Intervention de Pierre-Yves Collombat

Réunion du 18 novembre 2015 à 14h30
Débat sur le rôle du bicamérisme

Photo de Pierre-Yves CollombatPierre-Yves Collombat :

Au départ, un constat lucide du blocage institutionnel de la Ve République vieillissante et de ses conséquences sur l’opinion est dressé : « L’hyperprésidentialisation des institutions de la Ve République a contribué à accentuer la défiance des citoyens vis-à-vis des institutions en concentrant les pouvoirs entre les mains d’un seul homme que le peuple investit d’attentes démesurées. » Cela expliquerait l’impression d’impuissance du politique, ainsi que la montée de l’abstention électorale et de la défiance envers le politique.

Effectivement, tout le pouvoir politique est à l’Élysée. Son locataire, devenu le véritable chef de la majorité, politiquement irresponsable, mais ayant le pouvoir de dissoudre le Parlement, désigne un chef du gouvernement théorique qui, lui, est responsable devant l'Assemblée nationale. Comme si c’était le Premier ministre et le Parlement qui étaient responsables devant le chef de l’État, et non l’inverse !

Contrairement à la formule habituellement utilisée, il s’agit non pas d’« hyperprésidentialisme », mais d’une sorte de consulat, système dans lequel, selon la formule de Sieyès, « le pouvoir vient d’en haut ».

Après ce constat lucide, le rapport Bartolone-Winock, comme les précédents, contourne l’obstacle au lieu de traiter le problème de fond : se refusant à choisir entre un régime présidentiel qui instituerait une véritable séparation des pouvoirs et un régime parlementaire réel, il opte pour le statu quo, que « le groupe » a cherché à améliorer, « dans le sens d’un rééquilibrage des pouvoirs » entre le Président de la République et le Premier ministre, ainsi que d’un ajustement à la marge de la procédure législative et des pouvoirs de contrôle du Parlement.

Les auteurs sont clairs : il n’y aura « pas de propositions mettant en cause les pouvoirs essentiels du Président de la République ». Effectivement, depuis la présidence du conseil des ministres jusqu’au droit de dissolution, en passant par la nomination du Premier ministre, tout le dispositif du présidentialisme est conservé, y compris le domaine réservé ; à peine le rapport envisage-t-il un contrôle sur les nominations faites par le chef de l’État…

Comme on a pu l’observer lors des précédentes révisions de la Constitution – session unique, quinquennat, inversion du calendrier électoral, réforme de la procédure législative lors de la révision de 2008 –, faute de traiter le problème de fond, ces « modernisations » n’apportent aucune amélioration, voire produisent l’effet inverse de celui qui est recherché. Ce sera le cas de la réforme du Sénat qui nous est proposée.

Si les rapporteurs renoncent à supprimer cette « anomalie démocratique » – dixit Lionel Jospin –, c’est pour l’embaumer, en lui ôtant tout pouvoir réel. Finalement, ce n’est pas avec le CESE qu’ils devraient proposer de fusionner le Sénat, c’est avec le musée de l’Homme !

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