Intervention de Pierre-Yves Collombat

Réunion du 24 mars 2009 à 21h45
Simplification et clarification du droit — Article 28 quinquies, amendement 157

Photo de Pierre-Yves CollombatPierre-Yves Collombat :

Mes chers collègues, l’amendement de suppression de l’article 28 quinquies que va nous présenter le Gouvernement dans un instant est assurément un morceau d’anthologie à ranger dans la catégorie « modernisation » !

Qu’est-ce qui peut bien susciter ainsi l’ire du Gouvernement ? Écoutez-moi bien, car cela vaut son pesant de saccharine !

Aux termes du premier alinéa de cet article, introduit par l’Assemblée nationale, le « déplacement, dans la même commune, d’un débit de tabac ordinaire permanent est autorisé par le maire, après avis du directeur régional des douanes et de l’organisation professionnelle représentative sur le plan national des débitants de tabac ».

La commission des lois du Sénat a ajouté un second alinéa, rédigé ainsi : « À défaut de réponse dans le délai d’un mois à compter de la date de saisine, le silence gardé par le directeur régional des douanes ou par l’organisation professionnelle représentative sur le plan national des débitants de tabac vaut avis favorable. »

Mes chers collègues, permettez-moi de vous citer maintenant l’exposé des motifs de l’amendement de suppression, qui est tout aussi intéressant.

Le Gouvernement commence ainsi : « L’article 28 quinquies de la proposition de loi ne respecte pas la hiérarchie des normes et la compétence de l’État en matière de gestion du monopole des tabacs ». Ainsi, la modernisation exigerait le respect du monopole des tabacs…

Il poursuit : « Par ailleurs, cette modification de la réglementation risque de déséquilibrer le réseau des débitants de tabac au plan national. » Autrement dit, en déplaçant un bureau de tabac dans une commune, vous déséquilibrez l'ensemble du réseau national !

Le Gouvernement ajoute : « En effet, les maires ne peuvent se substituer aux directeurs régionaux des douanes et droits indirects en matière d’autorisation de transferts des débits de tabac dès lors qu’ils ne disposent pas des moyens objectifs permettant d’appréhender l’impact de ces déplacements sur la globalité du réseau […] ». Ainsi lorsque, en tant que maire, vous croyez décider pour votre commune, votre décision aurait en réalité un impact beaucoup plus large : voilà un nouvel exemple de l’effet papillon, qui veut que le battement d’ailes d’un papillon au Paraguay ait une influence sur l’état de la forêt landaise…

Le Gouvernement finit ainsi sa phrase : « […] notamment dans le cadre d’importantes unités urbaines ou de communes limitrophes ». Le problème, c’est qu’il s’agit en l’espèce non pas d’unités urbaines ou de communes limitrophes, mais d’une seule et même commune. Tout cela est vraiment risible, mais à une heure aussi tardive, je n’insisterai pas…

Il y a toutefois un léger problème. Je lis toujours l’objet de l’amendement n° 157 : « Conscient de la demande des élus locaux, le Gouvernement propose de prévoir qu’avant toute prise de décision dans le cadre des procédures d’implantation par voie de transfert par les directeurs régionaux des douanes, ces derniers recueillent systématiquement l’avis conforme des maires. » Le maire aurait donc le dernier mot si on suit son avis conforme…

Bref, cet amendement de suppression n’a rigoureusement aucun sens : à l’heure où il est de plus en plus question d’élargir la décentralisation et de clarifier les compétences, il ne paraît vraiment pas incongru qu’un maire soit compétent pour juger du déplacement d’un débit de tabac dans le ressort de sa commune !

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