Intervention de Annie David

Réunion du 23 septembre 2009 à 9h30
Orientation et formation professionnelle tout au long de la vie — Article 13 bis BB

Photo de Annie DavidAnnie David :

En 2006, lors de l’examen de la loi dite « de l’égalité des chances », je m’étais, au nom de mon groupe, vivement opposée à la création de « l’apprentissage junior» à destination des jeunes de quatorze ans. M. Carle s’en souvient sans doute puisqu’il se trouvait déjà à l’origine de cette proposition !

Remise en cause inacceptable de l’obligation scolaire jusqu’à seize ans, ce dispositif apparaissait surtout comme un moyen d’expulser du système scolaire les jeunes les plus en difficulté.

Nombre d’orateurs sur ces travées avaient pointé du doigt le risque d’une orientation « par défaut », faite « à l’aveuglette », de surcroît pour des jeunes n’ayant que quatorze ans. Le risque d’abandon en cours de route était, en effet, important. À titre d’exemple, le taux de rupture du contrat d’apprentissage pour les plus de seize ans avoisine les 20 %.

Ce dispositif était même critiqué au sein de certains CFA.

À tel point que, à la rentrée 2007, il a été « suspendu » par Nicolas Sarkozy, mais non abrogé comme cela avait été évoqué un temps par le candidat Sarkozy.

La pratique nous a donc donné raison.

Aujourd’hui, M. le rapporteur propose le même dispositif que celui qui est prévu pour l’apprentissage junior à l’article L. 337-3 du code de l’éducation, en déplaçant le curseur de quatorze ans à quinze ans. Pour le reste, le dispositif est identique à celui que nous avions rejeté en 2006.

Ce dispositif de préorientation, même s’il n’intervient qu’un an avant le terme de la scolarité obligatoire et même s’il offre une possibilité de retour au collège ou au lycée, ne peut constituer une réponse aux difficultés scolaires des jeunes.

La maîtrise des savoirs et des connaissances, le fameux socle commun de compétences, monsieur le rapporteur, doit rester l’objectif fondamental du système éducatif national, d’autant plus que les métiers réclament déjà une élévation des niveaux de qualification.

Je vous rappelle que l’enseignement de ce socle se termine à seize ans, à la fin de la scolarité obligatoire. Si vous envoyez les jeunes en apprentissage à quinze ans, ils n’auront même pas ce socle de compétences !

Comme je l’ai déjà dit en tant que rapporteur pour avis sur le budget de l’enseignement professionnel lorsque j’étais membre de la commission des affaires culturelles, et Mme Brigitte Gonthier-Maurin l’a dit également, elle qui est désormais rapporteur sur ce budget, l’apprentissage a assurément toute sa place dans notre paysage éducatif. Mais il ne saurait devenir l’alpha et l’oméga de la voie professionnelle.

Je m’interroge sur cette volonté, de plus en plus prégnante au sein du Gouvernement, mais aussi dans ce texte, du fait de l’influence de notre rapporteur, de présenter l’apprentissage comme la panacée.

Sur ce terrain, nous devons faire preuve de nuance et de pragmatisme, et non de dogmatisme : l’apprentissage convient à certains profils qui ne s’épanouiraient pas dans la voie strictement scolaire. La réciproque est tout aussi vraie.

Ayons ainsi à l’esprit certaines données : si l’apprentissage conduit à une insertion plus systématique et plus rapide que l’enseignement sous statut scolaire, une part encore significative d’apprentis, à savoir plus d’un tiers d’entre eux, ne trouvent pas d’emploi à l’issue de leur formation.

Cet état de fait vient prendre à défaut la doxa qui veut que ce contrat soit la garantie d’une parfaite adéquation entre offre et demande !

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