruraux. Quant aux chambres d'agriculture, elles sont sorties de ce budget. Le programme d'amaigrissement de trois ans qui leur était consacré a été stoppé pour prendre en compte leurs difficultés. Telles sont les raisons pour lesquelles nous devrions voter les crédits de cette mission.
Yannick Botrel regrette que le contrat d'objectifs et de performances sur les forêts révise ses ambitions à la baisse. La France est un grand pays forestier, je suis surpris que nos ambitions ne soient pas à la hauteur de ce patrimoine. Suivons l'exemple de la Suède, avec sa filière Tetra Pack, très organisée. Il faudrait faire de la forêt une cause nationale.
J'ai été surpris par la démonstration de notre rapporteur sur la balance commerciale agricole, qui procède en retirant les vins et les alcools. L'agroalimentaire est notre deuxième fleuron derrière l'aéronautique et devant les produits de luxe et les cosmétique et encore devant la pharmacie. La filière vins et spiritueux a connu il y a une quinzaine d'années un problème qualitatif important qui a incité la profession à améliorer ses produits et à développer l'export.
Comme le rapporteur général, je déplore le nombre excessif de contrôleurs. Ce matin, Xavier Beulin nous le disait encore. Pour le suramortissement des Cuma, il me semble que c'est un amendement du projet de loi de finances pour 2016 qui l'autorise, pas la loi Macron. L'érosion des crédits est généralisée. Comme le dit Michel Canevet, les besoins sont pourtant très réels. Or, on constate une certaine schizophrénie entre la promesse du Gouvernement de dégager 600 millions d'euros pour les éleveurs et le plan de compétitivité et d'adaptation des exploitations agricoles dont la dotation augmente de 30 millions d'euros par rapport à l'an passé, ce qui est tout à fait insuffisant à l'heure où la compétitivité est notre talon d'Achille. Je rejoins Antoine Lefèvre : il est en effet paradoxal que les crédits baissent. Le budget prévoit 7,5 millions d'euros de compensation de moins sur les travailleurs occasionnels. Je suis heureux que Didier Guillaume prenne le président de la FNSEA pour un messie.
La mission enregistre en 2016 une perte de 677 postes par rapport à 2015.
Le nombre des contrôleurs en revanche ne diminue pas. Les normes et les contrôles sont insupportables pour les agriculteurs. Faisons-leur un peu confiance, ils sont là pour travailler. Enfin, monsieur Lalande, j'ai simplement dit que notre balance commerciale agricole et agroalimentaire était négative si l'on retranche les exportations de vins et d'alcools, ce qui signifie que la part traditionnelle de nos exportations se détériore.
Le budget du ministère de l'agriculture s'établit en 2016 à 4,5 milliards d'euros, en diminution de 2,8 %. Un certain nombre de transferts de dépenses s'opèrent sur le budget européen. Les crédits RTM alloués par l'État concernent la création et l'entretien d'un parc de 20 000 ouvrages de génie civil (pare-avalanches, barrage etc.). Il concerne également le génie biologique et se répartit sur pas moins de 392 000 hectares. Dans l'exécution budgétaire de 2014, nous serions à 9,5 millions d'euros en d'autorisations d'engagement et à 7 millions d'euros en crédits de paiement. En 2016, le budget prévoit une reconduction à 9 millions d'euros en autorisations d'engagement et à 9, 7 millions d'euros en crédits de paiement.
Le rapporteur général a parlé de l'enrésinement d'un certain nombre de massifs. Les besoins en résineux représentent 70 % du marché. C'est une revendication des professionnels que de planter ce bois d'avenir, essentiel dans le bâtiment. À Rennes, on a construit un collège entier tout en bois. Le pôle de recherche Xylofutur devrait contribuer à développer encore davantage les possibilités de ce marché. Le Fonds forestier national a été supprimé au début des années 2000. Lorsqu'il existait, on repeuplait 50 000 hectares chaque année ; nous en sommes désormais à 5 000. Tous les professionnels déplorent cette carence.
La crise de l'agriculture est triple. La consommation de viande bovine diminue chaque année. Notre filière est de grande qualité, or 50 % de la viande est utilisée pour des steaks hachés, sans aucune exigence de qualité, de sorte que les éleveurs en viennent à brader leur viande. La fièvre catarrhale ovine aggrave la crise, même si le président de la FNSEA estime que le Gouvernement a plutôt bien géré la situation. L'Italie a bloqué ses importations, l'Espagne également, la Turquie a fermé ses frontières. Le plan d'urgence devrait faire effet progressivement. Tous les agriculteurs ne sont pas atteints de la même manière.
Les besoins doivent être identifiés ; le projet de loi de finances rectificative viendra réajuster les moyens mis à disposition pour sauver tout ce qui peut l'être. Des initiatives importantes ont été prises en matière de contributions sociales. Au-delà de la question économique, il faut agir sur la fiscalité et les charges sociales.
Le ministre n'a pas non plus ménagé sa peine sur la filière porcine, également en crise. L'accord trouvé est une réussite. Certains opérateurs en position hégémonique peuvent dicter leurs conditions : quand un abattoir qui représente 40 % des abattages nationaux ne veut pas jouer le jeu, on est vite bloqué. Un effort est fait en faveur de la modernisation des équipements dans les exploitations, qu'il s'agisse du parc des bâtiments ou des outils industriels. Les abatteurs qui disposent de l'ensemble de la filière, jusqu'à la commercialisation, sont en capacité de réaliser des investissements tels que ceux que Leclerc a réalisés à l'abattoir de Kermené dans les Côtes-d'Armor, le plus moderne au monde, dit-on. Il faudrait reconsidérer l'ensemble de la filière par segment.
Après les ponctions opérées ces dernières années, les chambres d'agriculture sont encouragées à se restructurer. Les créations de postes concernent surtout les contrôleurs sanitaires - un contrôle nécessaire et productif qui garantit la qualité de nos exportations.
Enfin, pour gérer les risques, un système assuranciel s'installe et devrait monter en puissance. Les fonds communautaires sont également sollicités, et devraient couvrir 100 % des besoins sous peu.
En 2016, il ne restera rien du plan d'urgence pour l'élevage, sauf les 30 millions d'euros de plus pour le plan pour la compétitivité et l'adaptation des exploitations agricoles (PCAE).
En ce qui concerne les refus d'apurement, la France se situe dans la bonne moyenne. Bon an mal an, environ 2 % des versements émanant de l'Europe donnent lieu à des constats d'erreurs dans la plupart des pays. Cela pèse particulièrement en France vu l'importance des sommes en jeu. Quant aux responsabilités, Bruxelles nous a répondu que certaines administrations nationales avaient été plus perspicaces en ce qui concerne la transposition et l'application des règles, notamment dans le domaine paysager. La situation devrait s'améliorer.
La France surtranspose-t-elle ou non les normes environnementales européennes ?
C'est une tradition franco-française que de rajouter des normes, de laver plus blanc que blanc. Le monde agricole n'est pas le seul à s'en plaindre. Déjà en 52 avant Jésus-Christ, l'administration gallo-romaine était très vétilleuse.
Une mission a été mise en place par le monde agricole qui rendra son rapport en février 2016. Le Gouvernement s'est engagé à revenir sur ces normes en cas de sur-transposition avérée.
Dans le cadre de la procédure d'apurement, on nous a clairement dit que la France avait sur-transposé. Il faut se rappeler que le contrôleur lui-même est contrôlé, et ne tient pas à voir son travail invalidé.
Dans la période récente, le Gouvernement s'est montré efficace sur la restructuration des élevages hors sol. Alors qu'il y a encore un an, il fallait deux ans pour construire un bâtiment agricole dans les Côtes-d'Armor, le délai est désormais réduit à quatre mois pour les porcheries et les élevages de volailles. Jusqu'à 40 000 unités pourront bénéficier d'un régime d'enregistrement simple, ce qui contribue à réduire les délais.
À l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat de ne pas adopter les crédits de la mission «Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales».
Elle décide de proposer au Sénat d'adopter sans modification les crédits du compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural ».
La commission donne acte de leur communication à MM. Yannick Botrel, Alain Houpert et François Marc, rapporteurs spéciaux, et en autorise la publication sous la forme d'un rapport d'information.
Enfin, la commission procède à l'examen du rapport de M. Jean-François Husson, rapporteur spécial, sur la mission « Écologie, développement et mobilité durables » et le compte d'affectation spéciale « Aides à l'acquisition de véhicules propres », du rapport de Mme Marie-Hélène des Esgaulx, rapporteur spécial, sur les programmes « Infrastructures et services de transports » et « Sécurité et affaires maritimes, pêche et aquaculture » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » et le compte d'affectation spéciale « Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs », et du rapport de M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur spécial, sur le programme « Météorologie » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » et le budget annexe « Contrôle et exploitation aériens ».
En 2016, la mission « Écologie, développement et mobilité durables » contribuera largement à la réduction des dépenses publiques, ses autorisations d'engagement diminuant de 8 %, et ses crédits de paiement de près de 2 %. La réduction de 671 emplois, soit 2,18 % de ses effectifs, fait de ce ministère le deuxième contributeur derrière celui de l'économie et des comptes publics. La mission fait l'objet d'un traitement budgétaire rigoureux depuis au moins quatre exercices, aussi bien en loi de finances initiale qu'en exécution, à travers des annulations très substantielles de crédits, ce qui rend la fin de gestion particulièrement complexe.
De façon plus préoccupante, les efforts demandés au ministère depuis quatre ans, sans adaptation de ses missions, font peser plusieurs risques : les services comme les opérateurs atteignent leurs limites et peinent à assurer le renouvellement des compétences humaines, ce qui compromet le niveau d'expertise qu'ils peuvent apporter dans la mise en oeuvre des politiques oeuvrant en faveur de l'environnement. En outre, la plupart d'entre eux se trouvent dans une situation de sous-investissement chronique qui les oblige à ponctionner leur fonds de roulement et fragilise leur situation financière. Enfin, l'absence de visibilité sur leurs ressources peut inhiber leur capacité à lancer des projets et des interventions. Tout cela rend la mise en oeuvre des politiques portées par le ministère de plus en plus difficile, et fait peser une incertitude sur l'atteinte des objectifs assignés par les directives européennes dans le domaine environnemental.
Certes, il ne faut pas réduire les moyens d'une politique aux crédits budgétaires et, en l'espèce, nombreuses sont les ressources extrabudgétaires : dépenses fiscales, programme d'investissements d'avenir, contribution au service public de l'électricité (CSPE), certificats d'économie d'énergie. Pour autant, le Parlement ne dispose que d'une information partielle, voire inexistante, et d'un pouvoir de contrôle des plus limités sur l'évolution, l'usage et l'efficacité de ces moyens, ce qui plaide pour un enrichissement des documents budgétaires dans ce domaine.
Au-delà, si l'on ne peut caractériser la qualité d'un budget au regard du niveau des crédits attribués, je voudrais pour ma part insister sur les nombreux défauts qui entachent la politique du Gouvernement dans le domaine écologique, énergétique et environnemental, et qui justifient selon moi le rejet des crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » comme du compte d'affectation spéciale « Aides à l'acquisition de véhicules propres ».
Vous le savez, la fin d'année 2015 et l'année 2016 s'inscrivent dans le contexte particulier de l'organisation de la COP 21 à Paris et de la mise en oeuvre de la loi sur la transition énergétique pour la croissance verte. Or, le budget 2016 ne paraît pas suffisamment ambitieux à cet égard. Plus grave, on ne distingue ni cohérence, ni stratégie claire de la part du Gouvernement, mais plutôt des contradictions. Je vais illustrer mon propos de quelques exemples.
Dans le domaine de l'eau et de la biodiversité, on ne peut que regretter le peu d'empressement du Gouvernement à inscrire à l'ordre du jour du Sénat l'examen en séance publique du projet de loi sur la biodiversité, alors que ce texte a été présenté en conseil des ministres en mars 2014 et examiné par l'Assemblée il y a plus de six mois ! Cela a notamment pour conséquence de retarder la création de l'Agence française de la biodiversité, un opérateur qui doit regrouper plusieurs établissements oeuvrant dans le domaine de la biodiversité terrestre et marine, et qui offre d'intéressantes perspectives de mutualisation.
De même, les agences de l'eau, dont les interventions sont déterminantes pour l'atteinte des objectifs fixés par la directive-cadre sur l'eau et la directive sur les eaux résiduaires urbaines, et dont le projet de loi sur la biodiversité élargit les missions, feront l'objet en 2016, pour la troisième année consécutive, d'un prélèvement sur leur fonds de roulement, ainsi que d'un plafonnement de leurs taxes affectées.
Dans le domaine de la transition énergétique, le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cérema), jeune opérateur issu de la fusion de onze services en 2014, qui apporte à l'État et aux acteurs territoriaux un appui d'ingénierie et d'expertise sur les projets d'aménagement, voit sa montée en puissance compromise par une réduction très marquée de ses moyens. C'est regrettable parce que cet opérateur aurait certainement vocation à devenir un partenaire précieux des collectivités dans le contexte de la réforme territoriale et de la baisse des dotations.
De même, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) verra également ses moyens globalement réduits, notamment par un prélèvement de 90 millions d'euros sur son fonds de roulement, alors que ses missions augmentent dans le cadre de l'application de la loi sur la transition énergétique pour la croissance verte. On peut ainsi s'étonner des priorités du Gouvernement : pourquoi ponctionner le fonds de roulement de l'ADEME, bras armé du ministère dans le domaine de la transition énergétique, et pas aussi, par exemple, celui du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC), opérateur qui ne connaît pas une extension de ses missions et qui échappe par ailleurs, cette année encore, au plafonnement de ses taxes affectées ?
Dans le domaine de la lutte contre la pollution, il me paraît prématuré de réduire le montant des bonus accordés aux véhicules hybrides, alors que la vente de ce type de voitures a commencé à prendre son essor en 2015. Je relève cependant avec satisfaction que le bonus en faveur des véhicules électriques sera maintenu à son niveau actuel, ce qui paraît de nature à conforter la dynamique constatée cette année.
Enfin, dans le domaine fiscal, le projet de loi de finances pour 2016 ne comporte que très peu de dispositions en faveur de la transition écologique. Et si le Gouvernement a annoncé un ensemble de mesures dans le collectif budgétaire, je constate qu'il ne semble pas avoir de stratégie globale et cohérente, puisqu'il a fait adopter par l'Assemblée nationale, de façon isolée, une hausse du prix du diesel qui financera des mesures en faveur des ménages modestes et non pas des actions en faveur de l'environnement ou de la transition énergétique.
Quant à la réforme de la CSPE, nous attendons avec impatience les propositions de la ministre car, malgré nos demandes répétées, nous n'avons toujours pas eu accès au rapport de l'Inspection générale des finances (IGF). Et nous saurons répéter le message que nous avions porté au moment de l'examen du projet de loi sur la transition énergétique.
Ces observations me conduisent à proposer de ne pas adopter les crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », ni ceux du compte d'affectation spéciale « Aides à l'acquisition de véhicules propres ».
Je vais vous présenter les programmes 203 « Infrastructures et services de transports » et 205 « Sécurité et affaires maritimes, pêche et aquaculture » de la mission « Écologie », dont je suis co-rapporteur avec Jean-François Husson et Vincent Capo-Canellas. Je vous présenterai également les crédits du compte d'affectation spéciale (CAS) « Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs ».
Comme les années précédentes, je regrette que le budget des infrastructures et services de transport ne bénéficie pas d'une mission à part entière alors qu'il s'agit pourtant d'un enjeu financier et socio-économique considérable pour notre pays. J'ajoute que tant d'un point de vue administratif que parlementaire, la politique publique des transports est bien distincte de la politique publique en faveur de l'écologie.
Le programme 203 dont je suis le rapporteur ne présente qu'une partie des dépenses consacrées aux transports en raison du rôle majeur joué par l'Agence de financement des infrastructures de transports de France (AFITF) dans le financement des grandes infrastructures.
Établissement public administratif de l'État créé en 2004 et placé sous la tutelle de la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM), l'AFITF est financée par des taxes qui lui sont affectées par l'État : redevance domaniale des sociétés d'autoroutes, taxe d'aménagement du territoire, une partie des amendes des radars automatiques et une fraction du produit de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE).
L'AFITF reverse ensuite une partie de son budget sous forme de fonds de concours, en ayant préalablement « fléché » les sommes ainsi reversées vers des projets précis (routes, ferroviaires, fluvial, etc.). Ainsi qu'elle le reconnaît elle-même, l'AFITF est un opérateur « transparent », dont les décisions engagent l'État.
Or, contrairement aux crédits budgétaires, les fonds de concours ne sont qu'évaluatifs et le Parlement ne dispose pas du budget initial de l'AFITF - qu'elle vote en décembre - au moment où il examine le projet de loi de finances
Ainsi, comme le rappelle la Cour des comptes - je la cite - « les documents de programmation budgétaire du programme 203 ne font apparaître ni la totalité des engagements annuels et pluriannuels pris par l'AFITF, ni la répartition des engagements pris par l'AFITF pour le compte de l'État et pour son propre compte. L'ampleur du recours à la technique des fonds de concours en provenance de cet établissement permet au ministère de disposer d'une masse de ressources reportables de droit et sans limite, et qui échappe, au moins directement, aux mesures de pilotage de la dépense publique en gestion ».
Si je ne plaide pas pour une suppression de l'Agence de financement des infrastructures de France (AFITF), je regrette que le circuit budgétaire du financement des infrastructures rende très difficile - voire impossible - de savoir quel est le montant effectivement consacré aux infrastructures en France.
J'en viens à présent à l'analyse de la situation financière de l'AFITF.
Depuis sa création, l'AFITF a engagé 33 milliards d'euros. Selon les premiers éléments qui m'ont été transmis, elle pourrait disposer, en crédits de paiement, de 1,85 milliards d'euros pour ses dépenses d'intervention en 2016.
Fin 2015, il lui restait à mandater une somme d'environ 11,85 milliards d'euros concernant à 63 % le mode de transport ferroviaire, soit un montant correspondant à plus de six exercices au regard de son budget actuel. Son équilibre financier apparaît donc pour le moins instable. Selon Philippe Duron, son président, elle aurait besoin de pouvoir décaisser environ 2,2 milliards d'euros chaque année pour faire face à ses engagements.
Comme vous vous en rappelez, mes chers collègues, l'AFITF aurait dû bénéficier des recettes de l'écotaxe. Or non seulement l'AFITF n'as pas perçu l'écotaxe, mais elle a dû payer les indemnités dues à Ecomouv' en raison de la résiliation du contrat qui liait ce consortium à l'État.
Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2015, j'avais estimé à 830 millions d'euros environ la somme totale que devrait débourser l'État suite au « fiasco » de l'écotaxe. L'« ardoise » est en réalité beaucoup plus lourde, puisqu'elle s'élèvera à 969,2 millions d'euros entièrement financés par l'État, donc par le contribuable, via l'AFITF.
Pour remplacer les recettes que l'AFITF aurait dû percevoir au titre de l'écotaxe et lui permettre de faire face aux décaissements engendrés en 2015 par la résiliation du contrat, la loi de finances pour 2015 lui avait affecté la totalité du produit d'une augmentation de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) sur le gazole pour les véhicules légers (2 centimes d'euros par litre) et le déremboursement d'une partie de l'exonération sur le gazole des poids lourds (4 centimes d'euros par litre), soit la somme de 1 139 millions d'euros pour l'année 2015.
Les décaissements liés à la résiliation du contrat liant l'État à Ecomouv' étant nettement moins importants en 2016 - la moitié a été payée en février dernier, et le solde sera acquitté sur dix ans -, l'article 14 du présent projet de loi de finances prévoit que l'État n'affectera l'an prochain à l'AFITF qu'une fraction du rehaussement de la TICPE, soit un montant de 715 millions d'euros. Or, de l'aveu du président de l'AFITF, l'Agence ne parviendra pas à faire face au rythme de ses paiements et aurait besoin de 400 millions d'euros supplémentaires pour 2016.
Étant donné que la situation financière de l'AFITF est très dégradée, comme je vous l'ai rappelé, j'estime pour ma part qu'il sera nécessaire de lui affecter de nouveau en 2016 l'intégralité du rehaussement de la TICPE. Je déposerai donc un amendement dans ce sens à l'article 14 du projet de loi de finances.
S'agissant du programme 203 proprement dit, les crédits sont en légère diminution.
Sur les 3,2 milliards d'euros du programme, l'essentiel de la dépense est constitué par la subvention versée à SNCF Réseau (ex-Réseau ferré de France), d'un montant de 2,5 milliards d'euros. L'entretien routier et la subvention à l'établissement public Voies navigables de France (VNF) subiront pour leur part une légère érosion par rapport à 2015.
Pour les différentes raisons que j'ai évoquées précédemment - absence de mission propre aux transports, illisibilité du budget qui leur est consacré, situation financière dégradée de l'AFITF et sous-évaluation délibérée du coût pour le citoyen du « fiasco » de l'écotaxe - je vous appellerai également à rejeter les crédits de la mission « Écologie ».
J'en viens maintenant au programme 205 « Sécurité et affaires maritimes, pêche et aquaculture ».
La dotation du programme en 2016 s'établit à 185,9 millions d'euros en autorisations d'engagements (AE) et 183,4 millions d'euros en crédits de paiement (CP), soit un recul relativement significatif de - 1,9 % pour les premières et de - 3 % pour les seconds.
34,7 % des crédits du programme, soit 64,5 millions d'euros, visent à soutenir, via des exonérations de cotisations sociales patronales, le secteur du transport maritime français, confronté à une concurrence internationale exacerbée dans le contexte de la mondialisation. Ces crédits diminueront en 2016 en raison des pertes d'emploi dans le transport de passagers, je pense aux difficultés de la Société nationale Corse Méditerranée (SNCM) ou de MyFerryLink.
En revanche, les crédits consacrés aux missions régaliennes de sécurité et de sûreté en mer et à la formation des marins resteront stables.
J'en viens enfin au compte d'affectation spéciale (CAS) « Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs ».
Ce compte porte les crédits destinés à financer les trains d'équilibre du territoire (TET), c'est-à-dire une trentaine de lignes structurellement déficitaires dont l'exploitation est assurée par SNCF Mobilités sous l'autorité de l'État.
Historiquement, la SNCF assurait une péréquation interne entre ses TGV, excédentaires, et les TET, déficitaires.
Depuis 2010, l'État affecte des taxes au présent compte d'affectation spéciale afin de compenser le déficit d'exploitation de SNCF Mobilités dû aux TET ainsi que la régénération du matériel roulant.
Le déficit d'exploitation de ces lignes s'est aggravé ces dernières années, la fréquentation des TET ayant diminué de 20 % depuis 2011, notamment en raison de l'essor du covoiturage. Pour tenir compte de cette réalité, les crédits du CAS atteindront 216,2 millions d'euros en 2016, soit une hausse significative de 13,3 % par rapport à 2015.
Dans ce contexte, le secrétaire d'État chargé des transports a mis en place en novembre 2014 une commission « TET d'avenir » et lui a confié la mission d'étudier les dysfonctionnements actuels de l'offre TET afin de proposer des axes d'amélioration.
Estimant que le partage des responsabilités entre l'État et SNCF Mobilité manquait de lisibilité, cette commission a préconisé un renforcement du rôle d'autorité organisatrice de l'État.
En matière d'offre, elle a plaidé en faveur d'une consolidation des lignes à fort potentiel et d'une reprise par les TER ou des services d'autocar des lignes les moins fréquentées.
Elle a relevé la nécessité de renouveler le matériel roulant de l'ensemble des lignes TET qu'elle préconise de maintenir en soulignant que la moyenne d'âge de ce matériel était de 35 ans.
Enfin, elle a proposé d'expérimenter l'ouverture à la concurrence des lignes TET, dans un premier temps pour les lignes de nuit.
Sur la base des préconisations de cette commission, le Gouvernement a confié à un préfet, François Philizot, la mission de proposer, en concertation avec l'ensemble des parties prenantes, et en particulier les régions, des évolutions de l'offre et de la gouvernance des TET d'ici mai 2016. Ce n'est donc qu'à partir de cette date que seront prises les décisions difficiles relatives au maintien ou non des lignes TET les plus déficitaires.
Enfin, le Gouvernement a annoncé le renouvellement d'ici 2025 du matériel roulant sur les lignes TET structurantes, ce qui représentera au total un engagement financier de 1,5 milliard d'euros.
S'agissant de ce compte d'affectation spéciale, je vous propose que nous adoption les crédits.
Je vais vous présenter le programme 170 « Météorologie » ainsi que le budget annexe « Contrôle et exploitation aériens ».
Le programme 170 « Météorologie » porte la principale subvention de l'État à l'opérateur Météo-France pour un montant de 199,8 millions d'euros, en baisse de 4 millions d'euros par rapport à 2015.
Selon les informations qui m'ont été transmises, le budget prévisionnel de Météo-France pour l'année 2016 devrait s'élever à environ 405,6 millions d'euros, en hausse de 5 % par rapport au budget prévu pour 2015.
Cette augmentation constitue en réalité un trompe l'oeil : elle s'explique uniquement par la hausse de la subvention portée par le programme 193 destinée à financer la participation de la France au programme européen de satellites météorologiques EUMETSAT qui ne fait que « transiter » par le budget de Météo-France.
Si l'on exclut cette subvention, le budget de l'opérateur baissera en réalité de 3,8 millions d'euros en 2016.
Alors que la dotation du présent programme 170 diminuera pour la quatrième année consécutive, l'établissement public rencontre toujours autant de difficultés à lutter contre l'érosion de ses recettes commerciales, ce qui le conduit à devoir comprimer fortement ses dépenses.
Après la suppression de 85 équivalents temps plein travaillés (ETPT) en 2015, Météo-France verra ses effectifs diminuer de 78 ETPT en 2016 - soit le non-remplacement de 8 départs sur 10, un effort de gestion considérable ! -, ce qui permettra de réduire la masse salariale de 5,5 millions d'euros par rapport à 2015.
La réorganisation du réseau territorial de Météo-France, décidée en 2008 dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP), visait à réduire sur la période 2012-2016 de 108 à 55 les implantations locales de l'opérateur, afin de ne conserver que les 7 directions interrégionales et seulement 48 centres météorologiques et stations spécialisées.
45 des 53 dont la fermeture avait été programmée auront été fermées d'ici la fin 2015, la fermeture des 8 restantes devant intervenir en 2016. Mesurez l'effort de dialogue qui a été réalisé !
Il faut aussi saluer la poursuite de la baisse des dépenses de fonctionnement de Météo-France, puisque le budget prévisionnel de l'établissement prévoit de réaliser 2 millions d'euros d'économies sur ce poste, soit un recul de près de 5 %.
En dépit de ces efforts, Météo-France aura recours pour la troisième fois d'affilée en 2016 à un prélèvement de l'ordre de 1,1 million d'euros sur son fonds de roulement pour combler son déficit d'exploitation.
22 millions d'euros seront consacrés en 2016 aux investissements, en particulier à la modernisation des réseaux d'observation (radars, réseaux au sol, radiosondage) et au renouvellement des équipements de stockage des données.
Lors de son audition par votre rapporteur spécial, le président-directeur général de Météo-France a mis en avant sa volonté de « rehausser la courbe de l'investissement à partir de 2017 ». En effet, l'activité de prévision devient de plus en plus intensive en capital et repose sur des technologies de calcul de plus en plus puissantes. Ainsi, le Royaume-Uni s'est récemment doté d'un supercalculateur, quinze fois plus puissant que celui actuellement en service à Météo-France, pour un montant de 120 millions d'euros.
Si Météo-France veut maintenir son rang, il sera donc contraint d'investir davantage à l'avenir.
Pour y parvenir, il lui faudra nécessairement augmenter ses ressources commerciales. Le nouveau contrat d'objectifs et de performance qui sera négocié en 2016 avec la tutelle devra mettre l'accent sur ce point.
Dans cette perspective, l'établissement public devra :
- reconquérir des parts de marché dans le secteur des services au grand public en prenant pleinement en compte l'évolution des usages (sites internet mobile, applications mobiles, applications tablettes, objets connectés, etc.), dans un contexte de forte croissance du marché publicitaire sur les supports mobiles. Le profond renouvellement du site internet en 2013 et de l'application mobile à l'été 2015 vont déjà dans ce sens et ont permis de développer l'offre commerciale en ligne, qui bénéficie d'environ un million de visites quotidiennes ;
- accroître le volume des prestations météorologiques aux professionnels, qui représentent un marché estimé à 40 millions d'euros environ pour le territoire français en 2014 (Météo-France détient actuellement 50 % de ce marché). Selon l'opérateur, 40 % des entreprises seraient en effet « météo-sensibles » (secteurs de l'agriculture, du BTP, de l'énergie, des transports ou bien encore du sport) et sont à la recherche d'information météorologiques toujours plus précises et de services réactifs et innovants.
Compte tenu des efforts réalisés par Météo-France pour réduire ses dépenses, les crédits du programme 170 « Météorologie » appellent de ma part un avis favorable. Néanmoins, compte tenu de l'avis de mes co-rapporteurs sur les autres programmes de la mission « Écologie », je voterai contre la mission dans son ensemble.
En conclusion, je voudrai vous faire part de mon indignation devant la procédure suivie par l'État pour la reconduction de Jean-Marc Lacave, président-directeur général de Météo-France, dont le décret de nomination n'est intervenu que six mois après l'expiration de son premier mandat, ce qui n'a pas manqué de le déstabiliser en interne dans un contexte social déjà difficile. Il a été laissé, comme un oiseau sur la branche, en intérim durant six mois. Comment est-ce possible pour ce type de postes ?
J'en viens à présent au budget annexe « Contrôle et exploitation aériens », dit « BACEA », qui retrace les activités de production de biens et de prestation de services de la direction générale de l'aviation civile (DGAC), qui concentre l'ensemble des missions de l'État dans le domaine de l'aviation civile (circulation aérienne, sécurité et sûreté du transport aérien, régulation économique et sociale du secteur, développement durable).
Comme pour tous les budgets annexes, le BACEA est présenté à l'équilibre ; ses dépenses sont financées principalement par les recettes tirées de l'activité des services et, le cas échéant, par le recours à l'emprunt. Le BACEA est donc financièrement autonome et ne perçoit aucune subvention du budget général.
Hors emprunt, les recettes du budget annexe devraient s'élever en 2016 à un peu plus de 2 milliards d'euros, en croissance de 1 % par rapport à 2015.
Il s'agit pour l'essentiel de redevances telles que les redevances de navigation aérienne et les redevances de surveillance et de certification, acquittées par les acteurs du transport aérien en rémunération des services rendus par la DGAC.
En outre, le budget annexe perçoit la taxe de l'aviation civile (TAC), due par les entreprises de transport aérien public en fonction du nombre de passagers et du fret embarqués en France, pour un montant de 393,9 millions d'euros en 2016.
Autrement dit, le budget annexe est exclusivement financé par le secteur du transport aérien. Dès lors, l'évolution du trafic et la bonne santé des compagnies française ont une influence décisive sur son équilibre financier.
Si le trafic aérien touchant la France a connu une forte croissance de 45 % entre 2003 et 2014, celle-ci a peu profité aux transporteurs français qui ont perdu d'importantes parts de marché tout au long de cette période. La part du pavillon français est ainsi passée de 54,3 % en 2003 à 44,8 % en 2014.
Les difficultés des compagnies françaises s'expliquent avant tout par la très forte concurrence des compagnies à bas coût (Easy Jet, Ryan Air) sur le segment du court et du moyen-courrier en France et en Europe et des compagnies du Golfe persique (Etihad, Qatar Airways, Emirates) sur le long courrier, en particulier à destination de l'Asie. Face à ces acteurs très agressifs commercialement et parfois subventionnés par les États, les compagnies françaises, en particulier Air France, souffrent d'un grave déficit de compétitivité.
Certes, Air France est parvenue à réduire progressivement ses pertes d'exploitation et à réaliser un résultat positif en 2014 (hors grève des pilotes en septembre 2014). En raison de la forte demande à l'été et de la baisse des prix du pétrole, le résultat de 2015 devrait marquer une nouvelle hausse. Il demeurera malgré tout insuffisant pour permettre à l'entreprise d'investir et de rembourser une dette devenue trop élevée.
De fait, les coûts unitaires d'Air France restent supérieurs, selon les activités, de 15 % à 30 % à ceux des compagnies équivalentes telles que British Airways ou Lufthansa.
Afin d'y remédier, le nouveau Plan « Perform 2020 » proposé par la direction d'Air France vise à améliorer la productivité de l'ensemble des personnels de la compagnie, afin que les coûts unitaires convergent vers ceux des concurrents. Dans cette perspective, les négociations avec les personnels navigants ont pour objet l'accroissement de 100 heures de vol par an à rémunération constante.
L'enjeu est de parvenir à une baisse des coûts unitaires, hors change et carburant, de 8,5 % en 2017 par rapport à 2014 et de rendre 80 % des lignes bénéficiaires sur le long-courrier, alors que seule la moitié d'entre elles le sont aujourd'hui. Ce retour durable à la profitabilité (l'objectif de la direction est un résultat d'exploitation de 700 millions d'euros en 2017) permettrait l'ouverture de cinq nouvelles lignes en 2017-2018.
En l'absence d'accord avec les partenaires sociaux représentant les différentes catégories de personnels, la direction d'Air France pourrait mettre en place un plan d'« attrition » qui représenterait un véritable danger pour l'avenir du fleuron du pavillon français. Fermer une ligne est facile, faire revenir la clientèle sur une ligne rouverte l'est moins !
Selon les dirigeants de l'entreprise, dont je voudrais dire ici combien j'ai trouvé la communication pour le moins maladroite, les sureffectifs entrainés par cette baisse d'activité concerneraient 2 900 postes d'ici 2017, dont 1 700 postes au sol, 900 PNC et 300 pilotes. Les départs volontaires seraient privilégiés mais le recours à des départs contraints ne serait pas exclu.
Si les mesures de 2016 semblent actées (1 000 départs volontaires, retrait de cinq avions de la flotte), celles de 2017, les plus douloureuses, peuvent encore être amendées par le dialogue social.
L'adoption de nouvelles mesures de compétitivité, à partir du plan « Perform 2020 », apparaît donc indispensable pour lutter à armes égales avec les autres compagnies et éviter un plan d'« attrition » dont les conséquences ne pourraient être, selon moi, que néfastes à long terme.
Suite aux préconisations du rapport « La compétitivité du transport aérien français » présenté l'an dernier par le groupe de travail présidé par Bruno Le Roux, les compagnies aériennes ont été exonérées du paiement de la taxe de l'aviation civile à 50 % pour les passagers en correspondance depuis le 1er avril 2015. Cette exonération sera portée à 100 % à compter du 1er janvier 2016. Elle concernera en 2016 12,6 millions de passagers et entraînera une diminution de recettes de 63,5 millions d'euros.
Si cette mesure constituera un incontestable ballon d'oxygène pour le pavillon français, elle n'est pas suffisante.
Nous devons envisager d'autres pistes et notamment une affectation à 100 % de la taxe sur l'aviation civile au BACEA afin que l'argent prélevé sur le secteur aérien serve uniquement à améliorer sa compétitivité ; un élargissement de l'assiette de la taxe de solidarité qui repose exclusivement sur nos compagnies aériennes - même si ce sujet, sensible politiquement, a peu de chances d'aboutir ; un allègement des cotisations sociales du personnel navigant, sur le modèle du régime shipping qui soutient l'emploi dans le secteur de la navigation maritime. Une telle mesure, intéressante dans son principe, n'est pas encore mûre techniquement et nécessiterait des négociations au niveau européen ; un financement par l'État des investissements de sûreté dans les aéroports qui reposent actuellement sur les transporteurs via la taxe aéroportuaire. Selon moi, l'affectation à 100 % de la taxe sur l'aviation civile au BACEA et le financement par l'État des investissements de sûreté des aéroports sont probablement les hypothèses que nous devrions le plus sérieusement étudier.
J'en reviens à la présentation du BACEA stricto sensu.
Les dépenses relatives à la masse salariale et au fonctionnement courant du budget annexe connaîtront une diminution en 2016. Cette année, les économies sur les dépenses de personnel, dont les différents statuts demeurent très favorables, sont plus sensibles, même s'il est sans doute possible d'aller plus loin.
Pour l'année 2016, la DGAC devra consentir une légère réduction de 1,9 % de son effort d'investissement, puisque celui-ci passera à 252,6 millions d'euros. En dépit de ce recul, la hausse très forte des investissements consentis ces dernières années permettra d'assurer le respect des engagements européens de la France dans le cadre du volet technologique du Ciel unique européen.
Alors que la dette du BACEA avait continuellement augmenté entre 2007 et 2014, l'assainissement financier en cours permettra, pour la deuxième année consécutive, de réduire le niveau d'endettement du BACEA.
Après avoir été diminué de 57,2 millions d'euros en 2015, celui-ci connaîtra une nouvelle baisse de 107 millions d'euros en 2016 (- 8,7 %) pour s'établir à 1 117,2 millions d'euros à la fin de l'année. Le BACEA aura ainsi réduit l'encours de sa dette de près de 13 % en deux ans.
En conclusion, je souhaite que la commission propose au Sénat d'adopter les crédits du budget annexe.
Les 142 millions d'euros pour le rachat des équipements d'Ecomouv' comprennent-ils les badges acquis par les sociétés d'autoroutes ? Je partage vos conclusions sur l'AFITF, il faut maintenir l'outil, mais simplifier les circuits financiers.
Je veux bien me féliciter des efforts de rationalisation de Météo-France ; cependant, réduire à 48 les centres météorologiques et stations spécialisées pose une question de distorsion de concurrence. Dans une zone de montagne où la météo est plus complexe, la suppression de la plateforme météo de l'aéroport de Chambéry - qui compte 250 000 passagers et nécessite une habilitation spécifique des pilotes - aboutira au détournement d'une partie du trafic sur Lyon, aéroport qui a des difficultés financières au détriment de celui de Chambéry qui dégage des excédents et se porte à merveille. Où est la neutralité du ministère de tutelle ?
Ces trois rapports sont très denses. Je partage les interrogations sur la météo et l'exploitation aérienne, même s'il est difficile de trouver des solutions pour Air France.
D'un côté, le rapporteur général nous disait ce matin que le Gouvernement prévoit des hausses de dépenses et la création de postes supplémentaires dans des domaines faisant l'objet d'un consensus, comme les dépenses militaires, qu'il faut bien compenser par des réductions de postes dans d'autres secteurs. De l'autre, Jean-François Husson nous dit dans son rapport que la réduction des moyens budgétaires depuis quatre ans commence à soulever des difficultés réelles dans la mise en oeuvre des politiques et qu'elle fait peser le risque d'une perte de compétence et d'expertise technique. On peut d'ailleurs partager cette appréciation, mais elle ne va pas dans le sens des préconisations du rapporteur général visant à réduire les effectifs sur certaines missions pour compenser la création de postes sur d'autres. Je pointe cette contradiction. De même, Marie-Hélène des Esgaulx propose de rajouter 400 millions d'euros de crédits pour l'AFITF ! Il faut une cohérence entre une position politique générale et la demande dans chaque rapport d'augmenter les dépenses et le personnel.
Sur le bonus, si je ne suis pas en désaccord avec l'idée de réduire les aides en faveur des véhicules hybrides, il me paraîtrait pertinent d'opérer une distinction au profit des véhicules fonctionnant à l'hydrogène, en ce qui concerne les aides accordées aux véhicules électriques, afin de donner un coup de pouce à la filière de la pile à combustible.
Le bonus-malus est-il déséquilibré, et si oui, de combien ?
S'agissant de la hausse de deux centimes sur le gazole au profit de l'AFITF, à combien s'est élevé le produit en année pleine ?
La hausse est de 2 centimes sur le gazole pour les véhicules légers et de 4 centimes pour les poids lourds, pour un montant de 1,139 milliards d'euros.
Le rehaussement de la TICPE et son affectation à l'AFITF a été décidé l'année dernière, en compensation de la suppression de l'écotaxe. Selon Philippe Duron, l'AFITF aurait besoin de 2,2 milliards d'euros en 2016 contre 1,8 milliard actuellement prévu, et encore, ce chiffre ne comprend pas des infrastructures comme le tunnel Lyon-Turin ou le canal Seine-Nord-Europe - sinon le montant serait de 2,7 ou 2,8 milliards d'euros ! Ce sont des centimes pris aux Français. Je ne demande pas de réaffecter une somme mais de respecter les règles : la recette a été décidée l'année dernière, laissons-là aux infrastructures de transports, comme Philippe Duron nous le demande. A vrai dire, il sera même probablement nécessaire à l'avenir de prévoir une augmentation de 2 centimes du gazole pour assurer le financement de l'agence.
Merci pour cette analyse et ces conclusions claires, qui montrent les déséquilibres dans le financement de nos infrastructures de transports. Comme l'écotaxe, les centimes sur le gazole sont réaffectés, dès la deuxième année, au budget général. Je suis également inquiète de l'avenir de notre réseau ferré : alors que la ligne Tours-Bordeaux n'est toujours pas achevée, on finance des infrastructures sans avoir les voyageurs correspondants. Merci d'avoir relevé les incohérences entre les choix budgétaires et les perspectives stratégiques de long terme, et d'avoir souligné l'incohérence du signal-prix envoyé par le Gouvernement sur les véhicules propres : il baisse le bonus sur les véhicules hybrides accessibles à un prix abordable, et dont les ventes décollaient à peine, tout en maintenant constant le bonus en faveur des véhicules électriques qui demeurent, pour l'heure, beaucoup trop chers. En outre, comme l'argent, l'électricité n'a pas d'odeur, et l'on ne sait si elle est produite par des énergies renouvelables ou par le nucléaire. En tous les cas, la solution n'est pas dans le tout-électrique.
Enfin, en sait-on un peu plus sur la réforme de la CSPE annoncée dans le cadre du collectif budgétaire de fin d'année ? Cela pose la question d'une taxe qui finance les énergies renouvelables mais qui pèse seulement sur le consommateur final d'électricité.
Claude Raynal, vous pointez toute la richesse de la langue française et des points de vue, mais il n'y a aucun désaccord entre les propos du rapporteur général tenus ce matin et les miens, pour une raison simple. La réduction des crédits et des effectifs constatée depuis quatre ans consécutifs n'est pas la même chose que la réduction des moyens sur un seul exercice, et n'entraîne pas les mêmes conséquences. Pour avoir entendu les représentants de l'administration et des opérateurs, je peux vous assurer que la situation est très tendue : ainsi, par exemple, le Cérema regroupe onze services d'administration, avec de vraies difficultés, aujourd'hui, pour conserver la cohésion sociale et surtout les compétences. Je partage tout à fait les interrogations de Daniel Raoul sur les véhicules électriques, mais les bonus sont fixés par décret et relèvent donc du pouvoir réglementaire.
L'exécution 2015 du compte d'affectation spéciale « Aides à l'acquisition de véhicules propres » devrait être en équilibre, voire en léger excédent. Pour l'année 2016, les prévisions de recettes et de dépenses sont fixées à 266 millions d'euros.
Sur la CSPE, en dépit des nombreuses demandes d'information adressées au Gouvernement, nous en avons plus appris en lisant la presse : les multiples promesses qui nous ont été faites depuis janvier par la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie n'ont pas encore été suivies d'effets. Nous estimons par ailleurs que l'extension de l'assiette qui est envisagée relève d'une nouvelle taxe insidieuse. Vous pouvez en tout cas compter sur ma vigilance sur ce sujet.
Les 142 millions d'euros dont parle Michel Bouvard correspondent au rachat des équipements embarqués aux sociétés de télépéage. Certains recours gracieux n'ont pas été encore tranchés, mais ils portent sur des sommes minimes.
Madame Keller, l'AFITF doit à la SNCF quelque 700 millions et, pour les deux-tiers, cette somme correspond au financement de la ligne à grande vitesse (LGV) Tours-Bordeaux. Je m'inquiète de la dette de SNCF Réseau : les recettes commerciales ne couvrent que le petit équilibre et l'autofinancement seulement les intérêts d'une dette de 37 milliards d'euros. L'AFITF, que défendent des collègues des commissions des affaires économiques et du développement durable, nous gêne pour avoir une appréciation globale de la situation des transports terrestres dans notre pays. Si nous en disposions, nous serions unanimes pour dire qu'il faut agir rapidement.
Michel Bouvard s'inquiète à juste titre de l'effort de rationalisation à Météo-France. Les implantations locales passent de 108 à 55. Je suis désolé que le centre de Chambéry soit touché. Nous pouvons nous réjouir de cet effort drastique en termes budgétaires, tout en constant ses effets sur le maillage territorial. Le nombre d'ETPT est réduit mais, à terme, les investissements et les recettes commerciales devraient se maintenir, voire augmenter. Je ne crois pas que le Gouvernement veuille orienter le trafic vers un aéroport plutôt qu'un autre ; en revanche, la France a plus d'aéroports que la moyenne européenne. Je suis prêt à interroger la direction générale de la sécurité civile sur ce point particulier car je comprends la préoccupation de Michel Bouvard.
À l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat de ne pas adopter les crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».
Elle décide de proposer au Sénat, d'adopter sans modification les crédits du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens ».
Elle décide de proposer au Sénat de ne pas adopter les crédits du compte d'affectation spéciale « Aides à l'acquisition de véhicules propres ».
Elle décide enfin de proposer au Sénat d'adopter sans modification les crédits du compte d'affectation spéciale « Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs ».
La réunion est levée à 17 h 37.