La séance, suspendue à dix-sept heures trente, est reprise à vingt et une heures trente.
La séance est reprise.
J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 n’est pas parvenue à l’adoption d’un texte commun.
L’ordre du jour appelle le débat sur la réforme de la dotation globale de fonctionnement, organisé à la demande du groupe Les Républicains.
La parole est à M. François Baroin, orateur du groupe auteur de la demande.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, eu égard aux événements tragiques de vendredi dernier, certains thèmes que nous allons aborder ce soir pourraient paraître décalés, mais la présidence a souhaité le maintien de ce débat pour montrer que la Haute Assemblée, sous son autorité, poursuivait son travail avec détermination, animée par la volonté d’éclairer l’opinion publique sur l’ensemble des sujets qui font la vie de nos compatriotes.
Il n’est pas douteux que la problématique de l’affectation des moyens, dans le contexte de l’augmentation des compétences que l’État envisage en matière de sécurité, nous amènera dans les heures qui viennent à évoquer le rôle et la place des collectivités territoriales, singulièrement des communes, dans le dispositif du pacte de sécurité souhaité par le Président de la République. Cette thématique rejoint la réflexion sur la dotation globale de fonctionnement, la DGF, et la responsabilité de l’État vis-à-vis des engagements pris à l’égard des collectivités locales dans le transfert des financements destinés à mener des politiques publiques de proximité.
Il n’est pas envisageable d’aborder ce débat sur la réforme de la DGF sans évoquer le contexte particulier de nos finances locales. La décision du Gouvernement de diminuer à hauteur de 30 % les dotations de l’État plonge les collectivités que nous représentons dans une situation très délicate. L’investissement public a chuté brutalement, et les perspectives pour 2016 confirment cette décroissance. Toutes les estimations convergent vers le même chiffre : une baisse de 30 % de l’investissement public à l’horizon 2017, c'est-à-dire à l’horizon de la borne supérieure de la période triennale de la dernière loi de programmation des finances publiques.
Or le modèle économique de notre pays repose sur les deux piliers que sont la consommation et l’investissement. Pour ce qui concerne la consommation, elle connaît des hauts et des bas en fonction des saisons et des périodes, la période dans laquelle nous allons entrer constituant un point d’interrogation supplémentaire. Quant à l’investissement, dans un pays ouvert comme le nôtre, l’investissement privé est assez faible, et les événements dramatiques que nous vivons auront des répercussions sur la logique de préservation de l’investissement, occasionnant peut-être des retards en l’espèce. Pour ce qui est de l’investissement public, dernier levier sur lequel nous pouvons agir collectivement, la première lecture de la première partie du projet de loi de finances à l’Assemblée nationale a mis en exergue à quel point l’État investit peu. Ainsi, même en l’estimant très généreusement, il n’excédera pas 11 ou 12 milliards d’euros en 2016, sur un investissement public total de près de 60 milliards d’euros. Les collectivités locales assument la différence, dont 60 % sont assurés par le bloc communal.
Je rappelle qu’une baisse de 10 % de l’investissement public entraîne une perte de 0, 2 point de croissance, et qu’une diminution de 30 % sur trois ans représente une perte de 0, 7 point de croissance, soit presque l’équivalent d’une année moyenne de croissance, puisque, sur l’exercice 2015, la croissance nationale atteindra probablement 1% ou 1, 1 %.
Ces chiffres permettent de prendre toute la mesure du désastre qui est en train de se produire sous nos yeux. Nous appelons l’État, que vous représentez, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, à corriger cette trajectoire, dans le cadre d’une volonté partagée.
Par ailleurs, le pacte de sécurité – je le soutiens pour ma part – annoncé par le Président de la République justifiera pleinement, peut-être à votre échelon, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, certainement à celui du Premier ministre et probablement à celui du Président de la République, d’aborder la question de l’efficacité de l’accompagnement des politiques publiques soutenues par les collectivités locales, sur ce sujet sécuritaire comme sur d’autres, afin d’ouvrir le débat sur la programmation triennale qui n’est pas tenable, dans le cadre de négociations avec Bruxelles concernant le pacte de stabilité.
Cette décision se traduira également par la redéfinition du périmètre des services publics locaux. À l’occasion de l’examen du premier projet de budget qui a suivi les élections municipales et orienté un certain nombre de choix, les collectivités locales ont dénoncé un transfert de l’impôt national vers l’impôt local. De ce point de vue, l’argumentaire qui a structuré le projet de loi de finances pour 2016 actuellement en discussion au Parlement ne tient pas, car les mesures prises pour corriger la sortie d’une partie des contribuables de l’impôt sur le revenu vont de nouveau entraîner un transfert vers l’impôt local.
Quelque 30 % des collectivités communales et intercommunales ont déjà augmenté les impôts malgré elles. Aucun élu, de gauche comme de droite, n’a fait campagne au moment des élections municipales sur le thème de l’augmentation des impôts – celui qui l’aurait fait aurait peu de chances d’être aux responsabilités aujourd’hui ! Tous souhaitent demeurer fidèles à leurs engagements, même si beaucoup n'ont pas pu l’être. Or les collectivités locales ont annoncé leur intention d’augmenter la fiscalité, je le répète malgré elles, d’environ 30 % dans le budget pour 2016, entraînant une augmentation de la pression fiscale qui va effacer encore plus les annonces effectuées à l’échelon national.
Je crois important de rappeler devant la Haute Assemblée que 53 % à 54 % des foyers fiscaux sont dégrevés des impôts locaux. Mais à force de revenir méthodiquement sur la progressivité de la fiscalité nationale, ce sont les mêmes personnes que l’on accable. Les classes moyennes inférieures et supérieures, c'est-à-dire des gens qui sont trop riches pour être pauvres ou trop pauvres pour être riches vont subir un transfert d’imposition sur le plan local.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Ces éléments sont objectifs, indépendants de tout regard politique. Ils sont le résultat d’études et d’enquêtes menées par la Banque postale, par différentes instances, parfois sous l’autorité des directions d’administration centrale du ministère de l’intérieur, de Bercy. Même la Cour des comptes vous a alertés il y a quelques semaines, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, dans un rapport très clair sur la responsabilité de l’État dans l’effondrement annoncé de l’investissement public.
Ces éléments sont aujourd’hui sur la place publique ; ils ne sont pas suspects d’interprétation ou d’orientation. Ils devront nous amener à nous réunir, afin de revenir sur le calendrier de la réforme de la DGF. Les associations d’élus l’ont demandé au Gouvernement à plusieurs reprises. Permettez-moi d’ailleurs de saluer la présence dans cet hémicycle de Caroline Cayeux, ainsi que de bon nombre de représentants des bureaux exécutifs d’associations.
Cela étant, personne ne conteste la nécessité de revoir les règles de la dotation globale de fonctionnement, d’en redéfinir le périmètre et la péréquation qui soutient très activement une bonne partie des budgets. Mais nous ne comprenons pas, même après l’annonce récente du Premier ministre, pourquoi le Gouvernement s’est obstiné, nuitamment, à vouloir discuter de ce sujet par la voie d’un amendement déposé au projet de loi de finances, projet de loi qui, de surcroît, est examiné au moment de la mise en place, à la demande des préfets et sur vos instructions, madame la ministre, des schémas départementaux de coopération intercommunale.
J’ajoute que nous n’avons pu consulter que tardivement les simulations proposées par Bercy. Je voudrais rendre hommage au président Larcher, qui a pris la décision courageuse, en lien avec le rapporteur général, de mandater des représentants de la Haute Assemblée pour effectuer un contrôle sur pièces et sur place à Bercy destiné à récupérer des simulations que nous étions en droit d’examiner suffisamment en amont afin d’en discuter avec nos représentants.
Pourquoi continuer de proposer une discussion sur des principes, sachant que les modalités ne seront applicables qu’en 2017 – et nous l’espérons évidemment un peu plus tard – et que toutes les simulations auront alors explosé en plein vol en raison de l’importance du mouvement de la coopération intercommunale ? Le périmètre de la DGF aura changé. Ce sera peine perdue ! Nous allons perdre beaucoup de temps !
J’ai salué l’initiative du Premier ministre qui a entendu le message collectif du Sénat et des associations d’élus, et a reporté l’application de la réforme en 2017. Mais dans mon élan généreux de compliments, j’avais oublié que nous n’avions aucune visibilité au-delà de 2016 ; nous ne disposons d’aucun élément pour les années n+1 ou n+2 ! Par conséquent, nous nous trouvons dans l’incapacité de définir une méthode, des objectifs, dans le cadre d’un calendrier que nous ne maîtrisons pas, pour des plans d’action municipaux ou intercommunaux.
La bonne politique serait probablement de considérer que les principes doivent être discutés en même temps que les modalités d’application. Voilà le message que nous vous adressons, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, et que nous vous prions, avec le respect que nous vous devons, de bien vouloir transmettre au Premier ministre : encore un effort ! Vous avez fait 80 % du chemin ! Puisque nous allons discuter de ces modalités financières, étudions les principes à l’occasion de l’examen d’un seul et même texte au printemps !
Les schémas départementaux de coopération intercommunale seront stabilisés à la fin du mois de février. Ils seront mis en place – une certaine « digestion » est nécessaire – courant mars, nous ouvrant une fenêtre de tir entre les mois de mars et de juin pour examiner raisonnablement et avec responsabilité ce sujet.
Je veux enfin attirer l’attention de la Haute Assemblée sur l’article 72-2 de la Constitution de notre République…
… qui dispose : « Les collectivités territoriales bénéficient de ressources dont elles peuvent disposer librement […] Tout transfert de compétences entre l’État et les collectivités territoriales s’accompagne de l’attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. » Or nous sommes nombreux à considérer que, dès 2016 – il en sera sans doute de même l’année suivante –, la loi de finances remettra en cause le principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales.
Nous vous alertons solennellement, ce soir, au cours de ce débat sur la dotation globale de fonctionnement, sur les risques d’asphyxie et de remise en cause d’un principe essentiel dans notre loi fondamentale. Nous prenons donc date !
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, il y a évidemment des moments où le temps se suspend, où les controverses politiques ou techniques qui nous animent parfois doivent s’effacer derrière l’indicible, l’inacceptable.
La conférence des présidents avait, de longue date, à quelques heures de l’ouverture prévue du congrès des maires de France, fixé ce rendez-vous. Nous devions parler des dotations attribuées aux collectivités locales, dans le prolongement du rapport Germain-Pires Beaune et dans la perspective immédiate de la discussion, au Sénat, du projet de loi de finances pour 2016.
Les événements qui se sont produits vendredi dernier au Stade de France, cet équipement majeur que nous avions choisi de construire, voilà vingt ans, dans une banlieue meurtrie par la désindustrialisation, et dans les quartiers populaires de l’Est parisien, où se côtoient jeunesse étudiante, jeunesse active et entreprenante, population faubourienne et familles d’origine étrangère, ont modifié l’ordre des choses et conduit au report du congrès des maires.
Il nous reste l’urgence de ce débat qui, d’une certaine manière, anticipe celui qui est relatif au projet de loi de finances.
Il y a un moment où l’évidence des faits impose de modifier les habitudes de pensée et d’action, notamment au plus haut niveau.
Il y a un moment où les discours sur l’excès de la dépense publique, sur la nécessité de tenir nos engagements européens, sur la réduction des déficits publics se heurtent de plein fouet à la réalité.
Comment parler d’excès des dépenses publiques quand on constate que, un jour de grève des médecins contre le projet de loi relatif à la santé, tous les personnels hospitaliers, y compris ceux qui bénéficiaient a priori, en cette fin de semaine, d’un congé, sont venus en masse pour aider les équipes confrontées à l’horreur des attentats ?
Ce sens aigu du service public, qui anime également les pompiers de Paris, les forces de police et de sécurité, il nous faut le saluer dans cette enceinte à sa juste valeur, une valeur essentielle pour la République, pour la France.
Réduction des déficits publics, nous dit-on ? Mais ne va-t-il pas falloir mobiliser des moyens tant pour les opérations extérieures – M. le Premier ministre l’a confirmé cet après-midi –, dont le coût a déjà fortement progressé, que pour la sécurité intérieure du pays ? Ne faut-il pas se poser la question de notre détermination à résoudre les maux dont notre société est frappée, en mobilisant les moyens matériels et humains dont nous disposons, et qui résident autant dans notre police républicaine, une police de qualité, que chez les agents du service public de l’éducation ou ceux du service public de l’emploi qui, dans l’apparente routine du quotidien, accomplissent une tâche immense, et en maintenant une vie associative, riche de ses bénévoles, mais ayant besoin de notre soutien ?
Nous devons nous interroger sur le contexte dans lequel s’est forgée la folie meurtrière de ceux qui ont arrosé à l’arme de guerre les terrasses de restaurants et de cafés parisiens et attaqué à la grenade et au fusil d’assaut l’une des salles de spectacle les plus fréquentées de la capitale.
Les auteurs de ces actes ont, pour la plupart d’entre eux, vécu dans l’une des communes déshéritées de l’agglomération bruxelloise de Molenbeek-Saint-Jean, un faubourg ouvrier de Bruxelles, qui est devenu, au fil de la transformation de la capitale belge en capitale des institutions européennes, un véritable ghetto de la misère, accueillant des populations étrangères de plus en plus pauvres et précarisées dans un univers de désindustrialisation forcenée et de spéculation immobilière galopante. Cette banlieue occupe en effet l’avant-dernière place de toutes les communes de Belgique pour ce qui concerne la modestie des ressources de ses habitants. Quel terreau fertile, on l’imagine, aux idées les plus dangereuses !
Ce détour par la Belgique nous ramène plus encore à la situation de notre pays. Rien ne nous permet en effet de penser que la France est à l’abri de telles difficultés.
Certes, les communes de notre pays sont bien plus nombreuses que les communes belges – celles-ci sont au nombre de 589 –, où les efforts de regroupement plus ou moins consentis ont abouti à la simplification du paysage urbain. Mais nous avons, nous le savons aussi, des territoires urbains et des cantons ruraux qui sont très largement frappés par les difficultés qu’y rencontrent les populations. Désindustrialisation pour les uns, dépérissement pour les autres : tels sont les deux symptômes qui marquent les territoires de l’ensemble du pays, avec l’émergence d’inégalités spatiales et géographiques, conduisant bien souvent à la ségrégation sociale.
Nos villages et nos cantons ruraux comptent sans doute aujourd’hui bien plus d’ouvriers et d’employés que de paysans, et les villes ouvrières ont connu des mutations sensibles de leur population. Les activités productives ont fait place, dans bien des cas, à des activités de services ; la société est ainsi dotée à la fois de ses créateurs, de sa matière grise, comme de ses salariés plus ou moins déclassés, car confinés à des fonctions secondaires.
La dotation globale de fonctionnement pourrait-elle devenir l’instrument de correction de ces inégalités ? Le rétablissement de l’égalité entre les territoires et leurs habitants ne saurait s’opérer avec le seul prélèvement de 36 milliards d’euros en 2015 – 33 milliards en 2016 –, moins de deux points de PIB, que constitue cette dotation, d’autant que celle-ci a subi au fil du temps des modifications, qui rendent sa répartition complexe et opaque.
Créée à l’origine pour compenser des impôts retirés aux collectivités, la DGF a été fortement réduite tout au long des dernières années : réforme et gel de la dotation en 1993, mise sous enveloppe normée en 1995, majoration de dotations compensatrices, retirées aux collectivités locales elles-mêmes, en 2004, gel à la fin des années 2000 et, désormais, mise à contribution pour participer à la réduction des déficits publics. Elle a beaucoup perdu de ses capacités financières : plus de 2, 5 milliards d’euros de pouvoir d’achat de 2004 à 2014.
Quant à l’outil de réduction des inégalités spatiales et sociales par excellence, ce ne peut être que l’impôt national ! Ce sont la juste contribution des ménages à raison de leurs possibilités, la juste contribution des entreprises au titre de leurs activités économiques et financières et en fonction de leurs résultats qui restent et demeurent le moyen le plus efficace de lutte contre les inégalités.
La dotation globale de fonctionnement doit donc permettre aux collectivités territoriales de disposer des moyens nécessaires à leur action, à la réponse qu’elles peuvent apporter aux attentes et aux besoins des populations. Une partie de la réponse, devrais-je plutôt dire... En effet, à considérer la seule situation de ma propre ville, que constate-t-on ?
Entre 2001 et 2014 – il faut remonter un peu plus loin dans le temps –, la dotation globale de fonctionnement versée à ma ville est passée de 12 % de ses recettes à moins de 9 % aujourd’hui, quand, dans le même temps, la participation des habitants, impôts et contributions pour service rendu, passait de 25 % à 40 % de ces mêmes recettes de fonctionnement.
La réduction du montant de la DGF notifiée depuis le vote de la loi de programmation des finances publiques a déjà eu des effets récessifs, et il est même probable que ces effets ont coûté plus à la société et à l’économie dans leur ensemble que l’effet induit par la réduction de la dotation. Je pense que la commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur l’incidence des réductions des dotations aidera le Gouvernement à mesurer la nocivité de cette mesure non seulement pour les collectivités territoriales, mais aussi pour notre économie et, par voie de conséquence, le budget de l’État.
Lors d’une récente audition, l’OFCE, l’Observatoire français des conjonctures économiques, a considéré que la baisse des dotations à hauteur de 11 milliards d’euros se traduira par une perte de 0, 55 % de PIB.
À qui fera-t-on croire que notre économie et nos comptes publics se sont mieux portés en 2014 qu’en 2004, avec un montant de la DGF inférieur à celui d’il y a dix ans ?
La décentralisation est mise à mal depuis déjà un certain nombre d’années avec les transferts sans ressources équivalentes aux nouvelles charges à assumer. Avec cette participation forcée des collectivités territoriales à la réduction des déficits, on atteint un niveau de pression inégalé sur les choix de nos collectivités. Nous vivons en état d’urgence absolue pour retisser le lien social, conforter et consolider le vivre ensemble, donner à la société les premiers éléments qui font d’elle une société et non une confrontation entre les ethnies, les catégories sociales, les classes d’âge, ou encore les différences religieuses.
Le terreau de la démocratie à la française, le ferment sans cesse renouvelé et novateur, tout ce sur quoi nous nous appuyons, c’est l’exercice du pouvoir local, au plus près des habitants et de leurs aspirations. Il est grand temps que la dotation globale de fonctionnement redevienne cet élément du financement de l’action locale, cet outil dont les élus locaux, choisis entre les citoyens par les citoyens eux-mêmes, font usage pour répondre aux besoins du quotidien et pour donner à leurs administrés des perspectives d’avenir.
En France, nous avons la chance de compter plus de 500 000 élus locaux, un demi-million de personnes qui se sentent, à des degrés divers, impliquées dans la vie de leur village, de leur quartier, de leur ville, soucieuses d’y agir dans l’intérêt général. Ces 500 000 élus ne constituent pas, de mon point de vue, ce que certains appellent souvent avec dédain la « classe politique ». Ils accomplissent le plus souvent ce mandat, ce bénévolat, dans le plus parfait anonymat. Ce sont ces premiers acteurs qu’il nous faut mobiliser pour faire reculer dans notre pays les divisions factices appelées à devenir meurtrières, dans le cadre de l’action locale déterminée en faveur de l’école, de la qualité de la vie, de la culture, du sport, et je pourrais citer bien d’autres domaines encore.
Pour ce faire, il convient, dès aujourd’hui, de revenir aussi sur les lois qui vont réduire les départements à une sorte de « super-bureaux » d’aide sociale, dépourvus de moyens dans la mesure où le projet de loi de finances pour 2016 prévoit de transférer 4 milliards d’euros de recettes fiscales vers les régions.
Nous vivons en état d’urgence absolue, une urgence qui nous impose aujourd’hui de tourner le dos à la logique de réduction des déficits publics par la diminution de la dépense publique et, par voie de conséquence, des dotations aux collectivités locales. Nous avons besoin d’une DGF remise d’aplomb pour que les élus locaux disposent des moyens de leur action, de même que nous réclamons un effort particulier pour réformer les finances locales. Mais nous manquons aussi d’argent pour mettre en œuvre des solutions alternatives à l’incarcération des plus jeunes délinquants, répondre à la détresse sociale, mettre en place une véritable politique de la ville audacieuse.
Il n’y a pas de territoires perdus de la République, contrairement à ce qu’affirment certains. D’ailleurs, si tel était le cas, nous n’aurions pas, dans nos banlieues, cette créativité, cette puissante aspiration au changement, cette solidarité qui font pièce à un quotidien qui pousse au repli sur soi et fait perdre toute illusion. C’est au plus près du peuple de ce pays, avec l’implication des élus locaux et des associations dans la vie de la cité que nous trouverons, plus sûrement encore qu’avec le seul renforcement des nécessaires moyens de lutte contre le terrorisme, les outils, les voies et moyens qui donneront sens à la France, à l’égard de tous ceux qui ont l’impression d’avoir été abandonnés.
Élue de terrain dans une ville populaire, plus riche de sa tradition ouvrière et de ses luttes que du fait du revenu ou de la fortune de ses habitants, je ressens au premier chef les aspirations dont je viens de parler, de même que je perçois les incompréhensions et appréhensions face aux choix politiques et budgétaires qui, ces dernières années, n’ont pas fait place au service public.
Aujourd’hui, le Gouvernement propose dans le projet de loi de finances pour 2016 une réforme de la dotation globale de fonctionnement. Nous pouvons apprécier la mise en place d’une dotation de base, demande que nous avons régulièrement défendue et que Jean Germain et moi-même avons portée dans nos départements. Mais le Gouvernement n’a pas entendu, me semble-t-il, les réflexions qui remontent des collectivités elles-mêmes.
La diversité de nos territoires, les obligations qu’ils doivent assumer en fonction de la situation de leurs populations ou de leur réalité géographique n’ont pas retenu son attention.
Revoir la dotation globale de fonctionnement au moment où le Gouvernement en réduit l’enveloppe générale rend particulièrement difficile la préparation d’une réforme. Nous pensons vraiment que la réduction des inégalités entre nos territoires, entre les communes, et la mise en place des ressources adaptées en fonction de leurs besoins supposent une ressource qui pourrait s’appuyer sur les richesses financières accumulées sans lien immédiat avec la production.
C’est une ressource qui donnerait véritablement les moyens de repenser l’accompagnement solidaire dont ont besoin les territoires les plus fragiles. C’est pourquoi il convient de se donner le temps de travailler à cette réforme, comme l’avait souhaité le Comité des finances locales.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le groupe Les Républicains a souhaité maintenir le débat sur la réforme de la DGF, alors même que le congrès des maires auquel ce débat entendait faire écho a été ajourné à la suite des événements tragiques qui ont eu lieu vendredi dernier. Cet échange aurait pu trouver logiquement sa place lors de l’examen de l’article 58 du projet de loi de finances pour 2016, dont nous commencerons l’examen jeudi prochain.
Mais, après tout, puisque nous y sommes invités, profitons du débat de ce soir pour confronter nos constats et pour tracer quelques perspectives.
Je ne m’appesantirai sur la contribution des collectivités territoriales au redressement des finances publiques
M. Albéric de Montgolfier s’exclame.
J’insisterai plutôt sur les contrastes entre les collectivités territoriales, dont les situations sont très variables : certaines peuvent facilement faire face, d’autres non. De là l’acuité particulière qui s’attache, aujourd’hui plus encore qu’hier, à la question de la répartition de la dotation globale de fonctionnement.
La DGF doit donc être réformée. De fait, à droit constant, 465 communes ne percevraient plus de dotation forfaitaire en 2017, et 505 établissements publics de coopération intercommunale plus de dotation d’intercommunalité, en raison de la contribution au redressement des finances publiques. Plus largement, nous avons tous souscrit à l’essentiel des premières conclusions du rapport établi par Mme Pires Beaune et notre regretté collègue Jean Germain, qui ont dressé le constat suivant : « La DGF pâtit d’une architecture peu lisible et d’une répartition inéquitable, qui ne correspond plus à la réalité des charges de fonctionnement des collectivités et des modes de gestion locaux. »
Dès lors, on ne peut que féliciter le Gouvernement d’avoir inscrit à son agenda la réforme de cette dotation, …
… d’autant plus que, par nature, elle ne saurait faire que des heureux : ceux qui pourraient en bénéficier se feront tout petits de peur qu’elle ne soit modifiée, pendant que ceux qui pourraient y perdre ne manqueront pas de faire valoir tous arguments pour préserver leurs ressources… Encore faut-il ajouter que l’enveloppe globale diminue, tandis qu’augmente la péréquation horizontale via le fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, ou FPIC.
En fin de compte, il en va de la réforme de la DGF comme de celle des bases locatives : unanimement souhaitées, elles sont unanimement décriées sitôt que paraissent les premières simulations !
M. Pierre-Yves Collombat rit.
Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, l’article 58 du projet de loi de finances pour 2016 reprend pour l’essentiel l’architecture de la nouvelle DGF qu’ont proposée Mme Pires Beaune et Jean Germain : une dotation de base, une dotation de centralité et une dotation de ruralité, le tout accompagné d’un dispositif de garantie visant à lisser les effets de la réforme dans le temps.
Il est indéniable que les simulations réalisées sur ce fondement font apparaître quelques dysfonctionnements – c’est du reste leur rôle : certains, simples effets de bord, sont aisément corrigibles, mais d’autres, plus préoccupants, appellent sans doute un travail de révision.
Parmi les effets de bord figure une conséquence du blocage à la baisse de la dotation de base à hauteur de 50 % de son montant, soit 37, 50 euros par habitant : certaines communes très riches ne percevant logiquement plus qu’une DGF résiduelle devraient se voir rembourser, aux frais, bien entendu, des autres collectivités territoriales, une part de leurs contributions au redressement des comptes publics de 2014 et 2015. Citons également la suppression en un an de la dotation nationale de péréquation, la DNP, alors que, par le passé, toute sortie d’une dotation de péréquation était toujours étalée sur quatre ans.
Parmi les aspects nécessitant sans doute d’être revisités figure la répartition de la dotation de centralité selon un indice de population porté à la puissance 5 qui ne permet pas de tenir compte de centralités secondaires au sein d’un même EPCI, tout en valorisant anormalement les structures défensives qui entourent celui-ci. Cette même dotation de centralité aurait pu connaître des fluctuations importantes du fait de la nouvelle carte des intercommunalités issue de la mise en œuvre de la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, raison pour laquelle le Premier ministre a fort sagement retardé d’un an la mise en application de cette réforme.
Lors donc que nous disposons d’un peu de temps pour affiner cette réforme, peut-être serait-il utile d’en réinterroger quelques attendus. Ainsi, alors que l’enveloppe globale de la dotation diminue, notre priorité ne doit-elle pas être d’en faire une dotation avant tout très fortement péréquatrice, qui corrige les écarts de richesse, notamment économique, entre des communes supportant des charges de même nature ? Dès lors, les transferts réalisés au titre du FPIC ne peuvent-ils pas être gelés et intégrés au calcul de la répartition de la DGF ?
Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, lorsque nous parlons de la dotation globale de fonctionnement, nous parlons d’une réalité bien différente d’une collectivité territoriale à une autre : ressource majeure, du moins significative, pour nombre d’entre elles, la DGF présente, pour certaines autres, un caractère secondaire, voire insignifiant. Mais nous parlons aussi, au-delà des chiffres, de faits beaucoup plus intimes et personnels ; je veux parler de l’idée que se fait chaque maire de son rapport avec l’État. Songez, mes chers collègues, à la joie ou à l’incompréhension que ressent un maire selon qu’il se sent soutenu ou, quelquefois, abandonné par l’État, et à la déception de celui qui ne perçoit aucune dotation de centralité alors qu’il se bat depuis vingt ans pour convaincre l’État qu’il organise une centralité dans sa commune ! Souvenons-nous que la DGF, ce n’est pas seulement de l’argent ; c’est aussi une dimension du lien qui unit une collectivité territoriale à l’État.
À tous les maires et présidents d’EPCI, nous devons deux choses essentielles : la lisibilité et l’équité. Nous leur en devons aussi une troisième : la rapidité. C’est pourquoi je voterai, à l’instar de nos collègues députés, l’article 58 du projet de loi de finances pour 2016, malgré ses imperfections, dont j’ai mentionné certaines. Sortons de la posture facile du rejet et choisissons la voie beaucoup plus constructive de l’élaboration collective !
N’est-ce pas d’ailleurs le rôle du Sénat, représentant des collectivités territoriales, …
… que de prendre la responsabilité de proposer au Gouvernement les adaptations qui lui paraissent souhaitables ? N’est-ce pas en particulier celle des membres, comme moi, de la commission des finances ? La Haute Assemblée n’a-t-elle pas là l’occasion de jouer tout son rôle et de discréditer une fois pour toutes l’idée récurrente d’un Haut Conseil des territoires dont nous ne voulons pas ?
Mes chers collègues, si nous sommes attachés à un Sénat utile, au service des territoires et des collectivités territoriales qui les font vivre, trêve de postures ! Il est regrettable, par exemple, que le groupe Les Républicains, qui a provoqué l’organisation de ce débat, ait refusé de participer à la mission proposée par le Premier ministre pour définir les grandes orientations de la réforme. Je rappelle en effet que, au départ, la présence d’un parlementaire de ce groupe au côté de Mme Pires Beaune était souhaitée par le Gouvernement.
Dommage aussi que certains se réjouissent du report de la réforme, alors qu’elle est attendue par nombre de collectivités territoriales, notamment parmi les plus fragiles.
Mes chers collègues, sur ce sujet comme sur bien d’autres, avançons, travaillons, produisons ! C’est ainsi que nous prendrons une part déterminante, au côté de l’État, à la réforme tant attendue de la DGF !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il y a dix mois, le 13 janvier, nous entamions l’examen du projet de loi portant nouvelle organisation de la République.
À l’époque déjà je soulignais le rôle majeur joué par les collectivités territoriales pour le maintien de la cohésion sociale, la lutte contre les exclusions et discriminations et l’approfondissement du vivre ensemble, qui fait le ciment d’une société.
À la fin de cette discussion, je n’avais pu que déplorer qu’elle ait tant mis en évidence la méfiance, pour ne pas dire la défiance, des territoires les uns envers les autres, alors que nous aurions dû rechercher de meilleures coopérations et bâtir des ponts entre les différents acteurs des territoires. Je ne crois pas utile de rappeler la vigueur, et même la violence, de certains propos qui ont été tenus sur les relations que ce soit entre les régions et les départements ou entre les métropoles et les communes rurales. Je regrette encore que la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République n’ait pas permis d’avancer en ce qui concerne la péréquation financière et l’autonomie fiscale, voire la réforme des bases fiscales.
Les collectivités territoriales sont, au côté de l’État, le socle de l’action publique partout dans les territoires ; il semble, mes chers collègues, que nous en soyons tous d’accord.
Notre débat fait suite au vote par l’Assemblée nationale, le 20 octobre dernier, d’une baisse de 3, 5 milliards d’euros des dotations aux collectivités territoriales dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2016. Le montant de la dotation globale de fonctionnement s’établira donc l’an prochain à 33, 1 milliards d’euros. Une diminution supplémentaire de 11 milliards d’euros est prévue entre 2015 et 2017.
Parlons clair : les écologistes s’opposent fermement à ces baisses. En effet, les collectivités territoriales ont besoin de ressources, parce que l’action publique territoriale de proximité est plus nécessaire que jamais en cette période où s’exacerbent les sentiments d’exclusion, de relégation et d’abandon.
Il n’en résulte pas qu’il ne faille pas réaliser des économies. Au demeurant, toutes les collectivités territoriales ou presque se sont lancées dans de telles démarches, traquant les doublons, optimisant leurs dépenses de fonctionnement, renégociant les contrats publics et mutualisant des services. La recherche d’économies est bénéfique lorsqu’elle conduit à une utilisation plus rationnelle de l’argent public et, partant, à des redéploiements de moyens améliorant l’efficacité de l’action publique. La limite, la ligne rouge, ce sont les baisses de crédits qui aboutissent à une diminution du service au public : cela n’est pas acceptable !
Si le maintien d’autres dotations de l’État contrebalance encore pour l’instant la baisse de la DGF dans un certain nombre de communes – je pense en particulier à la dotation de solidarité rurale, la DSR –, l’inquiétude des élus locaux, dont plusieurs orateurs se sont déjà fait l’écho, reste forte, car nous savons que la diminution des dotations va se poursuivre. Le président de l’Association des maires de France l’a souligné avant moi ; je ne puis que souscrire ce soir à une grande partie de son analyse sur ce sujet.
L’Observatoire des finances locales a constaté la baisse des investissements publics locaux que nous redoutions : en 2014, les investissements du bloc communal ont reculé de 9, 6 % et ceux des départements de 4, 2 %, même si ceux des régions ont augmenté de 2, 8 %. La Cour des comptes, dans son rapport du mois d’octobre dernier sur les finances publiques locales, s’est également inquiétée de la diminution des investissements publics locaux, dont nous savons tous qu’ils représentent près de 70 % des investissements publics.
De fait, ce recul de l’investissement local est un coup dur pour l’ensemble de notre économie, déjà très fragile ; il signifie moins d’écoles, moins de centres sociaux et moins de lieux culturels, mais aussi moins d’actions en faveur de la transition énergétique, en particulier de la rénovation des bâtiments et de la production d’énergies renouvelables. Il provoque la baisse de l’activité locale et, par voie de conséquence, celle des recettes fiscales perçues sur les entreprises. En somme, la décision de diminuer les dotations aux collectivités territoriales est à l’origine d’un cercle vicieux qui conduit à la récession.
Elle a en particulier des conséquences très dommageables sur la vie culturelle, qui repose souvent sur de petits budgets, qu’il s’agisse de bibliothèques, de petites salles de concert ou d’autres petits lieux culturels. La réduction des budgets de fonctionnement met très vite à mal ces petites structures et entraîne presque immédiatement des conséquences assez graves sur le plan de l’emploi.
Telle est l’analyse que je partage avec le président de l’Association des maires de France. Toutefois, je n’apporterai pas davantage mon soutien à la majorité sénatoriale !
Sourires.
En effet, je relève une contradiction flagrante dans le discours de la droite : d’un côté, elle hurle à l’étranglement financier du bloc communal, …
… de l’autre, ses dirigeants – tous candidats à l’élection présidentielle – se lancent dans une étonnante surenchère sur le montant des économies budgétaires à réaliser : 100 milliards d’euros, 150 milliards d’euros, on ne sait pas jusqu’où cela ira ! Il lui est difficile de s’ériger en défenseur des budgets communaux tout en préparant l’étranglement financier des communes. La position de la droite me semble totalement intenable et je crains vraiment le pire pour les années à venir !
Par ailleurs, je pense que d’autres pistes peuvent être explorées et qu’une alternative aux coupes budgétaires nettes dans les concours de l’État – même compensées, comme cela sera certainement annoncé tout à l’heure, pour ne pas dire rafistolées par quelques aides ponctuelles comme le fonds pour l’investissement local dont la création a été révélée en septembre dernier – existe.
Ainsi, la question d’une meilleure répartition des recettes de la cotisation foncière des entreprises qui crée actuellement d’importantes inégalités financières entre territoires devra certainement être posée.
Je profiterai du temps de parole qu’il me reste pour engager un débat sur plusieurs de mes propositions, qui permettra de ne pas nous limiter à la défense du statu quo.
Je pense que les communes et les intercommunalités doivent être perçues non comme des entités autonomes, mais comme des territoires s’insérant dans la République. À ce titre, elles doivent porter une part de la responsabilité collective et aider à relever les grands défis nationaux auxquels notre pays est confronté.
C’est le cas, par exemple – faut-il le rappeler ? –, de l’habitat : notre pays a besoin de logements, tout particulièrement de logements sociaux. Compte tenu de cette urgence, les dotations de l’État et le volontarisme des territoires ne devraient-ils pas être beaucoup plus nettement orientés vers le logement social, la mixité et la politique de l’habitat ? Voilà un débat que nous devrions conduire !
La question de la transition énergétique, sur laquelle je voudrais revenir, s’inscrit dans la même logique.
Les territoires sont la clé de cette transition : sans eux, il sera impossible de tenir les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Je précise qu’il s’agit de mon couplet en faveur de la COP 21, sans quoi, monsieur Mézard, vous auriez été déçu ! §Ce débat renvoie à celui qui s’est tenu hier soir dans l’hémicycle. Vous savez, mes chers collègues, qu’il s’agit d’une question à laquelle je tiens beaucoup et que j’aborde le plus fréquemment possible.
Aujourd’hui, si nous décidions de réduire les dotations de l’État, cela créerait une situation dans laquelle les collectivités territoriales n’auraient pas les moyens de créer les fonds qui leur permettront de s’engager dans la transition énergétique.
Dans la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, nous avions pourtant créé les « tiers investisseurs », c’est-à-dire une mesure favorisant la capacité d’investissement des collectivités territoriales dans la transition énergétique. Si donc nous réduisions fortement les dotations aux collectivités, celles-ci ne pourraient que moins investir : on s’aperçoit bien qu’il y a une contradiction !
Nous devrions aujourd’hui réfléchir sérieusement à cette question de la mobilisation des finances locales au service de la transition énergétique. Il faudra peut-être faire preuve d’un peu d’imagination. Nous en avions d’ailleurs parlé dans cette enceinte même avec Ségolène Royal : ne pourrions-nous pas créer des budgets annexes, disposer de fonds dont les ressources n’entreraient pas dans le calcul de l’endettement des collectivités territoriales, parce qu’elles seraient à l’origine de retours sur investissement ?
C’est ce genre de sujet que nous devrions étudier collectivement. Cela redonnerait des marges de manœuvre aux collectivités territoriales. Cela leur permettrait aussi de répondre à des défis essentiels et de créer un nombre important d’emplois dans les territoires.
Parfois, je me dis que les écologistes ne sont pas les plus décroissants – même si certains m’en ont encore fait le reproche cet après-midi – et qu’ils ont en vue, sans doute plus que d’autres, une véritable croissance économique !
Mme la ministre opine.
Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, je souhaite mettre une autre idée sur la table, afin de trouver des recettes pour le bloc communal. Pourquoi ne pas imaginer – comme cela a été défendu par les réseaux européens des collectivités territoriales voilà quelques années – une dotation globale de fonctionnement additionnelle climat qui serait alimentée par la mise en enchère des permis d’émission de gaz à effet de serre – il paraît que les recettes liées à ces permis qui tombent directement dans les caisses de l’État vont augmenter – ou par la contribution carbone que le Sénat a décidé de réévaluer ?
Dès lors que nous avons fixé dans la loi relative à la transition énergétique l’obligation pour toutes les intercommunalités de mettre en place un plan climat adossé aux engagements internationaux de la France – je ne suis même pas sûr que toutes les intercommunalités l’aient encore intégrée – et que nous avons créé, dans le cadre de cette même loi, des systèmes extrêmement simples de comptabilisation des émissions de gaz à effet de serre dans les territoires, nous pourrions très bien imaginer un mécanisme dans lequel ce sont les territoires qui s’engagent le plus en matière de réduction des émissions qui bénéficieraient de ces ressources.
C’est ce type d’idées qui permettraient d’obtenir des recettes, de la dynamique et de l’activité. Il s’agirait également d’un puissant levier pour mener à bien la transition énergétique.
Plus généralement, je crois que la lisibilité de la DGF et des dotations de l’État est aujourd’hui extrêmement faible. Les maires m’ont souvent fait part de leur véritable besoin de mieux comprendre le rapport entre les politiques qu’ils mènent et les recettes qu’ils perçoivent. Il importe par conséquent de réfléchir sur ce point : en ce sens, l’engagement d’une véritable réforme de la DGF afin de la rendre lisible et solidaire nous semble nécessaire.
Néanmoins, je rejoins Claude Raynal lorsqu’il déclare qu’il est difficile de conduire une telle réforme. Si tout le monde est favorable à la réforme, en réalité, au-delà des postures, le refus d’une véritable péréquation entre riches et pauvres réapparaît toujours assez rapidement !
Et je ne vous parle pas, mes chers collègues, de la réforme des bases locatives !
Nous manquons aussi d’une réelle vision de l’articulation entre les divers types de territoires. Quels sont les effets entre grandes métropoles et territoires ruraux ? Quelles sont les dynamiques entre ces territoires ? Je n’ai malheureusement pas le temps d’ouvrir un tel débat.
Je ne répéterai pas les propos qui ont été tenus auparavant : compte tenu de ce qui s’est passé ces derniers jours, nous en sommes aujourd’hui à la réponse aux enjeux de sécurité. Toutefois, il nous faudra répondre demain à la question des territoires et à celle de l’exclusion. Je n’ai pas besoin de développer ces sujets, car je rejoins tout à fait ce qu’a dit Marie-France Beaufils.
Pour conclure, je le rappelle, la dépense publique n’est pas une mauvaise chose ; elle est nécessaire à une société en état de marche dont elle constitue l’un des socles ! Il convient en effet de se souvenir que la plupart des pays de cette planète rêveraient d’une augmentation de leurs dépenses publiques et d’outils financiers pour leurs territoires.
Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe CRC . – M. Raymond Vall applaudit également.
Madame la ministre, vous avez raison de vouloir faire évoluer la DGF. Ce que nous contestons, c’est la méthode !
Si les élus locaux et a fortiori l’ensemble de nos concitoyens font face à des mécanismes strictement illisibles, qui sont d’ailleurs vécus depuis longtemps comme l’aboutissement de décisions bureaucratiques coupées des réalités de terrain, cela signifie qu’il est effectivement urgent de modifier les règles de cette dotation.
Pour couronner le tout, comme les mécanismes se sont superposés sans se substituer les uns aux autres, en gelant chaque couche de la « pâte feuilletée » des distorsions entre communes voisines, entre communes de mêmes caractéristiques, entre départements de même strate, ils se sont aggravés. Or tout cela est vécu aujourd’hui comme profondément injuste, contraire même au principe de l’égalité des territoires, mot d’ordre ou élément de langage dont la déclinaison pratique est si difficile à réaliser.
Comme la question de la révision des bases locatives, la situation actuelle résulte d’une responsabilité collective, tous gouvernements confondus. Nous le savons tous, lorsqu’on touche aux revenus ou à la fiscalité, ceux qui bénéficient de la réforme restent silencieux de contentement, et ceux qui y perdent pleurent en poussant des cris d’orfraie. Telle est la dure loi de l’exercice du pouvoir !
La question de la dotation globale de fonctionnement est double. Premièrement, quelle est l’enveloppe budgétaire fléchée dans le projet de loi de finances pour les dotations de l’État aux collectivités locales ? Deuxièmement, comment répartir cette enveloppe et quels critères privilégier pour aller vers davantage de justice et de simplification ?
Pour répondre à la première question, il faut convenir que, parallèlement à la réforme de la DGF, l’engagement par le Gouvernement d’un plan drastique de réduction des concours de l’État aux collectivités territoriales ne facilite pas la tâche ! En dépit des indispensables mesures de lissage annoncées, le rapport que Charles Guéné, Philippe Dallier et moi-même réalisons au nom de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation sur les conséquences de la baisse des dotations nous permet de conclure dès à présent que, sans tenir compte des effets de la réforme, un nombre considérable de collectivités locales sera touché d’ici à 2017 : certaines collectivités se trouveront dans une situation de grave déséquilibre budgétaire ; beaucoup d’entre elles seront obligées de réduire les dépenses d’investissement et d’augmenter l’impôt local. Et encore, pour certaines, cela ne suffira pas !
Il est clair qu’ajouter une couche à la situation financière déjà dramatique de ces communes ne serait pas raisonnable en l’état.
Je n’ai jamais contesté le principe d’une baisse des dotations de l’État aux collectivités territoriales, car, quel que soit le gouvernement en place – et l’alternance d’ailleurs –, cela est difficilement évitable. En revanche, il est primordial de répartir la charge de ces prélèvements en fonction de la richesse et du potentiel des collectivités territoriales car, madame la ministre, le bon sens populaire dit que l’on ne peut tondre un œuf.
Sourires.
Réformer la DGF, nous y sommes quasiment tous favorables. Toutefois, plusieurs conditions doivent être réunies pour la réussite de cette réforme.
Tout d’abord, celle-ci implique le temps d’une vraie concertation avec le Parlement en utilisant les travaux déjà réalisés et en cours de réalisation. J’ai bien dit « avec le Parlement », car, bien sûr, si les associations d’élus font des observations souvent pertinentes, leurs intérêts sont fréquemment contradictoires pour répondre aux préoccupations des différentes strates et des divers types de collectivités qu’elles représentent. Heureusement, nous n’avons pas eu de Haut Conseil des territoires !
Sourires.
Vous le comprenez, madame la ministre, ce que je viens de dire est tout à faire contraire à ce que vous essayez de faire. Vous avez voulu intégrer la réforme de la DGF dans le projet de loi de finances sans concertation avec les groupes politiques…
… ou avec la délégation aux collectivités territoriales, en créant un nouveau dispositif forcément en inadéquation avec votre réforme territoriale sur la fusion forcée des intercommunalités.
Comment faire des simulations crédibles sans connaître la nouvelle carte intercommunale, alors que les objectifs que vous défendez privilégient l’échelon des EPCI ? C’est contradictoire et, en tous les cas, très difficile ! §C’est même incohérent et surréaliste ! C’est d’ailleurs la raison que vous avez invoquée pour reporter la réforme d’une année sans – selon vous – en changer les grands principes.
(M. Gilbert Barbier sourit.) – nous n’y sommes pas parvenus en passant par votre cabinet, si bien que nous avons utilisé des voies détournées
Exclamations sur les travées de l'UDI-UC.
L’autre raison que nous n’avez pas invoquée, madame la ministre, c’est que, sur la base des simulations qu’il a fallu vous arracher §–, les résultats étaient strictement inexplicables, ne serait-ce que par le jeu de la dotation de centralité prévue. Si le système était appliqué tel que vous l’avez envisagé, il serait absolument impossible à gérer !
De grâce, prenez le temps de la concertation, cela changera ! §Prenez le temps de la recherche du consensus, cela changera ! Et s’il est un dossier sur lequel une véritable étude d’impact est nécessaire, c’est bien celui-ci !
Ensuite, que voulons-nous ? Partir du constat que la DGF actuelle ne correspond plus à la réalité des charges de fonctionnement et des modes de gestion locaux, qu’elle est devenue une rente justifiée par l’histoire – avec des mécanismes de garantie et de compensation –, dont la sédimentation s’est bétonnée.
Pour nous, il convient certes de corriger la dotation forfaitaire pour davantage tenir compte des charges de centralité et des charges des communes rurales, mais il importe de le faire de manière plus progressive et en évitant tout choc collatéral trop brutal. Madame la ministre, votre projet est à ce titre un échec assuré !
Enfin, nous souhaitons une refonte des mécanismes de péréquation des communes, aujourd’hui marqués par un saupoudrage destructeur, des effets de seuil et une absence d’articulation avec les mécanismes de péréquation horizontale. De plus, l’absence d’articulation avec les systèmes de péréquation verticale crée un certain nombre d’effets contre-péréquateurs.
Vous voulez resserrer l’éligibilité à la dotation de solidarité urbaine – la DSU – et à la dotation de solidarité rurale et en simplifier l’architecture en supprimant la dotation nationale de péréquation : vous avez raison !
Vous voulez créer une DGF des EPCI distincte de celle des communes : l’objectif est louable, mais la réalisation est problématique.
Créer une DGF locale calculée à l’échelle du territoire intercommunal, intégrant des garanties portées par l’autonomie communale et versée directement par l’État reviendrait à mettre en place un mécanisme mal étudié, qui pourrait entraîner des conséquences catastrophiques. Jouer à l’apprenti sorcier en la matière est dangereux !
En fait, madame la ministre, vous voulez l’évaporation des communes sans la proclamer, comme vous voulez encore celle des départements !
Pourtant, de manière générale, il n’est pas sain de construire des mécaniques financières en fonction d’une organisation territoriale future et incertaine.
En l’état, suspendez l’examen des principes de la DGF dans le projet de loi de finances et élaborons tous ensemble un texte consacré aux dotations de l’État !
Bravo ! et applaudissements sur les travées du RDSE, de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.
Lorsqu’on a été formé à la fiscalité des collectivités locales et que l’on s’adonne à la pratique depuis un demi-siècle, la réforme de la DGF constitue un challenge de choix. Je dois donc reconnaître, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, que votre initiative pouvait me séduire, a priori. J’avoue y avoir cédé dans un premier temps, avant qu’un examen attentif ne m’en détournât.
Aussi me bornerai-je à l’exercice proposé, sans trop rentrer dans la technique – cela exigerait des développements exhaustifs, que le temps imparti nous interdit –, mais en me concentrant plutôt sur les corrections à apporter au niveau de la méthode et sur le cheminement à conduire pour que nous arrivions ensemble à bonnes fins.
Chacun l’admet aujourd’hui, la DGF doit être réformée. Elle est devenue illisible et souvent injuste à force de sédimentation. Elle est devenue insoutenable : le système a atteint ses limites !
L’importance de la dette et la nécessité de rendre de la compétitivité à notre économie ont d’abord – durant la dernière décennie – freiné la DGF jusqu’à la geler. Aujourd'hui, la dotation est mise à contribution, avec, pour seules variables d’ajustement, le contribuable, autrement dit les ménages, et l’investissement.
Dans le même mouvement, la mondialisation et la numérisation ont profondément modifié la géographie économique de notre pays, concentrant les ressources sur des territoires de plus en plus réduits et menaçant les équilibres qui sous-tendent l’aménagement de l’espace français.
Nous en avons tiré une partie des conséquences, sans toutefois rédiger une véritable feuille de route, ni en donner une projection lisible.
Aux exonérations de l’impôt mises à la charge de l’État, a succédé la réforme de la taxe professionnelle qui a réduit le poids de l’impôt économique, mais également validé la substitution constitutionnelle sans équivoque de l’autonomie financière à l’autonomie fiscale des temps heureux.
La péréquation horizontale a été mise en place pour tenter de ramener chacun à une philosophie du partage mieux comprise.
Si besoin était, la loi organique de 2012 a transposé le contenu du traité européen sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, en posant les principes et les instruments d’un pilotage de la trajectoire, rappelant que les enjeux ne se limitaient pas au secteur « État » et ne s’arrêtaient pas non plus aux frontières nationales.
Dans des lois dites « territoriales », aux sigles aussi variés que MAPTAM ou NOTRe, ont été proposées une nouvelle organisation spatiale et la prise en compte d’une asymétrie, également nouvelle, qui bouscule un centralisme séculaire. Je veux parler de la reconnaissance des métropoles, qui s’affirment comme les nouveaux acteurs du XXIe siècle, venant bouleverser compétences, géographie et fiscalité.
De tels mouvements imposent, exigent leur traduction en termes de fiscalité locale, et cette réforme ne peut se limiter à la proposition que vous nous faites, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, ni dans sa construction ni dans sa formulation !
Votre réforme n’est pas à la hauteur de l’attente des collectivités. Elle ne correspond pas non plus aux enjeux d’une démocratie moderne. Elle se heurte à deux écueils : vouloir répondre à d’autres fins que son but initial et ne pas adopter un process et des outils susceptibles de lui conférer un caractère durable.
Elle s’inscrit, en effet, dans la logique d’atténuement temporaire de la contribution au redressement des finances publiques qui, si elle se justifie, n’en est pas moins d’une violence inouïe dans son quantum comme dans son calendrier – cela a été souligné – et exigeait certes un peu de cosmétique.
Dès lors, la copie souffre de ce péché originel : en tentant de satisfaire, l’espace d’un temps électoral, le plus grand nombre et les plus gros contribuables, elle s’éloigne de la recherche de l’équité, sacrifiant le gros des collectivités médianes sans distinction.
Ce jeu de bonneteau explique le fait que vous ayez livré les simulations au compte-goutte, et le désarroi de votre propre majorité, qui a tenté vainement de modifier la réforme à l’Assemblée nationale.
Tout cela n’est pas conforme à la dimension du sujet qui nous préoccupe !
La réforme de la DGF exige que nous posions le principe de la refonte complète du financement par dotations des collectivités locales, en embrassant non seulement la DGF, mais aussi les dispositifs de péréquation verticale et horizontale. Il faut surtout veiller à ce que chacun ait une vision à terme et une lisibilité complète du système adopté et, plus encore, y adhère.
La réforme nouvelle doit reposer sur une vision partagée de l’adéquation des ressources aux charges pesant sur les collectivités, dans leur diversité reconnue, et cela au plus près des réalités locales, en s’éloignant de canevas historiques souvent dépassés.
La péréquation doit figurer au rang de ces enjeux nouveaux. Sa nature, mais aussi ses mécanismes doivent faire partie du consensus, tout comme la durée de mise en place du processus de convergence.
Le lissage ne doit pas s’inscrire dans une nébuleuse, comme vous le proposez, et le « spontané » doit faire place à des objectifs identifiés et partagés.
Seconde faiblesse, cette réforme n’est pas à la hauteur d’une démocratie moderne.
Il aura fallu la double insistance du président du Sénat pour que, tout d’abord, vous nous transmettiez un premier jet, limité aux simulations pour 2016, puis que l’on assiste à l’« atterrissage » de la réforme en cours, qui ressemble d’ailleurs plus à un « touch and go ».
À cette heure, les chiffres du Grand Paris ne sont toujours pas calés, et nous peinons encore à décrypter les effets de cette « réforme à mèche lente ». Je n’évoquerai pas le caractère superficiel, voire anecdotique, du rapport sur le FPIC qui vient de nous être remis.
Dès lors, vous rangeant au fait que la nouvelle carte de l’intercommunalité rendait incohérente toute simulation de la dotation territoriale de centralité, vous avez bien voulu admettre un report à 2017 de l’application de cette réforme.
Nous pouvons, nous semble-t-il, mettre à profit les mois à venir pour travailler ensemble l’architecture d’une réforme globale des ressources des collectivités locales. Celle-ci ferait l’objet d’une loi spécifique, qui concernerait les dotations d’État, bien sûr, mais aussi les mécanismes d’ajustement des charges et des ressources, et la nécessaire rénovation de la péréquation, cela de manière corrélée à l’ensemble des ressources des collectivités.
C’est le sens de notre proposition de réécriture de l’article 58 du projet de loi de finances pour 2016.
Nous devons fixer le calendrier et les modalités de ce travail au plus tôt, pour l’articuler avec l’exercice de modification et de finalisation de votre propre texte. Le Sénat, qui a toute légitimité pour intervenir sur la question, y est prêt.
Enfin, il serait dommage de ne pas profiter de cette réforme historique pour mettre en place les outils et mécanismes d’une nouvelle gouvernance des finances publiques.
Nous ne pouvons poursuivre nos travaux mutuels dans le cadre actuel, qui laisse apparaître une approximation navrante, ainsi qu’une absence de partage d’objectifs et de confiance dans l’information échangée.
Le Parlement doit pouvoir disposer des bases et effets en simultané. Notre pays accuse, à cet égard, un retard considérable.
Nous devons sortir du manichéisme entretenu entre gouvernement et collectivités, pour rechercher, dans le cadre d’une responsabilité partagée, l’équilibre des comptes publics et relever les défis en termes de compétitivité de notre siècle.
Dans ces conditions, pour peu que nous ayons la volonté de travailler ensemble, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, la République, en particulier le Sénat, dont c’est le cœur de métier, apportera les réponses attendues par nos concitoyens et les territoires.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, de l'UDI-UC.
Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, à ce stade du débat, et compte tenu des excellentes interventions de François Baroin et de Charles Guené, je limiterai mon propos à quelques observations.
Tout d’abord, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, nos positions ne sont pas si éloignées que cela.
Exclamations amusées sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.
Le Gouvernement a fait une concession en acceptant une réforme en deux temps. Quand le Sénat préconise de présenter les principes et modalités de la réforme en ayant une vue claire de ses effets, vous proposez de déterminer les principes, puis de vérifier les modalités, avant de constater les effets pour, peut-être, les corriger. Les points de vue peuvent donc être conciliés sur ce point, me semble-t-il, et nous formulons une proposition empreinte de sagesse.
Mais, comme nous allons le constater dans quelques instants, nos positions ne sont peut-être pas si éloignées que cela sur les principes mêmes, à quelques corrections de taille près, toutefois !
Nous pourrions voir dans le choix du Gouvernement une certaine forme d’habileté : le délai concédé sur la mise en place de cette réforme servirait, en définitive, à faire accepter et prospérer l’idée d’une baisse des dotations.
Cette diminution des dotations, comme l’a très bien expliqué François Baroin, constitue à nos yeux le sujet principal. Si tel est réellement votre calcul, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, vous devez aussi avoir la lucidité de comprendre que vous choisissez d’opérer un malade au pire moment, c’est-à-dire alors que la fièvre de la baisse des dotations est la plus forte.
Vous percevez toute la difficulté que représente le fait de réformer au moment où il y a moins à répartir, et tous les risques que cela fait courir. En particulier, vous risquez de nourrir la crainte d’une amplification supplémentaire de l’effort demandé aux collectivités. Surtout, j’y insiste, il n’y a rien de plus difficile que de réformer sans grain à moudre : il y aura des perdants !
Par ailleurs, vous voulez réformer la DGF sans vision globale.
La question de la DGF ne peut être traitée sans prendre en compte toutes les dotations – notamment les dotations de compensation –, sans envisager l’architecture du système de financement des collectivités dans son ensemble et sans avoir une vision, claire et établie une bonne fois pour toutes, des missions et moyens des collectivités.
Or cette vision n’a cessé d’évoluer au fil des textes – loi MAPTAM, loi NOTRe – et des variations nombreuses de vos projets, qu’il s’agisse de l’évolution de la clause générale de compétence ou du rôle des départements. D’où cette question : que reste-t-il de l’ambition initiale et où voulez-vous, en définitive, nous conduire ?
Il n’est pas sûr qu’une vision aussi peu architecturée – j’ai envie de dire « désarchitecturée » – des collectivités, vous amenant à traiter une part seulement de leurs financements, sans vision claire de leur avenir, vous apporte la réussite. Vous risquez précisément d’obtenir le résultat inverse.
L’effet défoliant de la baisse des dotations est toujours présent et voilà que, avant même que les conséquences ne soient connues, vous changez de nouveau les règles ! Après les évolutions du FPIC, il fallait oser prendre un tel risque, sachant que la question des bases locatives, repoussée, se posera inévitablement un jour et qu’il faudra peut-être aussi, à l’avenir, traiter l’ensemble de la problématique de la fiscalité locale.
Sur le fond, je retiens de votre réforme deux idées fortes.
Je citerai tout d’abord une aspiration légitime à plus d’égalité et de transparence dans le calcul de la DGF : c’est l’idée, qui, bien évidemment, apparaît tout à fait tentante, d’une DGF égale à la base.
Toutefois, ce souci d’équité cache des correctifs inévitables. Il faut tenir compte de la ruralité, de la centralité et d’un certain nombre d’autres correctifs prévus dans la réforme, le tout risquant de nous faire perdre le cap.
Reste un sujet épineux, on le sait : celui des villes moyennes situées dans des intercommunalités dont elles ne sont pas les villes-centres. Un certain nombre de réglages doivent maintenant être opérés sur cette question, la crainte, à ce stade, étant que ces villes ne deviennent les grandes perdantes du système. Des exemples récents confirment effectivement ce principe, connu, selon lequel, en matière de fiscalité, tout est dans les réglages.
Après les cinq premières années de la réforme, après les fameux 5 %, l’atterrissage n’est toujours pas assuré dans vos prévisions. Cela atteste, reconnaissons-le, d’un certain tâtonnement, voire d’une expérimentation sans filet et sans garantie.
Je n’insiste pas sur les simulations changeantes – Jacques Mézard les évoquait précédemment –, qui ne sont pas sans évoquer une sorte de miroir aux alouettes. Aux uns, on promet qu’ils seront gagnants ; aux autres, on explique qu’ils ne seront pas perdants. Ne cherche-t-on pas simplement à faire passer la réforme, en gratifiant ainsi chacun de quelques flatteries ?
Je reconnais bien volontiers que l’on a vu des contre-exemples dans les agissements des gouvernements passés et que, en définitive, chacun a le droit d’avoir recours à de tels procédés habiles. Cela étant, décider de changer toutes les règles en même temps, comme un savant fou, alors même que les dotations baissent, a quelque chose de très insécurisant aux yeux des élus.
Au surplus, territorialiser la DGF, faire des intercommunalités le nouveau pivot de la répartition, c’est bien sûr accentuer l’intercommunalisation. Dit plus brutalement, cette réforme de la DGF porte en elle le risque majeur, perçu par les communes elles-mêmes, d’attenter au devenir de celles-ci. Ce risque peut être, à terme, vital pour elles.
Je crois que le modèle intercommunal est essoufflé ; c’est pourquoi l’hypothèse de communes nouvelles doit être examinée. Or, avec cette réforme, vous choisissez clairement l’intercommunalité palliative et non stratégique. Pourtant, comme l’expliquent d’excellents auteurs, il ne faudrait peut-être pas écarter le modèle incluant une augmentation des villes nouvelles et la mise en place d’une intercommunalité stratégique. Cela pourrait être l’une des conditions du renouveau de la commune. Tenant ces propos, je reviens sur l’absence de pensée systémique qui sous-tend votre réforme, et c’est là que réside toute la difficulté.
En modifiant la DGF, on ne peut pas faire l’économie de la question : quel rôle pour les communes demain ? Au lieu d’intercommunalités intégratives avec carottes financières et des villes un peu affaiblies, il conviendrait plutôt de s’orienter vers des communes nouvelles plus fortes avec, au-dessus, des intercommunalités stratégiques. Ce n’est pas la voie que vous empruntez, je tenais à le souligner.
Parlant d’intercommunalités palliatives, je me permets d’y associer la métropole du Grand Paris, sans toutefois vouloir choquer. L’expérimentation financière en temps réel de cette métropole est telle que les effets du FPIC doivent être étudiés en totalité. Il faut garder cela à l’esprit. Le risque est qu’une loi récente adoptée sans véritable maquette financière ne se traduise par d’extrêmes difficultés pour les territoires comme pour les communes. Je sais que vous êtes attentifs à ce point, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mais nous devrons faire preuve de beaucoup de doigté dans le réglage de cette question lors de l’examen du projet de loi de finances. Sinon, nous encourrons de graves difficultés. Convenons-en, il n’est pas de très bon augure, compte tenu de l’avancement de la réforme de la DGF, que les réglages sur ces métropoles se poursuivent en temps réel, à quelques semaines de la mise en œuvre de ces dernières.
Pour toutes ces raisons, le Sénat est fondé à souhaiter un texte spécifique et un approfondissement de la réflexion sur la DGF. Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, vous avez fait un premier pas. L’ambition de la majorité sénatoriale est une remise à plat du système et un début de mise en perspective de la réforme de la DGF. Nous convergeons, je le crois, sur l’idée qu’il faut traiter la globalité des financements des collectivités et des missions. J’ai la faiblesse de penser que, si vous suivez le Sénat, vous saisiriez une chance : celle de rétablir la confiance au centre de la relation entre l’État et les collectivités.
Applaudissements sur les travées de l'U DI-UC et du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le présent débat, qui n’est pas le premier sur le sujet, traite de la problématique soulevée par la dotation globale de fonctionnement. En préambule, je veux indiquer que le choix de cette thématique par le groupe Les Républicains, dans le cadre de la semaine de contrôle, surprend à quelques jours à peine de l’examen du projet de loi de finances qui aurait pu nous permettre d’évoquer ce sujet sensible.
Il ne s’agit pas, pour ma part, de contester tout l’intérêt de cette question fondamentale. Comme chacun dans cet hémicycle, je connais l’importance de la DGF dans le fonctionnement budgétaire des collectivités qui composent notre pays et qui mènent largement l’action publique de proximité nécessaire à nos territoires et à nos concitoyens. Cela étant, dans un contexte parlementaire contraint, je m’interroge simplement sur l’efficacité de la méthode.
Je souhaite également, de façon préalable, évoquer devant vous la mission Germain-Pires Beaune – il en a été question à plusieurs reprises –, qui a produit un travail important sur la réforme de la dotation globale de fonctionnement. Qu’il me soit permis à cette occasion de saluer la mémoire de notre regretté collègue Jean Germain, dont l’expertise nous manquera, sur ce sujet comme sur d’autres.
Il faut le rappeler, cette mission parlementaire était envisagée par le Gouvernement comme une démarche transpartisane. Il avait d’ailleurs été initialement proposé, sauf erreur de ma part, qu’un parlementaire de la majorité sénatoriale y participe, sans que celle-ci donne suite à cette proposition. Il aurait pourtant été souhaitable, a fortiori au Sénat, qu’une démarche partagée s’engage, afin – pourquoi pas ? – d’aboutir à un consensus.
Le rapport Germain-Pires Beaune constitue d’évidence une base solide au projet de réforme que nous présente le Gouvernement, sur laquelle, selon moi, nous pouvons entamer des discussions productives.
En effet, la pertinence d’une réforme de la dotation globale de fonctionnement ne me semble pas devoir faire l’objet en elle-même de longs de débats, tant le système actuel, caractérisé par ses inégalités flagrantes, ne donne pas satisfaction et laisse interrogatif, voire perplexe.
Voilà quelques mois, j’ai souhaité personnellement faire un point sur les textes législatifs et réglementaires qui régissent cette dotation. J’ai donc recherché, dans l’Encyclopédie des collectivités locales, la définition de la DGF ; cette dernière fait quarante-deux pages ! Si je relate cette anecdote, mes chers collègues, c’est parce que ce chiffre me semble une bonne illustration : il n’est pas admissible que des dispositions aussi importantes pour la vie de nos collectivités soient à ce point complexes et illisibles, et finalement inexplicables.
À ce stade, l’application de la réforme est reportée d’une année. Toutefois, le projet de loi de finances pour 2016 en intégrera les grands principes. C’est un premier pas ; certains s’en satisferont, d’autres moins.
Je considère cependant que cette réforme ne pourra pas être reportée indéfiniment, car il s’agit là d’une attente réelle, encore plus dans le contexte budgétaire contraint que nous connaissons. Ainsi, certaines communes de mon département, les Côtes-d’Armor, m’ont fait parvenir des simulations budgétaires très détaillées, qui démontrent que, sans cette réforme, qui était attendue, les équilibres financiers ne pourront être tenus durablement. Cela est particulièrement patent pour les petites villes qui ne tarderont pas à se trouver en difficulté. À titre d’exemple – et je pourrais en citer d’autres –, Lannion, qui compte 22 000 habitants, pourrait perdre 50 % de sa DGF à l’horizon 2017. Ce problème, qui est réel en Bretagne, se pose ailleurs en France.
Dans ce contexte, réformer la DGF pour la rendre plus équitable n’est pas une option plus ou moins aléatoire ; c’est une obligation.
Bien entendu, je prends acte positivement de ce report, car l’action politique nécessite parfois, non pas des renoncements, mais d’infléchir les délais, afin de permettre le dialogue et la recherche du consensus. Il faut donc prendre un temps pour cela, à la condition qu’il soit raisonnable.
L’objectif est d’évidence de rétablir plus de logique, davantage de justice dans les dotations qui sont versées aux communes et aux intercommunalités, dont la situation est, il faut le rappeler, particulièrement contrastée : si certaines connaissent certes des difficultés, d’autres se portent bien mieux.
Je crois que, au-delà de considérations politiciennes, parfois, nous pouvons tous nous rejoindre sur ce point, dès lors que nous constatons dans nos territoires ces inégalités de traitement flagrantes et, in fine, injustifiables.
La méthode proposée devra permettre de mieux travailler du point de vue de la lisibilité du dispositif visé et des conditions de son application, autour des trois piliers que sont, pour ne prendre que l’exemple de la DGF communale, une dotation universelle, une dotation de centralité et une dotation de ruralité.
Grâce à ces outils, nous pourrons répondre de façon adaptée à des situations très différentes. Nos communes sont diverses, et c’est une chance, à l’image de ce qui caractérise la France dans son unité. Rurales, urbaines ou périurbaines, petites, grandes ou moyennes, de montagne, de plaine ou insulaires, elles connaissent des situations différentes, avec des compétences variées. Toutes, pourtant, doivent apporter à leur mesure des services à leurs habitants et mettre en œuvre l’action publique sur tout le territoire.
C’est au législateur qu’il appartient de trouver les dispositifs qui permettent d’assurer le traitement équitable et efficace de cette diversité. Les mois à venir nous permettront, je le pense, de procéder à des simulations complètes, simulations qui sont absolument indispensables, afin de calibrer au mieux ces trois composantes et d’obtenir le meilleur résultat prévisionnel.
Il faut, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, bannir toute improvisation. Il n’y a pas lieu de se perdre en polémiques sans intérêt ; il convient au contraire, dès maintenant, de travailler utilement.
Sur une réforme d’une telle ampleur, il est impossible de penser que nous pourrions tomber juste du premier coup. Ce temps supplémentaire dont nous disposons désormais permettra les ajustements dont j’ai parlé, et, en conséquence, une application plus partagée de cette réforme dès 2017.
D’aucuns pourraient être tentés de rejeter en bloc celle-ci ou de la différer tant qu’ils pourront. Il s’agirait alors d’une posture qui ne serait pas à la hauteur de l’enjeu et qui pénaliserait durablement la majorité de nos collectivités, puisque, semble-t-il, une majorité d’entre elles pourrait être gagnante.
Enfin, je souhaite personnellement que ce délai nous permette d’intégrer à la réforme une prise en considération de l’effort fiscal des communes et des intercommunalités.
En effet, il paraît logique, et certainement plus juste, d’adapter la dotation globale de fonctionnement en fonction de l’effort fiscal demandé. Il ne s’agit pas d’une démarche punitive visant à sanctionner. Il s’agit d’établir un principe d’équité de traitement.
Certes, il faut tenir compte de la réalité fiscale des populations, mais une collectivité qui ne mobilise pas l’impôt local ne doit pas être dotée de la même manière qu’une autre qui demande à ses habitants un effort plus important, et ce afin d’éviter tout effet d’aubaine fiscale, donc de concurrence territoriale exacerbée.
Mes chers collègues, cela fait des années qu’il est question de cette réforme ; pourtant, elle ne se fait pas. C’est pourquoi je veux saluer les intentions du Gouvernement, qui a engagé le processus et fixé les échéances.
Ce débat sera finalement l’occasion d’appeler chacun à ses responsabilités. Il ne faudrait pas que l’objectif de la réforme soit remis en cause, voire que certains parient sur son abandon et se mobilisent en ce sens. Ce serait lourd de conséquences préjudiciables au plus grand nombre. Et je n’ose pas y penser.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État – je salue leur sens du devoir –, mes chers collègues, la DGF du bloc communal et son évolution posent au moins deux problèmes de nature sensiblement différente : l’évolution du montant de cette dotation et son mode de répartition, lequel conjugue deux défauts, l’iniquité et l’illisibilité.
Évidemment, tout le monde souhaite une dotation répartie selon des règles justes et transparentes. §Que cela soit inscrit dans une loi de finances ou ailleurs importe peu. La difficulté de l’exercice, en effet, tient non pas à la définition des objectifs, mais à l’application de ce qu’ils signifient concrètement : prendre aux collectivités les plus riches pour donner aux plus pauvres, supprimer l’habillage complexe de la dotation qui, pour partie, masque le caractère inéquitable du dispositif et, pour une autre, le corrige à la marge.
Si réformer est toujours un exercice politique risqué, il l’est particulièrement quand on entend prendre aux uns pour donner aux autres, ce qui est, en principe, le but officiel de la réforme de la DGF communale annoncée depuis bientôt trois ans.
Jusque-là, la difficulté avait été tournée par la création de dotations compensatrices, dites « de péréquation » – DSU en 1991 et DSR en 1992, sur l’initiative de notre collègue Jean-Pierre Sueur que j’aurais salué s’il avait été présent ce soir –, augmentées régulièrement à doses homéopathiques, sans amputer la part des plus favorisés.
La croissance régulière du montant global de la DGF – parfois l’apport de ressources extérieures comme pour la DSR qui se vit affecter une fraction du Fonds national de péréquation de la taxe professionnelle – expliquait ce petit miracle. Le cœur du système demeurait le même ; on se contentait d’y ajouter quelques pièces permettant d’adoucir ses effets à la marge : résultat modeste mais réel, la fraction péréquatrice de la DGF représentant aujourd’hui près de 15 % de la dotation du bloc communal, si mes calculs sont bons.
Néanmoins, avec la baisse de la DGF, participation imposée des collectivités territoriales aux absurdités maastrichtiennes, la rhétorique gouvernementale changea.
Pour faire oublier que tout le monde sera touché, le Gouvernement, d’une réforme toujours différée en période de relative abondance, fit vertu, sur le thème que je résumerai sommairement ainsi : « Certes, on va vous ponctionner, mais si équitablement que, les inévitables grincheux mis à part, personne ne pourra s’y opposer. » On allait voir ce qu’on allait voir ! Effectivement, avec le projet de loi de finances pour 2016, on a commencé à voir…
On observe des dispositions sympathiques, attendues depuis longtemps par les maires ruraux, des mesures de haute valeur symbolique : la suppression des strates de population de la dotation forfaitaire, en vertu desquelles un administré d’une commune de moins de 100 habitants valait deux fois moins que celui d’une commune de plus de 500 000 ; la création d’une dotation pour charges de ruralité, si, et seulement si sont prises en compte des charges de centralité. En effet, ce qui importe, ce n’est pas la nature des charges, qu’elles relèvent de la centralité ou de la ruralité, mais leur nature de charges en tant que telle et le fait qu’elles soient imposées.
Cependant, à y regarder de plus près, et les symboles mis à part, on s’est aperçu que les résultats sonnants et trébuchants étaient moins brillants qu’annoncés. Non seulement le choix de 75, 70 euros par habitant ne compensait la baisse globale de 17, 7 % de la dotation forfaitaire par rapport à 2013 pour aucune commune, mais il pénalisait les communes rurales de plus de 1 400 habitants.
Toutes choses égales par ailleurs, si les communes de 100 habitants gagnaient un peu plus de 1 100 euros, les communes de 3 500 habitants perdaient 34 000 euros.
Mes chers collègues, j’attire par ailleurs votre attention sur le point suivant : en supprimant beaucoup d’anciens cantons pour en créer de plus étendus, le redécoupage électoral a rendu inéligibles à la fraction « bourg-centre » de la DSR nombre d’anciens chefs-lieux et de communes dont la taille n’était plus suffisante pour représenter 15 % de la population cantonale.
Réforme ou non, si cet effet indésirable du redécoupage électoral n’est pas neutralisé – peut-être, d’ailleurs, l’est-il : il devient on ne peut plus difficile de comprendre les dispositions que renferme ce dossier –, on risque d’aboutir à un résultat catastrophique pour ces communes, tant, avec la baisse générale des dotations, leur équilibre financier dépend de la DSR.
Des simulations illisibles et peu fiables dont on a pu tardivement disposer résultait au moins cette certitude : au lieu de la justice, la réforme de la DGF pourrait bien susciter le chaos.
Du jour au lendemain, l’ardente obligation de réformer la dotation globale de fonctionnement pour compenser sa baisse massive fut donc renvoyée à l’année prochaine, sans autre explication que celle qu’a énoncée ici même Manuel Valls, avouant sans s’en étonner au cours des questions d’actualité au Gouvernement qu’un travail de simulation restait à accomplir – il était temps ! –, et faisant valoir, sans rire, qu’il fallait attendre l’achèvement de la carte intercommunale pour être en mesure « de boucler cette réforme de la DGF et de l’inscrire pleinement dans le projet de loi de finances pour 2017 ». Sur ce front également, on aurait pu s’en apercevoir plus tôt...
Faute de temps, je me bornerai, en conclusion, à formuler quelques rappels.
Premièrement, retarder la réforme de la DGF pour la rendre plus équitable ne fait pas le système actuel plus juste, au contraire.
Deuxièmement, avec ou sans réforme, il faudra, en 2016, neutraliser les effets indésirables de la réforme cantonale précédemment évoqués.
Troisièmement, objet d’une loi spécifique ou traité au titre du projet de loi de finances, le problème principal posé par la réforme est de nature non pas technique, mais politique.
M. Jacques Mézard acquiesce.
Personnellement, je ne vois pas comment nous pourrons sortir des faux-semblants sans abandonner la politique de restrictions financières imposée au bloc communal. Autant dire que je n’ai guère d’illusions à ce titre !
Au reste, il suffit d’entrer dans le détail du projet que l’on connaît pour dresser ce constat : ce que l’on prend d’une main aux collectivités les plus puissantes leur est restitué de l’autre… Bref, la routine !
Applaudissements sur les travées du RDSE et sur plusieurs travées de l'UDI-UC. – M. Jean-Baptiste Lemoyne applaudit également.
Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, voilà vingt ans que j’espère une réforme de la DGF : vingt ans !
À l’époque, je n’étais pas encore sénateur, je venais d’être élu maire. Comme tout nouvel élu, j’examinais le budget de ma collectivité, en particulier ses recettes et, au titre de ces dernières, la DGF. J’en détaillais le montant et m’efforçais d’en comprendre la composition. Surtout, je tentais de comparer le niveau de ma DGF communale et celui d’une commune similaire du département.
L’une d’entre elles était, à l’époque, presque équivalente à la mienne. Or cette commune percevait 20 % de crédits supplémentaires au titre de la dotation globale de fonctionnement.
Aussi, j’ai pris ma plus belle plume pour indiquer au ministre de l’intérieur qu’une erreur s’était manifestement glissée quelque part. Je me disais que je pourrais bien récupérer, à l’époque, les quelques millions de francs en question pour résoudre les problèmes budgétaires de ma commune…
Mme Caroline Cayeux rit.
Vous devinez ce qui s’est passé : j’ai reçu une belle réponse du ministre de l’intérieur, m’expliquant qu’il n’y avait aucune erreur de calcul, que le système d’ensemble était totalement justifié et qu’il se fondait sur le poids de l’histoire.
M. Bruno Retailleau sourit.
Ensuite, j’ai découvert l’existence des dotations de péréquation. Dès lors, je me suis dit : peut-être vais-je récupérer d’un côté ce que je ne perçois pas de l’autre.
À l’époque déjà, en 1991, date à laquelle M. Collombat vient de faire référence, existait le Fonds de solidarité des communes de la région d’Île-de-France, le FSRIF.
Mes chers collègues de province, vous regardez souvent l’Île-de-France comme une manne potentielle. Mais, vous l’oubliez fréquemment, si cette région est la plus riche de France, c’est aussi celle où les écarts de richesses entre les communes les plus aisées et les moins favorisées sont les plus accentués. Cette situation justifie l’existence de ce fonds de solidarité. Ma commune n’en bénéficie pas, mais n’y contribue pas non plus.
Parallèlement, la dotation de solidarité urbaine vise à aider les collectivités le plus en difficulté. Or ma commune bénéficie bien de la DSU. Madame la ministre, sauf erreur de ma part, ma commune se place aujourd’hui au 567e rang, ce qui commence à être assez haut dans le classement !
Ainsi, tout allait à peu près bien jusqu’en 2010, date à laquelle a été créé le FPIC. Je me souviens des discussions que Charles Guéné et moi-même avons consacrées à ce fonds : nous avons voté sa création dans un grand élan, sans simulation aucune. À l’époque, je me disais que je ne pourrais que bénéficier du FPIC !
Las, faute de simulation, je me suis retrouvé, …
… à verser, au titre du FPIC, quatre fois le montant que je perçois au titre de la DSU !
Mes chers collègues, au pays de Descartes, nous avons relevé ce défi incroyable pour une commune de Seine-Saint-Denis, bénéficiaire de la DSU et neutre au FSRIF : être contributeurs du FPIC !
Mme Catherine Deroche s’exclame.
Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, voilà pourquoi j’espère depuis longtemps le grand soir, voire le très grand soir de la DGF, à condition que l’on remette en cause les conséquences de la réforme de la taxe professionnelle, avec la création du Fonds national de garantie individuelle des ressources, le FNGIR. Ce dernier, souvenons-nous-en, devait constituer un autre mécanisme péréquateur. À l’époque, le Gouvernement avait imaginé que l’on pourrait le faire disparaître en vingt ans, à hauteur de 5 % par an, ce qui était effectivement un vecteur de péréquation.
Grand soir, voire très grand soir… Vous comprendrez la déception que j’éprouve en détaillant le texte que vous nous présentez.
Vous nous proposez bien une réforme de la DGF. Cependant, vous n’osez pas remettre en cause, en tout cas dans le même ensemble, la réforme des dotations de péréquation. Or ce travail me paraît absolument nécessaire.
J’en viens à la méthode.
Dans cet hémicycle, nombre d’entre nous avons vécu la réforme de la taxe professionnelle et la création du FPIC. Nous avons suivi toutes ces transformations en faisant confiance au Gouvernement. À l’époque, j’étais encore plus serein à cet égard, étant donné que j’appartenais à la majorité gouvernementale. Nous n’avons pas mesuré la portée de ce que nous faisions.
Ces chantiers nous ont placés face à de très grandes difficultés, à tel point que tous les ans, par la suite, nous avons été contraints d’y revenir. Mais, en ce temps-là, les dotations de l’État augmentaient chaque année : bon an mal an, la situation restait plus supportable pour les collectivités. Nul n’imaginait avoir de grandes difficultés à affronter au cours des années à venir.
Or, madame la ministre, aujourd’hui, vous le savez, le Gouvernement nous impose une baisse des dotations de l’ordre de 12, 5 milliards d’euros. Nous n’avons donc plus de visibilité. Si l’engagement des collectivités territoriales est en train de chuter, c’est parce que les maires refusent de presser le bouton de l’investissement, et pour cause : ils ne savent pas ce qu’il adviendra de leur budget en 2016, en 2017 ou en 2018.
Bien entendu, nous freinons ! Nous ne pouvons plus investir, sauf à recourir à l’emprunt, ce qui n’est pas souhaitable. Nous pourrions certes actionner le levier des impôts locaux, mais, sur ce front, nos concitoyens n’en peuvent plus. Nous allons donc nous autolimiter, ce qui va aggraver la crise.
Nous ne pouvons pas nous engager de nouveau dans un processus où nous laisserions carte blanche au Gouvernement pour adopter de grands principes, en déclarant : « Nous verrons bien. Nous corrigerons le tir l’année prochaine, lorsque les notifications nous parviendront. » Ce n’est pas possible ! En ces temps de restrictions budgétaires, nous devons savoir où nous allons.
Certes, la méthode suivie n’est pas la bonne. Néanmoins, je le dis à l’instar de tel ou tel de mes collègues, nous pouvons aboutir à une bonne réforme. Bien sûr, cette dernière ne contentera jamais tout le monde. Certains y gagneront, d’autres y perdront.
À cet égard, je l’indique à l’attention de M. Raynal : si j’en crois les simulations qui nous ont été communiquées, ma commune y gagnerait.
M. Claude Raynal hausse les épaules.
Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, donnons-nous le temps de la réflexion. Nous avons, à cette fin, quelques mois devant nous. Revenez devant nous avec des simulations tenant compte des modifications de la carte intercommunale, destinées à avoir un effet essentiel sur ces dotations. Dès lors, vous trouverez le Sénat tout à fait disposé à l’adoption d’un texte.
Tel est le simple souhait que je formule : un changement de méthode, du temps et des simulations !
Puisque mon temps de parole n’est pas encore épuisé, je me permets de revenir sur la transformation que vous proposez au titre de la DSU. Il s’agit là de la seule véritable réforme des dotations de péréquation.
Madame la ministre, je crains que vous ne fassiez une erreur similaire à celle que nous avons commise lors de la réforme de la DGF.
Vous nous proposez de décristalliser cette dotation. Je ne puis qu’être favorable à une telle mesure. Toujours est-il que vous nous proposez comme base une année n-1. Cette référence a été figée, pour la plus grande partie des communes éligibles à la DSU, pendant quatre années. En effet, l’augmentation de cette dotation a été concentrée sur les communes cibles. C’était une bonne chose, à ceci près que presque tous les autres facteurs ont été figés.
Or les deux tiers des communes ont pu voir leur situation évoluer. Je songe aux localités qui ont beaucoup construit, en particulier au titre du logement social. Aujourd’hui, ma commune perçoit 200 000 euros. Elle aurait pu bénéficier de 400 000 euros si l’on avait renversé la logique du dispositif ! Mais, je le répète, vous allez figer cette situation.
Madame la ministre, vous m’excuserez d’avoir plaidé un tant soit peu cette cause, qui m’est particulièrement chère. Si le principe que vous adoptez pour réformer la DSU est bon en tant que tel, je crains que vous ne figiez de nouveau telle ou telle situation. Dans cinq ou dix ans, nous nous demanderons de nouveau pourquoi deux communes placées dans des situations comparables perçoivent, à ce titre, des volumes de crédits sensiblement différents…
Aussi, je vous proposerai un amendement dont la rédaction n’est peut-être pas facile, mais que je m’efforcerai d’élaborer. J’espère que vous m’écouterez et que vous émettrez, sinon un avis favorable, du moins un avis de sagesse !
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous sommes invités à débattre de la réforme de la dotation globale de fonctionnement à l’heure où nos principales pensées sont ailleurs.
L’esprit d’unité nationale me conduit à ne pas trop insister sur le report de la DGF, qui nous était encore refusé il y a encore un mois…
Une réforme bien comprise se fonde sur un socle technique pertinent et sur un cap affiché : il s’agit là de la lisibilité et de l’équité. Ces deux qualités, que M. Raynal a évoquées, sont, sinon absentes du projet qui nous est soumis aujourd’hui, du moins y sont insuffisamment présentes.
Les collectivités territoriales agissent en vertu d’un cadre budgétaire qu’elles apprécient globalement. Elles ne connaissent que trop la sévère réduction que subissent leurs ressources pour la troisième année consécutive. Cela étant, elles ignorent l’incidence, sur les dotations de péréquation, des fusions d’intercommunalités, comme l’effet de l’émergence de grandes collectivités, en particulier, le poids financier de Paris.
Nos collectivités peinent à anticiper les effets du FPIC, auquel il vient d’être fait référence. Il s’agit là d’un instrument délicat. À quelques places près dans le classement, l’on devient contributeur, ou bénéficiaire, voire les deux, pour des montants qui sont devenus substantiels.
Nos collectivités s’inquiètent aussi des facteurs persistants – j’insiste sur ce mot – d’augmentation de leurs charges en raison du prélèvement au titre du FNGIR, de la fin de l’exemption des taxes locales sur l’éclairage public, de l’instruction des autorisations d’urbanisme, de la prise en charge par les intercommunalités de l’information des demandeurs de logements sociaux et de la constitution de leur dossier tel que la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové le prévoit, de l’obligation, issue de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, de disposer d’un service ou de compétences en conseil énergétique à l’intention des concitoyens, etc.
Vous l’avez compris, l’incertitude et l’absence de visibilité sont contreproductives.
Concernant le volet relatif aux charges, je renouvelle, madame la ministre, la demande formulée voilà un mois, lors des questions d’actualité au Gouvernement, de l’engagement d’un travail en commun entre le Parlement et le Gouvernement sur la mise en place d’une sorte d’article 40 – pardonnez cette comparaison ! – à destination des collectivités locales, conditionnant les transferts à leurs financements.
Tout est dit dans l’article 72-2 de la Constitution rappelé par François Baroin au début de cette séance. Je ne vous demande pas la révision de la loi fondamentale, l’exercice à venir étant suffisamment important en la matière. En revanche, je requiers l’application effective de l’article susvisé, sous la forme d’une loi organique, qui nous manque toujours.
Je souhaite maintenant évoquer trois points : affirmer, d’abord, qu’il convient de ne pas accabler la DGF actuelle de tous les maux ; formuler, ensuite, quelques observations techniques ; insister, en conclusion, sur le besoin d’intégrer de la vertu dans la réforme.
Contrairement aux autres orateurs, je me refuse donc à accabler la DGF en vigueur. La DGF est d’abord issue de transferts successifs et de garanties accordées au fur et à mesure. Le résultat actuel n’est donc pas le fruit du hasard. Ensuite, les écarts de DGF entre collectivités sont moindres qu’on ne le dit souvent. Méfions-nous, à cet égard, des biais statistiques.
Ainsi, entre les communes bénéficiant d’un montant de 35 % supérieur au montant moyen de DGF par habitant et celles qui perçoivent un montant de 35 % inférieur, on trouve 82 % des collectivités. En réalité, seuls 8 % des collectivités perçoivent moins de 35 % des crédits moyens et 10 % perçoivent 35 % de plus.
Plus remarquable encore, l’inégalité globale au regard de la DGF perçue par habitant entre les communes d’une même strate est inférieure à l’inégalité des mêmes communes classées par le potentiel fiscal. Autrement dit, la DGF, dans sa version actuelle, a un caractère péréquateur plus net que vous ne l’indiquez.
J’avais prévu d’avancer quelques observations techniques portant sur la cohérence, en rappelant au Gouvernement qu’il est en train de créer de nouvelles garanties, ou sur les coups de rabot apportés en catimini, puisque, en 2016, nous est imposée l’intégration du Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée, le FCTVA, dans l’enveloppe normée des collectivités. Chacun sait que celles-ci ont pourtant longtemps mené le combat inverse.
Cette décision est très habile, puisqu’elle n’est pas douloureuse pour 2016 ou 2017, car l’investissement est en baisse, mais elle le deviendra quand l’investissement repartira, ce que nous devons souhaiter pour notre pays.
J’aurais pu également évoquer la complexité des équations utilisées, à l’exemple du facteur de puissance cinq affecté à la dotation de centralité, dont je peine à appréhender les motivations, voire les conséquences pratiques.
Par ailleurs, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, un problème commence d’ores et déjà à se poser : outre les départements, dont nous savons que certains connaissent de sérieuses difficultés, il existe des strates de communes discrètes, paradoxalement souvent bien gérées, qui commencent à rencontrer de réelles difficultés financières.
J’en viens à mes deux conclusions. Je vous demande, tout d’abord, d’intégrer de la vertu dans la réforme. Ainsi, qu’est-il advenu du coefficient de mutualisation ? Les praticiens savent que les économies se font par le biais de la mutualisation, qui est incontournable pour préserver la capacité d’investissement. Je vous suggère donc d’intégrer dans les critères de la réforme le coefficient de mutualisation entre communes et intercommunalités. Vous offririez ainsi une sorte de prime à la qualité de gestion.
Enfin, j’ai bien entendu tout à l’heure la suggestion de M. Raynal, membre du groupe socialiste et républicain, lequel nous a invités à mener un travail collectif et à assumer une responsabilité partagée. Mon groupe relève le gant, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, et M. Capo-Canellas et moi-même sommes disponibles pour cela.
Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et du groupe Les Républicains . – MM. Ronan Dantec et René Vandierendonck applaudissent également.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la DGF est destinée à compenser les inégalités de situation entre les collectivités territoriales en leur apportant un niveau de ressources suffisant pour faire face à leurs charges particulières. Elle ne remplit ce rôle que de façon lacunaire dans les collectivités d’outre-mer, qui sont pourtant, en majeure partie, considérées comme les plus pauvres de France.
Conçue avant tout pour les collectivités hexagonales, elle pâtit d’une certaine inadaptation aux réalités ultramarines, qui ne sont que peu prises en considération. Les outre-mer présentent des particularités issues de leur histoire et de leur géographie qui, indéniablement, les différencient des collectivités hexagonales, et les articles 73, 74, 76 et 77 de la Constitution en apportent la preuve.
Leurs charges sont ainsi incontestablement plus élevées, tant en fonctionnement qu’en investissement, en raison du contexte de rattrapage économique et social, de leur démographie et des compétences plus étendues qu’elles exercent.
Mais leurs recettes fiscales directes sont beaucoup plus faibles : elles ne représentent que 20 % de leurs recettes de fonctionnement, contre 40 % dans l’Hexagone. En conséquence, les collectivités d’outre-mer souffrent d’une très grande fragilité financière, et nombre d’entre elles sont en situation de déficit. Une majorité d’entre elles fait en effet l’objet d’une procédure d’alerte cette année.
Afin que la DGF joue pleinement son rôle de stabilisateur des budgets des collectivités locales et de compensation de leurs charges en outre-mer, il est impératif de l’adapter en comblant les lacunes des dispositifs de droit commun et en étudiant sérieusement la mise en place de mesures de péréquation spécifiques aux outre-mer.
Ayant fortement sensibilisé le Gouvernement et Mme Pires Beaune, en avançant des propositions, je m’attendais à des avancées significatives. Tant s’en faut !
L’article 58 du projet de loi de finances pour 2016 ignore une fois de plus la situation particulière des outre-mer. En dépit de tous les constats déjà établis, le droit commun s’impose toujours en ce qui concerne la dotation forfaitaire et le statu quo est maintenu pour les dotations de péréquation !
S’agissant de la dotation forfaitaire, les engagements pris n’ont pas été tenus, en particulier envers les communes de Guyane, déjà lésées par un prélèvement exceptionnel et inique de 27 millions d’euros sur leurs recettes d’octroi de mer depuis 1974. Les maires de Guyane, excédés de ne pas obtenir gain de cause après de multiples demandes de rétrocession de ce prélèvement, ont pris la décision de déposer un recours devant le tribunal administratif.
Dans leur rédaction actuelle, plusieurs points de l’article 58 susvisé méritent d’être revus, corrigés et précisés pour les communes d’outre-mer.
Tout d’abord, la détermination de la population retenue pour le calcul de la dotation de base n’intègre pas de coefficient de majoration pour les communes de Guyane dans lesquelles l’INSEE refuse de procéder aux tournées physiques de recensement en raison de leur dangerosité pour ses agents. Comme vous le savez, les garimpeiros, ou orpailleurs clandestins, pullulent dans les forêts guyanaises et peuvent être dangereux lorsque se présentent devant eux des fonctionnaires de l’État. Il ne s’agit donc pas d’une sous-estimation de la population recensée pour des raisons techniques, mais bien de la non-prise en compte d’une catégorie de population, dont l’existence est pourtant connue de l’État.
La dotation de ruralité, censée remplacer la dotation superficiaire, voit sa portée limitée par le « tunnel », même si son plafond est relevé à quatre fois la dotation de base. Des assurances avaient pourtant été données : cette composante devait constituer une réponse en direction des grandes communes de Guyane en proie à des difficultés énormes pour garantir les besoins primaires à leur population, tels que l’eau potable et l’électricité.
En outre, les critères d’attribution de cette dotation, basés sur la densité de population, excluent de son bénéfice la quasi-totalité des communes des autres départements d’outre-mer, aux fortes densités de population.
La dotation de centralité, quant à elle, fait apparaître tout simplement des situations ubuesques, lorsque l’on connaît un tant soit peu les intercommunalités de Guyane ! Quelles charges de centralité supportent donc des villes-centres envers des communes dont les habitants doivent faire plusieurs jours de pirogue pour s’y rendre ?
M. Raymond Vall sourit.
S’agissant de la péréquation, laquelle, de l’avis même de Mme Pires Beaune, « soulève en outre-mer des questions spécifiques » et pour laquelle « il convient donc d’examiner l’opportunité d’introduire de nouveaux critères afin de permettre une répartition des dotations de péréquation plus adaptée aux ressources et aux charges de territoires », l’article 58 précité ne prévoit pas plus d’évolution.
Le statu quo demeure, alors que l’écart se creuse entre les communes des outre-mer et les communes défavorisées de l’Hexagone depuis 2011. Si, pour celles-ci, la hausse de la péréquation nationale a neutralisé l’effort à la contribution au redressement des finances publiques, la CRFP, celles-là subissent au contraire une double peine : les enveloppes de péréquation ne sont pas à niveau et la hausse de péréquation n’est possible pour elles que dans la limite d’une enveloppe majorant leur poids démographique de 33 %, appelée la « dotation d’aménagement des communes d’outre-mer », ou DACOM.
Souvent comparée à une moyenne hexagonale, cette DACOM ne s’avère en réalité pas avantageuse pour l’outre-mer, au regard des efforts consentis à l’endroit des communes défavorisées de l’Hexagone. En effet, la hausse de la péréquation nationale entre 2014 et 2015 a atteint 517 millions d’euros, mais seuls 25 millions d’euros ont été consacrés aux communes d’outre-mer. Cela correspondant à leur poids démographique majoré de 33 %, mais reste insuffisant pour neutraliser l’effort à la contribution au redressement des finances publiques des communes d’outre-mer.
La contribution passe, certes, de 1, 84 % à 0, 04 % des recettes réelles de fonctionnement pour les communes éligibles à la DSU cible, et elle est même annulée pour les communes éligibles à la DSR cible qui gagnent même 20 millions d’euros, mais l’effort est maintenu à 1, 22 % en outre-mer. Il en ressort que le montant de la hausse de la péréquation a été calculé seulement pour l’effort des communes de l’Hexagone éligibles à la DSR cible et à la DSU cible.
Nous insistons donc pour réviser la majoration des populations dans le calcul de la quote-part outre-mer de la dotation d’aménagement des collectivités d’outre-mer. Une telle mesure est d’autant plus nécessaire que celles-ci ne disposent pas de levier fiscal pour compenser la baisse de leurs recettes et que le mode de reversement du FPIC exclut de manière arbitraire 40 % des communes d’outre-mer, alors que seules 3 % d’entre elles sont contributrices.
Avant de conclure mon propos, je voudrais également attirer votre attention sur la très prochaine mise en place des collectivités territoriales de Guyane et de Martinique. Je plaide depuis quelques années pour la création d’une dotation spéciale dédiée aux collectivités territoriales de Guyane et de Martinique, destinée à financer les charges qu’entraînera nécessairement leur création, inédite. J’ai défendu des amendements en ce sens lors des précédentes discussions de projets de loi de finances.
Enfin, le Gouvernement a proposé à l’Assemblée nationale de reporter la réforme au 1er janvier 2017. L’architecture de la réforme est toutefois maintenue en l’état dans le projet de loi de finances pour 2016. Il a également été annoncé à l’Assemblée nationale que les travaux relatifs à la réforme de la DGF reprendraient dès la fin de la discussion de ce projet de loi.
Toutes ces remarques concernant l’inadaptation de la DGF, telle qu’elle est conçue et prévue, aux outre-mer, me conduisent à insister pour que les élus ultramarins soient réellement associés à ces travaux, de manière à améliorer la prise en compte de la spécificité des finances locales ultramarines, dans un cadre de gouvernance mieux adapté.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le Gouvernement a souhaité réformer, dans le projet de loi de finances initiale pour 2016, la dotation globale de fonctionnement, afin de la rendre « plus juste et plus efficace ».
En six mois, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, vous espériez sans doute, sur la base de cette terminologie, revoir les règles de répartition de 33 milliards d’euros…, soit près de quarante ans d’histoires de transferts et de compensations d’anciens impôts locaux, entre l’État et les collectivités locales.
C’est en tant que représentante d’une ville de plus de 50 000 habitants, mais aussi en ma qualité de présidente de Villes de France, qui rassemble les villes inframétropolitaines de plus de 15 000 habitants et leurs EPCI, que j’ai souhaité ce soir réagir.
Ce réseau représente une majorité de la population urbaine, disons-le oubliée de la réforme, plusieurs centaines de villes où la fiscalité locale est plus lourde en moyenne qu’au niveau national, où les ressources des habitants sont modestes, et les charges périphériques importantes pour la ville centre.
Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, quel cap voulez-vous donner à cette réforme ?
Comment réformer et, surtout, dans quelle direction réformer, alors que, au moment du dépôt du projet de loi de finances, début octobre, la Direction générale des collectivités locales, la DGCL, n’était pas en mesure de livrer les résultats de ses propres orientations ?
La représentation nationale n’ayant pas eu le temps d’une analyse apaisée, puisque le Premier ministre, sous la pression des associations, je veux le croire – à cet égard, je tiens à saluer en particulier le président de l’AMF pour son soutien –, a modifié le calendrier.
Finalement, il est permis de se demander si le Gouvernement n’a pas confondu vitesse et précipitation, et pris avec légèreté ces 33 milliards euros, qui ne sont pas des subventions de l’État, comme la presse le laisse trop souvent entendre.
En effet, comment peut-on être à l’origine de la loi NOTRe et ignorer en pratique l’impact de l’extension du périmètre des intercommunalités sur les finances locales ? Ce phénomène continue d’ailleurs à poser un réel problème de calendrier dans cette réforme, puisque la stabilisation des périmètres intercommunaux ne sera effective qu’en 2017.
Aujourd’hui, la plupart de nos territoires intercommunaux, surtout ceux des villes de plus de 15 000 habitants, c’est-à-dire les communautés d’agglomération, s’étendent parfois considérablement, de quelques kilomètres carrés à plusieurs centaines de kilomètres carrés.
La réforme prévue dans l’article 58 du PLF est toutefois maintenue dans ses principes, l’entrée en vigueur étant fixée au 1er janvier 2017.
Je ne vous cacherai pas, mes chers collègues, notre désarroi devant l’attitude du Gouvernement, qui nous demande de revenir sur nos amendements en cours de préparation et de nous prononcer en aveugles sur cette nouvelle DGF, tout en nous assurant, malgré tout, qu’un rapport nous serait remis le 30 juin 2016.
Oui, mes chers collègues, le temps de la discussion parlementaire est désormais suspendu aux rapports d’une administration, ce qui est regrettable, eu égard au pouvoir de contrôle que nous devons normalement exercer sur elle.
La réforme de la DGF proposée est en réalité contre-péréquatrice pour les villes de France et leurs EPCI. Afin de réduire des écarts « injustifiés » de dotation par habitant, le Gouvernement entend introduire une dotation forfaitaire rénovée. Avez-vous seulement entendu que la dotation forfaitaire actuelle garde aujourd’hui une importance significative dans la péréquation ?
Pour la dotation de base, qui est la composante la plus importante au sein de la dotation forfaitaire rénovée, chaque commune percevrait un montant unitaire de 75 euros par habitant, identique pour toutes. Pour plus de justice, dites-vous, le Gouvernement veut une nouvelle DGF, la même pour tous ! Voilà un beau principe révolutionnaire, mais qui nécessite l’abolition des « privilèges » des habitants des villes...
Pour effectuer un parallèle avec l’impôt sur le revenu, c’est comme si, découvrant du jour au lendemain l’injustice créée par les effets de seuil du barème de l’impôt sur le revenu, nous décidions, pour plus de justice, un barème identique pour tous. Il s’agirait d’une conclusion aussi brutale que celle qui nous est proposée pour la réforme de la DGF.
L’histoire de la DGF est certes compliquée, mais, contrairement à ce que le Gouvernement affirme, les différences de DGF entre collectivités ne sont pas toujours injustifiées, cher Philippe Dallier
M. Philippe Dallier s’esclaffe.
Et ne nous faites pas croire que la dotation de centralité viendra corriger tous les problèmes, quand cette dotation est réservée aux communes de plus de 500 habitants !
Que dire encore du fait que ce sont en réalité les territoires des villes intermédiaires qui vont assumer le coût des métropoles et celui des communes nouvelles, et qui ne leur est, sauf exception, pas réservé ?
Vous ne vouliez pas, avec cette réforme, opposer les représentants des villes à ceux du monde rural, mais, avec les orientations égalitaristes qui ne tiennent pas compte du passé, n’allez-vous pas finalement aggraver les inégalités ?
En nous faisant formellement adopter l’article 58 et son article additionnel, le Gouvernement renonce quelque part à une discrimination positive assurée par l’ancienne DGF dans nos villes.
J’ajouterai qu’aucun traitement n’est réservé aux inégalités fiscales, qui sont plus grandes. Le volet fiscal a d’ailleurs été majoritairement occulté dans cette réforme.
Le potentiel fiscal des villes de 15 000 à 100 000 habitants varie, par exemple, de 1 à 3, quand la dotation forfaitaire s’échelonne de 1 à 1, 5. L’effort fiscal y est, en moyenne, proche de 2, quand, dans le monde rural, il est inférieur à 1.
Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, telles sont les questions posées par cette réforme, qui n’ont pas reçu le moindre commencement de réponse à l’heure où vous nous demandez malgré tout de voter.
En conclusion, je dirai que les effets cumulés de vos propositions nuisent à la sérénité indispensable à une réforme de cette ampleur.
Par cohérence et par respect pour le travail de nos assemblées, il est nécessaire que nous obtenions le retrait définitif de l’article 58 et l’examen d’une réforme de la DGF dans le cadre d’un projet de loi spécifique.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, beaucoup a été dit dans ce débat, et la diversité des interventions que nous avons écoutées jusqu’ici est à l’image de celle des communes de notre pays.
La France compte 32 000 communes rurales de moins de 2 000 âmes, représentant 20 % de la population.
Pour leurs habitants, ces communes rurales représentent le premier échelon de proximité, pour ne pas dire bientôt le seul, avec la paupérisation du département qui vise à amener par étapes une suppression programmée.
Pour ces communes, la dotation globale de fonctionnement est donc non pas un « coup de pouce » permettant aux maires de concrétiser leurs rêves de grandeur, mais simplement la contribution de l’État à la collectivité qui agit au plus près de nos concitoyens ruraux et permet, autant que possible, d’éviter la désertification de nos campagnes. Dans de nombreuses petites communes, cette dotation peut représenter 50 % à 70 % des recettes.
Cette DGF, demeurée sans modification depuis de trop nombreuses années, est-elle aujourd’hui équitable ? Assurément non ! Incompréhensible, elle est bâtie sur des formules tellement obscures que, selon les aveux mêmes des services de Bercy, seuls quelques spécialistes sont capables de la calculer.
Finalement, comme trop souvent, le montant de cette dotation par habitant crée une criante rupture d’égalité pour la France rurale.
Madame la ministre, si l’initiative de la réforme résultait d’une vision clairvoyante de la situation, la mener à bien sans tenir compte de la nouvelle carte des intercommunalités, qui verra le jour en 2017, était aussi irréaliste que précipité.
On ne peut que se réjouir de voir que le Gouvernement a été sensible aux arguments des maires, amplement relayés par les sénateurs. C’est un scénario auquel nous commençons malheureusement à être habitués : une réforme décisive pour les collectivités territoriales est annoncée par le Gouvernement de façon soudaine, et sans réelle concertation, avant que, constatant son impréparation, le même Gouvernement soit obligé d’accepter de remettre l’ouvrage sur le métier.
Les élus communaux, bénévoles au vrai sens du terme, n’y comprennent plus rien. S’ils n’y perdent pas leur latin, leur bon sens paysan est mis à rude épreuve !
Je mettrai donc à profit cette période maintenant ouverte à la concertation et à une réflexion approfondie en vue de réformer la dotation pour vous indiquer, madame la ministre, quelques points primordiaux de nature à rétablir une situation équitable entre citoyens ruraux et citoyens urbains.
Tout d’abord, j’évoquerai la part « bourg-centre » de la dotation de solidarité rurale, qui permet aujourd’hui d’apporter une aide à la commune comptant 15 % de la population du canton. Avec l’agrandissement des cantons, en effet, la représentation des communes répondant à ce critère a baissé mécaniquement et cela pénalise fortement des collectivités qui continuent à jouer un rôle moteur sur leur territoire en abritant les mêmes infrastructures et en apportant les mêmes services à la population.
Ensuite, madame la ministre, votre réforme entraînera la même sanction pour les charges de centralité. Permettez-moi de donner ici l’exemple de ma commune, ancien chef-lieu de canton. Aujourd’hui, elle représente 38 % de la population d’une communauté de communes de montagne, de surcroît très peu peuplée. Après la mise en place du schéma départemental de coopération intercommunale, elle ne représentera plus les 20 % de la nouvelle entité et perdra donc cette dotation de centralité. Ainsi, elle jouera toujours son rôle de bourg-centre, mais sans compensation financière.
Cet exemple illustre le cas de centaines de communes françaises : avec les mêmes charges s’agissant notamment des écoles ou des activités sportives et culturelles, leur dilution dans un ensemble intercommunal plus vaste va cependant les priver de cette part de dotation essentielle. Est-ce cela, l’aménagement du territoire ?
Enfin, et suivant le même raisonnement, le futur mode de calcul devra aussi tenir compte des dépenses à la charge des communes qui ne sont actuellement pas prises en compte, mais qui sont déterminantes dans le rôle que ces collectivités locales jouent en tant qu’aménageurs du territoire. Je pense aux nombreux kilomètres de voirie, mais aussi aux servitudes liées à la géographie physique, comme les reliefs montagneux, qui rendent nécessaire le déneigement.
Les communes sont en danger. La loi NOTRe est dévastatrice au moins sur deux points pour les petites communes. D’abord, elles vont être littéralement dissoutes au milieu d’immenses communautés qui auront une grande partie des compétences. En effet, les dérogations au nombre d’habitants prévues par la loi sont exceptionnelles, car les préfets ont reçu des consignes précises du Gouvernement pour fragiliser les petites communes.
Rires.
M. le président. Madame la ministre, mon cher collègue, vous aurez tout loisir d’échanger après…
Sourires.
Ensuite, le département, qui assure la solidarité territoriale, est vraiment mis à mal. En effet, que va-t-il représenter quand il ne regroupera plus qu’une poignée d’intercommunalités et qu’il sera asphyxié par le social ?
Que vont devenir nos communes, sans compétences et sans moyens financiers ?
Je vous en conjure, ne donnez pas le coup de grâce aux communes pauvres et peu peuplées avec une réforme de la DGF qui leur sera défavorable. Les habitants de la France oubliée sont exaspérés et humiliés par toutes ces décisions néfastes.
Ne détruisez pas la commune, qui est la seule cellule de proximité et le plus précieux lien social et démocratique, surtout en ces périodes troublées.
Je vous pose la question, madame la ministre : mais que vous ont donc fait les communes ?
Rires.
Soyez-en convaincue, le temps de la réflexion que vous accorderez à contrecœur à cette réforme de la DGF ne sera pas perdu s’il est mis au service d’un changement visant à accompagner les communes sans les écraser, et à soutenir la ruralité dans sa spécificité pour l’aider à exprimer ses richesses et ses talents.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la pédagogie est affaire de répétition, a-t-on coutume de dire. C’est aussi une histoire de patience. Étant le quatorzième et dernier orateur à intervenir dans cette discussion, je vous remercie de bien vouloir malgré tout m’écouter.
Ce débat sur la réforme de la DGF s’inscrit, ne l’oublions pas, dans un contexte de nécessaire redressement des finances publiques, et ce alors même que de nouvelles dépenses doivent être engagées pour combattre le terrorisme.
Pour les conseils départementaux comme pour toutes les collectivités se pose dans sa globalité le problème des moyens financiers, à mettre en perspective non seulement avec les compétences exercées, mais aussi avec leurs propres ressources, qui, elles, sont liées à la situation économique, sociale et géographique spécifique à chacun des départements, comme à chacun des territoires.
La question du niveau des péréquations, à la fois horizontale et verticale, se pose également. Fort de ma connaissance et de mon expérience, tant dans mon département qu’au sein de l’Assemblée des départements de France, je m’interroge sur le niveau et l’efficacité d’une mise en œuvre réelle de la péréquation horizontale.
Autant la péréquation verticale peut garantir le pacte républicain, en quelque sorte, car elle constitue une réponse financière de la Nation adaptée et au bénéfice de chacun de ces territoires, autant la péréquation horizontale est aléatoire, car les prélevés trouvent toujours de bonnes raisons à faire valoir pour ne pas l’alimenter eux-mêmes !
Avant toute réforme de la dotation globale de fonctionnement, il y a, à mes yeux, nécessité d’arrêter et de constater le plus objectivement et le plus impartialement possible la réalité de la situation de chacune des collectivités concernées ; il s’agit, en quelque sorte, de poser le bon diagnostic.
Par ailleurs, je considère que la réforme de la DGF – si elle veut être ambitieuse – ne saurait s’appuyer seulement sur un prélèvement opéré sur les uns au profit des autres.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, chers collègues, dans ce débat sur la DGF, on ne saurait négliger la question tout aussi fondamentale des dépenses prescrites par l’État, par exemple, toutes celles qui sont liées à la mise en œuvre de nombreuses normes actuelles ou à venir, et plus spécifiquement encore celles qui sont liées aux dépenses relatives aux allocations individuelles de solidarité, ces AIS qui, prescrites par la Nation, sont versées par les départements pour son compte.
Les départements subissent la double peine d’une hausse constante des allocations à verser et de moins en moins compensées par l’État. Pour ces allocations, en 2014 et 2015, la somme due aux départements est de 15, 3 milliards d'euros. Double peine, disais-je, puisque, dans le même temps, la baisse de la DGF représente 1, 6 milliard d'euros.
Pour vous permettre de mieux appréhender ces chiffres, je veux vous citer l’exemple de mon département, les Ardennes. Sur cette même période, pour les AIS, les sommes dues par l’État y sont de 66, 5 millions d'euros et la baisse de la DGF y est de 5, 5 millions d'euros. Or un point de fiscalité dans les Ardennes rapporte à peine 500 000 euros…
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la situation de nos collectivités départementales est devenue plus que critique. En effet, à ce jour, dix départements ne peuvent faire face aux dépenses de l’exercice budgétaire en cours et quarante-deux départements ne pourront équilibrer leur budget de l’exercice 2016.
Au travers des départements, c’est le niveau même de solidarité à l’égard des plus fragiles de nos concitoyens qui est interrogé. Pour la Nation, c’est finalement sa capacité à préserver le pacte républicain, héritage historique du Conseil national de la Résistance, dont il est question.
Désormais, les départements ne peuvent plus se substituer à l’État à un tel niveau, et c’est une baisse importante de ces AIS qui va être inégalement, selon les départements, rendue obligatoire, à défaut d’une meilleure compensation par l’État aux départements.
Nous devons, dès maintenant, en mesurer les nombreuses conséquences, tant pour les publics aidés que pour les emplois de service à la personne et pour le pouvoir d’achat généré, sans parler de la crédibilité de nos institutions aux yeux de nos compatriotes.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, finalement, c’est l’ensemble des financements dédiés aux collectivités – à toutes les collectivités – qu’il faut repenser, au premier rang desquels se situe la DGF. Cela est devenu urgent, sans justifier pour autant qu’il y ait précipitation !
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Mesdames, messieurs les sénateurs, avant de laisser Mme Lebranchu vous répondre sur la réforme de la DGF, je vais m’exprimer sur la baisse des dotations, qui a été abondamment évoquée, et c’est tout à fait légitime.
Cette baisse des dotations, je veux simplement la resituer dans le contexte que vous connaissez, celui de la baisse de la dépense publique et du plan d’économies du Gouvernement de 50 milliards d'euros sur trois ans.
Sur ce plan d’économies, il faut savoir que l’État va contribuer à hauteur de 18 milliards d'euros, le secteur social à hauteur de 21 milliards d'euros et les collectivités locales à hauteur de 11 milliards d'euros, ce qui fait 20 % du plan d’économies. Et, 20 %, c’est le poids de la dépense publique locale dans la dépense publique globale.
La dépense publique locale, en gros, ce sont 250 milliards d'euros – 243 milliards d'euros pour être précis – et la dépense publique globale, ce sont 1 250 milliards d'euros. La contribution de 11 milliards d'euros représente 1, 6 % des recettes totales des collectivités locales, en moyenne. Je sais que, pour certaines collectivités locales, c’est beaucoup plus, mais c’est donc beaucoup moins pour d’autres.
J’ajoute que la seule revalorisation de 0, 9 point des bases fiscales en 2015 a rapporté 950 millions d'euros aux collectivités locales. Les ressources fiscales des collectivités locales – en clair, les impôts -, qui représentent 62 % de leurs recettes réelles de fonctionnement, ont progressé de 2, 4 % en 2014.
S’agissant des communes rurales, et singulièrement de celles de l’Ardèche, sachez, monsieur Genest, que nous les aimons tous beaucoup, et notamment ici, dans cet hémicycle !
Sourires.
Nouveaux sourires.
M. André Vallini, secrétaire d'État. Je vais vous les donner, monsieur le sénateur !
Mêmes mouvements.
L’effort moyen des communes de moins de 500 habitants est de 8 euros par habitant en 2015, alors qu’il est de 55 euros pour les communes de plus de 200 000 habitants.
Pour les petites villes, les bourgs-centres, l’effort moyen des communes de moins de 10 000 habitants est de 12 euros par habitant en 2015, alors qu’il est de 27 euros par habitant pour les communes de plus de 10 000 habitants.
Enfin, pour les 10 000 communes rurales les plus pauvres – certaines sont sûrement en Ardèche ! – et pour les 250 communes urbaines les plus pauvres, les dotations n’ont globalement pas baissé après la péréquation en 2015.
Sans vouloir minorer les difficultés que rencontrent les communes, j’ajoute que le nombre de communes inscrites dans le réseau d’alerte reste stable cette année. Elles sont 1 800 en 2015, contre 1 854 en 2013 et 1 837 en 2014. Elles sont donc un peu moins nombreuses en 2015.
En 2015, le nombre de saisines des chambres régionales des comptes par les préfets pour actes budgétaires en déséquilibre est le même qu’en 2014 : il est de 138. Pour 2015, il y a eu 46 saisines de chambres régionales des comptes pour comptes administratifs en déséquilibre, contre 71 en 2014.
Enfin, les demandes de subventions exceptionnelles à l’État de la part de communes en difficulté sont au nombre de 25 en 2015, contre 23 en 2014.
J’en viens maintenant à l’investissement. C’est un vrai souci que vous avez exprimé les uns et les autres et qui est partagé par le Gouvernement. Nous le savons tous, l’investissement public local représente 70 % de l’investissement public en France.
Personne ne le nie, la baisse de l’investissement public local est forte : il a diminué de 7, 8 % en 2014 – 12, 4 % pour le bloc communal –, et il semble que, cette année, la réduction sera encore plus sévère, si j’ose m’exprimer ainsi.
Conscient de l’enjeu que représente l’investissement, le Gouvernement a pris en 2015 des mesures qu’il va reconduire et accentuer en 2016. Vous savez que nous allons relever le taux de remboursement du FCTVA de 0, 9 point.
Nous avons augmenté la dotation d’équipement des territoires ruraux, la DETR, de 200 millions d'euros, la portant à 800 millions d'euros, contre 600 millions d'euros en 2014.
Nous avons créé un fonds pour les maires bâtisseurs de 100 millions d'euros, ce qui représente 2 000 euros par permis de construire dans les zones tendues.
Je pourrais également citer les crédits des contrats de plan État-régions, qui sont à hauteur, pour l’État, de 12, 5 milliards d'euros.
Au titre des mesures annoncées en 2015, dont certaines produiront des effets en 2016 et dont quelques-unes sont déjà effectives, je veux notamment mentionner le prêt à taux zéro de la Caisse des dépôts et consignations, qui permet d’anticiper le remboursement de la TVA. Je m’aperçois, comme vous, que cette mesure, très importante, est peu connue par les communes. Dans beaucoup de départements, les maires ignorent encore qu’ils peuvent obtenir, moyennant certes une attente qui dure souvent deux ans, ce remboursement anticipé de la TVA sur les dépenses d’investissement.
Ce remboursement de la TVA par le FCTVA va être étendu aux dépenses d’entretien des bâtiments publics et aussi, grâce au vote des députés, aux dépenses d’entretien de la voirie. Cette mesure, très importante, sera appréciée par les maires, qui l’attendaient depuis longtemps.
Nous avons également décidé de créer un fonds d’investissement de 1 milliard d'euros. Je me souviens que, lorsque le Premier ministre, Mme Lebranchu, M. Eckert et moi-même avons reçu, le 28 mai dernier, le bureau de l’Association des maires de France – M. Baroin, en particulier –, l’AMF avait alors exprimé un certain scepticisme à l’égard de ce fonds de 1 milliard d’euros.
Or il devient réalité, se décomposant en deux parties de 500 millions d'euros. La première partie est destinée à la réalisation de projets de priorité nationale – transition énergétique, logements fléchés sur les investissements locaux, répartis par les préfets de région et les préfets de département, en concertation, bien sûr, avec les élus locaux.
La deuxième partie, donc également de 500 millions d'euros, se décompose de la façon suivante : 200 millions d'euros, qui correspondent à la reconduction de l’augmentation de la DETR – 200 millions d'euros de plus en 2015, à nouveau 200 millions d'euros de plus en 2016 – et 300 millions d'euros pour les investissements dans les bourgs-centres et les petites villes.
Enfin, nous avons décidé d’alléger les normes comptables, ce qui va permettre aux collectivités de dégager plus de capacités d’autofinancement et, donc, de favoriser l’investissement en allongeant la durée de l’amortissement de certains investissements et en modifiant l’amortissement des subventions d’équipement que les communes versent aux associations.
Voilà ce que je voulais vous dire, mesdames, messieurs les sénateurs, avant de laisser la parole à Mme la ministre.
Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, comme il est bientôt minuit, je vous propose de prolonger notre séance pour terminer le débat.
Il n’y a pas d’observation ?...
Il en est ainsi décidé.
Vous avez la parole, madame la ministre.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j’entends les critiques concernant la réforme de la dotation globale de fonctionnement. Nous sommes partis de principes simples, rappelés par un certain nombre d’entre vous, sur lesquels je reviendrai en répondant à chacun.
Comment supprimer les écarts de ressources injustifiés ? Comment programmer la disparition progressive de parts figées et leur substituer des parts attribuées en fonction de critères objectifs en sachant, par exemple, que l’outre-mer recevait 59 euros en moyenne par habitant, contre 153 euros par habitant en métropole, ce qui était totalement injuste ?
Comment accroître l’efficacité de la dotation globale de fonctionnement ? Comment concentrer davantage la péréquation sur les communes et les intercommunalités en difficulté ? Plus de 34 000 communes sur 36 000 bénéficiaient de la dotation de solidarité rurale, ou DSR, ce qui était sans doute un peu anormal.
Au cours des débats qui ont eu lieu depuis plusieurs années, il était également apparu que beaucoup d’entre vous s’inquiétaient de la situation des bourgs et des villes, évoquant des charges excessives. Ces constats importants figuraient dans différents rapports du Sénat.
L’idée était ensuite de renforcer la lisibilité en rendant possible un vrai débat démocratique, mais devant vous.
Nous pensions toutefois que s’en tenir aux parts figées, c’était signer la fin d’une histoire, l’histoire de ces échanges nombreux sur le point de savoir ce qui est juste ou injuste, ce qui est souhaitable ou non.
C'est la raison pour laquelle nous avons entamé ce processus de réforme que tout le monde me dit trouver très rapide. Non, mesdames, messieurs les sénateurs ! Je vous rappelle, sous le contrôle de M. le président Larcher, qu’après le changement de majorité intervenu au sein de la Haute Assemblée, nous avons sollicité un certain nombre d’entre vous pour désigner un ou deux représentants des groupes majoritaires du Sénat. Nous avons bien évidemment commencé par le président du groupe qui était encore à l’époque l’UMP et du président de l’UDI-UC. Il était normal de leur laisser du temps pour désigner leurs représentants.
La fin de non-recevoir nous est parvenue tard, c’était à la fin du mois de novembre, rappelez-vous. Certains ont argumenté sur le fait que leur groupe parlementaire pensait inopportun de travailler dans le cadre d’une mission parlementaire, au motif que cela risquait de les enfermer. Tel n’a jamais été le cas ! Quand on est membre d’une mission parlementaire, justement, et que l’on est en désaccord avec le rapport de celui qui porte la mission, on a le droit de faire mention par écrit de son avis divergent.
Nous avons donc perdu deux mois et demi puisque, du coup, c’est en janvier seulement que la mission a pu entamer ses travaux. Le choix s’est porté sur Jean Germain – je le salue là où il est –, qui a fait acte de candidature à l’époque, alors qu’il aurait, lui aussi, préféré qu’un représentant d’une autre famille politique soit désigné. Un tel pluralisme, gage d’une démarche irréprochable, aurait été de surcroît plus intéressant pour conduire les travaux de la mission, notamment les auditions.
Nous avons donc accepté de commencer ainsi ; nous n’avions de toute façon pas le choix. Le 16 juillet, nous avons présenté le projet de réforme au Comité des finances locales, plutôt qu’à votre commission des finances ; c’est, à titre personnel, le reproche que je pourrais me faire. Toujours est-il que cette présentation offrait un choix entre trois scénarios de réformes envisageables ; pour montrer l’impact de chaque scénario, nous avions réalisé des simulations sur un échantillon de 41 communes et leurs EPCI respectifs.
Ce document devait être discuté, mais le CFL a refusé ces simulations – c’est son droit le plus absolu – et ne les a pas fait distribuer. Je ne m’explique toujours pas ce qui s’est passé ce jour-là ; c’est un exemple des chaos de l’histoire.
Nous sommes donc repartis avec nos scénarios et nos simulations. Nous avons malgré tout continué d’en discuter avec les uns et les autres, nous avons réfléchi à ce que pouvait être une réforme de la DGF et nous avons finalement choisi de travailler sur le scénario n° 2, avec une DGF locale, dont les simulations donnaient les meilleurs résultats. Néanmoins, devant l’ampleur des remarques qui nous étaient faites, devant, parfois, des oppositions catégoriques, nous avons, en octobre, transmis tous les résultats, distincts de ceux qui avaient été inscrits dans le projet de loi de finances pour 2016.
Cette réforme aurait pu être applicable dès cette année et je continuais d’ailleurs à défendre sa mise en place cet automne. En effet, il me paraissait important que, dans le cadre de la réforme intercommunale, ceux qui choisissaient les nouveaux périmètres des intercommunalités puissent le faire sur la base de la nouvelle épure de la DGF. Cela aurait été plus facile et plus sain que de mener des simulations à partir de la DGF actuelle et de parts figées qui, comme il a été rappelé, doivent évoluer.
Néanmoins, le Premier ministre a pris acte du fait que, à l’Assemblée nationale comme au Sénat et au sein de la plupart des associations d’élus, beaucoup estimaient qu’il était plus facile de fixer les périmètres d’abord, et d’appliquer la réforme ensuite.
Je m’engage d’ailleurs, avec André Vallini, à effectuer sur quelques cas des simulations doubles. Il serait juste, en effet, que nous puissions simuler à la fois l’ancienne DGF et la nouvelle, afin que les élus, comme M. Baroin le disait avec juste raison, aient une vision pluriannuelle. Je remarque cependant qu’au moment où l’on nous demande une telle vision pluriannuelle, on nous met dans l’impossibilité de la réaliser ; c’est un peu délicat. Nous-mêmes et nos services nous tiendrons toutefois à la disposition des élus pour cela.
D’ailleurs, une projection pluriannuelle sur trois ans, fondée sur une application de la réforme au 1er janvier 2017, avait été faite : nous avions pu ainsi prolonger nos estimations, à l’attention de ceux qui voulaient bien regarder les documents.
Pour autant, le Premier ministre, tout comme il l’avait fait devant le refus opposé par un groupe sénatorial de désigner un de ses membres pour travailler à la mission sur la réforme de la DGF, mais aussi lorsqu’il avait fait le choix, pour la loi NOTRe, d’aboutir par le débat à un texte de consensus, a entendu les parlementaires et a proposé de reporter cette réforme d’une année.
Le 14 octobre dernier, nous avons transmis les simulations aux intéressés, M. Baroin le premier. Elles différaient des précédentes sur un point : la DGF était abondée de 109 millions d’euros, ce qui correspond à la somme nécessaire pour que la métropole du Grand Paris – la MGP – et celle d’Aix-Marseille-Provence ne soient pas financées par la DGF des autres ; j’avais en effet pris devant vous cet engagement.
Le 21 octobre, à 9 heures 50, M. Mézard nous a effectivement demandé de lui communiquer ces simulations. Nous lui avons répondu à 11 heures 52 – nous avons tous les courriels –, mais il nous a fait savoir à 14 heures 40 qu’il les avait déjà. En effet, ces simulations étaient disponibles ici dans de nombreux bureaux ; M. Mézard avait donc pu se les procurer dans l’intervalle.
Le 30 octobre, nous avons refait ces simulations en détail pour les communes de la MGP, sans impact, bien sûr, pour les autres communes. Des fiches d’analyse ont d’ailleurs été transmises aux parlementaires pour leur permettre d’en prendre connaissance avant le débat ; elles ont été envoyées le vendredi soir à l’Assemblée nationale et le dimanche midi au Sénat, mais députés comme sénateurs les ont naturellement trouvées en revenant le lundi 2 novembre. Enfin, ces mêmes fiches d’analyse comprenaient également les résultats d’une variante pour les communes de la MGP.
Nous avions donc de quoi discuter. D’ailleurs, lors de la discussion de l’article 58 du projet de loi de finances pour 2016, un vrai débat sera rendu possible par toutes ces simulations et, en particulier, celles qui ont d’ores et déjà été commentées par les uns et les autres.
Monsieur Baroin, vous êtes revenu sur la baisse des dotations ; André Vallini vous a répondu. Je tiens cependant à préciser que, contrairement à ce que vous avez déclaré, cet article 58 n’est pas le fruit d’un amendement nuitamment déposé. Non, monsieur le sénateur, il a été déposé le 15 juillet et a été publié dans le projet de loi de finances avec des variantes à la demande des uns et des autres, en particulier s’agissant des métropoles. Nous avons entendu les demandes de variantes, car il était important de répondre aux questions posées.
Dès le 16 juillet, tout était donc disponible, d’autant que nous avions aussi réuni alors l’instance de Dialogue national des territoires. Néanmoins, monsieur Baroin, vous n’aviez pas pu y assister, pas plus d’ailleurs que la plupart des présidents d’association d’élus qui nous avaient pourtant beaucoup demandé cette réunion ; un seul d’entre eux était présent, alors que nous étions trois membres du Gouvernement à la disposition des élus, avec nos fiches, nos simulations et nos projections. Cela a eu lieu le 16 juillet, et non nuitamment à l’Assemblée nationale. Je tenais à le redire à cette tribune pour que chacun soit correctement informé. Nous avions alors répondu aux questions à mon sens les plus importantes.
Mesdames, messieurs les sénateurs, cette réforme est nécessaire : j’entends peu de parlementaires et peu de maires affirmer que tout va bien quant à la DGF.
Je rappellerai par ailleurs que les simulations sont effectuées par la Direction générale des collectivités locales, et non par Bercy. Il ne faut donc pas mettre au compte des uns les défauts des autres. §Nous assumons, pour notre part, les éventuels défauts de nos simulations. Vous-même, monsieur Baroin, qui avez été ministre du budget, savez à quel point la DGCL tient à ce travail : même si elle le partage avec Bercy, elle en est toujours propriétaire ; tel est son droit le plus strict parce que – pardonnez-moi l’expression – elle est là pour ça !
Cette réforme est donc juste. Certes, monsieur Baroin, on peut avoir un débat sans fin sur la baisse des dotations. Cela dit, un de vos collègues députés, membre du parti Les Républicains et occupant des fonctions éminentes à l’Assemblée nationale, nous a clairement fait savoir en commission des finances que votre parti, s’il revenait au pouvoir, ne reviendrait pas sur la baisse des dotations, qui constitue selon lui une nécessité absolue.
Dès lors, je constate que, si vous ne portez pas la baisse des dotations, du moins vous la défendez : c’est absolument transpartisan.
Pour autant, madame Beaufils, cette baisse des dotations n’est pas liée uniquement à ce qui nous est demandé par Bruxelles.
Je crois que la grande question qui nous est posée collectivement est celle de la souveraineté nationale. Nous avons la chance, aujourd’hui, de bénéficier de taux d’intérêt extrêmement bas, mais nous ne sommes pas certains qu’ils resteront aussi bas dans le futur. Il est vrai que la dette publique, qui a augmenté de 600 milliards d’euros, est celle de nos enfants et, surtout, de nos petits-enfants.
Monsieur Collombat, je réponds à Mme Marie-France Beaufils. Aujourd’hui, les taux d’intérêt sont indéniablement très bas ; en revanche, vous ne pouvez pas savoir – personne ne le peut – ce qu’ils seront dans dix ou quinze ans. Il faut donc être prudent !
La question de la souveraineté nationale, qui pourrait d’ailleurs être plus souvent débattue, est donc ici cruciale. En effet, malheureusement, on a tendance à blâmer l’Europe en oubliant que la France elle-même a des questions à se poser.
Vous avez mentionné très justement et avec force, madame Beaufils, les ghettos de la misère. M. Dallier a, lui aussi, évoqué cette hyper-richesse qui, dans la région parisienne, côtoie l’hyper-pauvreté, et ce de façon extrêmement violente. Nous occupant des collectivités locales, nous avons tous fait le tour de ces communes : il est en effet très pénible de constater cet énorme contraste et cette ghettoïsation à l’œuvre.
Le problème à résoudre n’est donc pas technique ; il est éminemment politique. À vrai dire, toute baisse de la dépense publique est toujours excessive : c’est le b.a.-ba de l’économie.
Vous avez rappelé, madame Beaufils, la baisse réelle des dotations perçues par vos communes entre 2011 et 2014. Certes, cette baisse doit être ramenée aux recettes réelles de fonctionnement ; néanmoins, il est vrai qu’elle n’est pas juste, alors que nous essayions précisément d’être plus justes.
Monsieur Raynal, vous avez rappelé la nécessité de réformer. Un amendement dont l’adoption nous obligerait à repartir de zéro n’aurait pas de sens, me semble-t-il, puisque nous avons maintenant sur la table tous les éléments pour débattre et réfléchir. Le choix est devant vous : soit totalement rejeter la réforme, mais beaucoup risquent de le regretter dans dix ans, soit l’adopter, y compris avec des ajustements. En tout cas, rejeter complètement cette perspective avec tout le travail effectué et mis à la disposition des parlementaires serait vraiment dommage.
Vous avez raison, monsieur Raynal, de parler de DGF négative ; cela peut effectivement conduire à des remboursements. Nous avons même envisagé de redonner des DGF à des communes riches pour qu’elles puissent participer à la péréquation, comme vous l’avez lu dans les documents.
Tout ce que vous avez dit est donc juste. La DGF, selon vous, est péréquatrice ; vous avez raison, mais les écarts croissants de ressources fiscales entre les collectivités doivent être aussi pris en compte.
Vous vous interrogez par ailleurs sur le fait que, pour la répartition de la dotation de centralité, l’indice de population est porté à la puissance 5. Dès le mois de juillet, vous aviez remarqué que la prise en compte des centralités secondaires faisait défaut lorsque la différence entre le nombre d’habitants était trop forte. Effectivement, c’est bien l’une des questions posées. Néanmoins, vous êtes élu dans une quasi-métropole où, par sa population, la commune centre relègue très loin derrière les autres communes. La détermination des charges pour les communes en question représente donc un réel problème. Nous nous retrouverons donc lors de ce débat, et vous déposerez peut-être des amendements.
En revanche, ce que vous dites sur la fin de l’État est un peu dur à entendre. On a besoin d’État, mais pas forcément de cette façon-là.
Il faudra aussi qu’un débat soit un jour organisé sur l’unicité de l’action publique. État, collectivités territoriales, hôpitaux publics, la fonction publique est une et constitue le socle solide de la Nation. Vous avez raison de poser le principe ainsi et il faudra que, partant de cette idée que nous avons en partage, nous trouvions des solutions pour la mettre en pratique.
M. Dantec était très naturellement attendu sur la COP 21, notamment par l’un de ses collègues. §Il a néanmoins également abordé dans son intervention le besoin de ressources des communes, l’idée de la solidarité, ainsi que la nécessité de bénéficier de marges de manœuvre pour assurer, par exemple, la transition énergétique. C’est tout le sens du milliard d’euros fléché, qui prend en compte notamment cette transition énergétique.
L’idée de budgets annexes est intéressante. Une proposition similaire a été formulée à l’Assemblée nationale, mais uniquement sur l’eau, l’assainissement et les déchets, afin que, dans les recettes réelles de fonctionnement, il y ait aussi des prestations. Il faut donc étudier ces idées ; c’est un exercice difficile, puisqu’aucune simulation n’atteste encore leur pertinence, mais nous nous engageons devant vous à continuer d’y travailler.
De même, nous nous intéressons à la réorientation de l’investissement public vers les équipements que vous qualifiez d’utiles, c’est-à-dire utiles à la planète, utiles à la vie, utiles à la proximité.
Nous essayons d’offrir aux communes rurales la possibilité de participer à ce mouvement, grâce, par exemple, à la dotation d’équipement des territoires ruraux, la DETR.
Monsieur Mézard, vous qui attendiez M. Dantec sur le sujet de la COP 21, vous voulez surtout, pour reprendre votre image, éviter que l’on ne rajoute une couche à la pâte feuilletée des distorsions actuelles.
Pour ce qui est des simulations, monsieur Mézard, nous vous transmettrons tous nos courriels et vous pourrez constater, les heures d’envoi faisant foi, que, de fait, nous étions prêts. Je ne sais pas ce qui s’est produit ce jour-là entre 11 heures 52 et 14 heures 40, mais nous étions naturellement prêts à diffuser par courriel ces documents.
Une courte parenthèse est ici utile : nombreux sont ceux qui nous ont demandé l’ensemble des simulations. À l’échelle de 36 000 communes, cela représente un énorme pavé que nous ne saurions fournir à chacun. Nous tenons à votre disposition une clef USB par groupe politique, elle contient l’ensemble des simulations ; vous y avez d’ailleurs eu accès.
Monsieur Mézard, vous bénéficiez donc à présent d’une telle clef USB.
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Je viendrai la lire avec vous, monsieur Collombat, il n’y a pas de problème !
Sourires.
Nouveaux sourires.
Sur la hausse de la péréquation et la remise en cause juste des parts figées, monsieur Mézard, nous avons des préoccupations communes, mais je vois que je ne pourrai pas vous convaincre ce soir.
Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.
Monsieur Guené, sur la méthode et le calendrier, vous avez été très critique, mais vous avez apprécié que les métropoles acquièrent une reconnaissance. Il est vrai que toutes ces modalités étaient difficiles à mettre en œuvre, mais nous sommes maintenant parvenus à un dispositif assez bien construit. Je retiens néanmoins vos remarques sur la nouvelle gouvernance.
M. Baroin a quitté l’hémicycle, mais je tiens à lui répondre. La principale difficulté a consisté à savoir s’il fallait une dotation globale de fonctionnement pour les intercommunalités. Faut-il reposer la question de la gouvernance des intercommunalités ? Faut-il ouvrir le débat, y compris pour les grandes métropoles, d’un suffrage universel pour les agglomérations ? Cette hypothèse reçoit une fin de non-recevoir absolue. Or qu’est-ce que la nouvelle gouvernance, sinon ?
C’est un grand sujet que celui de la gouvernance ; la question est aujourd’hui prématurée, mais je ne doute pas qu’elle sera posée de nouveau par les générations futures, ou peut-être même avant.
Monsieur Capo-Canellas, vous êtes également revenu sur la question de la ruralité et de la centralité et sur la fameuse strate 9 de la DGF, qui concerne les villes moyennes. La réforme était-elle favorable aux bourgs et aux petites villes ? Oui. L’était-elle aux grandes villes ? Oui. En revanche, beaucoup se sont demandé si les strates des 10 000-14 999 habitants et des 15 000-19 999 habitants ne posaient pas problème.
Vous le savez, un découpage par strates a été décidé, pour que les résultats soient les plus justes possible et que vous puissiez lire facilement les simulations. Je note avec vous que c’est sur ces strates que les difficultés se concentrent.
On ne peut pas parler d’« intercommunalités palliatives ». Ce n’est pas le mot juste.
Les intercommunalités sont faites pour avancer, pour bouger.
Seulement, je constate que, si tout le monde pose cette question, au moment de voter, il n’y a plus personne ! Dans cet hémicycle épars, mesdames, messieurs les sénateurs, dix d’entre vous peut-être seraient prêts à discuter d’une autre façon de lire les intercommunalités.
Les réglages se feront en temps réel. Je ne peux pas aller au-delà de ce qui semble acceptable par les commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat, qui se sont réunies et dont on connaît les positions.
Monsieur Botrel, comme beaucoup, vous avez insisté sur les simulations concernant les petites villes et avez proposé un coefficient effort fiscal/ revenu moyen – cela avait d’ailleurs été demandé par l’un de vos collègues qui siège au Comité des finances locales. Nous avons procédé à de telles simulations, elles ne donnaient pas du tout des résultats justes : pour les communes extrêmement riches, ce coefficient était beaucoup plus élevé que pour d’autres. Je dois avouer que nous avons nous-mêmes été surpris par le fait que cet effort fiscal rapporté au revenu moyen, qui serait le seul juste, révolutionnerait la dotation globale de fonctionnement et favoriserait des communes riches. Cela montre tout l’intérêt des simulations.
Monsieur Collombat, vous avez parlé de la fraction péréquatrice de la DGF, soulignant qu’elle servait à faire oublier ce qu'allaient y perdre certains. Oui, la ruralité a des charges. Pour ma part, j’avais demandé que ce que j’appelle les « mètres carrés précieux » – les terres agricoles, les espaces naturels, les périmètres de captage, le zonage NDs, Natura 2000, les parcs, etc. – soient pris en compte pour calculer la dotation globale de fonctionnement. On s’est alors aperçu qu’en rapportant le nombre d’habitants à la superficie on obtenait le coefficient de ruralité.
C’est pourquoi, après beaucoup d’hésitations, nous avons choisi ce ratio, qui donne la densité d’un territoire, c'est-à-dire la ruralité des communes de montagne ou des communes ayant des bois ou des grands périmètres de protection.
Vous avez dit que 75 euros, c’était beaucoup et que les communes de 3 500 habitants perdaient plus que les autres. Ces observations montrent bien que vous avez eu les simulations.
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Sur les bourgs-centres, permettez-moi de vous contredire. Monsieur Collombat, c’est dès la loi que nous avons empêché que les bourgs-centres, les anciens chefs-lieux de canton, ne perdent leur rang, si je puis dire. Cela a été voté d’emblée. Regardez les simulations, vous constaterez que c’est respecté.
M. Pierre-Yves Collombat s’exclame.
Dans la réforme, la DSR « bourg-centre » restait inchangée. Les simulations le confirment. Par conséquent, on ne peut pas soutenir que ce sont les communes les moins peuplées qui sont gagnantes. Dans toutes les strates, il y a des gagnants et des perdants. D’ailleurs, il a été montré que, dans toutes les strates, pour des communes ayant le même nombre d’habitants, avec la même répartition en catégories socioprofessionnelles, le montant de DGF allait de 1 à 2.
Monsieur Dallier, vous attendez depuis vingt ans. Vous n’êtes pas le seul ! Moi aussi, j’ai attendu, tout comme d’André Vallini. Pour ma part, j’attends depuis 1995, date à laquelle j’ai été élue pour la première fois maire : j’ai tout de suite constaté l’étendue des injustices et estimé qu’elles étaient inacceptables. Mesdames, messieurs les sénateurs, il y a deux injustices dont on parle toujours et auxquelles on ne remédie jamais : les valeurs cadastrales et la DGF.
On ne peut pas conserver des parts figées qui correspondent à une histoire que personne n’est capable d’expliquer.
Cependant – l’un de vous l’a souligné –, à chaque fois que l’on veut remédier à cette situation, il y a des communes qui perdent. Certes, des corrections ont été apportées par l’Assemblée nationale, en particulier sur le FPIC. Vous le savez, la loi défendue à l’époque par Gilles Carrez à l’Assemblée nationale et le ministre chargé de ces questions n’a pas permis d’avancer suffisamment pour établir un équilibre entre DSU et DSR et mettre la dotation nationale de péréquation au service de la DSU et de la DSR.
Sur la DSU et la DSR, nous avons voulu casser l’effet de seuil.
La suivante de la DSU cible perd trop, c’est totalement injuste, et je vous rejoins sur cette appréciation. L’idée, c’est d’avoir une courbe logarithmique. Vous l’avez maintenant entre les mains.
Désormais, les dotations de la politique de la ville, ce que l’on appelle les quartiers de la politique de la ville, ou QPV, seront prises en compte dans le fonctionnement. À cet égard, il faut arrêter de fustiger sans cesse le budget de fonctionnement. Nous avons besoin de services et d’autofinancement net positif. D’où l’intérêt, notamment pour les communes pauvres, au regard de la DSU, de faire entrer les dotations dans le fonctionnement.
Faire entrer une partie des dotations de la politique de la ville dans le fonctionnement permet aux communes d’appeler l’ANRU et d’investir. Ce n’est pas une mauvaise chose. Je crois qu’il faut y réfléchir ensemble d’ici au vote.
Mesdames, messieurs les sénateurs, même si l’heure est tardive, quand un débat est organisé, le ministre interpellé se doit de répondre, ou plus exactement de donner son avis, à tous les intervenants, au risque d’être un peu long.
M. Bonnecarrère a mentionné l’augmentation des charges.
Nous avons beaucoup travaillé sur ce sujet, monsieur le sénateur. Votre idée d’un nouvel article 40 est complexe, même si j’en comprends l’esprit. C’est à ce travail que se consacre André Vallini, à travers l’allégement des normes et le « zéro charge nouvelle ».
Nous souhaitions confier cette tâche au Haut Conseil des territoires, dont certains pensent que le Gouvernement veut le ressusciter, …
… mais le HCT est bien mort ! Nous avons désormais instauré une autre façon de dialoguer avec les territoires et des études d’impact sont menées sous la conduite d’André Vallini avant toute prise de décision.
Ce travail intéressant nous a d’ailleurs permis d’aborder un certain nombre de questions avec la Commission consultative d’évaluation des normes, notamment lors du dernier Dialogue national des territoires, qui s’est tenu le 15 juillet, au cours duquel André Vallini a présenté des résultats intéressants. Certes, monsieur le sénateur, ce n’est pas l’article 40 tel que vous le souhaiteriez, mais on n’en est pas loin, en tout cas dans l’esprit.
J’en viens au coefficient de mutualisation que vous avez appelé de vos vœux. Vous vous souvenez sans doute que c’était ma demande.
En comparant le coefficient de mutualisation et le coefficient d’intégration fiscale, nous nous sommes rendu compte que l’on arrivait à peu près à l’équilibre. Mais, comme les uns et les autres avaient tout fait pour que le CIF soit un petit peu plus haut, par exemple en intégrant les conventions de prestations de services, il nous était difficile de revenir à un coefficient de mutualisation qui exclue ces dernières, alors qu’elles permettent aussi une bonne mutualisation.
Au terme de la comparaison, le CIF nous a donc paru la bonne solution, et nous l’avons conservé.
Monsieur Patient, le rapport sur les pistes de réforme des finances des collectivités locales des départements et régions d’outre-mer que vous avez remis au Gouvernement au mois de septembre 2014 est excellent et nous avons essayé de nous en inspirer.
Certes, je vous l’accorde, tout n’est pas parfait. Les collectivités locales d’outre-mer sont mises à contribution, sauf Mayotte et les collectivités qui relèvent de l’article 74 de la Constitution. On a communément l’habitude de trouver cet équilibre juste. Il demeure, même si l'Assemblée nationale a cherché – très brièvement, il est vrai – à le remettre en cause.
Le projet de loi de finances pour 2016 a prévu un dispositif spécifique conduisant à minorer la contribution des régions d’outre-mer. Sur cette question aussi, tout s’est très correctement passé à l’Assemblée nationale.
Ainsi, la péréquation progresse : la dotation d’aménagement des collectivités d’outre-mer, au sein de la DGF, a augmenté de 17 millions d’euros en 2015 et le FPIC de 8 millions d’euros pour l’outre-mer. Malheureusement – je le dis en toute franchise –, la commission des finances du Sénat a rejeté cette progression. Je doute que ce soit une bonne idée, d’autant que les sommes en cause ne sont pas importantes.
À mon sens, il n’y a pas de raison objective de refuser cette mesure. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement déposera certainement un amendement visant à introduire de nouveau cette progression, si aucun parlementaire ne le fait ; mais peut-être votre commission des finances reviendra-t-elle sur sa position.
Les projections pour l’année 2016 aboutissent à des résultats comparables assez justes. Ainsi, la baisse de la DGF est proportionnelle aux recettes réelles de fonctionnement, ces RRF dont précisément l’outre-mer manque le plus ; c’est là sa fragilité. Il faut également un investissement spécifique local. Il est prévu un élargissement du FCTVA de 1 milliard d’euros – une part importante ira à l’outre-mer – ainsi qu’une augmentation de la dotation d’équipement des territoires ruraux et de l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité, LADOM.
Monsieur le sénateur, nous avons essayé de tenir compte des remarques qui figuraient dans votre rapport, même si nous ne sommes peut-être pas allés au bout cette année. Ainsi, la moyenne des parts figées de la DGF est de 59 euros par habitant pour les communes des DOM et de 153 euros par habitant pour la métropole. Chacun s’accordera à reconnaître qu’il y a là une injustice qu’il faut corriger, sinon les élus d’outre-mer ne réussiront pas rattraper des retards qui sont dommageables au pays tout entier. C’est ainsi qu’il faut parler des outre-mer.
Bien sûr, nous avons pris en compte les difficultés de la Guyane. Vous le savez, puisque nous avons déjà prévenu l’ensemble des parlementaires concernés.
Madame Cayeux, vous avez dit qu’il serait difficile de procéder à une réforme en un an. Ce sera difficile en effet, mais plus on prend du temps pour faire une réforme, plus on a du mal à la faire. Nous devons donc mettre en œuvre cette réforme en partant du principe – c’est un espoir que nous ne devons pas nous interdire – qu’il faudra pouvoir en corriger certains aspects l’année suivante si l’on se rend compte que certains dispositifs ne fonctionnent pas.
Je m’étais demandé, concernant les SDCI, si l’on ne pouvait pas projeter la DGF sur les futurs SDCI pour être dans le vrai de la discussion des schémas départementaux. Telle était notre position, mais elle a été rejetée tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, chacun pensant que ce n’était pas ainsi qu’il fallait procéder. On ne l’a donc pas fait, mais je ne suis pas sûre que l’on soit juste en faisant ce choix. Nous sommes prêts cependant, je le répète, à effectuer des doubles simulations.
Le retrait définitif de la réforme serait terrible. Je l’ai toujours dit, et je le répète aujourd'hui avec beaucoup de conviction, il faut créer des intercommunalités si l’on veut sauver les communes, comme nous le demandent la majorité des élus et des parlementaires – mais peut-être pas tous les citoyens –, car une commune de 500 habitants ne pourra jamais créer de service à la petite enfance.
Or les femmes qui travaillent ont besoin d’un service à la petite enfance. Il n’est pas possible de mettre en place des services importants sans intercommunalité. Nous devons donc avancer dans cette voie, comme l’a dit notamment Jacques Genest.
Il n’y a pas de regroupements autoritaires, il y a la loi, monsieur le sénateur !
On a prétendu que les préfets avaient reçu des ordres. Pour ma part, j’ai toujours dit aux préfets qu’il y avait la carte idéale – sans doute avez-vous une carte idéale, monsieur Collombat –…
C’est donc compliqué. Une véritable discussion est nécessaire.
La loi fixe un seuil de 5 000 habitants. Bien sûr, entre 700 et 900 des 2 300 intercommunalités existantes vont bouger, et c’est tant mieux, mais nombre d’intercommunalités resteront à 5 000 habitants. J’en connais même une qui se situe juste en dessous du seuil, mais qui estime qu’il n’est pas nécessaire de bouger celle d’à côté.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai effectué 256 déplacements dans les territoires de France et j’ai constaté que la carte intercommunale suscitait parfois un véritable enthousiasme dépassant toutes les espérances, y compris celles des préfets, qui n’en reviennent pas.
Ainsi, les Côtes-d’Armor, qui comptaient 30 EPCI, n’en ont plus que neuf ou dix, à la demande des élus.
(Sourires.) L’AMF me dit que cette association n’est pas représentative, M. Baroin vous le confirmera !
Protestations amusées sur certaines travées du groupe Les Républicains.
L’AMRF, l’Association des maires ruraux de France, a vivement protesté le jour où le report de la réforme de la DGF a été annoncé, parce que, selon elle, c’était la première fois qu’une dotation de base égale pour tous les habitants de France était envisagée, de 73 euros ou de 10 euros. Cette association fait un peu concurrence à l’AMF, même si ses membres ne sont pas très nombreux, me semble-t-il. §J’attendais votre réaction, monsieur le sénateur ! §
L’AMRF est pratiquement la seule association à avoir profondément regretté le report de la réforme, car elle considérait que, pour une fois, la ruralité était défendue. Lors de l’assemblée générale qu’elle avait organisée dans le jardin de mon ministère, faute de pièce assez grande, nous nous étions engagés à mettre en œuvre une dotation de base pour tous les Français, conformément aux préconisations du rapport de la mission parlementaire. Même si les grandes villes ne trouvaient pas forcément cela juste, tel était l’engagement que nous avions pris.
J’ouvre une parenthèse : je parle depuis maintenant trente-huit minutes ; vous avez parlé près de deux heures. Vous comprendrez qu’il me soit d’autant plus difficile de synthétiser mes réponses, mesdames, messieurs les sénateurs.
Monsieur Huré, vous avez raison, les départements. Sont, aujourd'hui, ceux qui, avec les allocations individuelles de solidarité, prennent en charge la solidarité nationale. Or les AIS ne sont pas et ne seront jamais compensées.
Je fais partie de celles et de ceux qui, comme vous, pensent qu’il faut ouvrir un débat national, en particulier sur le RSA. Si la crise devait malheureusement se prolonger un peu, nous ne pourrions pas continuer ainsi. Nous avons été le premier gouvernement à reconnaître publiquement que l’État n’a pas compensé les baisses de dotations. Le RSA représente en 2015 une dépense de 10 milliards d’euros, ce qui est énorme.
Le pacte de confiance et de responsabilité qui a été signé entre l’État et les collectivités locales n’a permis de compenser qu’une partie des baisses seulement, à hauteur de 1, 6 milliard d’euros. Les plafonds des droits de mutation à titre onéreux, les DMTO, ont été relevés, afin de créer une solidarité entre les départements, certaines collectivités ayant des recettes très élevées, d’autres n’en ayant aucune. Cette péréquation est alimentée par la hausse de 0, 35 point des DMTO, ce qui représente 536 millions d’euros, mais cela ne suffira pas, c’est vrai.
Cette année, de dix à treize départements bénéficieront d’une aide spécifique – cela figurera dans le projet de loi de finances rectificative, afin d’éviter les interrogations sur l’effet rétroactif, vous connaissez le droit –, mais, vous avez raison, le débat devrait être national.
Un groupe de travail va se réunir pendant trois mois. Je regrette que seuls soient concernés l’exécutif et l’Assemblée des départements de France, car cette question mérite un grand débat national, je le répète. Qui doit prendre en charge l’APA, la PCH ? Est-il juste que l’APA et le RSA soient aujourd'hui en grande partie financés par l’impôt local est les DMTO ? La solidarité ne devrait-elle pas s’écrire autrement ? Peut-être. Nous avons trois mois pour répondre à ces questions, au moins en ce qui concerne le RSA, et pour ouvrir le débat sur l’APA, mais avec nos concitoyens, parce que c’est leur vie !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. - M. Pierre-Yves Collombat applaudit également.
Nous en avons terminé avec le débat sur la réforme de la dotation globale de fonctionnement.
Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 18 novembre 2015 :
De quatorze heures trente à dix-huit heures trente :
Proposition de loi relative à la protection des forêts contre l’incendie dans les départements sensibles (n° 10, 2015-2016) ;
Rapport de Mme Catherine Troendlé, fait au nom de la commission des lois (n° 137, 2015-2016) ;
Texte de la commission des lois (n° 138, 2015-2016).
Débat sur le thème : « Bilan et perspectives du rôle du bicamérisme dans nos institutions après la publication du rapport du groupe de travail sur l’avenir des institutions intitulé Refaire la démocratie ».
De dix-huit heures trente à vingt heures et de vingt et une heures trente à minuit :
Proposition de loi organique relative au statut des autorités administratives indépendantes créées par la Nouvelle-Calédonie (n° 574, 2014-2015) ;
Rapport de M. Mathieu Darnaud, fait au nom de la commission des lois (n° 135, 2015-2016) ;
Texte de la commission des lois (n° 136, 2015-2016).
Suite de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre (n° 376, 2014-2015) ;
Rapport de M. Christophe-André Frassa, fait au nom de la commission des lois (n° 74, 2015-2016).
Résultat des travaux de la commission des lois (n° 75, 2015-2016).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
La séance est levée le mercredi 18 novembre 2015, à zéro heure quarante.