Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le Gouvernement a souhaité réformer, dans le projet de loi de finances initiale pour 2016, la dotation globale de fonctionnement, afin de la rendre « plus juste et plus efficace ».
En six mois, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, vous espériez sans doute, sur la base de cette terminologie, revoir les règles de répartition de 33 milliards d’euros…, soit près de quarante ans d’histoires de transferts et de compensations d’anciens impôts locaux, entre l’État et les collectivités locales.
C’est en tant que représentante d’une ville de plus de 50 000 habitants, mais aussi en ma qualité de présidente de Villes de France, qui rassemble les villes inframétropolitaines de plus de 15 000 habitants et leurs EPCI, que j’ai souhaité ce soir réagir.
Ce réseau représente une majorité de la population urbaine, disons-le oubliée de la réforme, plusieurs centaines de villes où la fiscalité locale est plus lourde en moyenne qu’au niveau national, où les ressources des habitants sont modestes, et les charges périphériques importantes pour la ville centre.
Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, quel cap voulez-vous donner à cette réforme ?
Comment réformer et, surtout, dans quelle direction réformer, alors que, au moment du dépôt du projet de loi de finances, début octobre, la Direction générale des collectivités locales, la DGCL, n’était pas en mesure de livrer les résultats de ses propres orientations ?
La représentation nationale n’ayant pas eu le temps d’une analyse apaisée, puisque le Premier ministre, sous la pression des associations, je veux le croire – à cet égard, je tiens à saluer en particulier le président de l’AMF pour son soutien –, a modifié le calendrier.
Finalement, il est permis de se demander si le Gouvernement n’a pas confondu vitesse et précipitation, et pris avec légèreté ces 33 milliards euros, qui ne sont pas des subventions de l’État, comme la presse le laisse trop souvent entendre.
En effet, comment peut-on être à l’origine de la loi NOTRe et ignorer en pratique l’impact de l’extension du périmètre des intercommunalités sur les finances locales ? Ce phénomène continue d’ailleurs à poser un réel problème de calendrier dans cette réforme, puisque la stabilisation des périmètres intercommunaux ne sera effective qu’en 2017.
Aujourd’hui, la plupart de nos territoires intercommunaux, surtout ceux des villes de plus de 15 000 habitants, c’est-à-dire les communautés d’agglomération, s’étendent parfois considérablement, de quelques kilomètres carrés à plusieurs centaines de kilomètres carrés.
La réforme prévue dans l’article 58 du PLF est toutefois maintenue dans ses principes, l’entrée en vigueur étant fixée au 1er janvier 2017.
Je ne vous cacherai pas, mes chers collègues, notre désarroi devant l’attitude du Gouvernement, qui nous demande de revenir sur nos amendements en cours de préparation et de nous prononcer en aveugles sur cette nouvelle DGF, tout en nous assurant, malgré tout, qu’un rapport nous serait remis le 30 juin 2016.
Oui, mes chers collègues, le temps de la discussion parlementaire est désormais suspendu aux rapports d’une administration, ce qui est regrettable, eu égard au pouvoir de contrôle que nous devons normalement exercer sur elle.
La réforme de la DGF proposée est en réalité contre-péréquatrice pour les villes de France et leurs EPCI. Afin de réduire des écarts « injustifiés » de dotation par habitant, le Gouvernement entend introduire une dotation forfaitaire rénovée. Avez-vous seulement entendu que la dotation forfaitaire actuelle garde aujourd’hui une importance significative dans la péréquation ?
Pour la dotation de base, qui est la composante la plus importante au sein de la dotation forfaitaire rénovée, chaque commune percevrait un montant unitaire de 75 euros par habitant, identique pour toutes. Pour plus de justice, dites-vous, le Gouvernement veut une nouvelle DGF, la même pour tous ! Voilà un beau principe révolutionnaire, mais qui nécessite l’abolition des « privilèges » des habitants des villes...
Pour effectuer un parallèle avec l’impôt sur le revenu, c’est comme si, découvrant du jour au lendemain l’injustice créée par les effets de seuil du barème de l’impôt sur le revenu, nous décidions, pour plus de justice, un barème identique pour tous. Il s’agirait d’une conclusion aussi brutale que celle qui nous est proposée pour la réforme de la DGF.
L’histoire de la DGF est certes compliquée, mais, contrairement à ce que le Gouvernement affirme, les différences de DGF entre collectivités ne sont pas toujours injustifiées, cher Philippe Dallier