Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, eu égard aux événements tragiques de vendredi dernier, certains thèmes que nous allons aborder ce soir pourraient paraître décalés, mais la présidence a souhaité le maintien de ce débat pour montrer que la Haute Assemblée, sous son autorité, poursuivait son travail avec détermination, animée par la volonté d’éclairer l’opinion publique sur l’ensemble des sujets qui font la vie de nos compatriotes.
Il n’est pas douteux que la problématique de l’affectation des moyens, dans le contexte de l’augmentation des compétences que l’État envisage en matière de sécurité, nous amènera dans les heures qui viennent à évoquer le rôle et la place des collectivités territoriales, singulièrement des communes, dans le dispositif du pacte de sécurité souhaité par le Président de la République. Cette thématique rejoint la réflexion sur la dotation globale de fonctionnement, la DGF, et la responsabilité de l’État vis-à-vis des engagements pris à l’égard des collectivités locales dans le transfert des financements destinés à mener des politiques publiques de proximité.
Il n’est pas envisageable d’aborder ce débat sur la réforme de la DGF sans évoquer le contexte particulier de nos finances locales. La décision du Gouvernement de diminuer à hauteur de 30 % les dotations de l’État plonge les collectivités que nous représentons dans une situation très délicate. L’investissement public a chuté brutalement, et les perspectives pour 2016 confirment cette décroissance. Toutes les estimations convergent vers le même chiffre : une baisse de 30 % de l’investissement public à l’horizon 2017, c'est-à-dire à l’horizon de la borne supérieure de la période triennale de la dernière loi de programmation des finances publiques.
Or le modèle économique de notre pays repose sur les deux piliers que sont la consommation et l’investissement. Pour ce qui concerne la consommation, elle connaît des hauts et des bas en fonction des saisons et des périodes, la période dans laquelle nous allons entrer constituant un point d’interrogation supplémentaire. Quant à l’investissement, dans un pays ouvert comme le nôtre, l’investissement privé est assez faible, et les événements dramatiques que nous vivons auront des répercussions sur la logique de préservation de l’investissement, occasionnant peut-être des retards en l’espèce. Pour ce qui est de l’investissement public, dernier levier sur lequel nous pouvons agir collectivement, la première lecture de la première partie du projet de loi de finances à l’Assemblée nationale a mis en exergue à quel point l’État investit peu. Ainsi, même en l’estimant très généreusement, il n’excédera pas 11 ou 12 milliards d’euros en 2016, sur un investissement public total de près de 60 milliards d’euros. Les collectivités locales assument la différence, dont 60 % sont assurés par le bloc communal.
Je rappelle qu’une baisse de 10 % de l’investissement public entraîne une perte de 0, 2 point de croissance, et qu’une diminution de 30 % sur trois ans représente une perte de 0, 7 point de croissance, soit presque l’équivalent d’une année moyenne de croissance, puisque, sur l’exercice 2015, la croissance nationale atteindra probablement 1% ou 1, 1 %.
Ces chiffres permettent de prendre toute la mesure du désastre qui est en train de se produire sous nos yeux. Nous appelons l’État, que vous représentez, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, à corriger cette trajectoire, dans le cadre d’une volonté partagée.
Par ailleurs, le pacte de sécurité – je le soutiens pour ma part – annoncé par le Président de la République justifiera pleinement, peut-être à votre échelon, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, certainement à celui du Premier ministre et probablement à celui du Président de la République, d’aborder la question de l’efficacité de l’accompagnement des politiques publiques soutenues par les collectivités locales, sur ce sujet sécuritaire comme sur d’autres, afin d’ouvrir le débat sur la programmation triennale qui n’est pas tenable, dans le cadre de négociations avec Bruxelles concernant le pacte de stabilité.
Cette décision se traduira également par la redéfinition du périmètre des services publics locaux. À l’occasion de l’examen du premier projet de budget qui a suivi les élections municipales et orienté un certain nombre de choix, les collectivités locales ont dénoncé un transfert de l’impôt national vers l’impôt local. De ce point de vue, l’argumentaire qui a structuré le projet de loi de finances pour 2016 actuellement en discussion au Parlement ne tient pas, car les mesures prises pour corriger la sortie d’une partie des contribuables de l’impôt sur le revenu vont de nouveau entraîner un transfert vers l’impôt local.
Quelque 30 % des collectivités communales et intercommunales ont déjà augmenté les impôts malgré elles. Aucun élu, de gauche comme de droite, n’a fait campagne au moment des élections municipales sur le thème de l’augmentation des impôts – celui qui l’aurait fait aurait peu de chances d’être aux responsabilités aujourd’hui ! Tous souhaitent demeurer fidèles à leurs engagements, même si beaucoup n'ont pas pu l’être. Or les collectivités locales ont annoncé leur intention d’augmenter la fiscalité, je le répète malgré elles, d’environ 30 % dans le budget pour 2016, entraînant une augmentation de la pression fiscale qui va effacer encore plus les annonces effectuées à l’échelon national.
Je crois important de rappeler devant la Haute Assemblée que 53 % à 54 % des foyers fiscaux sont dégrevés des impôts locaux. Mais à force de revenir méthodiquement sur la progressivité de la fiscalité nationale, ce sont les mêmes personnes que l’on accable. Les classes moyennes inférieures et supérieures, c'est-à-dire des gens qui sont trop riches pour être pauvres ou trop pauvres pour être riches vont subir un transfert d’imposition sur le plan local.