C’est une charge reportée sur 2016. Ce sera trop tard pour les familles, qui auront déjà dû faire face aux dépenses pour accueillir leur enfant !
Nous ne pouvons pas non plus nous réjouir des économies nées de la modulation des allocations familiales. Cette mesure, qui s’apparente à une mise sous condition de ressources au regard des montants dérisoires versés aux familles les plus aisées, permettra d’économiser 880 millions d’euros en 2016, après 440 millions d’euros en 2015 : il s’agit là d’économies réalisées au mépris du principe de l’universalité, d’autant que le cumul des mesures d’économies, sociales et fiscales, décidées depuis 2012, représentera en 2016 une ponction de plus de 1, 8 milliard d’euros pour les familles.
Les mesures ponctuelles en faveur des familles les plus modestes sont incomparables avec les mesures d’économies, qui touchent également les classes moyennes.
Le texte qui nous est proposé fait bien reposer le redressement des comptes sur une baisse des dépenses, c’est-à-dire sur une diminution des prestations versées aux familles.
Le redressement des comptes de cette branche pèse uniquement sur les familles, sans que les personnes sans enfants soient mises à contribution, contrairement au principe de solidarité horizontale sur lequel cette politique s’est construite.
Pour ces raisons, la commission des affaires sociales vous proposera de ne pas adopter l’objectif de dépenses pour 2016.
La modification des modalités de revalorisation annuelle des prestations sociales entraînera une moindre dépense ponctuelle de 400 millions d’euros pour l’année 2016, dont 200 millions d’euros pour la branche famille. Cette mesure explique la moitié de la différence entre le solde qu’atteindrait spontanément la branche et la cible retenue.
L’autre moitié de cet écart résulte d’un vaste mouvement de réaffectation de recettes fiscales entre les différentes branches, mais ne correspond nullement à des mesures d’économies.
Notons que les allégements de cotisations sur les bas salaires prévus par le pacte de compétitivité n’entreront finalement en vigueur qu’au 1er avril 2016.
La perte de recette pour la branche sera donc plus élevée d’environ 1 milliard d’euros en année pleine, et de nouvelles recettes devront être trouvées si la trajectoire de retour à l’équilibre doit être respectée. On ne pourra pas éternellement tout remettre au lendemain !
Je refuse donc de cautionner le fait que la réduction salutaire du déficit de la branche de près de 2 milliards d’euros en deux ans repose principalement sur l’effet de mesures réduisant considérablement les prestations apportées aux familles, d’une part, et sur des mesures de tuyauterie et de trésorerie qui ne représentent aucune économie réelle, d’autre part.
Nous ne pouvons pas accepter que l’aide apportée aux familles soit sacrifiée sur l’autel de l’amélioration de la situation comptable de la branche famille.
Le texte qui nous est proposé fait essentiellement reposer le redressement des comptes sur une diminution des dépenses, c’est-à-dire sur une baisse des prestations versées aux familles.
Je rappelle, mes chers collègues, qu’en 2015 les mesures sociales et fiscales prises depuis 2012 représenteront, selon des chiffres communiqués par le Gouvernement, plus de 1, 8 milliard d’euros.
Alors que la politique familiale devrait reposer sur la solidarité entre les personnes sans enfants et les familles, seules ces dernières sont mises à contribution.
Ainsi, si le Gouvernement soutient que la politique familiale devient plus redistributive, c’est sous l’effet d’une restriction inacceptable et profondément injuste de l’effort global en faveur des familles.
La modulation des allocations familiales, qui étaient la seule prestation réellement universelle, modifie radicalement la nature de la politique familiale telle qu’elle a été conçue en France il y a exactement soixante-dix ans.
Cette politique a historiquement pour but de compenser la charge représentée par l’éducation d’un enfant, conformément à l’idée que chaque enfant doit bénéficier de la même aide de la part de la nation. C’est donc renier l’esprit qui a guidé nos prédécesseurs ; c’est renier nos principes républicains ; c’est aussi renier les fondements de notre politique familiale qui place l’épanouissement de l’enfant en son cœur.
Cette évolution est d’ailleurs totalement rejetée par l’ensemble des associations familiales que j’ai pu rencontrer et qui ont exprimé leur attachement à l’universalité de la politique familiale.
Cette évolution guidée par des considérations purement financières est par ailleurs inquiétante.
En effet, si on considère aujourd’hui que la politique familiale ne doit consister qu’en une politique de soutien aux revenus des familles les plus modestes et que les enfants des familles des classes moyennes ou aisées n’ont pas vocation à bénéficier de prestations sociales, qu’est-ce qui s’opposera, demain, à une modulation des remboursements de soins par l’assurance maladie ? Ne pourrait-on également étendre cette logique aux services publics et remettre en cause leur gratuité ? Ces évolutions semblent évidemment impensables à court terme, mais souvenons-nous que voilà à peine un an le Gouvernement excluait fermement toute remise en cause de l’universalité des allocations familiales.
Les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent, et le Gouvernement rencontre les plus grandes difficultés à tenir les siennes. Les exemples ne manquent pas...
Je dirai un mot sur l’accueil des jeunes enfants. Le Gouvernement en a fait un axe important de sa politique en faveur des familles, en fixant au travers de la convention d’objectifs et de gestion conclue avec la Caisse nationale des allocations familiales, la CNAF, pour 2013-2017 des objectifs ambitieux de création de places d’accueil individuel et collectif. Force est toutefois de constater que ces objectifs sont loin d’être atteints. Alors que 275 000 solutions nouvelles doivent être créées d’ici à 2017, seulement 21 000 l’ont été en 2013 et en 2014.
En matière d’accueil individuel, le nombre de solutions d’accueil a même régressé de plus de 8 000 places en deux ans, alors qu’il était censé progresser de 40 000 places.
Compte tenu de la situation financière des communes et de la ponction qui a été réalisée sur les ressources du Fonds national d’action sociale, on voit mal comment le retard accumulé pourra être rattrapé.
Or l’accueil des jeunes enfants représente un enjeu de la plus grande importance pour les familles, notamment pour l’insertion professionnelle des femmes. De réels efforts doivent donc être réalisés en la matière afin, sinon d’atteindre les objectifs fixés, ce qui ne paraît plus possible, au moins d’obtenir de réels progrès en la matière.
J’ai évoqué dans mon rapport quelques pistes de travail, dont certaines sont, je le sais, étudiées par le Gouvernement. On peut par exemple s’interroger sur les normes applicables aux établissements, sur l’organisation de la filière des métiers de la petite enfance ou encore faire évoluer les aides à la garde individuelle.
Enfin, je tiens tout de même à saluer la seule mesure qui constitue une avancée sociale digne d’intérêt dans ce texte : la généralisation du dispositif de garantie contre les impayés de pensions alimentaires, qui avait été mis en place à titre expérimental par la loi du 4 août 2014. Oui, madame la ministre, cette mesure devrait contribuer à aider les parents isolés, des femmes dans la plupart des cas, qui sont particulièrement exposés à la précarité, voire à la pauvreté.
En conclusion, je veux souligner combien je suis inquiète pour l’avenir et pour les familles qui, déjà, renoncent à s’agrandir.