Intervention de Philippe Mouiller

Réunion du 9 novembre 2015 à 14h30
Financement de la sécurité sociale pour 2016 — Suite de la discussion d'un projet de loi

Photo de Philippe MouillerPhilippe Mouiller :

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier les différents rapporteurs pour la qualité de leurs travaux. Ils ont su faire preuve d’une grande pédagogie, nous permettant ainsi d’appréhender ce projet de loi si technique.

En effet, il est nécessaire de bien maîtriser l’ossature générale du budget afin de mieux comprendre son organisation et les transferts de charges qui, parfois, ont pour effet d’embellir la réalité.

On constate une réelle volonté du Gouvernement de diminuer la croissance des déficits des différents budgets, en s’appuyant sur de nouvelles mesures, mais également en récoltant les bénéfices de mesures prises par l’ancienne majorité – je pense notamment à la réforme des retraites.

Je souhaiterais plus particulièrement parler de la branche accidents du travail-maladies professionnelles, ou AT-MP, et du secteur médico-social.

Concernant la branche AT-MP, le rapport de notre collègue Gérard Dériot montre que cette branche participe de plus en plus au renflouement de l’assurance maladie.

En effet, en 2016, un versement d’un milliard d’euros se fera au titre des sous-déclarations, et un transfert d’un demi-milliard d’euros de cotisations interviendra en 2016 et 2017. Dans le même temps, nous constatons le désengagement de l’État du financement du Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante. Ces transferts remettent en cause l’autonomie de la branche et sa vocation assurantielle. Je rejoins notre collègue rapporteur sur la nécessité de mettre en place un travail de fond sur les causes de cette sous-déclaration et sur les actions à mener pour la limiter.

S’agissant du secteur médico-social, le rapport de Colette Giudicelli nous indique que l’ONDAM médico-social devrait s’établir à 18, 2 milliards d’euros en 2016, soit une hausse de 1, 9 % par rapport à l’année 2015. Au total, 405 millions d’euros de moyens supplémentaires doivent être alloués aux établissements et services pour personnes âgées et handicapées en 2016.

Toutefois, le Gouvernement a fait un certain nombre d’annonces qui nécessitent de déployer des moyens financiers supplémentaires.

Je pourrais citer, à titre d’exemple, la fin du plan autisme, le plan de modernisation des établissements et services d’aide par le travail – ESAT –, l’accompagnement du rapport de Denis Piveteau, Zéro sans solution, et l’article 21 bis du projet de loi de modernisation de notre système de santé, qui permet de proposer, aux personnes handicapées n’ayant pas de solution ou en situation de rupture, de réelles solutions complémentaires.

Nous ne pouvons qu’approuver ces nouvelles mesures, mais elles impliqueront deux obligations : d’une part, celle de donner des moyens supplémentaires aux maisons départementales des personnes handicapées, les MDPH, afin qu’elles puissent remplir leurs missions, malgré la mise en place de mesures de simplification ; d’autre part, celle de créer des places supplémentaires dans les différentes structures d’accueil, pour répondre aux attentes.

Les moyens proposés par votre gouvernement ne couvriront pas tous les besoins, madame la ministre. Concernant les places nouvelles dans les établissements, le budget prévoit le financement d’environ 18 500 places, alors que les besoins sont estimés à environ 50 000 places.

Je souhaite tout particulièrement évoquer la douloureuse situation de nos compatriotes handicapés, contraints de quitter le territoire national, notamment pour la Belgique. Actuellement, plus de 6 500 personnes handicapées françaises, 1 500 enfants et au moins 5 000 adultes, sont accompagnées par des établissements médico-sociaux belges. Sur ces 6 500 exilés, 4 000 ne sont pas des frontaliers. Pour beaucoup, ce départ vers ces établissements n’est pas un choix, mais une contrainte imposée par un manque de réponses sur le territoire national.

Vous venez d’annoncer le déblocage de 15 millions d’euros pour limiter ces départs. Si le geste mérite d’être souligné, le montant reste manifestement insuffisant.

À l’heure actuelle, la France consacre environ 250 millions d’euros par an pour l’accueil de nos ressortissants dans des établissements étrangers, le financement étant assuré, en fonction des situations, par l’ONDAM médico-social, l’assurance maladie ou les conseils départementaux. Je propose que ces 250 millions d’euros soient utilisés pour créer des places en France, et j’ai déposé des amendements en ce sens.

Par ailleurs, je peux confirmer que le transfert du financement des ESAT, opéré par l’article 46 du projet de loi, est bien accueilli. Néanmoins, ce transfert ne sera effectif qu’en 2017 et ses modalités ne sont pas connues, ce qui suscite de légitimes inquiétudes. Il est nécessaire, madame la ministre, de rassurer les acteurs du monde du handicap sur les modalités de transfert de ces crédits.

Nous avons une responsabilité collective vis-à-vis du monde du handicap. Un certain nombre de rendez-vous ont été reportés, voire parfois oubliés. Notre société doit réellement se mobiliser pour les personnes handicapées.

Même si les moyens financiers ne nous permettent pas de tout régler dans les mois à venir, nous devons engager des efforts significatifs et, surtout, envoyer des signaux forts en direction du monde du handicap, qui peut parfois se sentir désabusé.

En effet, d’un côté, on annonce des moyens supplémentaires, des recherches de solutions concernant les personnes accueillies à l’étranger et, surtout, la mise en place du « zéro sans solution » dans les territoires, mais, de l’autre, le Gouvernement ne prévoit pas suffisamment de financements pour les établissements, continue de geler le nombre de places dans les ESAT et le budget 2016 consacré aux MDPH ne permettra pas de répondre à la charge de travail supplémentaire.

De grâce, madame la ministre, respectez vos engagements et faites attention aux messages que vous envoyez aux personnes handicapées ! Le pire aura été atteint avec le cafouillage engendré par l’annonce, puis le retrait, de la proposition d’intégrer dans le calcul de l’allocation aux adultes handicapés les modestes revenus des livrets non soumis à l’imposition sur le revenu.

En dépit du retrait de cette mesure, les personnes en situation de handicap se sont senties attaquées par cette annonce, qui faisait fi de l’esprit même de la loi de 2005 et de la situation financière, souvent difficile, d’un grand nombre de personnes handicapées.

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