Pour comprendre les refus d'apurement communautaires, il faut présenter la procédure assez complexe de paiement des aides et de mode de remboursement par l'Union européenne. En effet, les règles de gestion de la PAC confient à la Commission la gestion du Feaga et du Feader, mais en vertu du principe de gestion partagée, le paiement des aides est délégué aux États membres par l'intermédiaire d'organismes payeurs nationaux ou régionaux accrédités par la Commission, tels que FranceAgriMer ou l'Agence de services et de paiement (ASP). Ceux-ci doivent préalablement contrôler l'admissibilité des demandes d'aide, directement ou par l'intermédiaire d'organismes délégués. Les États membres doivent prendre les mesures nécessaires pour garantir l'exécution efficace et correcte des opérations financées et prévenir et poursuivre toute irrégularité.
Nous utilisons pour cela le système intégré de gestion et de contrôle (SIGC), pierre angulaire du système de paiements aux agriculteurs, qui prévoit une base uniforme pour les contrôles administratifs et sur place, ainsi que pour le système informatique auquel l'administration nationale a recours. Le SIGC est mis en place dans les États membres par les organismes payeurs agréés. Il est également utilisé pour gérer les contrôles et garantir le respect des critères et des normes relevant de la conditionnalité. Il repose sur des bases de données informatisées et interconnectées.
Les dépenses effectuées par les organismes payeurs sont ensuite remboursées aux États membres par la Commission, tous les mois dans le cas du Feaga et tous les trimestres dans celui du Feader. Ces remboursements sont sujets à des corrections financières que la Commission peut apporter dans le cadre de procédures d'apurement des comptes : ce sont les refus d'apurement communautaires. Lorsque la Commission estime, à l'issue de ses contrôles, que les paiements ne sont pas conformes aux règles ou que le SIGC présente des lacunes, elle récupère auprès de l'État membre le montant qui aurait été indûment payé, calculé soit sur la base des pertes réelles, soit selon une extrapolation, soit selon des taux forfaitaires, de 2 %, 5 %, 10 %, ou 25 % des dépenses, selon la gravité des erreurs. Un organe de conciliation peut être convoqué afin de rapprocher les positions des protagonistes. In fine, la Commission européenne adopte une décision, qui peut suivre ou non le résultat de la négociation, et que l'État membre peut toujours contester devant la Cour de justice de l'Union européenne. En pratique, le ministère de l'agriculture procède au paiement par redéploiement de ses crédits ou par un abondement du programme 154 par décret d'avance ou loi de finances rectificative.
Pendant les années 1990 et 2000, le montant moyen de nos refus d'apurement représentait un peu moins de 100 millions d'euros par an. L'exercice 2011 a marqué un niveau minimal record, à 18,41 millions d'euros. En 2012 et 2013, ce montant était de 63,73 millions d'euros et 41,2 millions d'euros. Mais depuis 2013, les refus d'apurement supportés par le budget national explosent : avec 429 millions d'euros en 2014 et 871 millions d'euros en 2015. En 2016 et 2017, on table sur un minimum de 360 millions d'euros, à la suite de l'identification, début 2015, de 1,1 milliard d'euros de corrections dues pour l'année en cours et pour les deux exercices suivants. Le Gouvernement a choisi de faire porter le coût des tranches 2015 et 2016 sur l'exercice 2015 et de reporter le versement de la troisième tranche à 2017. Le ministre de l'agriculture a précisé fin 2014 que la France a réussi à éviter un niveau de refus d'apurement de près de 4 milliards d'euros. En effet, la procédure de conciliation a permis de passer de l'application d'un taux forfaitaire à un niveau de corrections plus proche des réalités. Ce milliard d'euros ne représente que 2 % du total des aides PAC reçues sur la période 2008-2013.