Intervention de Ségolène Neuville

Réunion du 13 novembre 2015 à 9h30
Financement de la sécurité sociale pour 2016 — Articles additionnels après l'article 46

Ségolène Neuville, secrétaire d'État :

À l'évidence, la demande en la matière est forte sur l’ensemble des travées du Sénat.

L’histoire des personnes handicapées françaises hébergées en Belgique n’est pas nouvelle. Depuis plus de dix ans, la situation est la même, et des milliers de personnes partent en Belgique pour se rendre dans des établissements médico-sociaux.

Une première étape a été l’accord franco-wallon, qui a été adopté dans cet hémicycle et qui a permis d’encadrer la qualité de l’hébergement, de l’accueil et de l’accompagnement de ces établissements. Dorénavant, des contrôles sont réalisés conjointement par les services d’inspection français, l’agence régionale de santé du Nord-Pas-de-Calais et les services d’inspection belges.

Cette mesure ne résout pas la question du flux des nouvelles personnes qui partent pour la Belgique. Je souhaite néanmoins vous apporter quelques éléments d’information sur ce point.

Actuellement, quelque 6 000 Français sont hébergés en Belgique, soit 1 500 enfants et 4 500 adultes. Le flux de plus important est donc celui des adultes.

En effet, les enfants hébergés en Belgique le sont quasiment exclusivement dans des établissements dits « conventionnés » par l’assurance maladie ; le nombre de ces conventionnements n’augmente plus. Les admissions dans des établissements non conventionnés sont extrêmement minoritaires pour les enfants, puisque moins de 50 d’entre eux sont concernés, sur quelque 1 500 au total.

En revanche, le nombre d’adultes partis en Belgique, notamment au cours des dernières années, est en croissance exponentielle. Ce sujet ne concerne donc pas uniquement l’assurance maladie, mais aussi les conseils départementaux, qui financent les deux tiers de ces hébergements pour adultes.

En ce qui concerne la méthode à mettre en œuvre pour stopper ce flux, le Gouvernement s’est évidemment posé toutes les questions que vous soulevez aujourd'hui. Un important travail de concertation a été réalisé, notamment par la mission menée par Denis Piveteau, qui a donné lieu à l’établissement d’un rapport intitulé « Zéro sans solution » : le devoir collectif de permettre un parcours de vie sans rupture, pour les personnes en situation de handicap et pour leurs proches.

Ce rapport nous a été remis, à Marisol Touraine et à moi-même, voilà plus d’un an. Nous travaillons depuis lors au sein de mon cabinet, sous la houlette de Marie-Sophie Desaulle que j’ai missionnée sur ce sujet, pour élaborer ce que nous appelons une « réponse accompagnée pour tous ».

L’idée est de trouver des solutions adaptées aux besoins de chaque personne, au plus près de son domicile, grâce à la mise en œuvre des recommandations de ce rapport.

Il s’agit d’une question non pas seulement de financement, mais aussi d’organisation globale de notre système médico-social, qu’il convient de modifier simultanément à plusieurs niveaux. Je vais vous en donner quelques exemples.

Si vous arrêtez le flux en interdisant que l’argent parte vers les établissements, que se passera-t-il ? Au 1er janvier 2016, des établissements situés en Belgique et qui accueillent des personnes handicapées ne seront plus financés. Pour autant, le problème ne sera pas résolu dans les territoires situés à proximité du domicile de ces personnes. Tout l’enjeu est de résoudre ce problème.

Il faut, bien évidemment, ouvrir des places, car le manque est criant. C’est la raison pour laquelle, quel que soit le gouvernement en place, sont lancés des plans majeurs prévoyant l’ouverture, chaque année, de plus de 4 000 nouvelles places. Ce rythme, les associations gestionnaires qui proposent des projets, ainsi que les agences régionales de santé, sont également capables de le suivre.

En réalité, il y a dans l’ONDAM médico-social des financements fléchés qui ne sont pas forcément utilisés en fin d’année, parce que les projets ne suivent pas.

Le raisonnement est le suivant. Il faut quatre ou cinq ans pour ouvrir un établissement à proximité du domicile d’une personne accueillie dans un établissement en Belgique. Il faut donc utiliser d’autres méthodes, comme, par exemple, l’augmentation du nombre de places dans les établissements existants. Dans ce cas, en effet, il n’est pas nécessaire de faire un appel à projets. Cela peut aller très vite : il suffit de faire venir du personnel en renfort, notamment au sein des services médico-sociaux.

Pour résoudre les cas des personnes en situation critique, il convient d’ouvrir des places dans les établissements et dans les services, ou de créer un service à domicile spécialisé pour accompagner ces personnes. Il s’agit donc de méthodes sur mesure.

Comment y parvenir ? Le Sénat a adopté un amendement à la loi de santé, qui en est devenu l’article 21 bis. Cet article tend à réorganiser notre système en donnant la possibilité aux maisons départementales des personnes handicapées, les MDPH, de réunir tous les acteurs concernés autour d’une table pour qu’ils décident quelle solution proposer à telle personne ayant tel type de handicap, laquelle, a priori, ne pourrait pas se voir attribuer une place adaptée à l’intérieur de notre territoire.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous n’ignorez pas que la plupart des établissements ne sont pas pleins à 100 %. Pour autant, ils ne peuvent pas accueillir tous les types de handicaps, tout simplement parce que leur spécialité ne leur permet pas de traiter l’ensemble des handicaps.

Ces situations recouvrent des questions de formation des professionnels, de dérogations applicables aux établissements et aux services, afin qu’ils puissent accueillir tel ou tel type de handicap. On voit donc bien que le mécanisme est bien complexe qu’il n’y paraît.

Je conclurai mon propos en évoquant le fonds d’amorçage de 15 millions d’euros. Que n’ai-je entendu à ce sujet !... Pourquoi Marisol Touraine et moi-même avons-nous tenu à annoncer la création de ce fonds ?

Il ne s’agit pas de dire que ces 15 millions d’euros permettront d’ouvrir des places dans toute la France pour accueillir toutes les personnes qui auraient dû partir en Belgique. Ce n’est pas du tout le sens de cette mesure. Nous avions simplement besoin d’un fonds d’amorçage pour financer l’accueil des premières personnes qui ne seront pas orientées vers la Belgique.

Ces 15 millions d’euros seront donc distribués, via la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, la CNSA, aux agences régionales de santé dès le début de l’année 2016, afin que les ARS les plus directement concernées, lors du démarrage de la procédure, puissent bénéficier de ce fonds. Celui-ci permettra, entre autres mesures, d’ouvrir des places et de recruter du personnel au plus près du domicile des personnes handicapées.

Si ces 15 millions d’euros sont rapidement dépensés, parce que le flux aura été arrêté, il y aura, bien évidemment, abondement de ce fonds. En effet, il ne s’agit pas de nouveaux crédits, mais de crédits qui partaient jusqu’à présent en Belgique. Il s’agit donc bien d’un fonds d’amorçage, pour lequel n’est pas véritablement prévu de limitation.

Ce que vous proposez de faire par l’intermédiaire d’un mécanisme contraignant, nous voulons le réaliser en mettant en place un dispositif comportant de multiples options. Il ne s’agit pas seulement de stopper le flux financier ; c’est un puzzle dont les multiples pièces permettent d’aboutir au résultat escompté.

Nous avons demandé à l’Inspection générale des affaires sociales, l’IGAS, de suivre l’ensemble de ce processus, afin que nous puissions disposer de données sur le fonctionnement effectif du dispositif. Je suis, pour ma part, tout à fait favorable à ce que des sénateurs travaillent également sur ce sujet au sein de la commission des affaires sociales. Il s’agira en effet, dans les années à venir, de l’un des enjeux essentiels pour les questions touchant au handicap.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion