Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, beaucoup a été dit dans ce débat, et la diversité des interventions que nous avons écoutées jusqu’ici est à l’image de celle des communes de notre pays.
La France compte 32 000 communes rurales de moins de 2 000 âmes, représentant 20 % de la population.
Pour leurs habitants, ces communes rurales représentent le premier échelon de proximité, pour ne pas dire bientôt le seul, avec la paupérisation du département qui vise à amener par étapes une suppression programmée.
Pour ces communes, la dotation globale de fonctionnement est donc non pas un « coup de pouce » permettant aux maires de concrétiser leurs rêves de grandeur, mais simplement la contribution de l’État à la collectivité qui agit au plus près de nos concitoyens ruraux et permet, autant que possible, d’éviter la désertification de nos campagnes. Dans de nombreuses petites communes, cette dotation peut représenter 50 % à 70 % des recettes.
Cette DGF, demeurée sans modification depuis de trop nombreuses années, est-elle aujourd’hui équitable ? Assurément non ! Incompréhensible, elle est bâtie sur des formules tellement obscures que, selon les aveux mêmes des services de Bercy, seuls quelques spécialistes sont capables de la calculer.
Finalement, comme trop souvent, le montant de cette dotation par habitant crée une criante rupture d’égalité pour la France rurale.
Madame la ministre, si l’initiative de la réforme résultait d’une vision clairvoyante de la situation, la mener à bien sans tenir compte de la nouvelle carte des intercommunalités, qui verra le jour en 2017, était aussi irréaliste que précipité.
On ne peut que se réjouir de voir que le Gouvernement a été sensible aux arguments des maires, amplement relayés par les sénateurs. C’est un scénario auquel nous commençons malheureusement à être habitués : une réforme décisive pour les collectivités territoriales est annoncée par le Gouvernement de façon soudaine, et sans réelle concertation, avant que, constatant son impréparation, le même Gouvernement soit obligé d’accepter de remettre l’ouvrage sur le métier.
Les élus communaux, bénévoles au vrai sens du terme, n’y comprennent plus rien. S’ils n’y perdent pas leur latin, leur bon sens paysan est mis à rude épreuve !
Je mettrai donc à profit cette période maintenant ouverte à la concertation et à une réflexion approfondie en vue de réformer la dotation pour vous indiquer, madame la ministre, quelques points primordiaux de nature à rétablir une situation équitable entre citoyens ruraux et citoyens urbains.
Tout d’abord, j’évoquerai la part « bourg-centre » de la dotation de solidarité rurale, qui permet aujourd’hui d’apporter une aide à la commune comptant 15 % de la population du canton. Avec l’agrandissement des cantons, en effet, la représentation des communes répondant à ce critère a baissé mécaniquement et cela pénalise fortement des collectivités qui continuent à jouer un rôle moteur sur leur territoire en abritant les mêmes infrastructures et en apportant les mêmes services à la population.
Ensuite, madame la ministre, votre réforme entraînera la même sanction pour les charges de centralité. Permettez-moi de donner ici l’exemple de ma commune, ancien chef-lieu de canton. Aujourd’hui, elle représente 38 % de la population d’une communauté de communes de montagne, de surcroît très peu peuplée. Après la mise en place du schéma départemental de coopération intercommunale, elle ne représentera plus les 20 % de la nouvelle entité et perdra donc cette dotation de centralité. Ainsi, elle jouera toujours son rôle de bourg-centre, mais sans compensation financière.
Cet exemple illustre le cas de centaines de communes françaises : avec les mêmes charges s’agissant notamment des écoles ou des activités sportives et culturelles, leur dilution dans un ensemble intercommunal plus vaste va cependant les priver de cette part de dotation essentielle. Est-ce cela, l’aménagement du territoire ?
Enfin, et suivant le même raisonnement, le futur mode de calcul devra aussi tenir compte des dépenses à la charge des communes qui ne sont actuellement pas prises en compte, mais qui sont déterminantes dans le rôle que ces collectivités locales jouent en tant qu’aménageurs du territoire. Je pense aux nombreux kilomètres de voirie, mais aussi aux servitudes liées à la géographie physique, comme les reliefs montagneux, qui rendent nécessaire le déneigement.
Les communes sont en danger. La loi NOTRe est dévastatrice au moins sur deux points pour les petites communes. D’abord, elles vont être littéralement dissoutes au milieu d’immenses communautés qui auront une grande partie des compétences. En effet, les dérogations au nombre d’habitants prévues par la loi sont exceptionnelles, car les préfets ont reçu des consignes précises du Gouvernement pour fragiliser les petites communes.