Intervention de Marylise Lebranchu

Réunion du 17 novembre 2015 à 21h30
Débat sur la réforme de la dotation globale de fonctionnement, amendement 15

Marylise Lebranchu :

Mesdames, messieurs les sénateurs, j’entends les critiques concernant la réforme de la dotation globale de fonctionnement. Nous sommes partis de principes simples, rappelés par un certain nombre d’entre vous, sur lesquels je reviendrai en répondant à chacun.

Comment supprimer les écarts de ressources injustifiés ? Comment programmer la disparition progressive de parts figées et leur substituer des parts attribuées en fonction de critères objectifs en sachant, par exemple, que l’outre-mer recevait 59 euros en moyenne par habitant, contre 153 euros par habitant en métropole, ce qui était totalement injuste ?

Comment accroître l’efficacité de la dotation globale de fonctionnement ? Comment concentrer davantage la péréquation sur les communes et les intercommunalités en difficulté ? Plus de 34 000 communes sur 36 000 bénéficiaient de la dotation de solidarité rurale, ou DSR, ce qui était sans doute un peu anormal.

Au cours des débats qui ont eu lieu depuis plusieurs années, il était également apparu que beaucoup d’entre vous s’inquiétaient de la situation des bourgs et des villes, évoquant des charges excessives. Ces constats importants figuraient dans différents rapports du Sénat.

L’idée était ensuite de renforcer la lisibilité en rendant possible un vrai débat démocratique, mais devant vous.

Nous pensions toutefois que s’en tenir aux parts figées, c’était signer la fin d’une histoire, l’histoire de ces échanges nombreux sur le point de savoir ce qui est juste ou injuste, ce qui est souhaitable ou non.

C'est la raison pour laquelle nous avons entamé ce processus de réforme que tout le monde me dit trouver très rapide. Non, mesdames, messieurs les sénateurs ! Je vous rappelle, sous le contrôle de M. le président Larcher, qu’après le changement de majorité intervenu au sein de la Haute Assemblée, nous avons sollicité un certain nombre d’entre vous pour désigner un ou deux représentants des groupes majoritaires du Sénat. Nous avons bien évidemment commencé par le président du groupe qui était encore à l’époque l’UMP et du président de l’UDI-UC. Il était normal de leur laisser du temps pour désigner leurs représentants.

La fin de non-recevoir nous est parvenue tard, c’était à la fin du mois de novembre, rappelez-vous. Certains ont argumenté sur le fait que leur groupe parlementaire pensait inopportun de travailler dans le cadre d’une mission parlementaire, au motif que cela risquait de les enfermer. Tel n’a jamais été le cas ! Quand on est membre d’une mission parlementaire, justement, et que l’on est en désaccord avec le rapport de celui qui porte la mission, on a le droit de faire mention par écrit de son avis divergent.

Nous avons donc perdu deux mois et demi puisque, du coup, c’est en janvier seulement que la mission a pu entamer ses travaux. Le choix s’est porté sur Jean Germain – je le salue là où il est –, qui a fait acte de candidature à l’époque, alors qu’il aurait, lui aussi, préféré qu’un représentant d’une autre famille politique soit désigné. Un tel pluralisme, gage d’une démarche irréprochable, aurait été de surcroît plus intéressant pour conduire les travaux de la mission, notamment les auditions.

Nous avons donc accepté de commencer ainsi ; nous n’avions de toute façon pas le choix. Le 16 juillet, nous avons présenté le projet de réforme au Comité des finances locales, plutôt qu’à votre commission des finances ; c’est, à titre personnel, le reproche que je pourrais me faire. Toujours est-il que cette présentation offrait un choix entre trois scénarios de réformes envisageables ; pour montrer l’impact de chaque scénario, nous avions réalisé des simulations sur un échantillon de 41 communes et leurs EPCI respectifs.

Ce document devait être discuté, mais le CFL a refusé ces simulations – c’est son droit le plus absolu – et ne les a pas fait distribuer. Je ne m’explique toujours pas ce qui s’est passé ce jour-là ; c’est un exemple des chaos de l’histoire.

Nous sommes donc repartis avec nos scénarios et nos simulations. Nous avons malgré tout continué d’en discuter avec les uns et les autres, nous avons réfléchi à ce que pouvait être une réforme de la DGF et nous avons finalement choisi de travailler sur le scénario n° 2, avec une DGF locale, dont les simulations donnaient les meilleurs résultats. Néanmoins, devant l’ampleur des remarques qui nous étaient faites, devant, parfois, des oppositions catégoriques, nous avons, en octobre, transmis tous les résultats, distincts de ceux qui avaient été inscrits dans le projet de loi de finances pour 2016.

Cette réforme aurait pu être applicable dès cette année et je continuais d’ailleurs à défendre sa mise en place cet automne. En effet, il me paraissait important que, dans le cadre de la réforme intercommunale, ceux qui choisissaient les nouveaux périmètres des intercommunalités puissent le faire sur la base de la nouvelle épure de la DGF. Cela aurait été plus facile et plus sain que de mener des simulations à partir de la DGF actuelle et de parts figées qui, comme il a été rappelé, doivent évoluer.

Néanmoins, le Premier ministre a pris acte du fait que, à l’Assemblée nationale comme au Sénat et au sein de la plupart des associations d’élus, beaucoup estimaient qu’il était plus facile de fixer les périmètres d’abord, et d’appliquer la réforme ensuite.

Je m’engage d’ailleurs, avec André Vallini, à effectuer sur quelques cas des simulations doubles. Il serait juste, en effet, que nous puissions simuler à la fois l’ancienne DGF et la nouvelle, afin que les élus, comme M. Baroin le disait avec juste raison, aient une vision pluriannuelle. Je remarque cependant qu’au moment où l’on nous demande une telle vision pluriannuelle, on nous met dans l’impossibilité de la réaliser ; c’est un peu délicat. Nous-mêmes et nos services nous tiendrons toutefois à la disposition des élus pour cela.

D’ailleurs, une projection pluriannuelle sur trois ans, fondée sur une application de la réforme au 1er janvier 2017, avait été faite : nous avions pu ainsi prolonger nos estimations, à l’attention de ceux qui voulaient bien regarder les documents.

Pour autant, le Premier ministre, tout comme il l’avait fait devant le refus opposé par un groupe sénatorial de désigner un de ses membres pour travailler à la mission sur la réforme de la DGF, mais aussi lorsqu’il avait fait le choix, pour la loi NOTRe, d’aboutir par le débat à un texte de consensus, a entendu les parlementaires et a proposé de reporter cette réforme d’une année.

Le 14 octobre dernier, nous avons transmis les simulations aux intéressés, M. Baroin le premier. Elles différaient des précédentes sur un point : la DGF était abondée de 109 millions d’euros, ce qui correspond à la somme nécessaire pour que la métropole du Grand Paris – la MGP – et celle d’Aix-Marseille-Provence ne soient pas financées par la DGF des autres ; j’avais en effet pris devant vous cet engagement.

Le 21 octobre, à 9 heures 50, M. Mézard nous a effectivement demandé de lui communiquer ces simulations. Nous lui avons répondu à 11 heures 52 – nous avons tous les courriels –, mais il nous a fait savoir à 14 heures 40 qu’il les avait déjà. En effet, ces simulations étaient disponibles ici dans de nombreux bureaux ; M. Mézard avait donc pu se les procurer dans l’intervalle.

Le 30 octobre, nous avons refait ces simulations en détail pour les communes de la MGP, sans impact, bien sûr, pour les autres communes. Des fiches d’analyse ont d’ailleurs été transmises aux parlementaires pour leur permettre d’en prendre connaissance avant le débat ; elles ont été envoyées le vendredi soir à l’Assemblée nationale et le dimanche midi au Sénat, mais députés comme sénateurs les ont naturellement trouvées en revenant le lundi 2 novembre. Enfin, ces mêmes fiches d’analyse comprenaient également les résultats d’une variante pour les communes de la MGP.

Nous avions donc de quoi discuter. D’ailleurs, lors de la discussion de l’article 58 du projet de loi de finances pour 2016, un vrai débat sera rendu possible par toutes ces simulations et, en particulier, celles qui ont d’ores et déjà été commentées par les uns et les autres.

Monsieur Baroin, vous êtes revenu sur la baisse des dotations ; André Vallini vous a répondu. Je tiens cependant à préciser que, contrairement à ce que vous avez déclaré, cet article 58 n’est pas le fruit d’un amendement nuitamment déposé. Non, monsieur le sénateur, il a été déposé le 15 juillet et a été publié dans le projet de loi de finances avec des variantes à la demande des uns et des autres, en particulier s’agissant des métropoles. Nous avons entendu les demandes de variantes, car il était important de répondre aux questions posées.

Dès le 16 juillet, tout était donc disponible, d’autant que nous avions aussi réuni alors l’instance de Dialogue national des territoires. Néanmoins, monsieur Baroin, vous n’aviez pas pu y assister, pas plus d’ailleurs que la plupart des présidents d’association d’élus qui nous avaient pourtant beaucoup demandé cette réunion ; un seul d’entre eux était présent, alors que nous étions trois membres du Gouvernement à la disposition des élus, avec nos fiches, nos simulations et nos projections. Cela a eu lieu le 16 juillet, et non nuitamment à l’Assemblée nationale. Je tenais à le redire à cette tribune pour que chacun soit correctement informé. Nous avions alors répondu aux questions à mon sens les plus importantes.

Mesdames, messieurs les sénateurs, cette réforme est nécessaire : j’entends peu de parlementaires et peu de maires affirmer que tout va bien quant à la DGF.

Je rappellerai par ailleurs que les simulations sont effectuées par la Direction générale des collectivités locales, et non par Bercy. Il ne faut donc pas mettre au compte des uns les défauts des autres. §Nous assumons, pour notre part, les éventuels défauts de nos simulations. Vous-même, monsieur Baroin, qui avez été ministre du budget, savez à quel point la DGCL tient à ce travail : même si elle le partage avec Bercy, elle en est toujours propriétaire ; tel est son droit le plus strict parce que – pardonnez-moi l’expression – elle est là pour ça !

Cette réforme est donc juste. Certes, monsieur Baroin, on peut avoir un débat sans fin sur la baisse des dotations. Cela dit, un de vos collègues députés, membre du parti Les Républicains et occupant des fonctions éminentes à l’Assemblée nationale, nous a clairement fait savoir en commission des finances que votre parti, s’il revenait au pouvoir, ne reviendrait pas sur la baisse des dotations, qui constitue selon lui une nécessité absolue.

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