L’article 19 vise à traiter une situation quelque peu particulière.
La compagnie Condor Ferries, basée à Saint-Malo, assurait des liaisons quotidiennes entre ce port et les îles anglo-normandes et, de façon accessoire, avec le sud de l’Angleterre. Elle était exploitée par une société française battant pavillon français et comptait un certain nombre d’employés français. Par conséquent, chacun d’entre eux était, conformément aux règles de la législation française, assuré à la sécurité sociale.
Cette compagnie a été vendue à une société qui a déplacé son siège à Guernesey. Ce détail n’est pas sans importance, puisque les États de Jersey comme de Guernesey ne sont pas membres de l’Union européenne et, de ce fait, n’obéissent pas aux différentes conventions qui peuvent lier les pays de l’Union européenne en matière de sécurité sociale.
À partir du moment où le siège a été déplacé à Guernesey, la sécurité sociale a fait savoir aux salariés qu’ils ne pouvaient plus être ressortissants du régime général et qu’ils devaient s’employer à trouver un assureur privé pour prendre en charge et leur couverture sanitaire et leur retraite. Nombre d’entre eux ont été confrontés à une difficulté de taille ; certains aujourd’hui n’ont même plus de couverture sociale.
L’article 19 prévoit que ces salariés soient rattachés au régime général de la sécurité sociale. Cette mesure suscite quelques réticences de leur part ; ils auraient en effet préféré être rattachés à l’ENIM, l’Établissement national des invalides de la marine, plus communément appelé « caisse des marins », pour des raisons affectives et de reconnaissance de leur métier. Cependant, ce n’est pas possible, l’ENIM n’ayant pas la capacité de recouvrer auprès de l’employeur la part qu’il lui reviendrait de payer.
Or il y a urgence, et c’est la raison pour laquelle nous devons adopter cet article, même si, à terme, des modifications doivent être apportées.
Cela étant, les employeurs exercent un chantage : ils menacent, s’ils sont obligés de payer des cotisations de sécurité sociale, de ne plus employer de Français ou de délocaliser l’entreprise. Mais leur fonds de commerce, c’est la liaison entre Saint-Malo et les îles anglo-normandes ! Il n’y a donc pas de risque.
Imaginez qu’un tel chantage soit pratiqué par toutes les entreprises… Jusqu’où irait-on pour se dégager des obligations sociales ?