Le projet de loi de finances pour 2016 prévoit des dépenses globales dédiées aux médias, à la lecture, aux industries culturelles et à l'audiovisuel public de 4,4 milliards d'euros, en hausse de 0,46 % par rapport à l'an dernier. Dans le contexte actuel, on peut donc dire que ces secteurs sont globalement préservés, même s'il existe des variations sensibles entre les différents domaines.
Certains points sont satisfaisants : ainsi en est-il de l'aide, constante, aux médias de proximité - 29 millions d'euros en faveur du fonds de soutien à l'expression radiophonique locale - et de la pérennisation du fonds de soutien aux médias de proximité créé à la suite des attentats de janvier 2015. Ces structures remplissent une mission sociale fondamentale et il est important de pouvoir soutenir leur action. Je me félicite aussi de la hausse de la dotation allouée aux contrats-territoire lecture, outils particulièrement utiles pour renforcer l'action des bibliothèques territoriales et favoriser la pratique de la lecture ; du renforcement des aides au pluralisme de la presse, qui demeurent toutefois largement minoritaires en proportion des autres types d'aides ; du retour de la dotation de la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi) à un niveau plus compatible avec l'exercice de ses missions de lutte contre le téléchargement illégal et de développement d'une offre légale, comme je l'avais demandé l'an dernier. Nous avions en effet appelé le Gouvernement à clarifier la situation de la Haute Autorité, soit en la supprimant, choix auquel nous nous serions opposés, soit en la maintenant, mais en lui donnant alors les moyens de fonctionner.
Je me réjouis également du classement du contentieux communautaire contre l'Agence France-Presse (AFP) et de la validation de ses missions d'intérêt général par la Commission européenne, ce qui donne lieu à un nouveau contrat d'objectifs ambitieux, notamment pour le développement des ressources commerciales de l'Agence.
Enfin, les sociétés de l'audiovisuel public, dans le cadre de la négociation de leurs nouveaux contrats d'objectifs et de moyens (COM), semblent s'orienter vers de réels efforts de réduction des dépenses : les auditions m'en ont apporté la preuve et les dirigeants de ces sociétés paraissent désireux de renforcer les coopérations, notamment dans le domaine numérique.
Pour autant, de nombreux points de préoccupation ou de désaccord demeurent : ainsi, les documents budgétaires sont toujours très lacunaires sur les dépenses fiscales, sans aucune évaluation de leur efficacité, ni aucun élément d'explication sur les évolutions liées à leur chiffrage.
En outre, une incertitude pèse sur les tarifs postaux qui seront applicables à la presse au-delà du 31 décembre 2015, qui marque la fin des accords « Schwartz ». Cette situation est une réelle source de préoccupation pour les éditeurs, notamment ceux de la presse d'information spécialisée.
De surcroît, le chantier de rénovation du Quadrilatère Richelieu, site historique de la Bibliothèque nationale de France (BNF), connaît un dépassement de son budget initial et un retard dans son calendrier, pour la deuxième année consécutive, ce qui n'est pas de bon augure pour la suite - nous en prenons date.
Par ailleurs, le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC), qui remplit certes d'importantes missions, demeure une « exception » budgétaire au regard des autres opérateurs de l'État. En dépit de nos remarques réitérées, ses taxes affectées ne sont toujours pas soumises au plafonnement, en contradiction avec la loi de programmation des finances publiques. Or, il fait partie des dix opérateurs percevant le montant le plus élevé de fiscalité affectée.
Surtout, et c'est ce qui m'amène à demander le rejet des crédits de la mission comme du compte de concours financiers, le Gouvernement a de nouveau reporté la réforme de la contribution à l'audiovisuel public, nécessaire et urgente au regard de l'évolution des usages. Il faut faire cette réforme, qui doit être guidée par les principes de justice fiscale et de neutralité technologique, comme l'ont préconisé nos collègues André Gattolin et Jean-Pierre Leleux. Au lieu de quoi le Gouvernement a choisi d'augmenter significativement le taux de la taxe sur les opérateurs de communications électroniques (TOCE), qui passe de 0,9 % à 1,3 % à la suite du vote de l'Assemblée nationale, et d'affecter directement le produit qui en résulte à France Télévisions. Il s'agit d'une politique de Gribouille alors qu'il était plus que temps, à dix-huit mois de l'élection présidentielle, d'engager une réforme d'envergure. C'était peut-être la dernière occasion d'appréhender ce problème dans toutes ses dimensions.
Ce relèvement de la taxe sur les opérateurs de communications ne me paraît pas pertinent d'abord parce que, contrairement aux engagements gouvernementaux, il constitue une hausse de la fiscalité des entreprises, ce qui se traduira par un impact économique négatif sur le secteur concerné, et risque incontestablement de se répercuter sur la facture du consommateur. Ensuite, cette mesure de court terme ne règle en rien la question du financement de l'audiovisuel public à moyen et long terme, et elle n'est pas utile, puisque le rendement actuel de la taxe permettrait d'ores et déjà le financement de l'audiovisuel public au niveau proposé dans le projet de loi de finances pour 2016. Enfin, l'affectation directe d'une part du produit de la taxe à France Télévisions pourrait susciter de nouveaux recours juridiques de la part des concurrents de l'entreprise, qui invoqueraient une aide d'État : cela ferait paradoxalement peser une incertitude supplémentaire sur le financement de l'audiovisuel public, le temps que les institutions saisies soient en situation d'appréhender le cas traité. Or, le Gouvernement prétend vouloir renforcer l'indépendance financière de l'audiovisuel public.
Pour toutes ces raisons, je vous propose donc, comme l'année dernière, de ne pas adopter les crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles », ni ceux du compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public ».