Intervention de Philippe Bonnecarrere

Réunion du 17 novembre 2015 à 21h30
Débat sur la réforme de la dotation globale de fonctionnement

Photo de Philippe BonnecarrerePhilippe Bonnecarrere :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous sommes invités à débattre de la réforme de la dotation globale de fonctionnement à l’heure où nos principales pensées sont ailleurs.

L’esprit d’unité nationale me conduit à ne pas trop insister sur le report de la DGF, qui nous était encore refusé il y a encore un mois…

Une réforme bien comprise se fonde sur un socle technique pertinent et sur un cap affiché : il s’agit là de la lisibilité et de l’équité. Ces deux qualités, que M. Raynal a évoquées, sont, sinon absentes du projet qui nous est soumis aujourd’hui, du moins y sont insuffisamment présentes.

Les collectivités territoriales agissent en vertu d’un cadre budgétaire qu’elles apprécient globalement. Elles ne connaissent que trop la sévère réduction que subissent leurs ressources pour la troisième année consécutive. Cela étant, elles ignorent l’incidence, sur les dotations de péréquation, des fusions d’intercommunalités, comme l’effet de l’émergence de grandes collectivités, en particulier, le poids financier de Paris.

Nos collectivités peinent à anticiper les effets du FPIC, auquel il vient d’être fait référence. Il s’agit là d’un instrument délicat. À quelques places près dans le classement, l’on devient contributeur, ou bénéficiaire, voire les deux, pour des montants qui sont devenus substantiels.

Nos collectivités s’inquiètent aussi des facteurs persistants – j’insiste sur ce mot – d’augmentation de leurs charges en raison du prélèvement au titre du FNGIR, de la fin de l’exemption des taxes locales sur l’éclairage public, de l’instruction des autorisations d’urbanisme, de la prise en charge par les intercommunalités de l’information des demandeurs de logements sociaux et de la constitution de leur dossier tel que la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové le prévoit, de l’obligation, issue de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, de disposer d’un service ou de compétences en conseil énergétique à l’intention des concitoyens, etc.

Vous l’avez compris, l’incertitude et l’absence de visibilité sont contreproductives.

Concernant le volet relatif aux charges, je renouvelle, madame la ministre, la demande formulée voilà un mois, lors des questions d’actualité au Gouvernement, de l’engagement d’un travail en commun entre le Parlement et le Gouvernement sur la mise en place d’une sorte d’article 40 – pardonnez cette comparaison ! – à destination des collectivités locales, conditionnant les transferts à leurs financements.

Tout est dit dans l’article 72-2 de la Constitution rappelé par François Baroin au début de cette séance. Je ne vous demande pas la révision de la loi fondamentale, l’exercice à venir étant suffisamment important en la matière. En revanche, je requiers l’application effective de l’article susvisé, sous la forme d’une loi organique, qui nous manque toujours.

Je souhaite maintenant évoquer trois points : affirmer, d’abord, qu’il convient de ne pas accabler la DGF actuelle de tous les maux ; formuler, ensuite, quelques observations techniques ; insister, en conclusion, sur le besoin d’intégrer de la vertu dans la réforme.

Contrairement aux autres orateurs, je me refuse donc à accabler la DGF en vigueur. La DGF est d’abord issue de transferts successifs et de garanties accordées au fur et à mesure. Le résultat actuel n’est donc pas le fruit du hasard. Ensuite, les écarts de DGF entre collectivités sont moindres qu’on ne le dit souvent. Méfions-nous, à cet égard, des biais statistiques.

Ainsi, entre les communes bénéficiant d’un montant de 35 % supérieur au montant moyen de DGF par habitant et celles qui perçoivent un montant de 35 % inférieur, on trouve 82 % des collectivités. En réalité, seuls 8 % des collectivités perçoivent moins de 35 % des crédits moyens et 10 % perçoivent 35 % de plus.

Plus remarquable encore, l’inégalité globale au regard de la DGF perçue par habitant entre les communes d’une même strate est inférieure à l’inégalité des mêmes communes classées par le potentiel fiscal. Autrement dit, la DGF, dans sa version actuelle, a un caractère péréquateur plus net que vous ne l’indiquez.

J’avais prévu d’avancer quelques observations techniques portant sur la cohérence, en rappelant au Gouvernement qu’il est en train de créer de nouvelles garanties, ou sur les coups de rabot apportés en catimini, puisque, en 2016, nous est imposée l’intégration du Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée, le FCTVA, dans l’enveloppe normée des collectivités. Chacun sait que celles-ci ont pourtant longtemps mené le combat inverse.

Cette décision est très habile, puisqu’elle n’est pas douloureuse pour 2016 ou 2017, car l’investissement est en baisse, mais elle le deviendra quand l’investissement repartira, ce que nous devons souhaiter pour notre pays.

J’aurais pu également évoquer la complexité des équations utilisées, à l’exemple du facteur de puissance cinq affecté à la dotation de centralité, dont je peine à appréhender les motivations, voire les conséquences pratiques.

Par ailleurs, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, un problème commence d’ores et déjà à se poser : outre les départements, dont nous savons que certains connaissent de sérieuses difficultés, il existe des strates de communes discrètes, paradoxalement souvent bien gérées, qui commencent à rencontrer de réelles difficultés financières.

J’en viens à mes deux conclusions. Je vous demande, tout d’abord, d’intégrer de la vertu dans la réforme. Ainsi, qu’est-il advenu du coefficient de mutualisation ? Les praticiens savent que les économies se font par le biais de la mutualisation, qui est incontournable pour préserver la capacité d’investissement. Je vous suggère donc d’intégrer dans les critères de la réforme le coefficient de mutualisation entre communes et intercommunalités. Vous offririez ainsi une sorte de prime à la qualité de gestion.

Enfin, j’ai bien entendu tout à l’heure la suggestion de M. Raynal, membre du groupe socialiste et républicain, lequel nous a invités à mener un travail collectif et à assumer une responsabilité partagée. Mon groupe relève le gant, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, et M. Capo-Canellas et moi-même sommes disponibles pour cela.

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