Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, j’aborde moi aussi l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 avec solennité.
En cette année anniversaire, en effet, ce texte traduit plus que jamais notre volonté et celle du Gouvernement de faire vivre encore pour l’avenir et pour notre jeunesse le système de protection solidaire imaginé au sein de la Résistance française il y a soixante-dix ans. La lucidité n’exclut pas d’apprécier la présentation de résultats et de perspectives de nouveau positifs que nous ne connaissions plus depuis longtemps.
C’est un texte de responsabilité et de justice. Le double engagement de redresser les comptes sans réduire les protections est en voie d’être tenu. Les chiffres sont là. La part des dépenses qui restent à la charge des assurés a diminué de 9, 1 % en 2012 à 8, 5 % en 2015 et, en seulement trois ans, le déficit du régime général a été réduit de plus de 8 milliards d’euros, soit de 40 %.
C’est également un texte de progrès dont nous allons débattre, qui améliore durablement les droits sociaux, renforce la prévention et l’accès aux soins, poursuit la réforme des structures de notre système de protection sociale.
En 2014, une exécution meilleure que prévu a réduit le déficit de l’ensemble des régimes obligatoires de base de 11, 7 milliards d'euros à 9, 3 milliards d'euros.
L’amélioration s’est poursuivie en 2015, avec un solde plus favorable que les prévisions initiales en loi de financement, de moins 10, 1 milliards d'euros à moins 8, 6 milliards d'euros. Ces résultats permettent de prévoir pour 2016, outre une situation plus favorable de la branche accidents du travail et maladies professionnelles, qui est excédentaire depuis quatre exercices, un retour à l’équilibre de la branche vieillesse pour la première fois depuis 2004 – son déficit aura été divisé par huit –, tandis que la branche famille voit son déficit réduit des deux tiers.
Ainsi, le déficit du régime général, qui était de 17 milliards d'euros en 2011, est réduit à 9 milliards d'euros cette année et estimé à 6 milliards d'euros en 2016, soit son plus bas niveau depuis 2003. Le solde global permet d’apprécier la réalité de la trajectoire financière sur la période 2012-2015, avec une croissance des recettes à 8 %, supérieure aux charges en croissance de 6, 4 %. Le déficit de l’ensemble des régimes obligatoires de base se réduira de 3 milliards d'euros et, en considérant le champ de l’ensemble des administrations de sécurité sociale, l’amélioration du solde prévue en 2016 est de 7, 5 milliards d'euros.
Cette dynamique positive reste conditionnée, d’une part, à la réalisation des projections de conjoncture macroéconomique, et, d’autre part, à la poursuite de la politique de maîtrise des dépenses engagée depuis 2012. La prévision de croissance établie à 1 % pour 2015 est jugée cohérente par le Haut Conseil des finances publiques. Pour 2016, les projets de loi de finances et de loi de financement de la sécurité sociale sont construits sur une prévision de 1, 5 %, conforme aux anticipations du FMI et de l’OCDE.
L’effort de régulation et de réduction des dépenses sociales, partie intégrante du pacte de stabilité, impose en 2016 de réaliser une économie de 7, 4 milliards d'euros sur l’évolution tendancielle des dépenses des administrations de sécurité sociale, qui a été en moyenne de 3, 5 % par an au cours de la période 2007-2012, soit une réduction de l’évolution des dépenses de 3, 4 milliards d'euros dans le champ de l’ONDAM, dont le taux d’évolution est limité à 1, 75 %, ce qui représente malgré tout une augmentation des financements de 3, 3 milliards d'euros – il faut toujours le souligner, même si certains s’en réjouissent tandis que d’autres le déplorent. Cet objectif n’a pas appelé de réserves de la part du comité d’alerte, dans son avis rendu le 6 octobre dernier, qui estime réalisable ce programme d’économies.
Les économies annoncées porteront sur les dépenses hospitalières pour 690 millions d'euros, sur la poursuite du virage ambulatoire pour 465 millions d'euros, sur la pertinence et le bon usage des soins pour 1, 2 milliard d'euros et sur les produits de santé pour 1, 045 milliard d'euros. Sur ce dernier point, nous présenterons plusieurs propositions destinées à favoriser davantage encore le recours aux génériques.
Par ailleurs, la mise en œuvre de la deuxième tranche du pacte de responsabilité et de solidarité porte sur 9 milliards d'euros d’allégements supplémentaires pour les entreprises en 2016. Rappelons qu’elle est entièrement compensée pour le budget de la sécurité sociale.
Ces mesures financières s’accompagnent de la poursuite de réformes structurelles, qui doivent permettre de simplifier le fonctionnement des organismes et des établissements, de renforcer leur efficacité. Il s’agit pour l’essentiel d’instaurer un nouveau mode de financement des soins de suite et de rééducation – c’est une réforme attendue depuis longtemps –, de pérenniser l’expérimentation d’une gestion régionale globalisant les forfaits d’astreinte et de régulation, mais aussi les honoraires résultant de la permanence des soins ambulatoires, de poursuivre la réforme du régime social des indépendants, qui arrive maintenant dans une position d’équilibre, en d’autres termes d’achever de réparer la « catastrophe industrielle » due à la réforme de 2008.
Au-delà de ces choix de responsabilité, dont les effets positifs sont aujourd’hui tangibles, ce texte comporte également deux autres volets qui sont la traduction concrète d’une politique sociale juste et réformatrice.
Cette politique est juste pour les Français auxquels sont reconnus de nouveaux droits, avec – c’est un progrès majeur – la création d’une protection universelle maladie, une meilleure prise en charge des victimes du terrorisme, le bénéfice d’une assurance complémentaire de santé de qualité pour les plus de 65 ans, ainsi que pour les travailleurs précaires, et la garantie des impayés de pension alimentaire.
Cette politique est réformatrice et s’inscrit dans le prolongement des axes tracés par la stratégie nationale de santé, qui investit dans la prévention et favorise l’accès aux soins, en assurant la prise en charge du repérage par le médecin traitant d’un risque d’obésité chez les enfants de trois à huit ans, la prise en charge intégrale du dépistage du cancer du sein pour les femmes à risques et le renforcement de l’accès des mineures à la contraception.
Toutes ces mesures de progrès n’empêchent nullement, je l’ai dit, un regard lucide sur les difficultés qui demeurent.
Il s’agit tout d’abord du champ de l’assurance maladie. Son déficit, qui perdure à 6 milliards d'euros en 2016, est d’autant plus problématique que la situation du secteur hospitalier reste tendue, bien qu’elle connaisse de forts contrastes selon les territoires. Le réseau des officines de pharmacies, comme l’ont confirmé nos auditions, est aussi fragilisé. Des interrogations demeurent également sur le dispositif spécifique de couverture complémentaire de santé pour les plus de 65 ans, qui ne doit pas fragiliser le modèle mutualiste, fondé sur l’intergénération.
Il s’agit ensuite du fonds de solidarité vieillesse, dont le déficit structurel reste en suspens, ce qui doit appeler notre vigilance. Même si l’on se souvient qu’il a été mis à mal en 2009 à la suite d’une ponction de deux points de CSG transférés à la CADES, sa fonction dédiée au financement de prestations non contributives le rend structurellement très dépendant du niveau de chômage et nécessite une ressource suffisante.
La dette sociale diminue en 2015, pour la première fois depuis douze ans, à hauteur de 3 milliards d'euros, l’amortissement réalisé par la CADES étant supérieur à la dette produite par les régimes sociaux. C’est une bonne nouvelle, d’autant que, M. le secrétaire d'État au budget l’a rappelé, ce mouvement se poursuivra en 2016.
Le taux exceptionnellement bas – il est même négatif – en 2015 ayant permis à l’ACOSS de compenser intégralement les charges financières de l’année, le Gouvernement a décidé d’anticiper la reprise de dette à hauteur de 23, 6 milliards d'euros, représentant le reliquat des 62 milliards d'euros, dont le transfert a été fixé et compensé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011. C’est une très bonne mesure.
Certes, demeure la question de la reprise des déficits à venir d’ici à 2019, dont le montant, selon la trajectoire prévisionnelle, est estimé à 29 milliards d’euros. D’autres mesures seront donc nécessaires ultérieurement, mais le moment n’est pas encore venu d’en parler. Je ne voudrais pas achever mon propos en semant un doute.
L’histoire nous enseigne, disait Jaurès, « la difficulté des grandes tâches et la lenteur des accomplissements ». Dans l’accomplissement de cette grande tâche, vous pouvez compter, madame la ministre, sur l’entier soutien, la forte motivation et la grande conviction de l’ensemble du groupe socialiste.