Intervention de Françoise Gatel

Réunion du 9 novembre 2015 à 14h30
Financement de la sécurité sociale pour 2016 — Suite de la discussion d'un projet de loi

Photo de Françoise GatelFrançoise Gatel :

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, les évolutions de notre société et du contexte économique ont nécessairement une influence sur notre modèle de protection sociale. Ce modèle, s’il veut subsister afin d’offrir à nos concitoyens une aide optimale, doit se réformer. Ce modèle mérite que nos gouvernants fassent preuve de courage afin d’assumer des choix parfois difficiles.

Or ce PLFSS s’inscrit dans la continuité de l’exercice précédent, sans présenter de levier de réforme véritablement significatif. Si certaines mesures sont à saluer, les mesures structurelles destinées à infléchir fortement la dynamique des dépenses ne sont pas au rendez-vous.

Pour compléter les propos de mon collègue Olivier Cigolotti, qui s’est exprimé sur l’équilibre général et les branches famille et accidents du travail, je concentrerai mon intervention sur les branches maladie et vieillesse.

La branche maladie représente près de la moitié du budget du régime général, concentrant les deux tiers des déficits, avec un solde négatif supérieur à 6 milliards d’euros.

Quant à la branche vieillesse, elle enregistre un léger solde positif en 2016, mais le Fonds de solidarité vieillesse resterait en situation de fort déficit structurel, à hauteur de 3, 7 milliards d’euros.

Comme je le disais en préambule, madame la ministre, nous pouvons souscrire à certaines mesures de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale : la création de places supplémentaires dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, les EHPAD, la réduction des délais d’accès aux soins visuels, le mécanisme de garantie contre les impayés de pension alimentaire, la lutte contre la fraude ou encore la mutualisation d’activités entre organismes de sécurité sociale.

En revanche, d’autres mesures nous laissent plus interrogatifs, à commencer par le régime d’assurance maladie universelle.

Avec la réforme de la protection universelle maladie, les personnes, malgré les aléas de la vie, conserveront leurs droits à la couverture maladie, sans démarche de leur part, sans changement de caisse et sans rupture de droits. Si nous sommes naturellement enclins à soutenir une telle disposition, le flou qui entoure les modalités de sa mise en œuvre nous contraint à la vigilance.

Il en va de même de la réforme des soins de suite. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 prévoit une mise en œuvre opérationnelle de la réforme au 1er janvier 2017. N’est-ce pas un peu rapide, alors que les acteurs impliqués s’accordent à dire que les outils techniques sur lesquels repose la réforme sont encore loin d’être fiables ?

Par ailleurs, aucune simulation d’impact n’a véritablement été effectuée, ce qui engendre une absence totale de visibilité des dépenses d’assurance maladie.

Nous nous interrogeons en outre plus spécifiquement sur le financement des soins palliatifs. Lors de l’examen de la proposition de loi relative à la fin de vie, vous avez annoncé, madame la ministre, 40 millions d’euros supplémentaires dans ce budget pour 2016. Ces crédits sont-ils clairement fléchés ? Vous l’aurez compris : nous serons extrêmement attentifs au respect de votre engagement.

On le sait, madame la ministre, il est urgent de revenir à l’équilibre des comptes et, pour cela, la diminution des dépenses est le seul mot d’ordre qui vaille. J’observe toutefois que les efforts portent toujours sur les mêmes secteurs, notamment sur le médicament. Si une réduction des dépenses en la matière est indispensable, rappelons que le médicament ne représente que 15 % des dépenses d’assurance maladie.

L’hôpital est également soumis à forte contribution. Le Gouvernement veut dynamiser la mutualisation des ressources et les économies d’échelle à l’hôpital et nous l’y encourageons. Le développement de la chirurgie ambulatoire et la réduction des durées d’hospitalisation sont des sources d’économies. À cet égard, je salue également l’instauration des trois jours de carence dans la fonction publique hospitalière proposée par notre rapporteur général, car elle permettra de réduire les dépenses de fonctionnement.

Cependant, l’hôpital ne peut pas tout supporter, du moins pas seul. Il doit mieux s’articuler avec la médecine de ville. Il faut associer le médecin traitant à la prise en charge hospitalière du patient, favoriser la communication entre les professionnels et les structures de santé, faciliter l’accessibilité à l’offre de soins hospitaliers pour la médecine de ville. Or, lorsque se pose la question de la médecine de ville, se pose également la terrible question de l’accessibilité aux soins. C’est sans doute sur ce sujet que les réformes structurelles font le plus cruellement défaut.

Nous le savons, le creux de la démographie médicale est attendu pour 2020. Nous ne devons plus tarder pour agir, madame la ministre, alors même que, dans nos territoires, toutes les communes et intercommunalités investissent massivement dans la réalisation de maisons de santé pour lutter contre la désertification médicale.

Certaines mesures de ce projet de loi sont quelque peu inopportunes – me semble-t-il… Ainsi, le groupe UDI-UC se réjouit que la commission des affaires sociales ait proposé de supprimer le nouveau contrat d’assurance maladie complémentaire labellisé pour les personnes âgées de 65 ans et plus. Cette segmentation des offres constitue un frein à la solidarité et à la mutualisation des risques entre les actifs et les inactifs, mettant en difficulté l’équilibre d’ensemble du système. Le dispositif d’appel d’offres proposé par le Gouvernement va sans doute conduire à une baisse artificielle des prix, au détriment non seulement des garanties proposées, mais aussi de ceux qui paieront in fine la facture : les actifs plus jeunes.

Nous n’étions pas non plus très favorables à l’article 22, que la commission des affaires sociales propose également de supprimer. Cet article prévoit un « chèque santé » pour les salariés en contrats très courts et les temps très partiels. Nous ne disposons pas de données chiffrées permettant d’évaluer le nombre de salariés concernés. Nous ne savons pas non plus où se situe le curseur pour définir les seuils donnant droit au dispositif. Enfin, nous pensons que cette mesure risquerait finalement de pénaliser la catégorie de salariés qu’elle prétend défendre. L’alourdissement des démarches administratives et des charges pourrait en effet amener les entreprises à renoncer à recruter des salariés bénéficiant de tels contrats. Au 1er janvier 2016, alors qu’on ne cesse de parler de simplification, une avalanche d’obligations d’une grande complexité va s’abattre sur les entreprises et cette mesure renchérit cette complexité.

Concernant la branche vieillesse, nous observons certes une amélioration, mais vous avouerez que nous ne pouvons que maintenir une extrême vigilance, car cette amélioration apparaît bien fragile. Du reste, les partenaires sociaux l’ont parfaitement compris et ont fait preuve d’une grande responsabilité en ce qui concerne les régimes de retraite complémentaire.

Actuellement, en vertu de la réforme de 2010, l’âge légal de départ en retraite est repoussé chaque année de cinq mois jusqu’au 1er janvier 2017. Cette mesure permet de dégager 5, 1 milliards d’euros et l’âge de la retraite sera ainsi fixé à 62 ans pour la génération née en 1955…

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion