La loi de programmation militaire initiale prévoyait pour 2015 des crédits budgétaires de 29,6 milliards d'euros et des recettes exceptionnelles de 1,77 milliard d'euros pour un total de 31,4 milliards d'euros. La loi de finances pour 2015 a ramené les crédits à 29 milliards d'euros et porté les recettes exceptionnelles à 2,4 milliards d'euros, l'équilibre étant maintenu, à 31,4 milliards d'euros. Nous avions toutefois émis des réserves et voté contre car ces ressources n'étaient pas assurées.
La loi de programmation militaire 2016 corrige substantiellement les imperfections remarquées l'an dernier. Les recettes exceptionnelles reviennent à 250 millions d'euros correspondant à des cessions de biens immobiliers et de matériel militaire. Cette somme nous paraît réaliste. Toutefois, l'Assemblée nationale a supprimé une disposition votée dans la loi de programmation militaire après consensus en commission mixte paritaire, qui limite l'abattement « Duflot » sur les ventes immobilières du ministère de la défense, afin de sécuriser ses ressources. Je souhaite que soit rétabli ce dispositif de sauvegarde pour des raisons budgétaires et politiques : il n'est pas correct de fragiliser au détour d'une loi de finances ce qui avait été consolidé d'un commun accord en commission mixte paritaire. Je crois que le rapporteur général proposera un amendement en ce sens lorsque nous examinerons la première partie du projet de loi de finances pour 2016.
Les crédits budgétaires passent de 29 milliards à 31,73 milliards d'euros. Le budget, fortement consolidé, augmente de 600 millions d'euros par rapport à la programmation initiale, dont 400 millions d'euros de dépenses de personnel et 200 millions d'euros de dépenses d'équipement, d'acquisition et de maintien en condition opérationnelle. La programmation actualisée a engendré une stabilité des effectifs en 2015 et la création de 2 300 postes en 2016. L'effectif du ministère de la défense, en 2016, sera supérieur de 17 197 équivalents temps plein (ETP) à ce que prévoyait la loi de programmation militaire initiale. L'essentiel des postes préservés ou créés sont affectés la force opérationnelle terrestre (FOT), le reste renforçant nos moyens de renseignement, de cyber défense ou la protection de nos bases navales.
Ce budget, que je vous proposerai en conclusion d'adopter, appelle notre vigilance. En premier lieu, le ministère fait face à d'importants besoins immobiliers en raison du relèvement des effectifs de la FOT et de son rôle accru dans la protection du territoire et de la remise à niveau de la protection des sites de munitions. Le vol d'explosifs à Miramas en juillet 2015 est révélateur d'une insuffisance. Les crédits de paiements concernés s'établissent à 1,2 milliard d'euros, les besoins étant estimés par le ministère à 1,4 milliard d'euros.
J'ai été interpellé par Hervé Marseille et Michel Bouvard sur l'Office national d'études et de recherches aérospatiales (Onera), qui a connu des défaillances et des difficultés de gestion. Le ministère, qui en prend actuellement la mesure, annonce un plan pour la fin de l'année répondant aux interrogations sur le devenir des implantations immobilières dans les Hauts-de-Seine et le devenir de la soufflerie S1 de Modane chère à Michel Bouvard. Il est urgent de régler les problèmes de l'Onera, partenaire indispensable du ministère de la défense.
Les opérations intérieures ne sont pas formellement financées. Jusqu'à présent, leur poids était limité, mais le surcoût de l'opération Sentinelle s'élève à 194 millions d'euros, dont 80 millions de dépenses de titre 2. Pour une dépense 2016 du même ordre, le financement prévu n'est que de 26 millions d'euros - contre 11 millions inscrits en 2015. Si la prise en compte est meilleure, elle reste insuffisante. Les sommes engagées pour le financement des opérations intérieures ne sont plus disponibles pour d'autres besoins.
Le coût des opérations extérieures (Opex) a été de 1,12 milliard d'euros en 2014, pour une provision de 450 millions d'euros. En 2015, il est d'un montant identique, et l'on peut penser que cela sera encore le cas l'an prochain. Or le budget 2016 maintient la provision Opex à 450 millions d'euros et ne prévoit pas de financement des 670 millions d'euros de probable dépassement. Nous engageons nos troupes à l'étranger sans en budgéter la dépense. Peut-on encore parler de sanctuarisation des crédits dès lors que le ministère de la défense participe à hauteur de 400 millions d'euros à la solidarité interministérielle, dont 100 millions d'euros sont liés au dépassement Opex ? En outre, la Cour des comptes elle-même reconnaît que le ministère de la défense contribue à cette solidarité bien au-delà de son poids dans le budget. Le surcoût annoncé par la Cour des comptes est de 79 millions d'euros. Je me propose, madame la Présidente, d'étudier de plus près les dépassements des Opex et la participation respective de chacun des ministères.
Si les problèmes de Louvois sont en cours de résolution, ses surcoûts ne sont pas budgétés. Ils se sont élevés à 130 millions d'euros en 2014, pris en charge par le ministère de la défense au titre de son auto-assurance. Ils devraient être de 20 à 30 millions d'euros en 2015 et disparaître en 2016. Le système de remplacement, Source Solde, sera mis en place progressivement à partir de 2017. Le montant maximal du marché, 128 millions d'euros sur dix ans, n'est pas pris en compte dans la programmation.
Je note avec satisfaction l'évolution du budget par rapport à 2015. Néanmoins, cette amélioration ne sera réelle que si la fin de gestion de 2015 est respectée : levée de la réserve de précaution de 1,4 milliard d'euros sur la mission « Défense » (programme 146) après la levée totale de celle de 614,9 millions d'euros en août 2015 ; financement des dépenses non budgétées en 2015 estimées à 950 millions d'euros par l'état-major des armées ; compensation effective du coût net pour le programme 146 du versement à la Russie des indemnités liées à l'annulation de la vente des deux bâtiments de projection et de commandement pour 56,7 millions d'euros ; financement du dépassement de la provision pour les opérations extérieures ; modalités de financement des surcoûts liés à l'opération Sentinelle ; surtout, substitution de crédits budgétaires aux recettes exceptionnelles, (2,2 milliards d'euros). Si la clôture de l'année 2015 n'est pas conforme aux engagements pris lors du vote de la loi actualisant la programmation militaire, le report de charge explosera et tous les effets positifs de ce budget seront annulés.
Je préconise l'adoption de cette mission, sous réserve de la conformité de la clôture 2015 aux engagements pris par le Gouvernement, et de la correction de l'erreur de l'Assemblée nationale en maintenant le plafonnement de la décote « Duflot ».