Intervention de Yannick Botrel

Réunion du 17 novembre 2015 à 21h30
Débat sur la réforme de la dotation globale de fonctionnement

Photo de Yannick BotrelYannick Botrel :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le présent débat, qui n’est pas le premier sur le sujet, traite de la problématique soulevée par la dotation globale de fonctionnement. En préambule, je veux indiquer que le choix de cette thématique par le groupe Les Républicains, dans le cadre de la semaine de contrôle, surprend à quelques jours à peine de l’examen du projet de loi de finances qui aurait pu nous permettre d’évoquer ce sujet sensible.

Il ne s’agit pas, pour ma part, de contester tout l’intérêt de cette question fondamentale. Comme chacun dans cet hémicycle, je connais l’importance de la DGF dans le fonctionnement budgétaire des collectivités qui composent notre pays et qui mènent largement l’action publique de proximité nécessaire à nos territoires et à nos concitoyens. Cela étant, dans un contexte parlementaire contraint, je m’interroge simplement sur l’efficacité de la méthode.

Je souhaite également, de façon préalable, évoquer devant vous la mission Germain-Pires Beaune – il en a été question à plusieurs reprises –, qui a produit un travail important sur la réforme de la dotation globale de fonctionnement. Qu’il me soit permis à cette occasion de saluer la mémoire de notre regretté collègue Jean Germain, dont l’expertise nous manquera, sur ce sujet comme sur d’autres.

Il faut le rappeler, cette mission parlementaire était envisagée par le Gouvernement comme une démarche transpartisane. Il avait d’ailleurs été initialement proposé, sauf erreur de ma part, qu’un parlementaire de la majorité sénatoriale y participe, sans que celle-ci donne suite à cette proposition. Il aurait pourtant été souhaitable, a fortiori au Sénat, qu’une démarche partagée s’engage, afin – pourquoi pas ? – d’aboutir à un consensus.

Le rapport Germain-Pires Beaune constitue d’évidence une base solide au projet de réforme que nous présente le Gouvernement, sur laquelle, selon moi, nous pouvons entamer des discussions productives.

En effet, la pertinence d’une réforme de la dotation globale de fonctionnement ne me semble pas devoir faire l’objet en elle-même de longs de débats, tant le système actuel, caractérisé par ses inégalités flagrantes, ne donne pas satisfaction et laisse interrogatif, voire perplexe.

Voilà quelques mois, j’ai souhaité personnellement faire un point sur les textes législatifs et réglementaires qui régissent cette dotation. J’ai donc recherché, dans l’Encyclopédie des collectivités locales, la définition de la DGF ; cette dernière fait quarante-deux pages ! Si je relate cette anecdote, mes chers collègues, c’est parce que ce chiffre me semble une bonne illustration : il n’est pas admissible que des dispositions aussi importantes pour la vie de nos collectivités soient à ce point complexes et illisibles, et finalement inexplicables.

À ce stade, l’application de la réforme est reportée d’une année. Toutefois, le projet de loi de finances pour 2016 en intégrera les grands principes. C’est un premier pas ; certains s’en satisferont, d’autres moins.

Je considère cependant que cette réforme ne pourra pas être reportée indéfiniment, car il s’agit là d’une attente réelle, encore plus dans le contexte budgétaire contraint que nous connaissons. Ainsi, certaines communes de mon département, les Côtes-d’Armor, m’ont fait parvenir des simulations budgétaires très détaillées, qui démontrent que, sans cette réforme, qui était attendue, les équilibres financiers ne pourront être tenus durablement. Cela est particulièrement patent pour les petites villes qui ne tarderont pas à se trouver en difficulté. À titre d’exemple – et je pourrais en citer d’autres –, Lannion, qui compte 22 000 habitants, pourrait perdre 50 % de sa DGF à l’horizon 2017. Ce problème, qui est réel en Bretagne, se pose ailleurs en France.

Dans ce contexte, réformer la DGF pour la rendre plus équitable n’est pas une option plus ou moins aléatoire ; c’est une obligation.

Bien entendu, je prends acte positivement de ce report, car l’action politique nécessite parfois, non pas des renoncements, mais d’infléchir les délais, afin de permettre le dialogue et la recherche du consensus. Il faut donc prendre un temps pour cela, à la condition qu’il soit raisonnable.

L’objectif est d’évidence de rétablir plus de logique, davantage de justice dans les dotations qui sont versées aux communes et aux intercommunalités, dont la situation est, il faut le rappeler, particulièrement contrastée : si certaines connaissent certes des difficultés, d’autres se portent bien mieux.

Je crois que, au-delà de considérations politiciennes, parfois, nous pouvons tous nous rejoindre sur ce point, dès lors que nous constatons dans nos territoires ces inégalités de traitement flagrantes et, in fine, injustifiables.

La méthode proposée devra permettre de mieux travailler du point de vue de la lisibilité du dispositif visé et des conditions de son application, autour des trois piliers que sont, pour ne prendre que l’exemple de la DGF communale, une dotation universelle, une dotation de centralité et une dotation de ruralité.

Grâce à ces outils, nous pourrons répondre de façon adaptée à des situations très différentes. Nos communes sont diverses, et c’est une chance, à l’image de ce qui caractérise la France dans son unité. Rurales, urbaines ou périurbaines, petites, grandes ou moyennes, de montagne, de plaine ou insulaires, elles connaissent des situations différentes, avec des compétences variées. Toutes, pourtant, doivent apporter à leur mesure des services à leurs habitants et mettre en œuvre l’action publique sur tout le territoire.

C’est au législateur qu’il appartient de trouver les dispositifs qui permettent d’assurer le traitement équitable et efficace de cette diversité. Les mois à venir nous permettront, je le pense, de procéder à des simulations complètes, simulations qui sont absolument indispensables, afin de calibrer au mieux ces trois composantes et d’obtenir le meilleur résultat prévisionnel.

Il faut, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, bannir toute improvisation. Il n’y a pas lieu de se perdre en polémiques sans intérêt ; il convient au contraire, dès maintenant, de travailler utilement.

Sur une réforme d’une telle ampleur, il est impossible de penser que nous pourrions tomber juste du premier coup. Ce temps supplémentaire dont nous disposons désormais permettra les ajustements dont j’ai parlé, et, en conséquence, une application plus partagée de cette réforme dès 2017.

D’aucuns pourraient être tentés de rejeter en bloc celle-ci ou de la différer tant qu’ils pourront. Il s’agirait alors d’une posture qui ne serait pas à la hauteur de l’enjeu et qui pénaliserait durablement la majorité de nos collectivités, puisque, semble-t-il, une majorité d’entre elles pourrait être gagnante.

Enfin, je souhaite personnellement que ce délai nous permette d’intégrer à la réforme une prise en considération de l’effort fiscal des communes et des intercommunalités.

En effet, il paraît logique, et certainement plus juste, d’adapter la dotation globale de fonctionnement en fonction de l’effort fiscal demandé. Il ne s’agit pas d’une démarche punitive visant à sanctionner. Il s’agit d’établir un principe d’équité de traitement.

Certes, il faut tenir compte de la réalité fiscale des populations, mais une collectivité qui ne mobilise pas l’impôt local ne doit pas être dotée de la même manière qu’une autre qui demande à ses habitants un effort plus important, et ce afin d’éviter tout effet d’aubaine fiscale, donc de concurrence territoriale exacerbée.

Mes chers collègues, cela fait des années qu’il est question de cette réforme ; pourtant, elle ne se fait pas. C’est pourquoi je veux saluer les intentions du Gouvernement, qui a engagé le processus et fixé les échéances.

Ce débat sera finalement l’occasion d’appeler chacun à ses responsabilités. Il ne faudrait pas que l’objectif de la réforme soit remis en cause, voire que certains parient sur son abandon et se mobilisent en ce sens. Ce serait lourd de conséquences préjudiciables au plus grand nombre. Et je n’ose pas y penser.

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