Comment expliquer, au regard de l’exigence de justice sociale qui a présidé à l’élaboration de ce projet, qu’une partie de la Haute Assemblée supprime le paiement de cotisations sociales « au premier euro » sur les indemnités de rupture – autrement dit, les « parachutes dorés » –, à partir de 193 000 euros, pour le maintenir à 380 000 euros ? Comment expliquer que vous supprimiez le paiement de contributions sociales sur les dividendes versés aux dirigeants de SARL ? Comment expliquer la suppression de l’assujettissement aux prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine immobilier des produits de placement perçus en France par des personnes fiscalement domiciliées hors de France ? Enfin, comment expliquer que, à l’inverse, sont votés un recul de l’âge de départ à la retraite à 63 ans et l’instauration de trois jours de carence pour le personnel de la fonction publique hospitalière ?
Je serai juste : ce projet de loi de financement issu de nos débats comporte aussi pour 2016 des mesures majeures de restructuration des droits des affiliés, avec la création d’une protection universelle maladie et de l’architecture des financements – principalement gestion et recouvrement dans le régime des indépendants et modalités de financement des établissements de soins de suite et de rééducation –, sujets sur lesquels nous avons eu des débats constructifs.
De même ont été approuvées plusieurs mesures nouvelles relatives à l’accès aux soins et à la prévention, comme la gratuité et la confidentialité des actes liés à la prescription de contraceptifs pour les mineures, la gratuité du dépistage du cancer du sein pour les femmes à risque, la mise en place d’un mi-temps thérapeutique pour les travailleurs indépendants et la prise en charge d’actes de prévention de l’obésité chez les jeunes enfants. L’intérêt général y trouve parfaitement son compte.
En revanche, trois amendements défendus par le groupe socialiste et républicain, parmi la trentaine que nous avons présentés, ont réveillé une susceptibilité épidermique, qui a surtout eu pour effet de paralyser immédiatement l’ébauche même de toute discussion.
Pour ne pas accréditer le sentiment que ces propositions constituaient les rouages d’un plan machiavélique contre l’exercice libéral, je les ai retirés. Pourtant, il s’agissait simplement de rétablir l’obligation individuelle de participation à un service de permanence de soins, qui était en vigueur jusqu’en 2002. Il s’agissait aussi de la possibilité d’inscrire dans la convention médicale les recommandations de la Haute Autorité de santé, en particulier sur les objectifs de prescription et de recours aux médicaments biosimilaires. Il est certainement très regrettable que de simples recommandations, qui plus est, de la Haute Autorité de santé, suscitent une si vive réaction.
Mes chers collègues, ce projet de loi tel qu’il a été réécrit par la majorité du Sénat, laquelle a supprimé toutes les dispositions d’équilibre des comptes et refusé les mesures de maîtrise des dépenses pour en ajouter d’autres, mériterait peut-être un sévère « hors sujet » ! Nous ne pourrons donc pas l’approuver. Je le regrette, je le dis très sincèrement : les bons résultats obtenus, …