Séance en hémicycle du 18 novembre 2015 à 14h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • bicamérisme
  • feux
  • forêt
  • incendie
  • l’autorité
  • nouvelle-calédonie

La séance

Source

La séance est ouverte à quatorze heures trente.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Par lettre en date de ce jour, le Gouvernement demande l’inscription à l’ordre du jour du vendredi 20 novembre, l’après-midi et le soir, du projet de loi prorogeant l’application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence et renforçant l’efficacité de ses dispositions, sur lequel il a engagé la procédure accélérée.

Acte est donné de cette communication.

Conformément au droit commun défini à l’article 29 ter du règlement, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe disposeront, dans la discussion générale, d’un temps global d’une heure. Le délai limite pour le dépôt des amendements de séance serait fixé au vendredi 20 novembre, à midi.

Y a-t-il des observations ?…

Il en est ainsi décidé.

En conséquence, l’ordre du jour du vendredi 20 novembre s’établit comme suit :

À quinze heures et le soir :

- Projet de loi prorogeant l’application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence et renforçant l’efficacité de ses dispositions ;

- Suite de l’examen des articles de la première partie du projet de loi de finances pour 2016.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

L’ordre du jour appelle, à la demande du groupe du RDSE, la discussion, après engagement de la procédure accélérée, de la proposition de loi relative à la protection des forêts contre l’incendie dans les départements sensibles, présentée par M. Pierre-Yves Collombat et plusieurs de ses collègues. (proposition n° 10, texte de la commission n° 138, rapport n° 137)

Dans la discussion générale, la parole est à M. Pierre-Yves Collombat, auteur de la proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, qu’elle aboutisse ou qu’elle disparaisse dans les ténèbres de la navette parlementaire, cette proposition de loi restera comme la première rustine collée sur la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite « loi NOTRe », laquelle, en supprimant la compétence générale des départements et des régions, rend obligatoire l’énoncé exhaustif des compétences que l’on entend leur attribuer. Le risque, inévitable, est d’en oublier, ou bien d’oublier, par exemple, que les départements – en tout cas dans les zones où le risque est fort – sont, depuis longtemps, des acteurs majeurs de la lutte contre les incendies de forêt.

Multiformes, leurs actions vont de la surveillance des massifs à l’alerte, de l’intervention – à travers notamment, mais non uniquement, les services départementaux d’intervention et de secours, les SDIS – au financement de la prévention par la réalisation de pistes de défense de la forêt contre l’incendie, ou DFCI, de pare-feu et de l’entretien, à travers la diffusion du sylvopastoralisme et les chantiers d’insertion, sans parler de la restauration de la forêt brûlée.

Dans un certain nombre de départements, comme le Var, dont je suis élu, le conseil départemental, en liaison avec la région, a permis l’équipement des réserves communales de sécurité, connues chez nous sous le nom de comités communaux « Feux de forêts » ; ces réserves sont devenues un acteur de terrain essentiel en matière de prévention et d’aide tant aux pompiers qu’à la sécurité civile.

De cette volonté sont nés des outils communs, telle l’Entente pour la forêt méditerranéenne, établissement public regroupant vingt-neuf collectivités, dont quatorze départements.

Aucun texte n’obligeant les départements à intervenir en matière de prévention des incendies de forêt et la loi NOTRe leur ôtant la possibilité de le faire « dans tout domaine d’intérêt départemental », l’objet de cette proposition de loi est, corrigeant ce que je me contenterai d’appeler un « oubli », de permettre aux départements de « financer ou mettre en œuvre des actions d’aménagement, d’équipement et de surveillance des forêts afin, d’une part, de prévenir les incendies et, le cas échéant, de faciliter les opérations de lutte et, d’autre part, de reconstituer les forêts ».

S’il s’agit d’une faculté, d’une compétence facultative, et en rien d’une charge supplémentaire pour les départements qui ne se sentent pas concernés par ce risque – j’y insiste –, il me semble nécessaire de permettre d’agir à tous les départements qui le souhaitent, même s’ils ne l’ont pas fait jusqu’à présent. Cela est d’autant plus nécessaire que les changements climatiques annoncés ne semblent pas aller vers un rafraîchissement de l’atmosphère. C’est pourquoi je proposerai un amendement permettant de l’exprimer plus clairement.

Vu le rôle des régions, notamment du Sud méditerranéen, en matière de lutte et de prévention contre les incendies de forêt, je vous proposerai aussi un amendement visant à écarter toute ambiguïté en ce qui concerne l’action possible des régions. S’il n’y a pas d’ambiguïté, je le retirerai.

Au cas, improbable – mais on ne sait jamais –, où quelques collègues douteraient de la pertinence et de l’urgence d’une loi visant à prévenir les incendies de et à lutter contre ceux-ci, je rappellerai que les inondations catastrophiques de ces dernières années dans le sud de la France ne doivent pas nous faire oublier ce que furent, il n’y a pas si longtemps, les grands incendies de la zone méditerranéenne.

Ainsi, en 1985-1986, plus de 40 000 hectares de forêt furent détruits ; plus de 50 000 hectares le furent en 1989-1990 et plus de 20 000 en 1995.

Ces incendies gigantesques ont été à l’origine d’une mobilisation générale qui a porté ses fruits puisque, en moyenne, le nombre d’hectares détruits par décennie a été divisé par deux, ce succès ayant été, il est vrai, favorisé par une météorologie favorable.

Ainsi, seulement 2 883 hectares ont été détruits en 2011 et 1 100 en 2013, année tout à fait exceptionnelle au regard des premiers chiffres que j’ai cités.

Cela signifie-t-il que le problème soit résolu ? Certainement pas. En effet, ces résultats sont le produit des efforts de l’État et des collectivités en matière de surveillance, d’alerte et d’intervention terrestres et aériennes. Qu’ils cessent, et on se retrouvera alors à la case « catastrophe » de départ, d’autant plus que, aujourd’hui encore, les actions de débroussaillement – quels que soient les moyens utilisés – et, plus généralement, d’entretien sont restées largement insuffisantes. Or une politique vraiment efficace de lutte contre l’incendie de forêt passe par là.

En effet, la forêt n’est pas une poudrière, un dépôt de carburant qu’il suffirait de placer sous haute surveillance pour la faire tenir tranquille. Elle ressemble plutôt à un dépôt de gaz qui fuirait : la biomasse produite à chaque instant, si elle n’est pas détruite par l’homme, par l’animal ou par le feu, demeure sur place, augmentant d’autant le risque potentiel. Plus tardive sera la destruction, plus catastrophique sera l’incendie, qui ne manquera pas de se déclarer au terme d’une période de sécheresse un peu sévère, un jour de mistral déchaîné.

Croyez-moi, chers collègues, l’heure n’est pas à baisser les bras face à cette calamité, et encore moins à couper ceux des principaux acteurs de la lutte. D’où cette proposition de loi.

Applaudissements sur les travées du RDSE et de l'UDI-UC. – M. David Rachline applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur l’auteur de la proposition de loi, mes chers collègues, depuis une dizaine d’années, le bilan annuel de la campagne Feux de forêt permet de constater une réduction constante des surfaces brûlées : alors que, entre 1994 et 2003, la moyenne s’établissait à 26 600 hectares incendiés par an, elle était descendue à 10 700 hectares par an pendant la décennie suivante. Le nombre global de feux a ainsi diminué et le nombre d’extinctions des feux naissants a significativement augmenté.

Cette évolution positive ne doit rien au hasard, même si elle peut, selon les années, être renforcée par des conditions météorologiques favorables. Les efforts conjugués de l’État et des collectivités locales pour prévenir les incendies de forêt contribuent significativement à réduire le nombre d’hectares brûlés.

Le législateur a mis en place un ensemble de mesures protectrices adaptées. Le code forestier organise la défense et la lutte contre les incendies de forêt en modulant ses prescriptions selon l’intensité du risque sur le terrain : certaines mesures sont applicables à l’ensemble du territoire national, d’autres ne le sont qu’aux bois et forêts classés « à risque d’incendie » par le préfet, tandis que les territoires « réputés particulièrement exposés aux risques d’incendie », la « troisième zone », font l’objet d’un traitement particulier.

La contrainte des obligations imposées aux propriétaires forestiers et à l’aménagement du territoire croît donc en fonction du danger.

Sont classées dans cette troisième zone les forêts situées dans les régions Aquitaine, Corse, Languedoc-Roussillon, Midi-Pyrénées, Poitou-Charentes, Provence-Alpes-Côte d’Azur et les départements de l’Ardèche et de la Drôme, à l’exclusion de celles qui sont situées dans des massifs forestiers à moindres risques et figurant sur une liste arrêtée par le préfet.

Sur ces territoires, un plan départemental ou interdépartemental de protection des forêts contre l’incendie est élaboré sous l’autorité du préfet, pour assurer la cohérence des actions conduites sur le terrain par les différents acteurs, dont les collectivités territoriales et leurs établissements publics, les services de l’État et les propriétaires fonciers.

Ce plan, soumis pour avis aux collectivités concernées, définit des priorités pour chaque territoire constitué de massifs ou de parties de massif forestier, dans l’objectif de diminuer le nombre de départs de feux, de restreindre les surfaces brûlées, de réduire les risques d’incendie et d’en limiter les conséquences.

L’action des collectivités locales sur les territoires menacés s’établit ainsi à deux niveaux : d’une part, elle s’inscrit dans le dispositif général de défense et de lutte contre les feux de forêt et, d’autre part, elle est formalisée – pour les territoires concernés – dans le cadre de l’Entente pour la forêt méditerranéenne.

Les collectivités locales des régions particulièrement exposées au feu ont contribué à prévenir les incendies par différentes initiatives qui ne reposaient pas sur une compétence obligatoire, mais résultaient de la volonté des élus, se fondant sur la clause de compétence générale.

C’est pourquoi leurs actions varient d’un territoire à l’autre, se traduisant principalement par des dispositifs estivaux de surveillance et par la réalisation d’équipements de terrain. Elles visent également à l’information des populations et à leur sensibilisation aux risques, actions auxquelles contribuent notamment les bénévoles des comités communaux.

L’Entente pour la forêt méditerranéenne, quant à elle, est un outil des collectivités territoriales dédié à la protection de la forêt méditerranéenne. C’est un établissement public local auquel peuvent adhérer les régions, les départements, les établissements publics de coopération intercommunale et les services départementaux d’incendie et de secours territorialement concernés.

Cette entente regroupe aujourd’hui vingt-neuf collectivités, dont quatorze départements et services départementaux d’incendie et de secours.

En dehors de ce cadre, la compétence des départements reposait sur leur habilitation à agir dans tout domaine d’intérêt départemental dès lors que cette matière n’avait pas été attribuée de manière exclusive à une autre collectivité. En supprimant la clause de compétence générale des départements, l’article 94 de la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République remet en cause leur capacité juridique à poursuivre les actions conduites pour protéger les forêts. Les départements ne peuvent plus intervenir que dans les domaines de compétence que la loi leur attribue, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

C’est pourquoi, afin de préserver les actions conduites par les départements, notre collègue Pierre-Yves Collombat propose de prévoir explicitement la faculté, pour certains conseils départementaux, d’intervenir dans la défense des forêts contre l’incendie.

Deux catégories de départements pourraient l’exercer : d’une part, ceux dont les bois et forêts sont, aux termes de l’article L. 133-1 du code forestier, « réputés particulièrement exposés au risque d’incendie » – ils sont au nombre de trente-deux – et, d’autre part, ceux sur le territoire desquels sont situés des bois et forêts classés « à risque d’incendie » par le préfet, en application de l’article L. 132-1 du même code.

Ces départements seraient habilités à financer ou à mettre en œuvre des actions d’aménagement, d’équipement et de surveillance des forêts dans un double objectif : d’une part, prévenir les incendies et faciliter les opérations de lutte et, d’autre part, reconstituer les forêts.

Les actions ainsi entreprises devraient s’inscrire dans le cadre des plans départementaux ou interdépartementaux de protection des forêts contre les incendies, afin d’en garantir la cohérence.

Soucieuse de préserver la compétence acquise au fil des ans pour réduire le risque qui pèse sur les territoires boisés, la commission des lois, sous réserve d’une clarification rédactionnelle, a adopté avec conviction le texte qui lui était proposé.

Celui-ci n’instaure pas une nouvelle compétence obligatoire pour les collectivités, il n’institue qu’une simple faculté ouverte aux départements. Le support juridique proposé est cependant indispensable pour permettre aux conseils départementaux de poursuivre leurs actions, qui, indéniablement, ont pour effet de réduire le risque d’exposition au feu des forêts françaises.

C’est pourquoi la commission des lois invite le Sénat à adopter le texte qu’elle a établi.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, de l'UDI-UC et du groupe socialiste et républicain. – M. le président de la commission applaudit également.

Debut de section - Permalien
Stéphane Le Foll

Madame la présidente, monsieur le sénateur Pierre-Yves Collombat, madame la rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser Bernard Cazeneuve. Chacun comprendra que, dans les circonstances du moment, le ministre de l’intérieur n’ait pu venir présenter la position du Gouvernement sur la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui.

J’interviens donc à sa place, même si j’ai, moi aussi, en tant que ministre chargé de la forêt, une responsabilité sur le sujet.

Ce sujet, dont nous avons débattu ensemble lors de l’examen de la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, me tient particulièrement à cœur. En effet, la prévention des feux de forêt est indissociable des questions du développement de la forêt, de son économie, de ses enjeux de multifonctionnalité. C’est une composante de la politique forestière.

La politique de prévention et de lutte contre les feux de forêt doit être menée de manière globale. Chacun doit jouer son rôle et assumer ses responsabilités.

Madame la rapporteur, vous avez rappelé le rôle des propriétaires forestiers dans ce domaine. Pierre-Yves Collombat a, quant à lui, attiré l’attention sur la responsabilité agricole et agroforestière en la matière – nous veillons, d'ailleurs, à ce que l’agropastoralisme en zone forestière et en sous-bois soit aujourd'hui reconnu par la politique agricole commune. La politique de prévention engage également les collectivités territoriales et l’État.

En réalité, c’est le partenariat entre ces différents acteurs qui rend la politique de prévention efficace.

Si le dispositif national de prévention et de lutte contre les feux de forêt est un pilier de la politique forestière, c’est surtout un outil incontournable de la protection des biens et des personnes, compte tenu des risques que ceux-ci encourent en cas d’incendie de forêt.

Depuis une dizaine d’années, un bilan annuel des feux de forêt permet de constater une réduction constante des surfaces brûlées – Mme la rapporteur l’a rappelé. Alors que, pour la période 1994-2003, plus de 26 000 hectares étaient incendiés chaque année en moyenne, nous avons divisé par plus de deux la superficie des surfaces brûlées au cours de la dernière décennie, en la ramenant à 10 700 hectares. C’est le résultat, encourageant, de la politique de prévention et d’action qui a été conduite. Nous devons absolument en tenir compte pour préparer l’avenir.

Pourtant, rien n’était acquis d’avance. On se rappelle, d'ailleurs, qu’il n'y a pas si longtemps, en 2003 – année de canicule –, 61 000 hectares avaient été brûlés et plus de 3 700 départs de feu avaient été constatés. Ces chiffres sont impressionnants.

Comme l’a indiqué Pierre-Yves Collombat, nous devons, face à cet enjeu, rester mobilisés et, surtout, continuer à nous sentir concernés.

C’est d’autant plus vrai compte tenu du défi que représente le changement climatique. Celui-ci est devant nous. Je ne reviendrai pas sur la COP 21, qui réunira, dans dix jours, des représentants de plus de cent pays, afin de lutter contre le réchauffement. Cette lutte nécessite que l’on prenne des mesures à la fois pour atténuer ce qui provoque ce réchauffement, mais surtout pour s’adapter à celui-ci et lutter contre ses conséquences, dont les feux de forêt font partie.

On sait que le réchauffement climatique pourrait étendre le risque d’incendies de forêt, qui, traditionnellement, concernait la zone méditerranéenne et le sud de la France, vers le nord de notre pays. Cette évolution nécessitera que l’on puisse offrir aux départements la possibilité d’engager des politiques de lutte contre les feux de forêt lorsque cela sera nécessaire, ainsi que Pierre-Yves Collombat vient de le demander.

Pour faire face aux enjeux de moyen terme liés au changement climatique, nous devons mener une réflexion globale sur l’ensemble des politiques qui ont été conduites.

Dans cette perspective, nous devons être capables de procéder à une évaluation de l’ensemble des mesures prises au cours des dix dernières années en matière de prévention et de lutte contre les incendies de forêt, de manière à distinguer celles qui ont été particulièrement efficaces, celles qu’il faut sûrement encore améliorer et celles qui doivent être corrigées en fonction de ce que l’on a pu constater sur le terrain.

Cela fait partie des objectifs que nous devons, ensemble, nous fixer.

À cet égard, j’estime que, au printemps 2016, un point devra être réalisé conjointement avec les collectivités locales et, bien sûr, l’Assemblée nationale et le Sénat, de manière à tirer toutes les conclusions utiles à la réflexion engagée.

Il s’agira d’évaluer les mesures prises ces dix dernières années. Il s’agira également de réfléchir à l’organisation de l’échelon zonal en zone sud et à la coopération de l’État avec les collectivités territoriales. Il conviendra encore d’ouvrir des perspectives sur un partage d’expériences entre la zone de défense Sud et l’Aquitaine. Il faudra, enfin, lister les actions qu’il pourrait être utile de déployer dans d’autres départements susceptibles d’être touchés à l’avenir en raison du réchauffement climatique.

Effectivement, pour ce qui concerne le court terme, il faut que l’on sécurise le cadre juridique de l’intervention des départements qui étaient déjà engagés dans la lutte contre les feux de forêt, selon les zones auxquels ils appartiennent. Comme Mme la rapporteur l’a rappelé, certains d’entre eux s’étaient déjà dotés de services et de fonctionnaires directement liés à cette lutte.

Je l’ai dit, les bons résultats des dix dernières années sont le fruit des efforts conjugués de toutes les collectivités locales et de l’État et du travail qui a été mené de manière conjointe ; je pense notamment à la diminution significative, de plus de moitié, des surfaces brûlées.

Dès lors, il faut lever les doutes qu’a fait naître l’article 94 de la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, la loi NOTRe, pour ce qui concerne la lutte contre les incendies de forêt, beaucoup de départements étant déjà engagés dans cette lutte en vertu de la clause de compétence générale.

La présente proposition de loi vise précisément à clarifier la nouvelle situation juridique issue de la loi NOTRe. Il s'agit de permettre aux départements déjà engagés dans la lutte contre les feux de forêt de continuer à agir, de manière coordonnée à l’échelle régionale et conjointement avec l’État.

Aujourd'hui, chaque région dispose déjà d’un certain nombre de compétences en la matière ; nous y reviendrons lorsque nous examinerons les amendements.

Toutefois, comme je l’ai rappelé en introduction, c’est la coordination de l’ensemble des acteurs concernés qui fait la réussite de la politique de lutte contre les incendies de forêt dans notre pays.

Debut de section - Permalien
Stéphane Le Foll, ministre

Comme le veut l’adage bien souvent utilisé au Sénat lorsqu’il est question des compétences, « les choses vont mieux en les disant ». Je dirai même qu’elles vont mieux en les écrivant ! C’est dans cet esprit que M. Collombat a déposé cette proposition de loi.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je fais le vœu que notre débat de ce jour soit utile pour la lutte contre les feux de forêt, mais aussi qu’il soit utile pour la forêt française, dont vous savez qu’elle est à la fois un patrimoine, un enjeu de multifonctionnalité et un enjeu économique.

Sur nombre de nos territoires, il faut que l’on puisse développer des stratégies qui allient économie, gestion et, dans le même temps, protection de la forêt. Je pense en particulier aux efforts qui doivent être accomplis dans toute la zone méditerranéenne dans les domaines du bois-énergie et de la biomasse : cela œuvrerait en faveur d’une prévention efficace.

Je souhaite que l’examen de la proposition de loi nous permette de clarifier les compétences des départements, dans un esprit de consensus, puisqu’il s'agit véritablement de pérenniser une action qui a montré son utilité. J’espère que le texte pourra le plus rapidement possible être examiné par l’Assemblée nationale et adopté définitivement, de manière à permettre aux départements de continuer l’œuvre utile déjà engagée, en concertation avec les régions et avec l’État.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Simon Sutour

Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la rapporteur, mes chers collègues, si la proposition de loi relative à la protection des forêts contre l’incendie dans les départements sensibles, que nous examinons aujourd’hui, est considérée par certains, à juste titre, comme une rustine à la loi NOTRe, elle n’en demeure pas moins essentielle pour appréhender l’implication des conseils départementaux dans la protection et la reconstitution des forêts sensibles, la prévention des incendies et, bien évidemment, dans la lutte contre ceux-ci.

En supprimant la clause de compétence générale des départements, l’article 94 de la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République remet en cause la capacité de certains départements dits « sensibles » – essentiellement ceux de l’arc méditerranéen et du sud-ouest de la France métropolitaine – à intervenir pour défendre leurs forêts contre les incendies.

En effet, si, jusqu’à présent, la protection des forêts n’était pas une compétence obligatoire des départements, ces derniers avaient la possibilité de mener des actions de défense des forêts contre l’incendie, comme en ce qui concerne la prévention des inondations – pour rester dans le domaine de la protection de l’environnement des biens et des personnes –, à laquelle notre collègue Pierre-Yves Collombat a fait allusion.

Cette souplesse dans les moyens d’intervention et de financement des départements a, ce dont il convient de se féliciter, grandement contribué à réduire de manière continue les surfaces brûlées. Les chiffres sont parlants, comme Mme la rapporteur et M. le ministre l’ont rappelé.

Sur les territoires dits « sensibles », la mise en place obligatoire des plans départementaux ou interdépartementaux de protection des forêts contre les incendies, les PPFCI, élaborés sous l’autorité des préfets, a permis à la France de se conformer aux directives de l’Union européenne relatives à ce sujet et de bénéficier de subventions pour leur mise en œuvre. Ces plans constituent, en outre, d’excellents outils et montrent, année après année, leur efficacité.

Après avoir examiné quelques plans de protection des forêts contre les incendies – celui de mon département et des départements voisins –, je suis convaincu que le département est l’échelon pertinent en la matière, en particulier pour la mise en œuvre des actions de lutte, comme il l’est, du reste – nous devons le reconnaître, mes chers collègues – dans beaucoup de domaines.

Pour ne citer qu’un exemple – on me pardonnera de citer celui de mon département –, le Gard, avec ses 288 370 hectares de surfaces boisées – soit près d’un tiers de la surface totale du département –, 259 jours d’ensoleillement par an et une exposition régulière au vent, notamment le mistral, constitue un territoire propice aux incendies.

Face à ce risque, une politique volontariste est mise en œuvre en matière de prévention, avec un partenariat actif, dont le noyau dur est constitué par le conseil départemental du Gard, le service départemental d’incendie et de secours, l’Office national des forêts et la direction départementale des territoires et de la mer. Ce partenariat est élargi, en fonction des actions, à d’autres acteurs : la gendarmerie, l’Office national de la chasse et de la faune sauvage, les établissements publics de coopération intercommunale exerçant la compétence de défense des forêts contre l’incendie – dite aussi « compétence DFCI » –, Météo-France, le syndicat des forestiers privés ou encore, et c’est normal, la chambre d’agriculture.

Néanmoins – et il faut le reconnaître –, depuis la départementalisation, le département du Gard, en finançant les deux tiers du budget du service départemental d’incendie et de secours, soit 40 millions d’euros par an, est, en tant que collectivité, le pilier de la prévention, de la protection et de la lutte contre les incendies.

Ces ratios sont sensiblement identiques pour les autres départements également concernés par l’article L. 133-1 du code forestier, qui définit, dans les territoires, les bois et forêts « particulièrement exposés au risque d’incendie ». Il s’agit donc d’efforts substantiels.

L’action des départements ne se limite pas au financement et à l’administration des SDIS. Ils interviennent également d’une autre manière : entretien des tours de guet, mise en œuvre du plan de patrouille avec les forestiers-sapeurs pour la surveillance estivale des massifs forestiers, aide directe aux communes pour mettre en place des plans communaux de sauvegarde à activer en cas d’incendie, appui technique aux communes et aux EPCI pour la gestion des pistes DFCI, ou encore formation des élus et information du grand public sur le débroussaillement, l’emploi du feu et les bonnes conduites à adopter en forêt.

Je pourrais multiplier les exemples, car les actions varient selon les caractéristiques propres de chaque territoire concerné. Elles ont en commun d’être toutes le fait des conseils départementaux. Indispensables et efficaces, ces actions doivent impérativement être pérennisées.

C'est la raison pour laquelle je me félicite que notre collègue Pierre-Yves Collombat ait pris l’initiative de cette proposition de loi, dont l’adoption va permettre non seulement de rétablir ce qui était en péril, mais plus encore de sécuriser les actions des départements en la matière.

Ce matin, en commission des lois, nous avons unanimement voté l’amendement tendant à étendre cette possibilité à tous les départements, ce qui paraît logique. Nous écouterons l’avis du Gouvernement sur l’amendement visant à offrir cette même possibilité aux régions, même s’il semble que la législation en vigueur le permette déjà.

Cette clarification, en explicitant la compétence du conseil départemental au sein du code général des collectivités territoriales, est finalement plutôt la bienvenue.

Ainsi, les départements concernés pourront continuer à financer ou à mettre en œuvre des actions d’aménagement, d’équipement et de surveillance des forêts. Il s’agit d’une bonne nouvelle, puisque nous savons tous ici qu’ils le font très bien !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC et du RDSE, ainsi qu’au banc des commissions.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Labbé

Madame la présidente, monsieur le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, madame la rapporteur, monsieur Collombat, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui vise à clarifier le rôle des départements dans les plans de prévention et de lutte contre les feux de forêt.

Il faut souligner que notre organisation territoriale est en pleine recomposition tant sur le plan géographique qu’en matière de compétences. Il est important d’accompagner ce mouvement afin de garantir la continuité des missions d’intérêt général assurées par les collectivités territoriales et par l’État.

Sur ce point, le code forestier ménage une place importante aux départements, qui assurent déjà des missions de prévention, d’équipement, d’entretien et de surveillance dans nos forêts.

Le texte que nous examinons aujourd’hui consiste donc à garantir la pérennité de ces actions déjà mise en œuvre ou à inciter à leur mise en œuvre en les inscrivant dans la loi.

Le premier des amendements proposés vise à étendre à l’ensemble du territoire le dispositif en vigueur à ce jour uniquement dans les régions et départements à risque. Le second tend à rappeler la possibilité, pour les régions, de cofinancer les aménagements et les mesures de prévention évoquées dans le dispositif.

Ces mesures vont dans le même sens que le reste de la proposition de loi, à savoir celui d’une volonté de clarification plutôt qu’une action normative.

Je voudrais rendre hommage aux services d’intervention et de secours contre les feux de forêt. Ce sont plus de 80 000 personnels qualifiés qui interviennent sur l’ensemble du territoire. Grâce à ces derniers, 96 % des feux de forêt sont maîtrisés avant qu’ils n’aient détruit plus de cinq hectares, surface en dessous de laquelle l’impact sur l’environnement reste limité.

Que ces personnels soient professionnels ou volontaires, nous pouvons donc saluer leur œuvre de sécurité publique, de protection de notre patrimoine naturel forestier, de la biodiversité qu’il abrite ainsi que de son potentiel économique local et de ses fonctions sociales.

Je veux rappeler ici que la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt a créé les groupements d’intérêt économique et environnemental forestier – les GIEEF. Cet outil doit monter en puissance afin de prendre en compte les enjeux actuels que sont l’amélioration de la qualité française de la production forestière, mais aussi l’amélioration de la qualité environnementale en termes de biodiversité, de ressources hydriques, d’atténuation du changement climatique.

C’est la prise en compte de ces enjeux par l’ensemble des acteurs privés, institutionnels et associatifs qui nous permettra de faire face aux défis de la forêt française du XXIe siècle.

Comme sur beaucoup de sujets, nous connaissons le panel des solutions, mais nous en démarrons à peine la mise en œuvre. Il s’agit, dans beaucoup de domaines forestiers, de passer d’une monosylviculture excessive à une futaie irrégulière jardinée.

Cette méthode permet de varier les espèces, les âges, les tailles et de combiner les zones d’éclaircies, de vieillissement et de sénescence. Cela permet également d’identifier les xylophages et leurs prédateurs – et de les réguler –, ainsi que l’ensemble de la faune et de la flore associées.

Et pour couronner le tout, cela crée des emplois : certes à l’Office national des forêts, mais aussi chez les bûcherons. Car, pour bien gérer une forêt, le métier de bûcheron, au sens le plus noble du terme, celui qui se rapproche du jardinier – son jardin étant la forêt – et non du conducteur d’engin opérant, comme trop souvent, une coupe rase, est indispensable.

En conclusion, mes chers collègues, c’est très clairement que les écologistes voteront cette proposition de loi et les amendements déposés.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et républicain et du RDSE, ainsi qu’au banc des commissions.

Debut de section - PermalienPhoto de David Rachline

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec plus de quinze millions d’hectares de zones boisées, la France est un pays où la forêt occupe une place centrale, avec les risques que cela comporte.

Dans le département du Var, que nous représentons en commun, mon cher collègue, la forêt représente pas moins de 63 % du territoire. Entre 2 500 et 3 000 départs de feu sont comptabilisés chaque année sur le territoire méditerranéen.

Notre département représente avec la Corse plus de 50 % des départs de feu. C’est dire s’il s’agit d’un sujet central pour les Varois et, au-delà, pour tous les départements connaissant un risque d’incendie très élevé.

Je remercie donc notre collègue de cette initiative que je soutiens bien volontiers, car elle vise à maintenir la sécurité de nos forêts et à permettre à l’ensemble des acteurs locaux de pouvoir prendre les initiatives adéquates pour une meilleure sécurisation de nos forêts.

La situation est aujourd’hui maîtrisée et il est satisfaisant de constater que les surfaces brûlées sont en sensible baisse d’année en année.

Je note toutefois un certain paradoxe entre la suppression, voilà quelques mois, de la clause de compétence générale et la volonté de maintenir les compétences du département à travers cette proposition de loi. Cette manière de gouverner me semble incohérente et approximative, même si je ne renie pas cette initiative pour le bien de la gestion de nos forêts.

Si je m’oppose à la clause de compétence générale, je m’interroge sur votre logique et votre refus d’offrir cette possibilité aux régions, qui financent également la réalisation d’actions forestières et soutiennent des acteurs de la forêt – actions pilotes, animation, émergence de projets forestiers, sensibilisation, etc.

Selon moi, des questions de cohérence subsistent encore.

Cette proposition de loi prévoit ainsi de préserver la faculté des conseils départementaux d’intervenir dans « la défense des forêts contre l’incendie ». Ils pourront financer ou mettre en œuvre des actions d’aménagement, d’équipement et de surveillance des forêts dans un double objectif : d’une part, prévenir les incendies et faciliter les opérations de lutte et, d’autre part, reconstituer les forêts.

Les forestiers-sapeurs, agents départementaux détectant en moyenne huit feux sur dix et permettant une extinction rapide des feux naissants, par exemple, sont une organisation départementale tout à fait efficace.

Il est satisfaisant de constater que cette politique commune de plans départementaux et interdépartementaux fonctionne, ainsi que l’Entente pour la forêt méditerranéenne, laquelle, avec ses vingt-neuf collectivités regroupées, forme un ensemble cohérent.

Je profite de cette tribune pour saluer le travail remarquable des sapeurs-pompiers, qui, sur le terrain, font preuve d’un professionnalisme et d’une efficacité tout à fait admirables.

Pour la sûreté et la préservation de notre pays de forêts, je soutiens cette proposition de loi.

Applaudissements sur certaines travées du groupe Les Républicains et du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Hermeline Malherbe

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur Collombat, madame la rapporteur, mes chers collègues, quels que soient les sujets dont nous discutons en séance depuis lundi, nos pensées vont aux victimes des attentats de vendredi dernier. Cette fois, ce sont les pompiers qui font le lien.

Je salue leur engagement comme je salue celui de tous les professionnels de la sécurité et de la santé qui poursuivent leur mission auprès des blessés et de leurs familles ou interviennent, comme on l’a encore vu ce matin, pour assurer notre sécurité à tous.

Du fait de l’étendue de leur mission, les pompiers interviennent aussi pour éteindre les feux de forêt. Il s’agit aujourd’hui, à travers cette proposition de loi relative à la protection des forêts contre l’incendie dans les départements sensibles, de rappeler les politiques d’aménagement et les actions menées – entre autres – par les départements en amont de l’intervention des pompiers.

Mes chers collègues, chaque année, en moyenne, près de 35 000 hectares brûlent en France. Aussi important soit-il, ce chiffre est moitié moins élevé qu’en 2003, par exemple.

Le Gouvernement a réaffirmé cette année – et je m’en réjouis – le caractère prioritaire de la lutte contre les incendies de forêt avec le lancement du dispositif 2015 de lutte contre les feux de forêt. Et en matière de défense de la forêt contre les incendies, les départements sont en première ligne de par leur implication dans la gestion des SDIS et leur compétence en matière d’aménagement du territoire, qui leur donne toute légitimité à agir.

Mes chers collègues, je partirai d’un exemple concret de forêt à la fois méditerranéenne et pyrénéenne, celui de la forêt des Pyrénées-Orientales, particulièrement exposée au risque d’incendie.

Afin de limiter ce risque, le département s’est donc engagé, avec l’État, dans une politique volontariste de prévention des feux de forêt mise en œuvre dans le cadre du Conservatoire de la forêt méditerranéenne. Certains des orateurs qui sont intervenus connaissent également bien ce cadre.

Il s’agit, avec les collectivités, communes et EPCI, ainsi qu’avec l’aide de financements régionaux ou européens, de répondre à trois objectifs dans le cadre de trois missions.

Les trois objectifs consistent à réduire le nombre d’incendies de forêt, à minimiser les surfaces parcourues par ceux-ci et à réduire la vulnérabilité des formations forestières.

Les trois missions principales sont l’information, notamment à travers une action de sensibilisation au risque d’incendie auprès des publics scolaires ; la réalisation d’équipements tels que pistes DFCI, points d’eau ou brûlages dirigés dont l’objectif est de favoriser l’intervention des pompiers pour réduire les surfaces incendiées ; la coordination et le suivi des moyens mis en œuvre.

Par ailleurs, nous avons effectivement un travail à poursuivre sur le bois de construction et le bois-énergie, évoqués par M. le ministre.

Forts de cette expérience, nous travaillons bien évidemment avec les communes et les acteurs du territoire, qu’il s’agisse de l’ONF, du monde agricole ou viticole et des éleveurs.

Nous menons aussi, depuis 2009, des actions de coopération transfrontalière avec nos voisins espagnols sur le financement de dispositifs de prévention et de travaux d’équipement.

En complément de tous ces engagements, le département est membre de l’Entente pour la forêt méditerranéenne, expression de la solidarité entre tous les départements du pourtour méditerranéen.

En supprimant la clause de compétence générale, la loi NOTRE, promulguée le 8 août dernier, fait peser une menace sur la poursuite des politiques volontaristes déjà engagées par les conseils départementaux de nombreux territoires dits « sensibles ».

Au regard de l’insécurité juridique à laquelle sont confrontés les départements en matière de défense de la forêt contre les incendies, il était urgent de clarifier la situation.

La présente proposition de loi, déposée sur l’initiative du groupe RDSE, vise donc à conforter et à pérenniser l’organisation collaborative mise en place sur les territoires sensibles.

Je soutiens bien entendu ce texte, porté par mon collègue Pierre-Yves Collombat, tout comme je soutiens l’amendement qu’il a déposé. Celui-ci tend à permettre aux régions de concourir au financement des opérations de prévention des incendies de forêt.

La coopération entre les départements, les régions et les autres collectivités territoriales doit être expressément visée par le texte pour renforcer nos moyens d’action collectifs.

Compte tenu de l’urgence, cette proposition de loi tend à permettre aux départements déjà engagés avec l’État d’assurer la poursuite de leurs missions en 2016.

Monsieur le ministre, j’ai tout particulièrement apprécié vos propos concernant l’évaluation des différentes politiques menées. Au-delà de l’urgence, il me semble effectivement indispensable de voir comment l’ensemble de ces actions et missions peuvent être pérennisées sur le long terme, pour tous les départements qui sont ou seront un jour menacés par des feux de forêt.

Il s’agit donc d’aller plus loin, pour voir comment nous pourrons rendre notre action durable, pour répondre à une attente forte de nos concitoyens concernant la sécurité des biens, des personnes et des espaces dans nos territoires.

Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier.

Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne-Catherine Loisier

Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la rapporteur, mes chers collègues, nous sommes à quelques jours de la COP 21. Alors que la question du réchauffement climatique fera l’objet de négociations internationales, nous avons voté lundi une proposition de résolution affirmant le rôle déterminant des territoires pour la réussite d’un accord mondial ambitieux sur le climat.

Aujourd’hui, nous examinons une proposition de loi liée à ces questions globales et à la protection des forêts face à l’évolution du risque incendie dans un contexte de changements climatiques.

À mesure que la température de la planète grimpe, le risque incendie augmente. C’est ce que confirme un rapport de l’administration américaine, selon lequel « le réchauffement planétaire induit par les activités humaines a amplifié un grand nombre de phénomènes météorologiques extrêmes en 2014 » et « augmentera encore la probabilité d’incendies de forêt ».

Sans vouloir être alarmiste – le bilan annuel français permet de constater une réduction constante des surfaces brûlées grâce aux efforts déjà accomplis et à l’organisation existante –, je crois qu’une vigilance accrue s’impose face à ce risque sur notre territoire, qui est largement couvert par la forêt.

Celle-ci s’étend et s’accroît chaque année de près de 50 000 hectares. Elle est souvent morcelée, car elle appartient, à hauteur de 75 %, à des propriétaires privés. Ils sont en effet plus d’un million à détenir plus d’un hectare. L’incendie se propage d’autant plus vite que cette forêt n’est pas gérée durablement, ni exploitée, ni entretenue. Elle est malheureusement difficile d’accès, faute de dessertes adaptées aux engins de lutte contre l’incendie.

Le texte présenté par notre collègue Pierre-Yves Collombat, dont je salue le travail, va dans le sens d’une meilleure prise en compte de ces réalités. Il vise à permettre à nos territoires de s’organiser pour prévenir les risques d’incendie auxquels ils seront de plus en plus exposés dans les années à venir, et y faire face.

Comme cela a été dit en commission, cette proposition de loi constitue « une rustine de la loi NOTRe », laquelle, en supprimant la clause de compétence générale des départements, a remis en cause leur capacité juridique à poursuivre les actions déjà conduites pour la protection des forêts.

Ce texte vise donc à réparer un tort, en prévoyant explicitement la faculté, pour les départements, d’intervenir dans le cadre de la défense des forêts contre l’incendie.

En outre, cher collègue Pierre-Yves Collombat, vous avez déposé un amendement visant à étendre le champ du texte, originellement destiné aux territoires réputés particulièrement exposés aux risques d’incendie, à l’ensemble des départements, ainsi qu’un amendement tendant à permettre aux régions de France de concourir au financement des opérations de prévention des incendies.

Ces extensions nous semblent bien évidemment cohérentes avec la volonté d’agir, en matière de prévention des risques d’incendie, là où c’est nécessaire, tout en permettant à ceux qui ne poursuivent pas encore d’actions en la matière de pouvoir mettre en place des dispositifs.

C’est d’autant plus indispensable que les phénomènes de réchauffement climatique redessinent d’ores et déjà – les forestiers le savent – la carte des risques pour les massifs forestiers. Je pense notamment aux dépérissements anticipés pour cause de sécheresse ou de problème sanitaire, qui fragilisent des zones jusque-là considérées comme peu sensibles.

Le groupe UDI-UC soutiendra donc cette initiative, qui va dans le bon sens, et permet aux départements d’organiser des actions d’aménagement, d’équipement et de surveillance des forêts, malgré l’absence d’une clause de compétence générale.

Pour autant, la question du financement de ces actions reste entière, tout comme celle du niveau de portage administratif pertinent.

S’agissant de protection et de sécurité, dans une logique de solidarité nationale, et alors que bon nombre de départements sont exsangues, l’État se doit de tenir toute sa place aux côtés des collectivités pour le financement de ces missions d’intérêt général, dont le coût s’avérera très certainement élevé dans les années à venir.

Alors que bon nombre de massifs forestiers s’étendent bien au-delà des limites des départements, il est également essentiel de travailler à une échelle cohérente, celle des massifs. En ce sens, nous devons privilégier, cela a été dit, les modèles d’organisation globale de lutte contre l’incendie, à l’instar des plans de protection des forêts contre les incendies ou de l’Entente pour la forêt méditerranéenne, qui regroupe vingt-neuf collectivités et à laquelle adhérent des régions, des départements, des SDIS et des EPCI.

Pour conclure, je vous rappelle que, à l’heure où nous parlons, l’Indonésie s’embrase encore, victime d’incendies de forêt qui asphyxient une bonne partie de l’Asie du Sud-Est. Le bilan est le suivant : entre 2 et 3 millions d’hectares brûlés et autant de puits de carbone en moins, 500 000 cas d’infection respiratoire, 43 millions d’habitants sinistrés et un épais brouillard qui s’étend au-delà des frontières jusqu’aux Philippines, à la Thaïlande et à la Malaisie.

Les pronostics les plus pessimistes estiment que la quantité de gaz à effet de serre émise par ces feux est supérieure à celle de l’activité économique des États-Unis.

Toutes proportions gardées, l’emballement de ces phénomènes nous donne la mesure des enjeux et de l’urgence d’une bonne organisation de la lutte contre les incendies de forêt, en métropole comme dans nos territoires ultramarins.

L’objectif des dispositions proposées est bien de mieux prévenir et maîtriser les dérèglements de la nature, souvent favorisés, voire provoqués par la main de l’homme, qu’il s’agisse des feux dévastateurs ou des inondations meurtrières que nous avons connues voilà encore quelques semaines.

Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, du groupe Les Républicains et du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Favier

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui est, aux dires mêmes de son auteur, notre collègue Pierre-Yves Collombat, largement inspirée par le Gouvernement. Par ailleurs, son examen en procédure accélérée renforce l’empreinte gouvernementale de ce texte.

Ce type de méthode nous laisse à chaque fois interrogatifs, tant il représente en fait un détournement de procédure remettant en cause le travail parlementaire.

En l’occurrence, cette proposition vise à tenter de rattraper une situation qui pourrait s’avérer dangereuse du fait de la suppression de la clause de compétence générale des départements et des régions, actée dans la loi NOTRe.

Pour mémoire, qu’il me soit permis de le rappeler ici, une majorité de gauche avait concouru, au Sénat, au rétablissement de cette compétence générale dans la cadre de la loi MAPTAM, loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, alors que celle-ci avait été supprimée par une majorité de droite en 2010.

C’est donc en cohérence avec nos prises de position constantes sur cette question que nous avons été le seul groupe parlementaire de notre Haute Assemblée à refuser la suppression de la compétence générale dans le cadre de la loi NOTRe, proposée par le Gouvernement et adoptée avec le soutien de la majorité de droite du Sénat.

Pour notre part, nous n’avons pas changé d’avis. Lors de nos débats, nous avions alerté sur les risques que faisait courir une telle mesure.

Ainsi, selon ma collègue Cécile Cukierman, la compétence générale « offre un espace de liberté d’action aux élus locaux, un espace de démocratie permettant l’expression de conceptions contradictoires. Elle permet de répondre à des problèmes dont les solutions ne sont pas toujours prévues par la loi, à des besoins et des attentes émergeant dans notre société. Elle permet enfin d’inventer ; elle est source de progrès et, bien souvent, d’innovation sociale et territoriale ».

Pour ma part, concernant particulièrement les départements, j’avais alors affirmé : « Toute la force de la décentralisation réside là, dans cette compétence générale. Grâce à elle, les compétences obligatoires sont vivifiées par des actions transversales qui souvent les débordent et finalement les servent, les rendent plus efficaces. » Nous sommes, me semble-t-il, dans ce cadre, avec la proposition de loi qui nous est soumise aujourd’hui.

Au fil des années, les départements ont su prendre en compte un véritable fléau, les incendies, les feux de forêt, et mettre en œuvre des politiques publiques de prévention efficaces aux côtés de la compétence incendie.

Aussi, afin de leur permettre de poursuivre dans cette direction, puisque dorénavant les départements ne peuvent intervenir que dans les domaines que leur a attribués la loi, il faut que cette compétence leur soit reconnue.

C’est la raison d’être de cette proposition de loi, qui doit être adoptée avant le 1er janvier prochain, afin d’éviter un risque de blocage des financements à partir de cette date.

M. le secrétaire d'État André Vallini déclarait pourtant devant nous, le 13 janvier dernier, que « la suppression de la clause de compétence générale s’accompagne évidemment de garanties du maintien de l’intervention de la région ou du département dans les domaines où cela est nécessaire ». Il semble qu’il y ait eu un bug et que ce type d’interventions ait été oublié.

Mais sommes-nous assurés que d’autres ne l’ont pas été aussi ? J’ai notamment en tête le problème de la démoustication dans le sud-ouest. Sommes-nous assurés que les départements pourront toujours opérer dans ce domaine, au sein des ententes interdépartementales mises en place, qui interviennent ainsi dans le cadre d’une action essentielle en faveur de la santé publique, sans en détenir formellement la compétence ?

Combien de fois allons-nous devoir examiner des projets ou des propositions de loi permettant de colmater les brèches ouvertes dans l’action départementale ou régionale du fait de la disparition de la compétence générale ? Combien de missions aujourd’hui couvertes ne le seront plus demain et combien de politiques publiques nouvelles ne pourront-elles être mises en œuvre, tout simplement parce qu’elles ne sont pas mentionnées dans notre arsenal législatif ?

Beaucoup, dans ces travées, ne cessent de dénoncer l’excès de normes. Il faudra pourtant en fabriquer de nouvelles et de nombreuses, du fait même de la suppression de cette compétence générale, que vous avez, à une très large majorité, décidée.

Revenant au texte qui nous est soumis, nous saluons sa simplicité et son utilité. Ayant souhaité le maintien non seulement de la compétence générale, mais aussi de la place et du rôle des départements, c’est tout naturellement que nous voterons cette proposition de loi, qui leur permettra de poursuivre leur action dans le domaine de la préservation de nos forêts et de la lutte préventive contre les feux qui parfois les ravagent.

Nous soutiendrons également les amendements de l’auteur de cette proposition de loi, lesquels visent à faire face aux évolutions futures de situations aujourd’hui imprévisibles, en élargissant le champ des départements concernés, et prévoient le soutien des régions aux actions qui sont et seront engagées.

Cependant, nous ne pouvons que regretter que l’obligation de légiférer qui s’impose aujourd'hui à nous découle de la suppression de la compétence générale des départements, décision dont on mesure déjà l’absurdité.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du RDSE.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Genest

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, élu de l’Ardèche, je représente un département qui, comme son voisin la Drôme, est particulièrement exposé aux incendies de forêt et figure à ce titre dans la troisième zone prévue par le code forestier. C’est pour cette raison que je tiens tout d’abord à remercier notre collègue Pierre-Yves Collombat de son initiative, ainsi que la rapporteur de la commission des lois, Catherine Troendlé.

Nous l’avons compris, cette proposition de loi a été très inspirée par le Gouvernement, qui chemine vers une prise de conscience progressive des bienfaits de la structure départementale, notamment pour les territoires ruraux, qui comptent parmi les plus concernés par les incendies de forêt.

Nous ne pouvons que l’encourager sur cette voie, et l’inciter à approfondir cet effort de clairvoyance en revenant sur sa décision d’une réduction brutale de la dotation globale de fonctionnement.

Comme l’ont rappelé les intervenants qui m’ont précédé, l’article 94 de la loi NOTRe a laissé les forêts sans protection, en retirant aux départements les plus exposés la compétence en matière d’incendie, sans pour autant l’attribuer à une autre collectivité.

Cette problématique est pourtant fondamentale pour de nombreux départements. Je citerai, à titre d’exemple, celui que je connais le mieux : l’Ardèche compte plus de 250 000 hectares boisés, soit près de 56 % de sa surface, ce qui en fait l’un des départements les plus boisés de France.

La forêt n’occupe pas seulement une place déterminante dans son identité et ses paysages : elle est une richesse économique qui fédère les acteurs de l’ensemble de la filière du bois, parmi lesquelles on compte les collectivités locales, et donc le département.

Ce dernier a un rôle essentiel à jouer en matière de protection de la forêt, du fait de sa proximité avec ce que nous pouvons appeler, au sens premier du terme, le « terrain ».

La connaissance de la nature des sols et des climats, des variétés d’essences, des vents, de l’historique des incendies, requiert en effet une autorité en prise directe avec les réalités, et non exilée dans une lointaine capitale régionale.

Le retrait, par la loi NOTRe, de cette compétence aux départements les empêchait de fait de jouer ce rôle, mais menaçait également le financement de la coordination des opérations, assurée par les services départementaux d’incendie et de secours.

Je profite de l’occasion pour rappeler quelques chiffres.

Dans un département comme l’Ardèche, l’action du SDIS, en 2014, représente 26 000 interventions ; son budget de fonctionnement et d’investissement s’élève à plus de 37, 5 millions d’euros, soit un coût moyen par habitant de 95 euros.

Qui, parmi nos concitoyens, connaît ces chiffres ? Qui connaît le coût réel de ce service pourtant essentiellement fondé sur le volontariat ?

La quasi-totalité des Français imaginent que ces dépenses sont prises en charge par l’État, et ignorent qu’elles sont presque entièrement financées par les communes, les intercommunalités et le département. Le financement de ce service est totalement opaque pour le contribuable et le citoyen.

Aussi serait-il légitime de réfléchir à l’opportunité de faire figurer sur l’avis d’imposition à la taxe d’habitation une ligne précisant le coût du SDIS, à l’image de ce qui existe déjà pour certains services. Cette information permettrait à nos concitoyens de prendre la mesure de l’engagement financier que représentent la lutte contre les incendies et les secours aux personnes, et dont ils ne soupçonnent absolument pas l’importance.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Genest

Naturellement, mes collègues du groupe Les Républicains et moi-même voterons cette proposition de loi. Il s’agit d’une proposition de bon sens, qui permet de corriger les scories d’une loi, la loi NOTRe, adoptée au terme de nombreuses péripéties.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Genest

M. Jacques Genest. Je tiens à profiter de cette occasion pour rendre hommage au travail et au dévouement des soldats du feu – j’ai d’ailleurs fait partie, il y a quelques années, de ce noble corps.

Marques amusées d’admiration.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Genest

Et, au risque de me répéter – mais dans un but purement pédagogique –, je me réjouis que ce texte, qui parachève les efforts de persuasion fournis par le Sénat lors de l’examen de la loi NOTRe, contribue à ce que le Gouvernement entende le besoin de proximité exprimé par les collectivités de la République, à commencer par les territoires ruraux.

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, de l'UDI-UC, d u RDSE et du groupe écologiste .

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite tout d’abord saluer votre initiative, monsieur Collombat. Cette proposition de loi tend en effet à préserver et à conforter les actions conduites par les départements dans le domaine de la protection des forêts contre l’incendie, actions qui ont fait la preuve de leur efficacité.

Le problème auquel nous sommes confrontés est celui de la suppression de la clause de compétence générale des départements, qui remet en cause leur capacité juridique à poursuivre les actions de surveillance et d’alerte, d’entretien et d’aménagement des massifs forestiers.

Celles-ci sont pourtant des actions de prévention et d’équipement ambitieuses destinées à prévenir le risque de feux de forêt, mais aussi à faciliter les actions de lutte contre les incendies ou de reconstitution des forêts.

Mon département, celui de l’Aude, assure par exemple des actions de communication s’adressant au grand public et aux professionnels, visant à réduire le nombre de départs de feux et à limiter la vulnérabilité des populations.

Il contribue largement au dispositif de prévention active, par la gestion et la maintenance des infrastructures de guet et par l’aide à l’animation – par quelque 700 bénévoles – des comités communaux de feux de forêt.

Il intervient également au titre de l’aide à la lutte contre les incendies, par la création et la préservation des coupures de combustible, ou coupures vertes, ainsi que de pistes et de bandes de sécurité débroussaillées, ou de points d’eau, moyens indispensables de cette lutte.

Je pourrais aussi évoquer l’Entente pour la protection de la forêt méditerranéenne, mais vous l’avez déjà fait avec talent, madame la rapporteur.

Bref, dans les régions dites « sensibles », les départements contribuent à prévenir les incendies par différentes initiatives.

Dès lors, à défaut de l’adoption de cette proposition de loi, et de la clarification juridique qu’elle prévoit, des pans entiers de ces politiques de prévention à haute utilité publique tomberaient.

Rien ne serait plus dommageable ou préjudiciable, car les départements disposent d’un savoir-faire reconnu en matière de protection des forêts contre les incendies. Ces dernières années, l’ensemble des actions engagées dans ce domaine ont d’ailleurs permis une augmentation significative de l’extinction des feux naissants, et donc une réduction du nombre global des feux et des surfaces brûlées.

Or chacun sait qu’un tel progrès aurait été impossible sans les efforts conjugués de l’État et des collectivités locales, parmi lesquelles les départements, pour prévenir les incendies de forêt.

Cela est nettement avéré, reconnu, confirmé.

Mettre un terme à ces collaborations entre l’État et les collectivités aurait, pour les régions les plus vulnérables, des conséquences extrêmement graves, d’autant plus préoccupantes que le réchauffement climatique – vous l’avez évoqué, monsieur le ministre – provoquera sans doute possible l’aggravation de la nature des feux – en particulier sur le pourtour méditerranéen, où le réchauffement est déjà une réalité, et produira, selon les experts, des effets particulièrement importants.

Le bassin méditerranéen constitue ce qu’on appelle un hotspot : on y prévoit une augmentation de la température supérieure à la moyenne des prévisions planétaires.

Il sera par conséquent le théâtre d’une augmentation de la fréquence et de l’intensité des phénomènes extrêmes, et notamment de sécheresses intenses et répétées.

Ce qui risque d’arriver, mes chers collègues, a d’ailleurs déjà commencé.

Autre problème : l’augmentation récente de la fréquence et de la longueur des épisodes de sécheresse, conjuguée à la multiplication des incendies, conduit immanquablement à un effondrement du fonctionnement biologique de l’écosystème dans les parties ravagées.

Une sécheresse persistante, après un feu, ralentit, voire interrompt, la régénération de la forêt. Inversement, l’impact d’un incendie est d’autant plus grave qu’il affecte un milieu venant de subir une période de sécheresse prolongée.

Le changement climatique, en intensifiant cette conjonction de feux et de sécheresses, ne peut donc que fragiliser ces écosystèmes.

Or, toujours selon les experts, si le changement climatique n’est pas contenu, la côte méditerranéenne pourrait voir ses périodes caniculaires – c’est-à-dire les jours où la température excède trente-cinq degrés Celsius – s’allonger de six semaines.

Les départements de l’arc méditerranéen, mais aussi d’autres zones, pourraient donc être menacés par des feux de forêt pendant la quasi-totalité de l’année.

Nous sommes nombreux, ici même, à souhaiter le succès de la COP 21, et sa traduction par des engagements fermes, chiffrés, vérifiables, au travers d’un accord contraignant, permettant la mise en œuvre de plans d’action et de lutte efficaces contre l’émission de gaz à effet de serre, et donc contre le réchauffement et le dérèglement climatiques.

Bien qu’il soit très difficile d’évaluer de façon précise le montant des contributions, « en nature » ou financières, de chaque partenaire, les chiffres témoignent du rôle essentiel des départements en matière de défense de la forêt contre les incendies : ceux-ci assument une part très majoritaire de l’effort des différentes collectivités territoriales – effort qui s’élève, en région méditerranéenne, hors financement des SDIS, à environ 100 millions d’euros.

Cela ne veut d’ailleurs pas dire que le rôle des communes, des EPCI et des régions, soit négligeable, même si l’implication de ces dernières est très contrastée.

L’adoption de cette proposition de loi est donc décisive. Il y va de la protection de nos forêts, véritable patrimoine et poumon vert de nos régions. Il y va également de la préservation de la biodiversité dans les zones vulnérables. Il y va enfin de la sécurité de nos concitoyens.

Le groupe socialiste votera donc ce texte, afin de clarifier et de sécuriser le cadre juridique permettant aux départements d’assurer ces missions, « en prévoyant explicitement […] la faculté d’intervention des conseils départementaux dans le champ de la défense des forêts contre l’incendie », selon votre expression, monsieur Collombat.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC, du groupe écologiste, du RDSE et de l’UDI-UC, ainsi qu’au banc des commissions.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

Le chapitre II du titre III du livre II de la troisième partie du code général des collectivités territoriales est complété par une section 4 ainsi rédigée :

« Section 4

« Défense des forêts contre l’incendie

« Art. L. 3232-5 – Les départements mentionnés à l’article L. 133-1 du code forestier ainsi que les départements des régions mentionnées audit article ou sur le territoire desquels un massif forestier est classé au titre de l’article L. 132-1 du même code peuvent financer ou mettre en œuvre des actions d’aménagement, d’équipement et de surveillance des forêts afin, d’une part, de prévenir les incendies et, le cas échéant, de faciliter les opérations de lutte et, d’autre part, de reconstituer les forêts. Leurs actions s’inscrivent dans le cadre du plan défini à l’article L. 133-2 dudit code. »

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

L'amendement n° 4, présenté par M. Collombat, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Art. L. 3232 -5 – Les départements peuvent financer ou mettre en œuvre des actions d’aménagement, d’équipement et de surveillance des forêts afin, d’une part, de prévenir les incendies et, le cas échéant, de faciliter les opérations de lutte, et d’autre part, de reconstituer les forêts. Ces actions s’inscrivent, le cas échéant, dans le cadre du plan défini à l’article L. 133-2 du code forestier. »

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Nous avons déjà débattu longuement, en creux, de l’objet de cet amendement pendant la discussion générale.

Celui-ci vise à étendre à l’ensemble des départements – y compris à ceux qui n’ont jusqu’à maintenant pas jugé bon de prendre en charge le financement ou la mise en œuvre de ce type d’actions – la possibilité d’exercer volontairement la compétence en matière de défense des forêts contre l’incendie.

La rédaction proposée prévoit par ailleurs que les dispositions de l’article L. 133-2 du code forestier continuent à s’appliquer dans les départements sensibles concernés par le plan qui y est défini.

Il s’agit d’une mesure de bon sens, dont j’ai cru comprendre qu’elle faisait l’objet d’un consensus.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

J’ai évoqué ce dispositif lorsque j’ai présenté mon rapport devant la commission. Il s’agit d’ouvrir à tous les départements la faculté d’intervenir dans le champ de la défense des forêts contre l’incendie.

De nombreux intervenants ont rappelé que le changement climatique risquait de transformer certains territoires, à l’avenir, en territoires sensibles. Pourquoi légiférer a minima, là où l’occasion nous est donnée, dès aujourd’hui, de leur donner la possibilité d’intervenir contre ce risque ?

Avis favorable de la commission.

Debut de section - Permalien
Stéphane Le Foll, ministre

L’enjeu de cet amendement a été rappelé par Mme la rapporteur et par M. Collombat : il vise à anticiper les effets du réchauffement climatique. Il s’agit de prendre acte du fait qu’un certain nombre de nouveaux départements risquent de se trouver demain concernés par la problématique des incendies de forêt.

L’avis du Gouvernement est donc favorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

La parole est à M. Bernard Delcros, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Delcros

Le code forestier et la présente proposition de loi, dans sa rédaction actuelle, excluent de la compétence en matière de défense des forêts contre l’incendie de nombreux départements pourtant concernés par la problématique forestière.

Cet amendement tend à corriger cette restriction, par l’ouverture de cette faculté à tous les départements. Nous y sommes donc très favorables.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

La parole est à M. Jean-Claude Luche, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Luche

Je voudrais commencer par féliciter notre collègue Pierre-Yves Collombat d’avoir pris l’initiative de cette proposition de loi, qui permet de corriger un certain nombre d’imperfections de la loi NOTRe – il sera d’ailleurs certainement nécessaire, dans les mois qui viennent, d’y apporter d’autres précisions.

L’objet de cet amendement est de traiter la question du financement des actions de protection des forêts contre l’incendie – nos collègues Jacques Genest et Roland Courteau l’ont évoquée. Et je profite de votre présence parmi nous, monsieur le ministre, pour rappeler que le financement des SDIS est assuré par les départements, par les communes et par les communautés de communes.

Il vous faut savoir, monsieur le ministre, que, lors de la préparation des budgets pour 2016, certains SDIS enregistreront une baisse de la participation des départements, dont les moyens financiers sont moindres.

Comment ces sapeurs-pompiers, bien souvent, volontaires, mais aussi professionnels – que nous avons vus ce matin dans d’autres actions, pour assurer la sécurité des personnes –, financeront-ils les formations, le matériel, l’entretien et l’investissement nécessaires, alors que l’on sait pertinemment que les moyens financiers vont se réduire, notamment cette année, mais aussi les prochaines années ?

Je me permets d’insister sur ce point parce que, si nous subissons une sécheresse comme celles que nous avons connues cette année et en 2003, cela nécessitera des moyens supplémentaires. Je m’inquiète fortement du rôle que peuvent jouer les collectivités, car nous ne pouvons donner que ce que nous avons.

Tout cela a un prix, et certainement un coût. Il s’agit de savoir qui peut financer ces actions, car il sera nécessaire de prévoir les contributions les plus adaptées possible.

Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

La parole est à Mme Hermeline Malherbe, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Hermeline Malherbe

Le groupe RDSE votera cet amendement. Je rappelle que, pour les départements qui sont déjà engagés dans ces missions, les budgets sont d’ores et déjà prévus. Pour les autres, bien évidemment, ils ne le sont pas. C’est la raison pour laquelle j’insistais dans mon intervention précédente sur l’évaluation des politiques dont a parlé M. le ministre, car il me semble fondamental d’évaluer ce qui est fait pour pouvoir ajuster au mieux et prévoir de façon précise les financements associés à ces missions.

L’ensemble des membres du groupe RDSE voteront donc cet amendement, mais je tenais à insister sur cet aspect des choses.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

La parole est à M. Jacques Genest, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Genest

Nous voterons cet amendement de bon sens. Toutefois, comme mon collègue, je suis très inquiet en ce qui concerne le financement des SDIS. Il faudra bien finir par trouver des solutions, parce que les départements et les communes ne pourront pas résister longtemps.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Je rappelle qu’il s’agit d’une faculté accordée aux conseils départementaux.

Par ailleurs, je l’ai déjà dit, il existe un partenaire, l’État, qui continue à mener sa propre politique de lutte contre les feux de forêt. Or je ne peux pas imaginer que l’État – monsieur le ministre, vous allez peut-être nous le dire – se décharge de cette responsabilité sur les nouveaux conseils départementaux, qui devraient assumer cette compétence à condition que leurs territoires soient classés sensibles, nous en sommes d’accord.

L'amendement est adopté.

L'article 1 er est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

L'amendement n° 2, présenté par M. Collombat, est ainsi libellé :

Après l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le titre II du livre III de la quatrième partie du code général des collectivités territoriales est complété par un chapitre ainsi rédigé :

« CHAPITRE…

« Art. L. 4323. –... Les régions peuvent concourir au financement des opérations de prévention des incendies de forêt conduites par les collectivités territoriales et les établissements publics situés sur leur territoire. »

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Comme vous le disiez excellemment, monsieur le ministre, ce qui va sans dire va encore mieux en le disant, voire en l’écrivant.

Debut de section - Permalien
Stéphane Le Foll, ministre

En l’écrivant, ai-je dit !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Vous avez dit les deux, je vous ai écouté attentivement.

Les régions mènent aujourd’hui une politique très active en matière de prévention et de défense contre l’incendie – en tout cas, dans les zones sensibles. Pour n’en donner qu’un exemple, ma région, la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, conduit une politique très active, qui va jusqu’à la mise en place d’une surveillance pendant les périodes difficiles de l’été, et contribue au financement des communes et des communautés, qui jouent un rôle extrêmement actif dans la lutte contre les feux de forêt.

Ensuite, même si ce n’était pas l’objet de ce texte, et j’aurai sans doute l’occasion d’y revenir, il ne faut pas oublier tout le volet économique, celui de la forêt en tant que richesse. Vous l’avez aussi évoqué, monsieur le ministre. Je pense à la filière bois-énergie. La région, en raison de ses compétences économiques, peut intervenir spontanément, mais, là encore, cela va mieux en le disant.

Ce texte très simple est l’occasion de dire très clairement que la région doit continuer à s’engager dans le « financement des opérations de prévention des incendies de forêt conduites par les collectivités territoriales et les établissements publics situés sur leur territoire ».

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Comme le dit à juste titre l’auteur de l’amendement, cette question mérite d’être posée.

Les régions aujourd’hui sont impliquées. Le texte de la loi NOTRe concernant les compétences de régions prévoit une compétence en environnement et aménagement du territoire. Pour autant, monsieur le ministre, au risque de répéter ce qu’a dit M. Collombat, cela mérite une véritable clarification et, quand c’est écrit, c’est encore mieux !

À tout le moins, la commission souhaiterait connaître l’avis du Gouvernement.

Debut de section - Permalien
Stéphane Le Foll, ministre

Comme je l’ai dit, les choses vont mieux non seulement en les disant, mais en les écrivant. Or je rappelle que les articles L. 4221-1 et L. 1111-9 du code général des collectivités territoriales confèrent aux régions des compétences en matière d’égalité des territoires et de protection de la biodiversité.

Ces deux articles du code permettent donc aux régions d’agir pour la protection de la forêt dans le cadre de la lutte contre les incendies de forêt. Donc, ce que vous proposez est déjà satisfait dans la loi actuelle.

Le Gouvernement sollicite donc le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Monsieur le ministre, je l’ai dit dans mon intervention au cours de la discussion générale : puisque vous me donnez l’assurance que cet amendement est satisfait, je le suis également et donc je le retire !

J’ajoute toutefois que si, d’aventure, il fallait présenter une proposition de loi pour préciser cet aspect des choses parce que certains ne l'auraient pas compris, je suis à votre entière disposition.

Sourires.

(Supprimé)

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

L'amendement n° 3, présenté par M. Collombat, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet intitulé :

Proposition de loi relative à la protection des forêts contre l’incendie

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Par cet amendement, nous tirons les conséquences de l’adoption de l’amendement n° 4 et proposons pour cette proposition de loi un intitulé qui a le mérite de la simplicité.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

C’est un amendement de conséquence, et la commission émet un avis favorable.

Debut de section - Permalien
Stéphane Le Foll, ministre

Avis favorable également.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

En conséquence, l’intitulé de la proposition de loi est ainsi rédigé.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Personne ne demande la parole ?...

Je mets aux voix, dans le texte de la commission modifié, l'ensemble de la proposition de loi relative à la protection des forêts contre l’incendie.

Je constate que cette proposition de loi a été adoptée à l’unanimité des présents.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

J’accorde volontiers la parole à l’auteur de cette proposition de loi adoptée à l’unanimité !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Je tiens à remercier M. le ministre et nos collègues de m’avoir suivi.

Ce texte permet de régler le problème de l’action des départements en matière de prévention des incendies et de traitement des crises. Il reste toutefois des améliorations à apporter. Vous l’avez souligné vous-même, monsieur le ministre, en nous proposant un rendez-vous pour le mois de janvier.

Le premier point que nous aurons à traiter, celui qui me paraît le plus important, est l’entretien de la forêt.

Au risque de me répéter, la forêt n’est pas une poudrière qu’il faut garder, c’est un dépôt de gaz qui fuit. Le paradoxe est que, si l’on ne procède pas à cet entretien, plus les dispositifs d’intervention seront efficaces, plus le risque d’incendies catastrophiques augmentera.

Le second point que je voulais évoquer et qui pourrait faire l’objet d’un nouveau texte, sauf s’il s’avérait à l’usage que nous puissions nous en passer, est le rôle des départements dans l’exploitation de la forêt et dans la mise en place d’une véritable filière bois-énergie.

Les associations des communes forestières y sont extrêmement sensibles. Elles sont encore sous le choc et se demandent si les communes et les départements, qui les aident beaucoup, pourront continuer à agir dans ce secteur que je qualifierai d’avenir.

Nous essaierons d’accrocher le wagon à ce que nous venons de voter, mais il n’est pas sûr que ce soit aussi simple.

Donc, puisque vous avez évoqué ce rendez-vous, monsieur le ministre, conservez ces sujets en mémoire et essayons d’y réfléchir. Nous espérons que nous pourrons aller plus loin, mais, dans la mesure où ce n’est pas certain que nous y réussissions, peut-être faudra-t-il faire le nécessaire.

En tout cas, merci à tous !

Applaudissements sur les travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Mes chers collègues, avant d’aborder le point suivant de l’ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à quinze heures cinquante-cinq, est reprise à seize heures vingt-cinq.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

L’ordre du jour appelle le débat sur le thème : « Bilan et perspectives du rôle du bicamérisme dans nos institutions après la publication du rapport du groupe de travail sur l’avenir des institutions intitulé Refaire la démocratie », organisé à la demande du groupe du RDSE.

La parole est à M. Jacques Mézard, orateur du groupe auteur de la demande.

Applaudissements sur les travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

M. Jacques Mézard, au nom du groupe du RDSE. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement, mes chers collègues, je l’ai plusieurs fois rappelé à cette tribune, l’existence du groupe du RDSE, héritier de la Gauche démocratique, est consubstantielle à celle du Sénat de la République. Aussi est-il légitime et naturel que notre groupe unanime, ulcéré par lesprovocations réitérées du président de l’Assembléenationale contre le Sénat, prennel’initiative, dans son espace réservé, d’un débat surl’avenir du bicamérisme en France.

M. Yvon Collin opine.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

M. Jacques Mézard. Au moment où l’unité nationale est invoquée heure par heure, à juste titre, est-il bien opportun, depuis janvier dernier et quelques jours après les attentats, que l’on remette en cause formellement l’existence du Sénat pour en faire un « pôle de contrôle parlementaire » sans aucun pouvoir réel ? Une assemblée émasculée dont nous ne doutons pas que les membres seraient désignés à la sauce du Conseil économique, social et environnemental, le CESE, ce qui se passe de tout commentaire, tant cela pourrait être désobligeant…

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Sous prétexte de rénovation, le groupe de travail lancé par M. Bartolone détruit clairement le bicamérisme en reprenant dans sa proposition n° 10 les mêmes arguments fallacieux qui avaient été employés ici même au Sénat le 19 décembre 1968 par le ministre d’État Jeanneney, venu dans cet hémicycle soutenir sans succès le projet de référendum du Président de Gaulle, qui allait entraîner in fine la démission de ce dernier.

J’ai dit que ce groupe de travail reprenait les mêmes « arguments fallacieux » que ceux utilisés en 1968, car sa composition reflète le même penchant partisan que celui de la trop célèbre commission Jospin sur la transparence de la vie publique.

Comment veut-on maquiller la destruction du Sénat ? La citation d’une seule phrase suffit : « La fusion du Sénat et du CESE redonnerait tout son sens à un bicamérisme fondé sur la complémentarité, et offrirait une tribune plus efficace aux forces actives de la nation pour faire entendre leur voix. L’enjeu d’une telle réforme n’est pas de diminuer le rôle du Sénat, mais est de mettre fin aux doublons et aux redondances de la procédure législative. La Ve République établit déjà un bicamérisme inégalitaire, il s’agit d’en tirer enfin les conséquences. » Tout est dit. La manœuvre est grossière, éculée.

Comme le firent le président Monnerville et ses collègues lors du référendum de 1969, il nous revient, au nom du respect de nos institutions – ce mot a encore davantage de sens après ce que notre pays vient de vivre –, à nous, Sénat de la République, d’éclairer nos concitoyens, dans une Ve République qui a dérivé vers une hypertrophie du pouvoir présidentiel au détriment du Parlement, sur la nécessité de préserver et de rétablir un équilibre institutionnel. Pour cela, le Sénat législateur est indispensable.

Mes chers collègues, nous n’allons pas, comme le président de l’Assemblée nationale, embaucher une journaliste du Monde pour écrire un livre d’apologie.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Cette stratégie, ne doutons pas qu’elle sera encore davantage exploitée lors de la prochaine élection présidentielle, et en premier lieu par les extrêmes. Elle a pour principal effet de discréditer et d’affaiblir la représentation nationale et la démocratie représentative. Il est regrettable que l’exécutif, en croyant se protéger, s’y prête, même par intermédiaire, en nous faisant supporter encore une fois une repentance pour autrui.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

M. Jacques Mézard. Je regrette que le Président de la République ait déclaré à Tulle, le 18 janvier 2014 : « Je n’ai jamais été candidat comme sénateur, c’est le seul regret que je peux nourrir – enfin, je ne suis pas sûr que ce soit un regret. »

MM. Yvon Collin et Henri de Raincourt s’exclament.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Ce débat a un sens, il a un but : que chaque groupe, sans faux-fuyant, exprime clairement sa position sur la proposition n° 10 de ce rapport.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Toute opinion est respectable en démocratie. Ce qui est condamnable, c’est le double langage au gré des commandes à géométrie variable des appareils partisans.

En guise d’exemple éclairant de double langage, je vous cite une phrase prononcée dans les murs du Sénat en avril 2014, lors d’un débat sur le bicamérisme : « Le bicamérisme est l’alliance de la puissance quasi sacrée du suffrage universel direct et de la richesse de nos territoires ; il est la vie et l’histoire des individus ancrées dans la diversité de notre géographie. Ainsi, le bicamérisme est la traduction institutionnelle de ce qui caractérise notre pays : l’unité dans la diversité. »

Qui a prononcé cette phrase ? Le président de l’Assemblée nationale lui-même !

Exclamations ironiques sur les travées du RDSE, de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Vais-je y ajouter un extrait du discours d’investiture du président Bel ? J’avais cru, alors, à la sincérité de ses propos.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Je les cite : « Nous avons tous entendu l’appel des grands électeurs pour confirmer le Sénat dans son rôle de représentant et de défenseur des libertés publiques, des libertés individuelles, des libertés locales. »

Mes chers collègues, les Français, dans ces heures graves qui marquent depuis janvier leur vie quotidienne, attendent-ils une énième réforme des institutions ? Peut-on invoquer à juste titre la stabilité des institutions comme rempart à l’accumulation d’événements dramatiques et vouloir, dans le même temps, les bouleverser ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Sécurité, emploi et pouvoir d’achat sont les vrais soucis de nos concitoyens.

Soyons directs : quand un exécutif se fragilise, il cherche naturellement des causes extérieures. Ce fut le cas du général de Gaulle après mai 1968 ; c’est aussi le cas aujourd’hui. Il est trop facile et injuste d’imputer les responsabilités à la représentation nationale, et au Sénat en premier lieu.

Qu’est-ce qui justifierait une strangulation du Sénat ?

Est-ce la qualité de son travail législatif ? Je le dis sans forfanterie, la grande majorité des universitaires, des journalistes spécialisés, des cadres de ce pays et les ministres en exercice eux-mêmes – espérons-le, sans double langage ! – déclarent que le travail du Sénat est, en général, de meilleure qualité que celui de l’Assemblée nationale, par sa réflexion, son analyse technique et sa distance par rapport aux directives de l’exécutif.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Aussi, pourquoi réduire quasiment à néant le pouvoir législatif d’un Sénat dont l’action en ce domaine est reconnue comme très performante ?

Supprimer le pouvoir législatif du Sénat rendra-t-elle l’Assemblée nationale plus performante, plus libre, plus efficace et plus tolérante qu’aujourd’hui ?

Non ! sur les travées du RDSE et de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Qui représentera les territoires, les collectivités, ce qui est notre mission constitutionnelle ?

Est-ce parce que le Sénat refuserait de se rénover, de se moderniser ?

Mêmes mouvements.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Mes chers collègues, la réponse est dans les actes. Qui a pris des initiatives fortes pour moderniser l’action parlementaire et le Sénat, et cela de façon accélérée tout au long de cette année 2015, pour développer l’utilisation des techniques de communication avec nos concitoyens, améliorer la réactivité lors des questions au Gouvernement, assurer la présence effective des sénateurs en commission, en séance, et accroître encore la qualité des rapports ?

C’est nous ! sur les travées du RDSE, de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

L’Assemblée nationale a-t-elle fait mieux ?

Non ! sur les mêmes travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

M. Jacques Mézard. Au reste, ce qui se passe aujourd’hui au plus haut de l’Assemblée nationale sur le principe de non-cumul des mandats est révélateur du « Fais ce que je dis, mais pas ce que je fais ».

Bravo ! et applaudissements sur les travées du RDSE, de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Dans son discours du 19 novembre 1968, le président Monnerville disait, parlant de Clemenceau : « C’est peut-être du jour où il est devenu sénateur qu’il a commencé à être un véritable homme d’État, parce qu’il était plus réfléchi, plus calme, plus posé, sans abandonner aucune de ses idées. » Mes chers collègues, il est plus que temps que nous accueillions en notre sein nombre de hauts responsables de la République, afin qu’ils deviennent plus sages !

Rires sur les travées du RDSE, de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Le même président Monnerville déclarait, quelques phrases auparavant, paraphrasant l’exécutif de l’époque : « Le malaise semble s’installer encore davantage dans la vie de la nation, précipitons-nous sur la réforme des régions et du Sénat. » Mêmes causes, mêmes artifices, mêmes vieilles recettes...

Enfin, le plus important, ce qui doit, au-delà de nos différences de sensibilité, nous rassembler pour enfouir ce mauvais rapport dans les poubelles de l’histoire, et ce qui a toujours été l’honneur du Sénat, c’est la défense des libertés publiques et des libertés individuelles ! C’est là le cœur du bicamérisme à la française.

Très bien ! et applaudissements sur les mêmes travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Après Georges Clemenceau, François Mitterrand et Michel Debré ont siégé au Sénat dans le groupe que j’ai l’honneur de présider. François Mitterrand a toujours défendu le Sénat, et je ne citerai qu’une phrase de Michel Debré, extraite de son ouvrage Refaire la France : « S’il y avait la chambre unique, le Gouvernement perd son premier appui : il devient simplement la réunion des commissaires de la majorité. »

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Le Sénat est-il moins sensible aux évolutions sociétales ? Bien sûr que non ! Le souvenir, encore si présent dans nos murs, d’Henri Caillavet, de Robert Badinter et de tant d’autres, en est la marque : avortement, divorce, abolition de la peine de mort, mariage pour tous et, plus récemment, sur l’initiative de notre groupe, recherche sur les cellules souches embryonnaires.

Le Sénat a majoritairement voulu voter ces réformes. Dois-je rappeler à nos collègues socialistes que le Sénat a adopté, voilà trois ans, le droit de vote des étrangers et que l’Assemblée nationale est restée muette ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Disons-le, souvent, les exécutifs n’apprécient pas le Sénat et le marginalisent, encore aujourd’hui, considérant qu’il est une perte de temps, un obstacle, une assemblée où l’expression de votes libres, traduisant l’insoumission vis-à-vis des apparatchiks de tous poils, est une tradition, facilitée par l’élection au deuxième degré.

Être libre de son vote, être capable de dire à un gouvernement, à ses propres amis politiques : « Je pense que vous vous trompez, je ne vous suivrai pas dans cette voie », c’est l’essence même du bicamérisme, c’est l’honneur du Sénat de la République.

Mes chers collègues, les sénatrices et sénateurs de mon groupe défendront le bicamérisme et le Sénat de la République, parce qu’ils défendent l’équilibre des institutions, l’expression des territoires et, par-dessus tout, les libertés publiques – cette liberté qui est le premier mot de notre devise nationale et qui, en cette heure, est plus universelle que jamais.

Bravo ! et applaudissements sur les travées du RDSE, de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains. – MM. Éric Jeansannetas et Jean-Pierre Sueur applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

La parole est à M. Joël Labbé, pour le groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Labbé

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, cher Jacques Mézard, je vais m’efforcer, en tant que modeste membre de la représentation nationale, de rester au niveau du plaidoyer que nous venons d’entendre.

Monsieur Mézard, je souscris à vos propos condamnant la manœuvre quelque peu populiste, je tiens à le dire, du président de l’Assemblée nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Labbé

« Refaire la démocratie », voilà tout un programme, en une période où il est nécessaire de refaire le monde ! Ce programme ne me convient pas vraiment. Et si nous nous préoccupions, d’ores et déjà, de faire fonctionner la démocratie ?

En effet, si des réformes sont nécessaires, pour autant, nous disposons de tous les éléments pour faire fonctionner notre belle, notre noble démocratie, ce modèle envié dans nombre de pays, ce modèle qui est copié et qui inspire les jeunes démocraties. Ainsi recevions-nous au Sénat, la semaine dernière, une délégation de sénateurs du Cambodge, membres de la Haute Assemblée, âgée de quinze ans tout juste, de ce pays, et qui venaient voir comment fonctionne le parlement français.

Faire fonctionner la démocratie, c’est reconnecter la politique avec la population, c’est rendre tout son sens et toute sa noblesse à l’action politique, c’est démontrer par nos comportements, par nos actes et par nos positionnements que nous, responsables politiques, avons pour rôle essentiel de représenter la population, en défendant, avant tout, l’intérêt général, le bien public et les intérêts des générations futures, qui sont aujourd’hui remis en cause.

Pour avancer et bien faire fonctionner la démocratie, nous avons de nouveaux outils. Je pense, notamment, aux outils numériques.

Lorsque j’avais rédigé, voilà deux ans, une proposition de loi tendant à limiter l’utilisation des pesticides, j’avais proposé que celle-ci soit soumise à l’évaluation citoyenne, via la plate-forme Parlement & Citoyens. J’ai alors reçu plus de 3 000 contributions, qui ont permis d’enrichir ce texte basique et simple. Ce sont autant de nos concitoyens qui ont pu donner leur avis, et je me suis servi de ces avis pour tenter de vous convaincre, mes chers collègues.

Lorsque son groupe compte dix membres, il n’est pas toujours simple de rassembler une majorité.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Labbé

Or nous en avions trouvé une alors, justement parce que cette proposition de loi avait été véritablement travaillée.

J’ai proposé à Jérôme Bignon, rapporteur du projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, ainsi qu’aux membres du cabinet de Ségolène Royal, de soumettre ce texte à l’avis citoyen, pour que nos concitoyens se sentent concernés, de telle sorte qu’ils ne nous fassent pas un chèque en blanc pour l’élaboration de la loi, mais qu’ils contribuent à cette dernière, chacun assumant sa responsabilité propre. Néanmoins, la responsabilité finale, c’est bien nous qui l’assumerons, car nous sommes soumis au suffrage universel.

Pour en revenir au rapport de MM. Bartolone et Winock, ce texte comporte un certain nombre de propositions intéressantes, qui représentent des avancées : la limitation des mandats dans le temps, l’introduction de la proportionnelle aux élections législatives, l’évolution du référendum, notamment au travers d’un référendum d’initiative populaire, l’inversion du calendrier électoral entre les élections législatives et l’élection présidentielle, la redéfinition du rôle du Président de la République, l’amélioration des droits de l’opposition.

D’autres propositions ne nous conviennent pas plus qu’à vous, monsieur Mézard, notamment la fusion du Sénat et du CESE. Celui-ci est présidé par une grande personnalité, Jean-Paul Delevoye, qui, avec ses équipes, mène brillamment ses travaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Labbé

Je fais partie de ceux qui se déplacent régulièrement au CESE. Un véritable travail de fond y est fait, et il serait nécessaire de mieux connecter nos travaux avec les leurs. En revanche, nous considérons, tout comme vous, que l’idée de la fusion ne tient pas du tout.

Pour conclure, s’il est évident que le bicamérisme à la française et notre système de gouvernement nécessitent d’être quelque peu repensés, une chose doit être préservée : cette forme de lenteur dans l’écriture de la loi, qui permet à toute la société, au travers de ses différentes composantes – associations, syndicats, entreprises, mais aussi ONG et simples citoyens –, de poser un regard sur notre travail de législateur et de nous éclairer utilement en partageant leur perception.

Notre démocratie est en transition. Si nous y sommes attentifs, cette transition sera citoyenne et permettra au plus grand nombre de se sentir à nouveau pleinement représenté !

Applaudissements sur les travées du RDSE et de l'UDI-UC. – M. Jean-Pierre Sueur applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour le groupe du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

M. Pierre-Yves Collombat. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, après le rapport Balladur en 2007, le rapport Jospin en 2012, le rapport du groupe Bartolone-Winock d’octobre 2015 vient d’arriver. En toute modestie, ses auteurs nous préviennent qu’il s’agit de « la première mission de réflexion sur les institutions d’importance qui n’ait pas été réunie par un Président de la République, mais par le Parlement lui-même ». De la même veine que ses prédécesseurs, ce ne sera certainement pas le dernier !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Au départ, un constat lucide du blocage institutionnel de la Ve République vieillissante et de ses conséquences sur l’opinion est dressé : « L’hyperprésidentialisation des institutions de la Ve République a contribué à accentuer la défiance des citoyens vis-à-vis des institutions en concentrant les pouvoirs entre les mains d’un seul homme que le peuple investit d’attentes démesurées. » Cela expliquerait l’impression d’impuissance du politique, ainsi que la montée de l’abstention électorale et de la défiance envers le politique.

Effectivement, tout le pouvoir politique est à l’Élysée. Son locataire, devenu le véritable chef de la majorité, politiquement irresponsable, mais ayant le pouvoir de dissoudre le Parlement, désigne un chef du gouvernement théorique qui, lui, est responsable devant l'Assemblée nationale. Comme si c’était le Premier ministre et le Parlement qui étaient responsables devant le chef de l’État, et non l’inverse !

Contrairement à la formule habituellement utilisée, il s’agit non pas d’« hyperprésidentialisme », mais d’une sorte de consulat, système dans lequel, selon la formule de Sieyès, « le pouvoir vient d’en haut ».

Après ce constat lucide, le rapport Bartolone-Winock, comme les précédents, contourne l’obstacle au lieu de traiter le problème de fond : se refusant à choisir entre un régime présidentiel qui instituerait une véritable séparation des pouvoirs et un régime parlementaire réel, il opte pour le statu quo, que « le groupe » a cherché à améliorer, « dans le sens d’un rééquilibrage des pouvoirs » entre le Président de la République et le Premier ministre, ainsi que d’un ajustement à la marge de la procédure législative et des pouvoirs de contrôle du Parlement.

Les auteurs sont clairs : il n’y aura « pas de propositions mettant en cause les pouvoirs essentiels du Président de la République ». Effectivement, depuis la présidence du conseil des ministres jusqu’au droit de dissolution, en passant par la nomination du Premier ministre, tout le dispositif du présidentialisme est conservé, y compris le domaine réservé ; à peine le rapport envisage-t-il un contrôle sur les nominations faites par le chef de l’État…

Comme on a pu l’observer lors des précédentes révisions de la Constitution – session unique, quinquennat, inversion du calendrier électoral, réforme de la procédure législative lors de la révision de 2008 –, faute de traiter le problème de fond, ces « modernisations » n’apportent aucune amélioration, voire produisent l’effet inverse de celui qui est recherché. Ce sera le cas de la réforme du Sénat qui nous est proposée.

Si les rapporteurs renoncent à supprimer cette « anomalie démocratique » – dixit Lionel Jospin –, c’est pour l’embaumer, en lui ôtant tout pouvoir réel. Finalement, ce n’est pas avec le CESE qu’ils devraient proposer de fusionner le Sénat, c’est avec le musée de l’Homme !

Rires.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Selon les auteurs, cette solution aurait un double avantage : celui de régler la question du CESE, dont apparemment ils ne savent pas trop quoi faire, et celui « de mettre fin aux doublons et aux redondances de la procédure législative », comme si plusieurs lectures d’un même texte, par des représentants du peuple élus selon des modalités différentes, n’était que temps perdu.

Les compétences législatives de la seconde chambre seraient limitées au contrôle, à l’évaluation et à l’expertise, et son pouvoir d’amendement supprimé de fait, puisque l’Assemblée nationale pourrait ne pas en tenir compte.

Le Sénat perdrait le pouvoir constitutionnel de s’opposer à toute réforme le concernant et sa composition serait modifiée : une partie des sénateurs seraient élus à la proportionnelle régionale, ce qui permettrait « de corriger la surreprésentation des communes rurales » – tout le malheur vient de là ! – ; l’autre partie de cette chambre plus ou moins corporative serait, quant à elle, élue par « les membres des corps et organismes qu’ils ont vocation à représenter ».

Le paradoxe, c’est qu’en marginalisant ainsi le Sénat sans toucher aux pouvoirs du Président de la République, les auteurs aggravent les dysfonctionnements qu’ils prétendent combattre. En effet, la seconde chambre, que son mode d’élection rend moins sensible aux émotions médiatiques que l'Assemblée nationale et davantage indépendante des organisations claniques plus connues sous le nom de partis politiques

Sourires sur les travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

À considérer l’ensemble des propositions du rapport sur lesquelles je ne peux – à regret ! – m’attarder, c’est à se demander si le but n’est pas là : supprimer tout ce qui peut réduire la marge de manœuvre des partis, faiseurs exclusifs de présidents de la République, de députés et, parfois, de sénateurs.

Cela expliquerait l’engouement des auteurs du rapport pour la proportionnelle dans des circonscriptions régionales, leur volonté de marginaliser les élus ruraux, qui sont l’expression d’un territoire avant d’être celle d’un parti, leur aversion pour le cumul des mandats, qui donne à l’élu une légitimité personnelle et, partant, une plus grande indépendance, l’importance accordée au sexe des candidats et à leur origine sociologique, contraintes fortes pour les candidats indépendants, mais bénédiction pour les appareils, qui y trouvent des raisons avouables d’éliminer des listes les indésirables et les mal pensants. C'est une technique que nous connaissons bien !

Tout cela est, bien sûr, proposé au nom du renforcement de la démocratie. Toutefois, comme on le sait, plus un mensonge est gros, plus il a de chances de passer pour une vérité.

Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Mme la présidente. La parole est à M. Mathieu Darnaud, pour le groupe Les Républicains.

Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Mathieu Darnaud

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, sur l’initiative du groupe du RDSE, nous débattons aujourd’hui des fondements démocratiques du Sénat, à la suite du rapport Bartolone-Winock intitulé Refaire la démocratie.

Force est en effet de constater que l’existence du Sénat est directement menacée, dans la lettre et l’esprit, par ce rapport. La proposition n° 10 prévoit, en effet, de fusionner le Conseil économique, social et environnemental et le Sénat, de conditionner l’adoption de nos amendements à la majorité des trois cinquièmes, enfin d’ôter à notre assemblée tout pouvoir de blocage constitutionnel, qui est effectivement bien gênant lorsque l’on veut modifier la Constitution pour des raisons conjoncturelles.

Ce que proposent les auteurs du rapport, c’est un véritable bouleversement de notre équilibre institutionnel. Une fois encore dans notre histoire politique, le Sénat se trouve sur le banc des accusés. Une fois encore, on nous somme de répondre à la fameuse injonction de Victor Hugo : « Sénateurs, montrez que vous êtes nécessaires. »

Permettez-moi, mes chers collègues, de prendre à cœur cette injonction. Nul ne contestera parmi nous qu’il est légitime que les Français exigent une réforme de notre fonctionnement. Cette réforme de notre règlement, le Président de notre assemblée l’a engagée ; elle est en application depuis le 1er octobre dernier.

Personne, dans cette assemblée, ne prétendra non plus qu’il n’est pas de notre devoir de sénateurs d’expliquer et de justifier inlassablement l’existence de la seconde chambre. Une telle fonction nous honore, et elle manifeste notre lien profond et permanent avec la démocratie.

Je m’attacherai donc à répondre aux objections qui sont faites à la chambre du dialogue réfléchi, du contre-pouvoir législatif et des territoires.

Ce procès est instruit par une gauche minoritaire et défaite au Sénat. Pourquoi la critique du Sénat par la gauche se réveille-t-elle soudainement après le départ de Jean-Pierre Bel ? À vrai dire, la réponse fait peu de doute.

En 2015, encore, il semblerait que le principal défaut du Sénat soit de ne pas être de gauche, comme en 1930, lorsqu’il renversait un peu trop de gouvernements de gauche au goût du président du Conseil, le radical Édouard Herriot, ou comme en 1875, lorsque la gauche républicaine bataillait pour que les communes ne puissent pas être représentées par une assemblée spécifique.

Passons outre ces calculs politiques, aussi visibles qu’inefficaces, et venons-en directement au fond du débat. Avant même de nous justifier sur la légitimité démocratique du Sénat, il me semble qu’il faut nous entendre sur le procès auquel notre assemblée doit répondre, je l’espère collectivement.

En effet, il faut bien reconnaître, en premier lieu, que règnent une certaine confusion et une certaine ambiguïté dans la position de la majorité actuelle. Nous reproche-t-on, par exemple, la lenteur supposée du Sénat et son inefficacité ? Le Président de la République a clairement formulé ce reproche : « Six mois, un an, c’est trop pour voter et appliquer une loi. »

Que n’a-t-il attendu le rapport Bartolone-Winock ! Celui-ci démontre, en effet, combien cette assertion contient d’inexactitude et d’hypocrisie. Les comparaisons internationales citées dans le rapport montrent que, en France, le délai moyen d’adoption des projets de loi est de 149 jours, contre 156 en Allemagne, 164 au Royaume-Uni et même 400 aux Pays-Bas. Il faut se rendre à l’évidence : la majorité des pays bicaméraux sont plus lents que nous.

Et quand bien même nous serions trop lents dans notre examen des textes, l’exécutif dispose de tous les moyens nécessaires pour accélérer le processus législatif : procédure accélérée, ordonnances, vote bloqué, etc. Il a suffi de deux jours pour adopter le projet de loi de finances rectificative pour 2008, en pleine crise financière, et de trois jours pour abroger le contrat première embauche, en 2006.

Notre chambre n’a d’ailleurs pas à rougir des réformes qu’elle a entreprises. Elle a même anticipé le rapport Bartolone-Winock ! Ainsi, nous appliquons déjà certaines des mesures visant à alléger le travail législatif qui sont préconisées dans le rapport, comme la procédure d’examen simplifié pour les textes dont l’enjeu politique est moindre, ou la concentration du travail d’amendement en commission.

Là encore, il n’aura échappé à personne que cette mise en cause du rythme législatif intervient à point nommé pour éviter à l’exécutif d’assumer le retard irrattrapable qu’il a pris dans la réalisation de ses promesses. Il est pour le moins paradoxal pour le Gouvernement de présenter des textes aussi massifs que la loi Macron et de reprocher au Sénat, par la suite, d’y consacrer un temps excessif, lequel, au demeurant, n’excède pas de plus de deux jours celui qui a été utilisé par l’Assemblée nationale, alors même que nous avions plus du double d’articles à examiner.

L’offensive masque mal deux problèmes majeurs de ce quinquennat : le Gouvernement légifère sur tout – des concessions autoroutières aux cabines de bronzage – et régule si peu ; le Gouvernement envoie au Sénat des lois qui ne seront pas appliquées en temps utile, puisque le taux d’application des lois est de 54 % seulement, contre 90 % à la fin du précédent quinquennat.

Cette manœuvre pourrait nous laisser indifférents si, derrière elle, ne se cachait le mépris du temps long, de l’opposition réfléchie, de tout ce qu’incarne le Sénat dans notre République.

Je n’insisterai pas sur cette évidence : la durée et la réflexion sont précisément ce dont a besoin notre modernité, si friande des « lois faits divers » et des soubresauts médiatiques.

Les conséquences heureuses de la présence d’une chambre moins soumise au temps médiatique, concentrée sur le long terme, ne sont plus à prouver. La loi du 29 juin 1881 sur la liberté de réunion a été proposée en 1878, rapportée en 1879 et discutée en 1880. Et c’est à l’intervention, en 1971, du président du Sénat, Alain Poher, que nous en devons aujourd’hui la sauvegarde.

Faut-il aussi rappeler que le Parlement a travaillé pendant plusieurs années sur la loi de 1905, y consacrant 45 jours de séance à l’Assemblée et 21 au Sénat ?

Les contempteurs du Sénat ont la mémoire courte : les lois les plus solides de notre République sont celles qui ont été le plus longtemps examinées. Mettons en garde le Gouvernement et la majorité : quelques mois pour discuter de telles lois, ce n’est pas trop long. Toutefois, un an ou deux ans pour les appliquer, voilà qui est inacceptable !

Par ailleurs, doit-on considérer le Sénat comme inutile quand quelque 60 % de ses amendements sont repris par l’Assemblée nationale et figurent dans le texte de loi définitivement voté ?

Il nous faut porter fièrement l’héritage de cette chambre du dialogue et de l’action réfléchie, et refuser fermement qu’on la détruise. Cette force d’opposition est inscrite dans le marbre de nos institutions et de notre État de droit, qui repose sur la division du pouvoir législatif.

Ceux qui aiment tant nous soumettre à l’injonction de Victor Hugo devraient se rappeler la réponse du pair de France : « La France gouvernée par une assemblée unique, c’est l’océan gouverné par l’ouragan ».

M. Jean-Pierre Sueur acquiesce.

Debut de section - PermalienPhoto de Mathieu Darnaud

L’héritage de notre chambre pour la France et la République d’aujourd’hui, c’est également son lien si fondamental aux territoires. Il nous est impossible de ne pas démentir immédiatement le président de l’Assemblée nationale lorsqu’il prétend refaire la démocratie en transformant progressivement la chambre des territoires en chambre consultative, au motif qu’il faudrait mettre fin aux doublons de la procédure législative et redonner tout son sens à un bicamérisme fondé sur la complémentarité !

Le Sénat souffre-t-il réellement d’un manque de complémentarité vis-à-vis de l’Assemblée tant qu’il n’est pas fusionné avec le CESE ? Est-il actuellement un simple « doublon législatif » ?

Ma réponse est celle que nous apporte sans équivoque l’article 24 de la Constitution : à la différence de l’Assemblée, le Sénat « représente les collectivités territoriales ».

Debut de section - PermalienPhoto de Mathieu Darnaud

M. Mathieu Darnaud. Telle est la spécificité du Sénat – nul besoin de la chercher ailleurs.

M. Jacques Mézard opine.

Debut de section - PermalienPhoto de Mathieu Darnaud

J’ai déjà eu l’occasion, lors de l’examen de la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite « loi NOTRe », de souligner le rôle majeur que joue la Haute Assemblée dans la défense de la proximité et de la ruralité. À l’écoute des élus locaux, nous n’avons eu de cesse de lutter contre la vision abstraite de nos territoires et la conception théorique du Gouvernement et de sa majorité selon laquelle la commune et le département sont des collectivités d’un autre âge.

On ne reprochera pas au parti socialiste son manque de cohérence sur ce point : après avoir opéré un redécoupage purement abstrait des régions et dépossédé les départements et les communes d’une grande partie de leurs prérogatives, il voudrait que nous entérinions la disparition progressive de la chambre qui écoute les territoires.

On nous opposera peut-être que ni le Président de la République ni le président de l’Assemblée nationale n’ont nié l’importance de la seconde chambre dans l’équilibre des pouvoirs, non plus que sa fonction de représentation des collectivités territoriales.

Ne nous laissons pas aveugler par cette rhétorique conciliatrice. Le Sénat, chambre des territoires, du dialogue et du contre-pouvoir, n’a de sens que si sa voix porte et si son avis est pris en compte. Il y va du respect du pacte démocratique qui nous unit aux territoires et à la France des communes.

Le Sénat n’est pas et ne sera pas une instance consultative. Il n’a pas vocation à devenir un club de discussion délivrant des avis formels. Si les électeurs confient un mandat à leurs sénateurs, c’est pour qu’ils exercent, en leur nom, leur bien le plus précieux : la souveraineté nationale.

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, de l'UDI-UC et du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Mme la présidente. La parole est à M. François Zocchetto, pour le groupe UDI-UC.

Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, les événements qui frappent notre pays nous rappellent à quel point nos institutions sont précieuses. Celles-ci font partie de notre patrimoine commun ; il est de notre devoir de les préserver.

Ce devoir ne doit pas occulter la grave crise économique, sociale et morale que notre pays connaît. Sa persistance met en évidence les carences de certaines de nos institutions. Ne nous leurrons pas, toutefois : la réponse ne pourra être seulement institutionnelle. Il ne suffit pas de modifier la Constitution pour résoudre les problèmes, quand bien même ceux-ci seraient de la plus extrême gravité.

Le débat de cette après-midi pose la question de l’apport du bicamérisme. Toutefois, le rôle du Parlement, sa structure duale, son fonctionnement n’ont de sens que pris dans une vision d’ensemble.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Lors de la fondation de la Ve République, nos concitoyens étaient las d’une instabilité gouvernementale chronique. Les Français voulaient retrouver un minimum de prise sur leur destin. Ils souhaitaient être entendus. Ces aspirations demeurent.

Nos concitoyens, en effet, demandent d’abord la lisibilité et l’efficacité de l’action publique. À cet égard, il nous faut oser bousculer un totem. Il ne peut pas y avoir deux commandants légitimes sur la passerelle du même bateau : le Président et le Premier ministre.

Cette construction provient chez nous de la rencontre, en 1962, entre des circonstances dramatiques et un homme exceptionnel. Nous vivons depuis lors sans jamais avoir réussi à dépasser cette incongruité. Elle demeure, car elle flatte notre égo : nous élisons notre monarque. Elle alimente surtout notre croyance, indue, selon moi, en l’homme providentiel, laquelle épuise notre énergie, assèche le débat des idées et nous infantilise.

Il nous faut retrouver l’équilibre qui prévalait dans la constitution originelle de la Ve République. Celle-ci comptait deux fonctions centrales, mais aux prérogatives différenciées : un chef de gouvernement, qui dirige, et un arbitre, au-dessus des partis, garant de nos intérêts supérieurs.

À mes yeux, cet arbitre doit être un sage. Sa légitimité tient à son expérience et à son impartialité. Son élection au second degré se trouverait ainsi fondée et le ferait échapper aux clivages partisans réducteurs.

Évidemment, l’abandon de l’élection du Président au suffrage universel serait présenté par certains comme un séisme. Toutefois, n’oublions pas que la Constitution de la Ve République avait été adoptée par 82 % des Français.

Le pendant de ce retour aux sources consiste en une revalorisation du Parlement et, en premier lieu, de l’élection législative. Il s’agit non plus d’élire des députés qui soutiendront l’action du Président de la République, mais de désigner un chef de gouvernement qui aura la pleine légitimité du suffrage universel.

Pour cela, il nous faut concilier la double aspiration de chaque citoyen : garder la main sur un député de proximité qui le représente personnellement – c’est l’objet du scrutin uninominal –, mais aussi choisir l’homme ou la femme qui conduira la politique gouvernementale – c’est la fonction d’un scrutin proportionnel, où chaque parti est conduit par son champion, futur Premier ministre. Combiner les deux est possible. Les Allemands nous le démontrent, puisque, le même jour, chaque électeur coche deux cases.

La prééminence redonnée au Premier ministre, donc au Parlement, doit être associée au maintien d’un parlementarisme rationalisé, afin de ne point retomber, bien évidemment, dans les errements antérieurs. Toutefois, un parlementarisme rationalisé ne signifie pas un Parlement rabougri.

Le temps long de l’élaboration de la loi est critiqué. Je ne suis guère convaincu par l’argument et encore moins par l’idée selon laquelle le monocaméralisme serait la réponse. Les quelques semaines gagnées pèsent peu, cela a été dit, au regard des risques que sont l’emballement de l’Assemblée unique sans possibilité de retour en arrière et l’appauvrissement du débat par la disparition de la seule chambre indépendante de l’exécutif.

Les solutions sont ailleurs, nous le savons bien : moins de textes mal préparés, moins de textes trop bavards. Les textes doivent au contraire décliner des obligations de résultat et non un empilement de normes ; ils doivent faire jouer le principe de subsidiarité.

C’est ici que le Sénat a un rôle fondamental à jouer, car il est le garant de la pluralité de la représentation, de la qualité de la loi et de la défense des libertés.

Observons que le Sénat de la Ve République a su trouver sa place. Il ne s’est pas contenté de demeurer un outil du parlementarisme rationalisé. Il a pris son autonomie par rapport à l’approche gaullienne de la présidence et s’est imposé – c’est bien cela aussi qui gêne – comme le défenseur des libertés.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

C’est le Sénat qui a permis au Conseil constitutionnel de donner une portée juridique au préambule de notre Constitution et de mettre la Déclaration de 1789 à la portée des citoyens.

À mon tour, je le souligne : combien de propositions et d’amendements, préparés en ces murs et votés dans cet hémicycle, structurent la vie quotidienne des Français ? Ils sont innombrables ! D'ailleurs, plus d’une loi sur cinq est d’origine sénatoriale.

Le Sénat a su corriger les problèmes inhérents à sa représentativité. L’Assemblée nationale a-t-elle su en faire de même ? Je n’en suis pas certain.

Je réfute catégoriquement l’équation qui voudrait que, pour moderniser nos institutions, il faille supprimer la seconde chambre ou lui donner un rôle de super-Conseil économique, social et environnemental. Cela ne ferait qu’affaiblir la voix du Parlement, dont la principale activité se limiterait aux questions d’actualité, dont je vous laisse apprécier certains jours la qualité.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Nous devons et pouvons, en revanche, accroître encore notre autre mission constitutionnelle, qui est celle du contrôle et de l’évaluation des politiques publiques.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Nous avons un peu progressé, mais convenons, dans cette enceinte, que nous disposons de quelques marges de progrès dans ce domaine.

Je pense également que nous ne pouvons pas, en tant que parlementaires, accaparer la totalité du débat législatif. Retrouver l’esprit de 1958 n’interdit pas de tenir compte de l’aspiration de nos concitoyens à être plus régulièrement sollicités. La pratique référendaire était d’ailleurs une innovation de la Constitution de 1958. La consultation du peuple est toutefois devenue rare aujourd'hui…

Mes chers collègues, observons la Grèce ! Ce pays fait l’objet de nombreuses critiques, mais son gouvernement a organisé, l’été dernier, une consultation capitale en moins de dix jours. Beaucoup ont applaudi le geste, sur tout le spectre politique.

On pourrait ainsi imaginer, en France, que des « référendums minute », à l’issue – j’insiste sur ce point – de travaux législatifs qui auront éclairé l’opinion, soient garants de la démocratie.

Une telle pratique régulière associerait les Français au processus législatif. Je suis convaincu que la seule existence de ce mécanisme modifierait le jeu des acteurs, à l’intérieur comme à l’extérieur du Parlement, en nous rendant collectivement plus constructifs et responsables.

Moderniser nos institutions, ce n’est pas reprendre la question du Sénat, bien au contraire. Moderniser nos institutions, c’est avant tout prendre notre autonomie au regard de la mythologie présidentielle ; c’est aussi garantir au peuple sa juste place et son droit d’être entendu.

Toute réforme isolée, en particulier si elle concerne le Sénat, ne ferait que rendre notre Constitution bancale.

Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, du groupe Les Républicains, du RDSE et du groupe écologiste. – M. Jean-Pierre Sueur applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

La parole est à Mme Éliane Assassi, pour le groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, les temps de débat sur le fonctionnement de nos institutions sont, à mon sens, trop rares face à la crise profonde qui affecte celles-ci.

Je remercie notre collègue Jacques Mézard d’en avoir pris l’initiative, en axant plus précisément sa demande de débat sur les propositions relatives au devenir du bicamérisme émises par la mission installée par le président Claude Bartolone, aboutissant à un rapport intitulé, ni plus ni moins, Refaire la démocratie.

S’il était intéressant que le Parlement soit lui-même à l’origine d’une réflexion approfondie – les travaux ont duré de novembre 2014 à septembre 2015 –, il est regrettable que la composition de ce groupe de travail sur l’avenir des institutions ait été quelque peu arbitraire et ne se soit pas établie sur un fondement pluraliste mieux structuré, pour dire les choses gentiment…

Au-delà même des questions sur la composition de cette commission, pourquoi les présidentes et présidents des groupes parlementaires n’ont-ils pas été auditionnés, garantissant ainsi un travail réellement pluraliste ?

Marques d’approbation sur de nombreuses travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Ce rapport ne se résume pas bien entendu à un examen de la question sénatoriale. Comme l’indique son intitulé, il est ambitieux, et son titre même témoigne d’un constat que nous partageons : notre système institutionnel est malade et dépassé ; il ne répond pas aux exigences démocratiques.

Naturellement, sept minutes d’intervention, madame la présidente, ne me permettront pas de balayer l’ensemble des questions induites par ce constat ! Pour notre part, nous estimons que les constats dressés et certaines des propositions et des pistes proposées sont pertinents et exigeraient non pas de rafistoler la Ve République, mais bien de construire une VIe République, une République sociale.

La crise institutionnelle est, selon nous, étroitement liée à la crise économique et sociale.

La remise en cause régulière, et même permanente, il faut le dire, par un nombre croissant de citoyens, de l’exécutif, du Parlement, plus généralement des femmes et des hommes politiques, à l’exception remarquable et remarquée des élus de proximité – les maires en particulier –, puise sa source dans l’absence dramatique de résolution des problèmes rencontrés par l’immense majorité de la population, au premier rang desquels le chômage, la précarité, l’insuffisance du pouvoir d’achat, la détérioration des services publics et l’insécurité.

Les habitants de notre pays ont le sentiment de ne pas être entendus. Ils sont las des promesses non tenues, du « travailler plus pour gagner plus » au « mon ennemi, c’est la finance ». Ils veulent enfin avoir prise sur le pouvoir ; ils exigent un système politique en lien étroit avec leurs préoccupations, car ils estiment, à raison, que la coupure entre les représentants et les représentés est profonde.

Les pistes étudiées et certaines solutions avancées par ce rapport rejoignent nos réflexions.

Oui, les modes d’élection sont à revoir, à commencer par celui des députés. Oui, la proportionnelle doit être généralisée. Nous sommes, pour notre part, favorables à une proportionnelle intégrale. Il ne faut pas, je l’ai dit à plusieurs reprises, avoir peur de la démocratie. La force du Front national provient en grande partie d’une défiance à l’égard de notre système politique.

Il faut en tout cas avancer vers une plus juste représentation, garantissant le pluralisme. De nombreux pays européens, et non des moindres, ont choisi la proportionnelle. Pourquoi cette défiance en France ? Il n’est plus supportable que des partis ne recueillant pas plus d’un quart des voix puissent disposer à eux seuls de la majorité absolue à l’Assemblée nationale. C’est un système dépassé, une véritable machine à rejet de la démocratie !

Un autre point crucial pour nous est le rôle de la présidentialisation du régime dans la crise actuelle. Depuis 1958, nous avons constaté que les institutions soumettaient un Parlement affaibli, mal élu, à un pouvoir exécutif dominé par un Président de la République intouchable durant son mandat, hormis la procédure d’empêchement. Cette présidentialisation s’est accentuée au cours des années, en particulier avec la mise en place d’un quinquennat renouvelable et d’une inversion du calendrier électoral, qui soumet l’élection des députés à l’effet de souffle de l’élection présidentielle.

La révision constitutionnelle de 2008 a, selon nous, affaibli plus encore le Parlement, par exemple en limitant le droit d’amendement et le droit d’expression. Selon nous, les choses sont simples : si l’on affaiblit le Parlement, on renforce l’exécutif.

Avec le quinquennat, nous assistons ces dernières années à une inflation législative qui asphyxie nos assemblées, d’autant que la partition de l’ordre du jour limite à deux semaines par mois le temps d’examen des textes gouvernementaux.

Le contrôle est certes important, mais n’oublions pas, mes chers collègues, que le rôle premier du Parlement est de faire la loi ! Or, dans les années quatre-vingt-dix, nous examinions en moyenne 2 000 pages de projets de loi par an. Aujourd’hui, nous en sommes à 4 000 pages, et parfois plus !

Le pouvoir exécutif écrase donc le législatif, et l’hyperprésidentialisation, enclenchée par Nicolas Sarkozy et malheureusement peu contestée par son successeur, aggrave cette situation. Nous proposons pour notre part de remettre profondément en cause le caractère présidentiel ou semi-présidentiel, comme disent les spécialistes, de notre régime en soumettant au débat la question même de l’élection présidentielle au suffrage universel direct.

Nous suggérons de renforcer fortement les pouvoirs du Parlement et de lui permettre d’effectuer correctement son travail législatif. Nous approuvons bien entendu l’idée de revenir sur l’inversion du calendrier, car il s’agit d’une exigence démocratique.

D’autres questions de première importance ont été abordées dans ce rapport, comme le rôle et la composition du Conseil constitutionnel, un sujet sur lequel je n’ai pas le temps de m’étendre.

J’en viens maintenant à la question du bicamérisme. Nous ne sommes pas, au groupe CRC, partisans du statu quo. Contrairement à ce qu’affirment les écrits d’un ancien secrétaire général du Sénat mis en exergue par le rapport de la commission Bartolone, le bicamérisme n’est pas forcément une évidence.

Dans le cadre institutionnel actuel que je viens de critiquer lourdement, le Sénat joue un rôle important, qu’il s’agisse d’assurer la qualité du travail législatif ou une représentation des territoires différente et intéressante. De plus, le poids de la proportionnelle dans l’élection sénatoriale permet un débat pluraliste et un respect des différentes sensibilités, ce qui n’est pas toujours le cas à l’Assemblée nationale.

Le devenir du bicamérisme est donc un vrai sujet – un colloque s’est tenu au Sénat sur ce sujet –, mais qui n’a, selon moi, pas de sens en dehors d’une réforme globale de nos institutions, parmi lesquelles je place le Sénat.

Ceux qui nous connaissent savent que nous portons le projet d’un Sénat qui soit, plus et mieux qu’il ne l’est aujourd’hui, la chambre des territoires, c’est-à-dire des élus et des populations, dotée d’une initiative législative réellement ouverte au peuple.

Vous le savez, mes chers collègues, notre groupe est particulièrement actif dans cette assemblée. Nous prenons notre part au travail sénatorial, et de façon sérieuse, me semble-t-il. Toutefois, cela ne nous empêche pas d’être lucides : il y a urgence à révolutionner nos institutions, à sortir d’une sclérose qui peut, à terme, nuire à l’image même de la démocratie et détourner le peuple de celle-ci.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste et du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour le groupe socialiste et républicain.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je remercie Jacques Mézard d’avoir suscité ce débat, qui porte sur un sujet très important.

Nous sommes ici, aujourd’hui, non pas pour protéger une maison, le Sénat, parce que nous sommes sénateurs, mais pour défendre une certaine idée de la République et de la loi. En effet, si l’on fusionnait le Sénat et le Conseil économique, social et environnemental, on accepterait que la loi ne fût plus écrite, rédigée, préparée et votée par des élus. Ce serait inacceptable !

Dans une république, la loi doit être préparée, élaborée, discutée et approuvée par les élus de la nation. C’est d’ailleurs le fondement de toutes les philosophies issues de la Révolution française et c’est pour moi un principe intangible, l’une des sources de la démocratie.

Toutefois, si je suis, comme vous, mes chers collègues, profondément attaché au bicamérisme, cela tient à cet exercice particulier qu’est l’écriture de la loi.

En effet, la loi est une norme qui a la particularité de ne pas être rédigée par des juristes, même si ces derniers sont utiles et précieux, bien entendu, mais d’être écrite, préparée et discutée dans le feu du débat. La loi, c’est du discursif qui devient du normatif. Je vois là l’un des principaux arguments en faveur du bicamérisme.

La loi comporte tous les signes linguistiques de la norme et obéit à une écriture très particulière : le présent y a valeur d’impératif ; elle ne comprend de pronom personnel qu’à la troisième personne, aucun déictique – ni « ici » ni « maintenant » –, aucun passé simple, même si elle n’est pas avare de temps composés et surcomposés.

Pour façonner cette loi, il y a le débat, auquel nous tenons profondément. Parce que nous passons des jours et parfois des nuits, ici, dans cet hémicycle, à discuter, il nous semble utile, et même indispensable, sur chaque phrase de la loi, d’écouter les points de vue des uns et des autres, issus des six groupes de cette assemblée. En effet, chaque sénateur et chaque sénatrice a le droit imprescriptible de proposer un ou plusieurs amendements sur chaque membre de phrase, sur chaque alinéa.

Ainsi, au cours de la première lecture, nous façonnons nos pensées et nos idées sur la loi, en entendant ce que disent ceux avec qui nous ne sommes pas d’accord, en leur répondant, en réfléchissant à nos arguments et contre-arguments.

Je vous invite aussi, mes chers collègues, à lire notre production lorsque nous adoptons un article modifié par dix ou quinze amendements. Vous verrez que le texte n’est pas d’une grande limpidité, qu’il n’est pas linéaire, qu’il est assez complexe à lire. La loi est parfois abrupte et râpeuse, rédigée dans une langue qui ne coule pas de source. Et c’est normal, parce que nous avons intégré les apports des uns et des autres.

Il arrive même quelquefois que la loi soit contradictoire, qu’elle contienne des omissions ou des oublis. On ne trouve pas du premier coup la bonne façon d’écrire la loi. J’en veux pour preuve ce texte adopté dans une grande précipitation en 2013, après une seule lecture rapide, et sur lequel nous avons dû revenir récemment, car une disposition importante avait été omise.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

En conséquence, le temps que nous consacrons à réfléchir aux amendements est infiniment précieux. C’est pourquoi la navette est si importante : après une première lecture dans une chambre, le texte va dans l’autre assemblée, puis revient dans la première, avant de repartir dans la seconde.

Lorsque nous recevons des visiteurs au Sénat et que nous leur expliquons ce processus, ils soulignent sa longueur et sa complexité. Je leur réponds que le texte dont nous débattons va ensuite s’appliquer au peuple français tout entier, de Dunkerque à Nouméa, de Saint-Pierre-et-Miquelon à la Polynésie. Toutes les Françaises, tous les Français vont devoir appliquer la loi – on dit même que nul n’est censé l’ignorer !

Vous ne l’ignorez pas, mes chers collègues – c’est notre quotidien –, chaque mot de la loi est essentiel. Il se peut en effet qu’un terme ait des conséquences que nous ne mesurons pas toujours pour telle ou telle personne. Lorsque nous votons une loi sur les retraites ou sur la sécurité sociale, dès le lendemain, les gens nous interrogent sur les conséquences concrètes que ces textes auront pour eux, et c’est normal. Il faut donc du temps pour passer de la discussion à la norme. Si l’on veut que la loi soit vite faite, alors elle sera mal faite !

On me dira que le Sénat examine vendredi prochain le projet de loi sur l’état d’urgence en procédure accélérée. Voilà un cas où le recours à cette procédure est parfaitement légitime : en effet, il y a réellement urgence, et aucun de nos concitoyens ne comprendrait que l’on ne prenne pas la mesure du drame qu’ils ont vécu.

Toutefois, dans combien d’autres cas, mes chers collègues, monsieur le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement, l’emploi de cette procédure accélérée est-il réellement fondé ? Je vous le dis clairement, je regrette que la procédure accélérée soit devenue la norme, l’habitude, et la procédure complète prévue par la Constitution l’exception.

MM. Yvon Collin et Jacques Mézard opinent.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

En effet, nous sommes attachés au travail bien fait. Si nous voulons écrire comme Portalis, si nous voulons rédiger dans cette langue limpide de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen – chaque fois que nous relisons ce texte, nous sommes émerveillés de voir combien ses auteurs ont pu dire de choses importantes et essentielles en si peu de mots –, il faut du temps.

Ce travail ne se fait ni par hasard ni spontanément, ou alors on aboutit à des lois technocratiques, des lois auxquelles personne ne comprend grand-chose, des lois qui empiètent sur le domaine du règlement, des lois bavardes, des lois qui enfilent des perles et de bons principes… En réalité, la loi est une norme qui est prévue par l’article 34 de la Constitution.

Mes chers collègues, nous ne sommes pas là pour défendre l’intérêt d’une « maison ». Nous n’oublions pas que notre ami Guy Carcassonne, malheureusement décédé, pourfendait les « lois du 20 heures » !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Bien sûr, il y a des situations ou des événements tragiques qui demandent de revoir telle ou telle disposition. Toutefois, les lois de circonstance ne sont pas toujours de bonnes lois. Les bonnes lois sont celles qui ont donné lieu à d’importants débats. J’en donnerai deux exemples simples.

Tout d’abord, j’évoquerai la loi MAPTAM sur les métropoles, en faveur de laquelle certains ici ont voté, et d’autres non. Elle a recueilli, dans cette assemblée, une majorité constituée de représentants de plusieurs groupes, fruit d’un long débat qui s’est déroulé en suivant toutes les lectures requises.

Ensuite, je dirai un mot de la loi NOTRe. Nous avons passé beaucoup de temps pour trouver une issue, qui s’est révélée différente de celle qui aurait été constatée avec la seule lecture de l’Assemblée nationale. Nos rapporteurs et nos collègues, quel que soit leur groupe d’appartenance, ont apporté leur pierre. Et, ensemble, nous avons été les défenseurs des communes et d’une certaine idée de la décentralisation.

Nous pouvons ainsi démontrer que prendre le temps d’écrire la loi est bénéfique.

Nous sommes foncièrement favorables au bicamérisme, et d’abord en vertu d’une certaine idée de la loi, bien commun du peuple français. Le bicamérisme permet de polir la loi, comme la mer polit les galets, avec l’objectif de faire une belle œuvre, qui soit utile et républicaine. Nous sommes des artisans de la loi et nous pouvons en être fiers.

C’est pour cette raison fondamentale que le bicamérisme est une absolue nécessité !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

La parole est à M. Bernard Fournier, pour le groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Fournier

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le débat sur le bicamérisme revient comme un serpent de mer depuis qu’une seconde chambre a été introduite par le Directoire en 1795.

Ce débat récurrent est-il le bon ? Ou plutôt, nous posons-nous la bonne question ? Dans un régime semi-présidentiel, où la très grande majorité des pouvoirs définis par la Constitution revient au Président de la République et à l’exécutif, pourquoi remettre en question sans cesse le bicamérisme et, en particulier, le rôle du Sénat, alors même que celui-ci a participé, en France, à la stabilité institutionnelle ?

Ne serait-il pas plus pertinent de s’interroger sur les moyens de rééquilibrer les pouvoirs ou sur la manière de renforcer le rôle du Parlement ?

Je crois qu’il y a un certain populisme et, disons-le clairement, une certaine fainéantise intellectuelle à toujours « taper » sur le Sénat…

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Fournier

Depuis quand la multiplication des contre-pouvoirs est-elle néfaste à une démocratie ? Depuis quand l’affaiblissement d’une des deux chambres améliore-t-il la gouvernance ?

Dans le chapitre « Réformer le bicamérisme » du rapport Refaire la démocratie, présenté par Claude Bartolone et Michel Winock, l’exemple italien est évoqué, dès les premières lignes, pour souligner que le « changement est possible ». Cette réforme a été applaudie des deux mains par nombre de personnes en France, alors qu’elle a été beaucoup plus contestée en Italie, y compris par la presse.

Permettez-moi ici d’avoir quelques réserves sur les études comparatives, qui sont faites en permanence pour démontrer, à chaque fois, que notre système est le plus mauvais.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Fournier

Le système italien de bicamérisme égalitaire était très particulier et loin du système français, puisque la Constitution de l’Italie conférait aux deux chambres les mêmes compétences.

Comme pour les communes, nous comparons toujours des choses difficilement comparables. La réforme des structures territoriales a aussi été tout à fait significative de ce point de vue : nous comparions sans cesse le nombre de structures territoriales de l’Allemagne, de l’Italie ou de la France. Or, ces pays ont évidemment chacun leur histoire et leurs particularismes.

Et si nous comparons les pays, pourquoi avoir toujours cette vision négative et retenir seulement un pays qui est plutôt dans une logique d’affaiblissement de la seconde chambre ? Pourquoi ne jamais rappeler que, si environ 45 pays pratiquaient le système bicaméral au début des années soixante-dix, ils sont plus de 80 aujourd’hui ?

A contrario, pourquoi toujours mentionner la formule de Lionel Jospin selon laquelle « le Sénat est une anomalie démocratique », alors que le bicamérisme est actuellement le système parlementaire sous lequel vivent le plus grand nombre d’habitants de la planète et celui qui a été choisi par les États les plus puissants économiquement ? Surtout, comment oublier que de nombreux pays qui sortent de régimes totalitaires ont mis en place le bicamérisme, comme la République tchèque, la Pologne, la Roumanie, etc. ?

Revenons au rapport de l’Assemblée nationale, qui est à l’origine du débat d’aujourd’hui. Trois pages, mes chers collègues, trois pages sur le bicamérisme et le Sénat, dans un document qui en compte plusieurs centaines, pour nous ressortir la réforme de 1969 de fusion du Sénat et du Conseil économique, social et environnemental ! C’est un peu frustrant et un peu mince ! Je suis également étonné qu’un seul sénateur ait pu participer à ces débats.

Les auteurs de ces pages prennent quelques précautions rédactionnelles pour ne pas froisser le Sénat et les sénateurs. On ne parle pas de suppression, on écrit même que « le Sénat pourrait conserver sa compétence législative »... Néanmoins, si nous lisons la suite et entre les lignes, nous voyons bien que cette compétence serait considérablement amoindrie ou réduite comme peau de chagrin.

Le président Bartolone pourrait-il avoir une idée claire, et surtout constante, de ce qu’il envisage de faire pour notre Haute Assemblée ?

Lorsque Jean-Pierre Bel était président du Sénat, M. Bartolone déclarait, en avril 2014, à l’occasion d’un colloque : « Depuis le Directoire, le bicamérisme a le plus souvent caractérisé le système institutionnel français, il fait partie de notre ADN démocratique ». C’est une phrase forte, n’est-ce pas ?

En janvier 2015, il faisait part de sa volonté de « faire disparaître le Sénat, en tant qu’institution parlementaire ».

En novembre 2015, la proposition de M. Bartolone se situe entre ces deux commentaires. Mes chers collègues, comment voulez-vous redonner de la force et de la stabilité à nos institutions quand le quatrième personnage de l’État change d’avis, aussi profondément et en un an et demi, sur un sujet aussi important ?

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Fournier

Depuis 2008, notre institution a engagé de nombreuses réformes. Le président Larcher a, de nouveau en 2015, mis en œuvre un ensemble de mesures considérables pour le Sénat, votées, je le rappelle, à l’unanimité par le bureau de la Haute Assemblée et visant à renforcer la participation aux travaux sénatoriaux, à légiférer et contrôler plus efficacement et à garantir transparence financière et gestion exigeante. Sans aucun doute, ces réformes ne s’arrêteront pas là.

En tout état de cause, nos institutions feront l’objet de débats importants lors de la prochaine campagne présidentielle.

Pour ma part, je le dis et je le répète, j’espère que, lorsque les groupes de travail ou états-majors politiques réfléchiront sur ces sujets dans les prochains mois, ils ne passeront pas leur temps à se demander comment diminuer ou supprimer la Haute Assemblée, mais plutôt comment améliorer encore son travail législatif, son efficacité, la publicité de ses travaux auprès des Français et sa complémentarité avec l’Assemblée nationale.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, de l'UDI-UC et du RDSE. – MM. Éric Jeansannetas et Jean-Pierre Sueur applaudissent également.

Debut de section - Permalien
Jean-Marie Le Guen

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, le bicamérisme est une des pierres angulaires de la Ve République, telle que le Général de Gaulle l’a imaginée, et cela avant même 1958.

Ah ! sur les travées du groupe du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

M. Jacques Mézard. On peut s’arrêter là !

Sourires.

Debut de section - Permalien
Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État

Dès son discours de Bayeux en 1946, il relevait qu’une seconde assemblée parlementaire, suivant un mode d’élection et une composition différents de l’Assemblée nationale, devait avoir pour fonction d’examiner, avec sérénité et clairvoyance, ce que celle-ci avait voté.

Le Sénat a souhaité inscrire à son ordre du jour, sur l’initiative du groupe du RDSE, un débat visant à esquisser un « bilan » et « des perspectives » sur le « rôle du bicamérisme dans nos institutions ». Ce moment est, à mon sens, utile à votre institution elle-même, par une certaine forme d’introspection, mais aussi à tous les acteurs et observateurs de la vie institutionnelle.

La question de la présence du Gouvernement dans un tel débat pourrait même être posée : nous ne sommes pas dans un débat de contrôle. Toutefois, nous sommes dans un débat institutionnel, qui nous permet de revenir sur la riche histoire du bicamérisme et du Sénat de la Ve République, ainsi que sur les rapports entre les assemblées et le Gouvernement.

Si certains estiment que le Sénat reste avant tout une assemblée destinée à « tempérer les excès de la chambre élue par le plus grand nombre de citoyens », suivant les mots du professeur Pascal Jan, la Haute Assemblée incarne aussi la permanence, donc la force, de notre République.

Le Sénat s’est construit un rôle de défenseur des équilibres institutionnels et des libertés publiques, qui l’a parfois conduit à s’opposer frontalement au pouvoir exécutif. Ce n’est pas qu’il détiendrait le monopole de ces questions ou de ces préoccupations, mais il y est particulièrement sensible, parce qu’il cultive une prudence face à l’air du temps et face aux emballements politiques ou médiatiques.

Le bicamérisme français porte en lui l’idée même de contre-pouvoir, conformément à la théorie de Montesquieu, une idée qui peut sans doute contribuer à mieux faire valoir l’intérêt général.

Ne pouvant être dissous, le Sénat français est viscéralement attaché à son indépendance, même si cette dernière est peut-être plus forte lorsque sa majorité ne coïncide pas avec celle de l’Assemblée nationale. Le professeur Jean Garrigues rappelle ainsi que « le Sénat représente la possibilité de majorités d’idées aptes à dépolitiser certains enjeux, comme une sorte de conservatoire de la délibération parlementaire ».

Dès lors, la créativité et l’audace s’y expriment, parfois mieux qu’à l’Assemblée nationale, quelquefois même aux dépens des partis politiques.

Debut de section - Permalien
Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État

La coexistence de deux assemblées parlementaires a ainsi permis à notre pays de trouver, depuis plus d’un demi-siècle, un équilibre dans la démocratie représentative.

Par sa permanence, par son élection détachée des autres échéances électorales nationales, par la singularité de son mode de scrutin, le Sénat contribue à la diversité des points de vue représentés au Parlement, donc à la richesse de notre vie démocratique.

À de multiples reprises – tous les orateurs l’ont rappelé –, le bicamérisme a fait la preuve de sa capacité à améliorer l’écriture des lois et à en contrôler efficacement l’application. Suivant le mot de Robert Badinter, les meilleures lois sont celles qui ont été « coproduites » par les deux assemblées. Témoin en est l’abolition de la peine de mort, approuvée par le Sénat après un débat de trois jours.

Le bicamérisme place le dialogue parlementaire au cœur du fonctionnement de notre démocratie. Ce dialogue entre le Gouvernement et les deux assemblées et entre l’Assemblée nationale et le Sénat participe de la qualité de la loi. Il permet à chacun d’affiner ses positions dans le débat, dans l’échange et dans la contradiction. Il donne à la loi plus de force et de cohérence.

Mesdames, messieurs les sénateurs, les lois que vous écrivez, que vous amendez et que vous votez doivent en effet répondre aux enjeux du moment, mais elles doivent aussi pouvoir s’appliquer de façon pérenne.

Dans ce dialogue, la question du temps est centrale. Nous savons ce que la navette peut apporter à la maturation des textes qui touchent aux questions de société ou d’éthique. Une connaissance imparfaite du bicamérisme pourrait conduire à méjuger la navette parlementaire pour son caractère chronophage. On pourrait déceler, dans une telle appréciation, une rémanence des propos sévères que certains parlementaires eux-mêmes, et non des moindres, ont pu tenir, notamment sous la Troisième République.

Toutefois, une analyse plus approfondie amène à nuancer ce premier sentiment. Le temps du bicamérisme est en fait souple et adaptable. Les textes soumis aux assemblées peuvent y avancer à des vitesses différentes. La Constitution elle-même prévoit des délais spécifiques pour les textes financiers. Le bicamérisme sait même aller encore plus vite, quand l’urgence le commande.

Nos institutions font ainsi la preuve de leur efficacité face aux crises que la France doit affronter, qu’il s’agisse de réagir à une crise financière ou aux attentats terroristes qui ont si profondément meurtri notre pays, vendredi dernier. Dès demain, le Gouvernement et le Parlement auront ainsi la lourde responsabilité de proroger pour une durée de trois mois l’état d’urgence qui a été décrété par le chef de l’État.

Lorsque la République est confrontée à une crise majeure, lorsque des terroristes veulent l’atteindre, elle sait faire face avec courage, avec responsabilité et dignité ; de ce point de vue, la séance de questions d’actualité au Gouvernement qui s’est tenue hier au Sénat a été tout à fait remarquable, alors que l’on peut s’interroger sur le comportement d’une autre assemblée. Elle le fait lorsque le Président de la République réunit le Parlement en Congrès, comme il l’a fait lundi dernier, pour réaffirmer devant la représentation nationale notre attachement viscéral à la liberté, à la démocratie, ainsi que la force de nos institutions.

Je sais que nous en sommes tous ici convaincus : la force du Parlement, la force du bicamérisme, la force de notre République résident aussi dans sa capacité à répondre à de telles situations.

Au-delà de ces temps de crise, le Gouvernement a le devoir de répondre aux attentes des citoyens en mettant en œuvre son programme de réformes. C’est pour cette raison que la Constitution lui donne la prérogative de déterminer le rythme de la navette.

En cas d’échec de la navette parlementaire, il est indispensable que le Gouvernement puisse demander au Parlement de trancher définitivement un désaccord pour répondre aux nécessités de l’action publique.

Contrairement aux idées reçues, le recours à cette procédure est somme toute rare. Depuis 1959, à peine plus d’un texte sur dix a été adopté après une lecture définitive de l’Assemblée nationale. Sur les 163 lois adoptées définitivement depuis 2012, quelque 128, soit 79 % du total, l'ont été dans les mêmes termes par l’Assemblée nationale et le Sénat, que ce soit par la navette parlementaire ou après un accord en commission mixte paritaire.

La question du temps parlementaire est dans le débat public, car elle touche à l’adaptation du temps de la vie démocratique au temps de la société, qui a son rythme propre, et les pouvoirs publics, comme notre réglementation, sont amenés à s’y conformer pour répondre aux défis d’évolutions économiques et technologiques de plus en plus rapides.

Si la révision de la Constitution adoptée le 23 juillet 2008 a prévu, à quelques exceptions, la discussion en séance du texte de la commission, les débats en séance publique n’en ont finalement guère été allégés, contrairement à ce que pouvait espérer le constituant. Les parlementaires eux-mêmes déplorent parfois des redondances entre le travail de la commission, vécu comme une première lecture, et l’examen des textes en séance plénière. La question de l’adéquation de la procédure législative, du temps parlementaire et du temps d’application des lois aux attentes exprimées par les citoyens se pose donc avec acuité.

Ces enjeux doivent continuer à mobiliser nos réflexions collectives, afin de réduire ce que la procédure peut encore avoir de répétitif et de mettre en valeur ce qu’elle a de plus constructif. L’amélioration et la fluidification du travail législatif doivent être une préoccupation commune du Gouvernement et des assemblées.

On ne peut que se féliciter des initiatives prises récemment par le Sénat sur ce sujet. Ainsi, le président du Sénat a affirmé son attachement à la distinction des domaines législatif et réglementaire, mettant en œuvre l’article 41 de la Constitution pour déclarer irrecevables des amendements qui empiéteraient sur le domaine réglementaire.

La récente réforme du règlement du Sénat, adoptée le 13 mai dernier, mérite également, à mon sens, d’être saluée, car elle constitue une nouvelle étape de la réforme des procédures parlementaires, conduite à la lumière du bilan de la révision constitutionnelle de 2008.

Le caractère constructif du bicamérisme s’illustre également dans les initiatives parlementaires, dont la part s’est accrue depuis 2008. Ainsi, sur les 61 propositions de loi adoptées entre juin 2012 et le 30 septembre 2015, quelque 33 proviennent de l’Assemblée nationale et 28 du Sénat.

Le Sénat, comme l’Assemblée nationale, a en outre su développer son travail en matière européenne, tandis que s’accroissait la production normative des institutions de la Communauté européenne, puis de l’Union européenne. Le regard des deux assemblées sur la préparation des textes européens, sur les réunions du Conseil et sur les projets de loi de transposition est un atout précieux pour notre démocratie et pour l’efficacité de nos politiques publiques.

Enfin, je suis convaincu, à titre personnel, de la nécessité pour les deux assemblées de développer leurs missions constitutionnelles de contrôle et d’évaluation. Ces missions sont en lien direct avec leur compétence législative. La Constitution place d’ailleurs le vote de la loi, le contrôle et l’évaluation des politiques publiques sur un pied d’égalité. Une meilleure valorisation de ces travaux de contrôle et d’évaluation, dont la qualité est régulièrement saluée, à juste titre, sera un atout du bicamérisme de demain, pour une action législative toujours plus pertinente et efficace.

Enfin, puisque le bicamérisme trouve l’un de ses fondements les plus solides dans le principe d’équilibre des pouvoirs, il a un rôle essentiel à jouer dans le plein exercice des fonctions de contrôle et d’évaluation. C’est conforme à sa tradition, dont on ne peut que souhaiter qu’elle se renforce.

Telle est, mesdames, messieurs les sénateurs, la contribution que le Gouvernement pouvait apporter à ce débat sur le bilan et les perspectives du bicamérisme.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du RDSE et du groupe UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, permettez-moi de vous dire que j’ai été heureuse de présider ce débat institutionnel sur la place essentielle du bicamérisme dans l’équilibre des institutions de la Ve République et dans le bon fonctionnement de notre démocratie.

Nous en avons terminé avec le débat sur le thème : « Bilan et perspectives du rôle du bicamérisme dans nos institutions après la publication du rapport du groupe de travail sur l’avenir des institutions intitulé Refaire la démocratie ».

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre, d’une part, l’avenant n° 1 à la convention du 10 décembre 2014 entre l’État et l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, relative au programme d’investissements d’avenir, action « Projets innovants en faveur de la jeunesse », et, d’autre part, le rapport sur le financement de la sûreté nucléaire.

Acte est donné du dépôt de ces documents.

Ils ont été transmis à la commission des finances et à la commission des affaires économiques, ainsi que, pour le second, à la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation d’un sénateur appelé à siéger au sein du Conseil supérieur de la forêt et du bois.

Conformément à l’article 9 du règlement, la commission des affaires économiques a été invitée à présenter la candidature d’un sénateur pour siéger en qualité de membre titulaire au sein de cet organisme extraparlementaire.

Mes chers collègues, avant d’aborder le point suivant de l’ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-sept heures cinquante-cinq, est reprise à dix-huit heures trente.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées n’est pas parvenue à l’adoption d’un texte commun.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe socialiste et républicain, de la proposition de loi organique relative au statut des autorités administratives indépendantes créées par la Nouvelle-Calédonie, présentée par Mme Catherine Tasca et plusieurs de ses collègues (proposition n° 574 [2014-2015], texte de la commission n° 136, rapport n° 135).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme Catherine Tasca, auteur de la proposition de loi organique.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, avec Jean-Pierre Sueur et l’ensemble des sénateurs du groupe socialiste et républicain, nous avons déposé la présente proposition de loi organique relative au statut des autorités administratives indépendantes créées par la Nouvelle-Calédonie au lendemain de l’adoption par le Sénat du projet de loi organique relatif à la consultation sur l’accession de la Nouvelle-Calédonie à la pleine souveraineté.

À l’occasion de ce débat, j’avais déjà appelé l’attention de la Haute Assemblée sur la difficulté d’appliquer la principale disposition de la loi organique du 15 novembre 2013, dont j’avais été rapporteur, à savoir la possibilité de création par la Nouvelle-Calédonie d’autorités administratives indépendantes, des AAI, aux fins d’exercer des missions de régulation dans des domaines relevant de sa compétence.

L’un des objectifs de cette loi était de permettre la création d’une autorité de la concurrence chargée de veiller à la régulation économique et de sanctionner les pratiques anticoncurrentielles, afin de donner à la Nouvelle-Calédonie les moyens de lutter contre « la vie chère ».

Il faut rappeler ici la gravité des mouvements sociaux de février 2011 puis de mai 2013 provoqués par la vie chère, et le protocole d’accord finalement intervenu, sous l’égide de l’État, entre syndicats et patronat, le 27 mai 2013, organisant une baisse des prix des produits essentiels.

L’autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie a été créée par une loi de pays adoptée unanimement par le congrès le 24 avril 2014. Cependant, elle n’a pu être mise en place, car, dans sa rédaction finale, la loi de 2013 rend incompatible la fonction de membre d’une AAI calédonienne avec tout autre emploi public. Or l’objectif était d’adosser l’AAI calédonienne à l’autorité de la concurrence en métropole afin de pouvoir nommer en tant que membre de l’autorité calédonienne des fonctionnaires experts non permanents de l’autorité métropolitaine. L’incompatibilité bloquait donc la mise en place de l’AAI calédonienne.

Le problème de la vie chère gardant toute son actualité, l’installation de l’autorité calédonienne reste une urgence. Nous avons pu, lors du déplacement effectué en Nouvelle-Calédonie en août 2014, Jean-Pierre Sueur, Sophie Joissains et moi-même, mesurer l’acuité de ce problème dans un contexte économique particulièrement difficile. Le congrès de la Nouvelle-Calédonie a d’ailleurs de nouveau autorisé, le 16 juin 2015, le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie à prendre des mesures spécifiques de fixation des prix pour trois ans.

Tout juste deux ans après la loi du 15 novembre 2013, il a donc fallu se résoudre à remettre l’ouvrage sur le métier. Dans un premier temps, j’avais choisi de déposer un amendement au projet de loi relatif à la consultation sur l’accession de la Nouvelle-Calédonie à la pleine souveraineté tendant à permettre à un fonctionnaire n’exerçant pas en Nouvelle-Calédonie d’être membre d’une AAI calédonienne, et ce afin de remédier à la situation de blocage actuelle, tout en garantissant l’indépendance de la nouvelle institution.

Lors du débat, le 29 juin 2015, le rapporteur du texte, Philippe Bas, et la ministre, George Pau-Langevin, ont également exprimé leur volonté de remédier à cette situation de blocage dans les plus brefs délais, mais dans un véhicule législatif distinct. C’est l’objet de la présente proposition de loi organique.

Le congrès de la Nouvelle-Calédonie, saisi de ce texte par le président du Sénat, a rendu un avis favorable le 28 septembre dernier, tout en proposant d’assouplir l’incompatibilité en permettant à un fonctionnaire exerçant en Nouvelle-Calédonie, mais qui n’est pas placé sous l’autorité des institutions ou des communes de Nouvelle-Calédonie, d’être membre d’une AAI calédonienne. Cette formulation rejoint celle qu’a choisie le député Philippe Gomes, qui a déposé, le 17 septembre dernier, une proposition de loi organique en ce sens.

Selon moi, il est très important de permettre la mise en place d’autorités qui inspirent la confiance, et qui jouent un véritable rôle de régulateur et d’arbitre. C’est la raison pour laquelle j’ai plaidé pour que la fonction de président d’une AAI soit incompatible avec un emploi public exercé en Nouvelle-Calédonie.

Pourquoi poser tant de conditions ? C’est que la Nouvelle-Calédonie est un petit territoire où tout le monde connaît tout le monde. Particulièrement dans le domaine de la régulation économique, le rôle de l’autorité de la concurrence ne sera pas aisé. Aussi, il faut dès le départ lui donner toutes les chances d’affirmer à la fois son autorité et son indépendance, qui ne doit pas pouvoir être mise en doute.

Un compromis a été trouvé grâce à l’excellent travail de notre rapporteur, Mathieu Darnaud, en étroite collaboration avec nos collègues de l’Assemblée nationale, Philippe Gomes et René Dosière. Ainsi, la rédaction adoptée par la commission des lois distingue entre les fonctions de président, seul membre à plein temps, et les fonctions de membre d’une AAI calédonienne, le président ne pouvant exercer aucun autre emploi public en Nouvelle-Calédonie, tandis que les autres membres peuvent exercer parallèlement un emploi public, mais uniquement au sein de la fonction publique d’État.

Dans son avis, le congrès de Nouvelle-Calédonie a suggéré la mise en place d’un délai de carence pour empêcher que soit nommée une personne qui, au cours des trois années précédant sa désignation, aurait exercé des fonctions comprises dans le champ des incompatibilités s’appliquant aux membres d’une AAI. C’est ce que retient la rédaction qui vous est aujourd’hui proposée.

Sur ce point, j’y insiste, si la présente proposition de loi organique impose le délai de carence, je forme personnellement le souhait que la personne qui sera appelée à présider une AAI n’ait jamais exercé en Nouvelle-Calédonie, au moins pour le premier mandat. Nul doute que les modalités de nomination des membres des AAI calédoniennes par le congrès, en application de l’article 93–1 de la loi organique de 1999, c’est-à-dire selon la règle des trois cinquièmes positifs, ainsi que la sagesse des élus calédoniens permettront d’aboutir à la meilleure solution possible.

Je tiens ici à remercier tous ceux qui ont œuvré à la formation d’un consensus pour favoriser l’aboutissement rapide de ce texte, notamment le rapporteur, Mathieu Darnaud, qui a effectué un travail de qualité, mais aussi les députés Philippe Gomes et René Dosière, ainsi que, bien sûr, Mme la ministre George Pau-Langevin.

La commission des lois de l’Assemblée nationale a d’ailleurs adopté, ce matin même, un amendement à la proposition de loi organique de Philippe Gomes autorisant une convergence vers une rédaction identique à celle qui a été adoptée par notre commission des lois, sous réserve de quelques modifications rédactionnelles qui seront présentées par notre rapporteur au cours de ce débat. Il faut dire que la recherche d’un consensus a toujours été la règle au Parlement, spécialement dans cette assemblée, lorsqu’il s’agit de traiter des dossiers de la Nouvelle-Calédonie. Je pense que c’est une saine tradition.

S’il s’agit d’une petite modification législative, vous l’aurez compris, tout est fait pour aller vers une adoption conforme par les deux assemblées et permettre dans les meilleurs délais à la Nouvelle-Calédonie d’évoluer vers plus de justice sociale et de lutter efficacement contre la « vie chère », ce qui est attendu par les Calédoniens. Je forme le vœu que notre assemblée, au terme de ce débat, autorise le cheminement de ce texte.

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Mathieu Darnaud

Madame la présidente, madame la ministre, madame la vice-présidente de la commission, mes chers collègues, Mme Catherine Tasca a parfaitement résumé la genèse de ce texte qu’elle a pris l’initiative de déposer et que nous examinons aujourd’hui. Elle me permet ainsi de concentrer mon propos sur les travaux de la commission, qui a élaboré son texte le 4 novembre dernier.

La commission des lois a revu les incompatibilités professionnelles applicables aux membres des autorités administratives indépendantes créées par la Nouvelle-Calédonie, celles qui ont été décidées en 2013 sur l’initiative de l’Assemblée nationale soulevant de réelles difficultés de mise en place.

Le texte adopté en commission a retenu le principe proposé par Mme Tasca conduisant à exclure du champ de l’incompatibilité les emplois publics extérieurs à la Nouvelle-Calédonie, rendant ainsi possible le choix des membres de l’autorité locale de la concurrence parmi des fonctionnaires exerçant en métropole.

Ce texte correspond à une position équilibrée et respectueuse de la Constitution.

Tout d’abord, il est équilibré car il prend en compte l’avis émis par le congrès de la Nouvelle-Calédonie le 28 septembre 2015, à la suite de la saisine du président du Sénat, conformément à l’article 77 de la Constitution.

Le Sénat me semble exercer pleinement son rôle de représentant des collectivités territoriales de la République en accordant une attention particulière à l’expression des élus calédoniens.

La majorité du congrès de la Nouvelle-Calédonie souhaitait que le champ de l’incompatibilité professionnelle soit encore plus réduit que celui qui est proposé par Mme Catherine Tasca, en ne visant plus les fonctionnaires d’État exerçant localement. En complément, le congrès de la Nouvelle-Calédonie suggérait d’instaurer un délai de carence afin d’empêcher la désignation de personnes ayant exercé les fonctions rendues incompatibles.

Votre commission des lois a fait droit à cette seconde demande et a partiellement satisfait la première. Elle n’a pas souhaité totalement exclure les fonctionnaires d’État de l’incompatibilité, car il est délicat d’imaginer un haut fonctionnaire ou un haut magistrat affecté en Nouvelle-Calédonie qui exercerait parallèlement la présidence d’une autorité administrative indépendante locale. C’est un moyen de prévenir tout conflit d’intérêts mais également d’éviter une confusion des pouvoirs et des compétences.

En revanche, cette hypothèse a paru envisageable pour les autres membres de l’autorité qui seront, s’agissant de l’autorité locale de la concurrence, au nombre de trois.

C’est pourquoi la commission a adopté mon amendement dont l’objet est de distinguer la situation du président de l’autorité administrative indépendante des autres membres, l’incompatibilité étant plus exigeante pour le premier que pour les seconds. Le président serait soumis à une incompatibilité professionnelle plus rigoureuse puisqu’il ne pourrait exercer, comme le prévoyait la rédaction initiale du texte, aucun autre emploi public en Nouvelle-Calédonie. En revanche, les autres membres pourraient exercer parallèlement un emploi public, mais uniquement au sein de l’État, notamment au sein des juridictions ou de l’université, conformément aux vœux du congrès de la Nouvelle-Calédonie et du député Philippe Gomes.

Ce faisant, votre commission des lois a opté pour une solution qui est conforme au principe d’égalité, car le président est, par rapport aux autres membres, dans une situation différente, ce qui appelle un traitement différent.

Contrairement à ce qui s’était passé en 2013, le législateur organique exerce sa compétence alors que le congrès de la Nouvelle-Calédonie a déjà adopté la loi du pays qui crée l’autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie. Nous savons donc que le président de cette autorité est appelé à des fonctions importantes puisqu’il exercera ses fonctions à plein temps ; je rappelle également qu’il sera celui auquel les autres membres devront faire état d’éléments de nature à entraîner un conflit d’intérêts.

Aussi, je me félicite du fait que ce texte qui manifeste, comme le soulignait Mme Tasca, un souci du compromis soit rédigé ainsi. Lorsque le président de la commission des lois rapportait, en juin 2015, le dernier projet de loi organique ayant trait à la Nouvelle-Calédonie, il s’était engagé auprès de Mme Tasca à permettre l’adoption de la disposition organique dont nous débattons aujourd’hui. Il a concrétisé son engagement en proposant, dès septembre, à la commission de me désigner comme rapporteur. M. le président du Sénat a consulté, dès le mois d’août, le congrès sur cette proposition de loi organique, lui permettant ainsi de s’exprimer en temps utile.

Ces dernières semaines, j’ai pu sereinement cheminer, en étroite collaboration avec l’auteur de la proposition de la loi organique, vers une rédaction de compromis. Cette dernière a été soumise, en toute transparence, à M. Philippe Gomes, rapporteur d’une proposition de loi organique sur le même sujet qu’il a déposée à l’Assemblée nationale, ainsi qu’à M. René Dosière, qui avait rapporté la loi organique du 15 novembre 2013, à l’origine de la rédaction actuelle. Des échanges fructueux ont permis d’aboutir à une approche convergente.

L’amendement que je vous présenterai vise, dans cet état d’esprit, à lever toute ambiguïté sur l’intention de la commission des lois du Sénat. Ce matin même, en examinant le texte déposé par notre collègue député Philippe Gomes, la commission des lois de l’Assemblée nationale a retenu, sur le fond, la même rédaction que celle qui vous est proposée ce soir.

Pour parachever ce rapprochement, je vous invite donc à adopter la proposition de loi organique ainsi que l’amendement que je vous présenterai. Vous contribuerez par ce vote, mes chers collègues, à lutter de manière décisive contre la « vie chère » – cela a été rappelé par Mme Tasca, auteur de la proposition de loi organique – dans cet archipel et à répondre ainsi à une préoccupation quotidienne de la population locale.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, de l'UDI-UC et du RDSE, ainsi que sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Aline Archimbaud applaudit également.

Debut de section - Permalien
George Pau-Langevin

Madame la présidente, madame la vice-présidente de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, nous examinons en première lecture la proposition de loi organique relative au statut des autorités administratives indépendantes créées par la Nouvelle-Calédonie.

La modification de la loi organique du 19 mars 1999 permettra, je l’espère, à la Nouvelle-Calédonie de se doter d’un cadre juridique équilibré de nature à permettre l’installation d’autorités administratives indépendantes sur le territoire.

Au-delà du débat général, il s’agit en particulier, vous le savez, d’aider les autorités calédoniennes à mettre en place une autorité locale de la concurrence.

La Nouvelle-Calédonie détient en effet de larges compétences en matière de régulation économique. À ce titre, une réflexion a été engagée, depuis plusieurs années, sur la levée des obstacles à la libre concurrence car, comme dans d’autres territoires ultramarins, les prix des biens de consommation courante demeurent élevés.

Comme l’a rappelé Mme Catherine Tasca, des mouvements sociaux se sont élevés contre cet état de fait, qui s’explique par plusieurs raisons. Outre les difficultés touchant à l’insularité et à l’éloignement des circuits de distribution, il y a l’excessive concentration de l’économie calédonienne entre quelques mains. Ainsi, à Nouméa, 80 % de la distribution en grandes surfaces sont détenus par les mêmes acteurs. Ce constat est largement partagé au niveau local : dans certains secteurs, le nombre limité d’opérateurs révèle l’existence d’obstacles à la concurrence, lesquels maintiennent les prix à un niveau élevé.

En 2013, le législateur organique a par conséquent modifié la loi statutaire de 1999 pour donner la possibilité à la Nouvelle-Calédonie de créer des autorités administratives indépendantes.

Exploitant cette nouvelle possibilité, la Nouvelle-Calédonie a donc adopté la loi du pays du 24 avril 2014 créant une autorité de la concurrence.

Selon les termes de cette loi du pays, l’autorité nouvellement établie doit « veille[r] au libre jeu de la concurrence en Nouvelle-Calédonie et au fonctionnement concurrentiel des marchés en Nouvelle-Calédonie ».

Cette démarche est à saluer. Elle rejoint les préoccupations constantes de ce gouvernement dans la lutte contre la vie chère dans les outre-mer. Nous ne pouvons que nous en féliciter.

Composée d’un président et de trois autres membres nommés pour une durée de cinq ans, cette autorité locale de la concurrence doit exercer en toute indépendance les prérogatives dévolues au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie en la matière.

Des précautions ont été prises pour garantir l’impartialité des décisions arrêtées par cette autorité. Ainsi, une règle de déport a été introduite et un dispositif a été imaginé pour prévenir les conflits d’intérêts.

Toutefois, en dépit de ces avancées juridiques, l’autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie n’a toujours pas commencé ses travaux, alors que plusieurs années se sont écoulées.

En effet, pour la désignation des membres qui la composent, le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie se heurte à l’excessive rigueur du régime des incompatibilités. Si la question du président de l’autorité de la concurrence ne pose pas de difficultés sérieuses dès lors que celui-ci exerce son office à temps plein, la question des autres membres du collège est plus délicate dans la mesure où ceux-ci n’exercent leurs fonctions qu’en parallèle de leur activité principale.

Dans la pratique, il est apparu difficile d’identifier des personnalités qualifiées dont l’activité principale ne tombe pas sous le coup des incompatibilités voulues par le législateur organique.

Le besoin s’est donc fait ressentir de pondérer quelque peu les garde-fous mis en place en 2013 en aidant le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie à pourvoir aux postes de cette nouvelle autorité de la concurrence.

Le constat relatif à ces points de blocages étant posé, nous avons donc cherché le vecteur législatif approprié. Certains d’entre vous avaient souhaité que nous utilisions la loi relative à la consultation sur l’accession de la Nouvelle-Calédonie à la pleine souveraineté. Toutefois, nous avons préféré, lors de la discussion de ce texte, ne pas accepter d’amendements allant dans ce sens, car nous considérions – et nous l’avons redit dans les mêmes termes à l’Assemblée nationale – que ce véhicule législatif était spécifique et que, par conséquent, il ne fallait pas y insérer d’autres sujets de réflexion.

Nous sommes donc convenus qu’un texte dédié serait plus opportun pour lever la difficulté technique qui nous occupe aujourd’hui. Je m’y étais engagée, tout comme je m’étais engagée à ce que l’examen de ce texte puisse intervenir rapidement. L’activation de la procédure accélérée atteste aussi cette volonté d’aller vite puisque j’ai bon espoir que ce texte puisse être définitivement adopté et promulgué d’ici à la fin de l’année.

Depuis cet engagement pris en séance publique devant les deux assemblées, les parlementaires ont beaucoup travaillé. Ce ne sont pas moins de trois propositions de loi organique qui ont finalement émergé, l’une au Sénat – celle de Mme Tasca – et deux à l’Assemblée nationale – celles de M. Dosière et de M. Gomes. Nous ne pouvons que nous réjouir de ce volontarisme législatif !

Nous examinons ici même aujourd’hui la proposition de loi organique déposée le 30 juin 2015 par Mme Tasca. Comme vous l’avez signalé, un travail a été fait avec les députés afin de faire converger les points de vue et les propositions au Sénat et à l’Assemblée nationale. Cela devrait permettre, je l’espère, l’adoption assez rapide d’un texte de compromis entre les trois propositions de loi organique.

Sur le fond, le texte qui vous est présenté vise à modifier l’article 27–1 de la loi organique du 19 mars 1999. Il limite l’incompatibilité applicable aux membres d’une autorité administrative indépendante aux seuls emplois publics exercés sur le territoire. En d’autres termes, un fonctionnaire d’État – par exemple, un universitaire ou un magistrat – pourra exercer les fonctions de membre de l’autorité administrative indépendante.

La proposition de loi prévoit, en outre, la mise en place d’un délai de carence appelé à faire obstacle à la désignation d’une personnalité qualifiée « si au cours des trois années précédant sa nomination, [elle] a exercé un mandat électif ou un emploi public ou détenu des intérêts considérés comme incompatibles avec [s]es fonctions ». Cette mesure, également souhaitée par le congrès de la Nouvelle-Calédonie, doit permettre de renforcer les garanties d’impartialité des autorités administratives indépendantes créées par la Nouvelle-Calédonie.

S’agissant de l’examen aujourd'hui en séance publique, je note que le rapporteur a déposé un amendement issu de la concertation avec l’ensemble des parties, d’une part, pour clarifier la nature des emplois publics concernés et, d’autre part, pour préciser les modalités d’application du délai de carence. Cet amendement fait également suite aux observations en ce sens du congrès de la Nouvelle-Calédonie.

La proposition qui vous est soumise trouve ainsi un équilibre plus réaliste entre l’obligation d’impartialité, d’une part, et la nécessité de désigner des personnalités qualifiées à l’expérience reconnue, d’autre part.

L’approche consensuelle qui a présidé à la rédaction de ce texte doit être saluée. Je ne doute pas que si des points de divergence devaient émerger entre les deux chambres du Parlement, ils pourront facilement être dépassés car nous sommes tous attentifs à l’intérêt de la Nouvelle-Calédonie et à la lutte contre la vie chère.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Françoise Laborde ainsi que MM. Yves Détraigne et Joël Guerriau applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Arnell.

Applaudissements sur les travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Arnell

Madame la présidente, madame la ministre, madame l’auteur de cette proposition de loi, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l’avis de M. Thani Mohamed Soilihi sur la loi du 21 novembre 2012 relative à la régulation économique outre-mer avait mis en exergue l’épineux et récurrent problème de la vie chère dans les outre-mer, difficulté amplifiée par l’insularité, l’éloignement des circuits de distribution ou encore les frais liés au transport aérien ou maritime.

En plus de ces contraintes, et pour répondre à des problématiques spécifiques, la Nouvelle-Calédonie s’est dotée d’un dispositif antitrust afin d’assurer un fonctionnement concurrentiel du marché sur son territoire, où les structures historiques de l’économie locale rendent particulièrement complexes la préservation de l’ordre public économique.

En effet, et comme le constatait l’Autorité de la concurrence dans son rapport du 21 septembre 2012, la Nouvelle-Calédonie souffre à la fois d’un marché relativement étroit, qui limite les gains d’échelle possibles des activités locales, et de situations d’oligopoles. Ces situations quasi monopolistiques se voient renforcées par certaines dispositions, telles que des barrières tarifaires et réglementaires mises en place pour protéger les entreprises locales de la concurrence, ce qui affecte fortement les prix, comme c’est malheureusement bien souvent le cas dans les économies insulaires.

Fort de ce constat, le congrès de la Nouvelle-Calédonie a profondément rénové et modernisé le cadre juridique de la réglementation économique sur son territoire en faisant le choix d’agir sur les structures de marché plutôt que de contrôler les prix.

Ainsi, les pratiques anticoncurrentielles feront l’objet d’un contrôle étroit, qu’il s’agisse de comportements illégaux – entente, abus de position dominante – ou de structures nuisant au marché, en particulier de concentrations.

Les autorités calédoniennes ont donc décidé de la mise en place d’une autorité de la concurrence afin que celle-ci qualifie, interdise, voire sanctionne ce type de comportement déloyal.

Le choix fait d’une autorité administrative indépendante, dotée de pouvoirs décisionnels, imposait de modifier les dispositions organiques formant le statut de la Nouvelle-Calédonie, dans la mesure où celle-ci déléguait ainsi une part de ses compétences.

Dès lors, comme notre discussion porte sur la création d’une autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie, il faut bien entendu mettre celle-ci en perspective avec les travaux de la commission d’enquête créée à l’initiative du RDSE sur les autorités administratives indépendantes.

Les conclusions du rapport sur le sujet, présenté par le président Mézard, font apparaître que les autorités administratives indépendantes, qui disposent d’un pouvoir considérable dans des secteurs clés de la nation, risquent de devenir « un État dans l’État » si leur prolifération n’est pas canalisée et si leur contrôle n’est pas assuré.

Par conséquent, il nous semble que l’apparition d’une autorité administrative indépendante, fût-elle de la concurrence et instituée en Nouvelle-Calédonie, pourrait être porteuse de risques quant aux équilibres institutionnels sauf si, là aussi, un cadre juridique strict et un contrôle effectif sont mis en œuvre.

Il est nécessaire que l’indépendance et l’impartialité de cette autorité administrative, ainsi que celles de ses membres, soient assurées. Or il nous semble, après une étude minutieuse du texte d’origine et de ses évolutions, que la proposition de loi organique garantit ces aspects.

En effet, le consensus auquel sont parvenues autorités locales et nationales sur les incompatibilités personnelles et professionnelles des membres de l’autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie paraît bien à même de garantir la prévention des conflits d’intérêts.

La coopération à l’échelon infra-étatique sera également déterminante ; je regrette de ne pas avoir plus d’information sur ce point. Peut-être pourrez-vous m’éclairer, madame la ministre, sur les relations qu’entretiendront les autorités de la concurrence nationale et locale. Comment collaboreront-elles ? A-t-on envisagé la possibilité de mettre en place un système de question préjudicielle ?

Non seulement les dispositions légales dotent l’autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie de pouvoirs et d’une responsabilité considérables, mais son président sera en outre habilité à siéger seul dans certains cas. Il lui sera possible d’interdire des opérations économiques très importantes en termes financiers et d’infliger des sanctions financières aux entreprises mises en cause.

Bien sûr, un recours devant les instances juridictionnelles est prévu ; néanmoins, la durée de telles procédures devra également être prise en compte.

Enfin, comme le soulignait le rapport de Jacques Mézard, que rejoignent mes interrogations précédentes, il ne faut pas qu’il y ait de transfert de pouvoir sans transfert de responsabilité, notamment devant les instances démocratiques qui se sont délestées d’une partie de leurs attributions au profit de l’autorité en question.

Aussi, nous nous félicitons du fait que la loi organique prévoit que, en contrepartie de cette indépendance, les conditions du contrôle de l’autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie par l’autorité politique soient prévues, notamment par la rédaction d’un rapport d’activité présenté annuellement devant le gouvernement et le congrès de la Nouvelle-Calédonie.

Il faut toutefois, madame la ministre, qu’il ne s’agisse pas d’un rapport de plus et que celui-ci contribue véritablement à mettre en exergue les améliorations possibles de la réglementation des pratiques anticoncurrentielles en Nouvelle-Calédonie.

Dès lors, comme cette proposition de loi organique fait l’objet d’une approche consensuelle, notre groupe est majoritairement favorable à l’adoption de ce texte.

Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain et du groupe Les Républicains. – Mme Sylvie Goy-Chavent applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Guerriau

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la vie chère est une calamité pour nos concitoyens ultramarins qui ne bénéficient pas d’une sur-rémunération.

Cela n’est pas une nouveauté. La grève générale conduite contre ce problème par Élie Domota en Martinique en 2009 a constitué l’une des plus importantes manifestations de révolte en outre-mer. La population subit une discrimination par les prix depuis de trop nombreuses années.

Les causes de ce phénomène sont multiples ; elles ont été rappelées à l’instant par mon ami Guillaume Arnell. L’insularité, le coût des transports ainsi que les besoins de conservation des denrées et des biens acheminés provoquent des surcoûts. Trop de dispositifs contraignent toutefois une fixation plus juste des prix par le marché : je pense par exemple à l’octroi de mer, dont l’actualisation a largement occupé nos travaux au printemps dernier.

Ce phénomène généralisé dans nos territoires d’outre-mer trouve une expression particulière en Nouvelle-Calédonie. Cela avait été largement mis en évidence par le rapport d’information de la commission des lois rédigé par nos collègues Sophie Joissains, Jean-Pierre Sueur et Catherine Tasca.

En février 2011 et mai 2013, la Nouvelle-Calédonie a été traversée par d’importants mouvements sociaux dont nous avons peu parlé en métropole. Les facteurs objectifs et fiscaux de renchérissement des produits, l’éloignement des circuits de distribution et la structure concurrentielle du marché ont été indéniablement les causes du mécontentement local.

Cette analyse est partagée par l’Autorité de la concurrence, qui relevait déjà en 2012 que deux groupes disposaient à eux seuls de plus de 80 % des parts de marché en surfaces de vente.

Le droit à la concurrence libre et non faussée des prix est un droit fondamental qui doit s’appliquer sur l’ensemble des territoires, que ce soit outre-mer ou en métropole.

Je tiens ici à adresser un message de solidarité et de soutien à nos compatriotes de Nouvelle-Calédonie qui se débattent face à des prix qui creusent l’injustice sociale.

La Nouvelle-Calédonie a tenté de résoudre ce problème par la convention du 14 février 2012. Le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie y sollicitait l’expertise de l’Autorité de la concurrence en vue de la réalisation de deux études portant respectivement sur les mécanismes d’importation et de distribution des produits de grande consommation et sur l’organisation des structures de contrôle en matière de concurrence. Le diagnostic dressé dans ces études par l’Autorité de la concurrence a confirmé l’existence des obstacles à la libre concurrence.

Outre ce constat, le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie a souhaité faire usage de l’outil mis à sa disposition par la loi statutaire de 1999 en créant une autorité locale de la concurrence, dont le cadre est précisé dans la loi organique de 2013.

La présente proposition de loi s’inscrit dans cette filiation et prévoit un simple assouplissement des conditions inhérentes à la composition des membres de cette nouvelle autorité administrative.

Je tiens à saluer l’initiative et le rapport de Mme Catherine Tasca, complété par l’apport de notre collègue Mathieu Darnaud, rapporteur du texte, dont le travail apporte un équilibre rédactionnel approuvé par la commission des lois.

Dans ces conditions, en permettant la mise en place d’une autorité administrative indépendante pour réguler la concurrence sur son territoire, la Nouvelle-Calédonie se dote des moyens nécessaires pour lutter contre « la vie chère ». La mise en place d’une telle autorité de la concurrence, réclamée et votée unanimement, est une nécessité qui ne sera plus empêchée par l’article 1er de la loi organique du 15 novembre 2013. C’est pourquoi les sénateurs du groupe UDI-UC voteront en faveur de ce texte.

Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur la plupart des travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, cette proposition de loi organique a un grand intérêt en ce qu’elle apporte une solution juridique solide à un cas d’école.

Comme l’a souligné notre rapporteur, il avait échappé au législateur avisé que nous sommes qu’une difficulté d’application de la loi était apparue en 2013.

Cette difficulté tenait à l’introduction, cette année-là, au sein de la loi statutaire de 1999, de la faculté pour la Nouvelle-Calédonie de créer des autorités administratives indépendantes dans les domaines relevant de la compétence de la « loi du pays ».

C’est ainsi que l’installation d’une autorité qui exercerait des prérogatives en matière de régulation de la concurrence sur ce territoire n’a pu s’effectuer. En effet, l’article 1er de la loi organique du 15 novembre 2013 rendait incompatible la fonction de membre d’une autorité administrative indépendante néo-calédonienne avec un emploi public.

Cet imbroglio juridico-administratif pourrait paraître anodin. Bien au contraire, il aurait pu avoir de graves conséquences sur une question particulièrement sensible pour nos compatriotes des collectivités et territoires d’outre-mer.

On se souvient que la question de ce que l’on appelle familièrement « la vie chère » avait aussi été, il y a quelques années, à l’origine de très durs conflits sociaux en Guadeloupe, à La Réunion, ou encore à la Martinique.

À cet égard, il faut malheureusement constater que les causes de ces situations existent toujours.

La résolution de ce problème est peut-être rendue plus délicate en Nouvelle-Calédonie du fait des spécificités et du statut même de ce territoire. C’est d’ailleurs ce qu’avaient très bien exposé l’année dernière nos collègues Sophie Joissains, Jean-Pierre Sueur et Catherine Tasca dans leur rapport sur la situation sociale de ce territoire.

Ils y relevaient notamment que les graves conflits sociaux de février 2011 et de mai 2013 étaient largement motivés par le mécontentement de la population face aux prix excessifs des biens de consommation courante.

Ils y analysaient aussi l’origine de ce phénomène, commun à nos outre-mer, qui s’explique en partie par l’insularité, l’éloignement des grands circuits de distribution, les frais de transport maritime ou aérien et une consommation captive car étroitement dépendante des produits métropolitains.

Sur le territoire calédonien comme dans l’ensemble de nos outre-mer, l’une des causes des prix élevés des biens de consommation courante est l’absence d’une réelle concurrence. Cela avait d’ailleurs été souligné, en 2012, dans un rapport de l’Autorité de la concurrence.

Si ces causes sont en partie identifiées, il reste tout de même à trouver les moyens d’y remédier.

Pour leur part, nos compatriotes de Nouvelle-Calédonie ont choisi comme outil, par un vote unanime de leur parlement, une autorité de régulation de la concurrence.

En tentant d’introduire une concurrence jusqu’à présent presque inexistante du fait de monopoles dans certains secteurs, ils pensent avoir trouvé une solution pour faire baisser le niveau général des prix, en particulier ceux des biens de première nécessité.

Je ne me prononcerai ni sur le bien-fondé de cet outil administratif ni sur son éventuelle efficacité pour l’amélioration de la situation économique et sociale de la Nouvelle-Calédonie.

À l’heure où le rapport de la commission d’enquête de nos collègues Marie-Hélène Des Esgaulx et Jacques Mézard a étudié la pertinence et la réalité de l’indépendance de ces autorités administratives, on peut légitimement s’interroger sur la nécessité de créer, en Nouvelle-Calédonie, une autorité de régulation de ce type.

Néanmoins, je considère que, si telle est la volonté de la société calédonienne et de ses élus, il faut que cette autorité locale puisse réellement exister et qu’elle ait les moyens de travailler.

C’est pourquoi le texte issu des travaux de notre commission prévoit un statut réaliste pour les membres de l’autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie, ainsi que les moyens de préserver l’indépendance de cette autorité.

C’est d’ailleurs l’objet de l’amendement que nous avons apporté au texte initial en commission des lois. Il visait à préciser que seul le président de l’autorité administrative indépendante, compte tenu de la particularité de ses fonctions, serait assujetti à une incompatibilité avec tout autre emploi public exercé en Nouvelle-Calédonie.

Pour ce qui est des autres membres, ils seraient simplement soumis à une incompatibilité avec un emploi public exercé dans les institutions locales.

Ces dispositions sont en outre garanties par le délai de carence de trois ans qui empêcherait leur désignation s’ils ont exercé les fonctions couvertes par les incompatibilités professionnelles trois ans auparavant.

Je pense que nous avons travaillé de façon pragmatique, en tenant compte de l’avis du congrès de la Nouvelle-Calédonie sur la proposition de loi organique, mais en ayant aussi le souci de concilier les points de vue avec nos collègues de l’Assemblée nationale.

Enfin, si l’on veut bien considérer le contexte économique et social et les perspectives politiques en Nouvelle-Calédonie, il est impératif de trouver, dans tous les domaines, un consensus. Ce texte y contribue.

Notre groupe estime donc que cette proposition de loi organique était nécessaire et que la méthode retenue et la solution à laquelle nous avons abouti sont les bonnes. C’est la raison pour laquelle nous la voterons.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC et sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain et du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Félix Desplan

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, chère Catherine Tasca, auteur de la proposition de loi organique, mes chers collègues, le texte que nous examinons ce soir ne comporte qu’un article. Il a un objectif simple et concret : permettre à l’Autorité de la concurrence créée il y a un peu plus d’un an par le congrès de la Nouvelle-Calédonie de fonctionner enfin. Sa mise en marche est très attendue, tant par le gouvernement calédonien, les groupes politiques du congrès, les provinces, les intersyndicales, les organisations patronales que par les consommateurs calédoniens.

Ce texte est attendu, parce que, comme dans les autres territoires ultramarins, marqués par leur éloignement géographique, par une population restreinte et par une attirance pour les produits de consommation de la métropole, la vie est chère en Nouvelle-Calédonie.

Le surcoût du « panier » varie encore, selon les enseignes de grande surface, de + 96 % à + 155 % par rapport à la métropole. Sur la zone du Grand Nouméa, qui représente 90 % du chiffre d’affaires des grandes surfaces alimentaires, deux opérateurs détiennent ainsi plus de 80 % des surfaces commerciales, situation aggravée par les barrières réglementaires à l’entrée du territoire. Dans le secteur automobile, 80 % des marques sont aussi aux mains de deux groupes.

De façon plus générale, dans les secteurs où la concurrence existe, le différentiel de prix est de + 15 %. Mais, ailleurs, les prix sont en général deux fois plus élevés.

La cherté de la vie, que ce soit en matière de produits alimentaires, de tarifs bancaires, de coût de l’énergie ou dans le domaine du logement, a fait descendre les syndicats et les populations dans la rue à plusieurs reprises, notamment aux mois de mai 2011 et mai 2013. Grèves et manifestations ont conduit les autorités locales à mettre en place des mécanismes divers pour lutter contre ce qui ne doit pas être admis comme une fatalité.

La concurrence est l’une des clefs de cette lutte. La loi organique de 1999 a attribué à la Nouvelle-Calédonie les compétences de réglementation des prix, de concurrence, de répression des fraudes et de réglementation des professions commerciales. Depuis, la Nouvelle-Calédonie a adopté des textes mettant en place un droit de la concurrence avancé et des règles de transparence des relations commerciales. Elle a ainsi instauré un contrôle des concentrations, un contrôle des exploitations des surfaces commerciales et une injonction structurelle pour résorber les situations soulevant des risques de concurrence.

La Nouvelle-Calédonie a également souhaité la mise en place d’une autorité administrative indépendante, dotée de pouvoirs d’enquête, de recours et de sanctions, pour veiller à l’application de ces nouvelles dispositions.

On a critiqué – dans cette enceinte même – la multiplication des autorités administratives indépendantes, déplorant parfois leur inutilité pour les trois quarts d’entre elles. Cependant, à une question que lui posait, lors d’une audition, notre collègue le président Mézard, Bruno Lasserre, le président de l’autorité de la concurrence hexagonale, a répondu : « Il n’existe pas une économie de marché au monde qui n’ait son autorité de la concurrence. Si vous voulez la jungle, c’est-à-dire des réunions secrètes d’entente sur les prix entre les entreprises, supprimez-la. »

Les autorités calédoniennes ont le souci d’apporter des réponses structurelles, mais aussi des modes d’action lisibles par les consommateurs. C’est pourquoi le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie a créé un Observatoire des prix, un outil d’information grand public et facile d’accès.

Tout cela est d’autant plus nécessaire aujourd’hui que la conjoncture économique est défavorable.

Les cours du nickel, première exportation de la Nouvelle-Calédonie, qui détient 25 % à 30 % des ressources mondiales, se sont effondrés. Des fours sont fermés ou suspendus, des salariés reclassés ou en départ anticipé. Les pertes d’exploitation s’élèveraient à plusieurs centaines de millions de dollars. Cette crise a été à l’origine d’un conflit social, le « conflit des rouleurs », qui a opposé les mineurs et les camionneurs aux institutions locales plusieurs semaines au mois d’août dernier. La question se posait notamment, et elle se pose toujours, de ne plus réserver les exportations du minerai aux clients traditionnels que sont l’Australie, le Japon et la Corée du Sud, mais de vendre à la Chine du minerai à basse teneur. Pour certains, cela soutiendrait l’activité économique, mais, pour d’autres, ce serait contre-productif, la production de fonte brute – pig iron – par la Chine obtenue avec ce minerai de basse teneur et l’importance de ces stocks pouvant contribuer à une baisse des prix.

Ces choix sont du ressort des autorités calédoniennes, mais je sais, madame la ministre, que vous avez toujours été à l’écoute, appelant chaque fois à un accord raisonné et raisonnable de toutes les parties.

Pour que l’entente, obtenue par un dialogue constant entre les uns et les autres, puisse aboutir à une redynamisation de la vie économique, accompagnée d’une réduction des inégalités, les mécanismes créés doivent fonctionner. Or l’Autorité de la concurrence, seule autorité administrative indépendante créée jusqu’à présent en Nouvelle-Calédonie, ne fonctionne toujours pas.

L’actuelle proposition de loi organique doit y remédier.

Le projet de loi organique initial autorisant la création en Nouvelle-Calédonie d’autorités administratives indépendantes ne prévoyait pas d’incompatibilités. Le Sénat a adopté, sur l’initiative de Catherine Tasca, auteur de la proposition de loi organique en débat aujourd’hui, un amendement précisant que la composition et les modalités de désignation des membres de l’autorité devaient être de nature à assurer son indépendance. L’Assemblée nationale est allée plus avant : sur l’initiative du rapporteur d’alors de la commission des lois, elle a très strictement encadré les critères et modalités de nomination, pour préserver les membres de la pression des pouvoirs politiques ou administratifs, qu’ils soient métropolitains ou locaux, ou d’entités économiques privées.

La fonction de membre d’une autorité administrative est devenue incompatible avec l’exercice de tout autre emploi public. Dans la pratique, il ne s’est guère révélé possible de trouver des candidats répondant à ces critères. Il s’agit maintenant d’être un tant soit peu pragmatique.

Notre collègue Catherine Tasca a fait une proposition. Le congrès de la Nouvelle-Calédonie a émis sur ce texte un avis favorable, avec des observations dont il a été tenu compte lors de nos débats en commission des lois.

La personne présidant l’autorité ne pourra exercer aucun autre emploi public en Nouvelle-Calédonie. Les autres membres pourront exercer parallèlement un emploi public, mais uniquement au sein de l’État. Par ailleurs, un délai de carence de trois ans empêchera que soit nommée une personne qui, au cours des trois années précédant sa désignation, aurait exercé les mandats ou fonctions ou détenu des intérêts compris dans le champ des incompatibilités s’appliquant respectivement au président ou aux autres membres d’une autorité administrative indépendante.

C’est, je le crois, un texte raisonnable. C’est en tout cas un texte consensuel. Ce matin, les députés de la commission des lois ont adopté une proposition de loi organique semblable, sur l’initiative du député UDI Philippe Gomes. L’Assemblée nationale devrait se prononcer sur ce texte-là en séance le 26 novembre prochain. Si nous adoptons l’amendement déposé, les deux propositions de loi organique seront similaires. Les deux assemblées pourront donc s’accorder sur un texte conforme dans les prochaines semaines. La mise en route prochaine de l’Autorité de la concurrence en sera grandement facilitée.

Je vous appelle donc, mes chers collègues, à adopter cette proposition de loi organique présentée par notre collègue Catherine Tasca.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Sylvie Goy-Chavent ainsi que MM. Joël Labbé, Michel Savin et Jacques Genest applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Aline Archimbaud

Madame la présidente, madame la ministre, madame la vice-présidente de la commission des lois, madame l’auteur de la proposition de loi organique, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, les difficultés provoquées par la vie chère sont particulièrement présentes en outre-mer, où le niveau des prix est régulièrement montré du doigt pour être nettement plus élevé qu’en métropole, notamment pour les biens de première nécessité. Face à cette situation, à plusieurs reprises ces dernières années et dans plusieurs de ces territoires, les populations se sont mobilisées pour exprimer leur inquiétude.

La Nouvelle-Calédonie n’est pas épargnée. En 2012, l’INSEE évaluait que les prix y étaient 34 % plus élevés qu’en métropole et insistait bien sur le fait que les prix des biens de la vie quotidienne étaient les plus concernés. La différence de prix entre les produits alimentaires était la plus marquée, avec des prix 65 % supérieurs en Nouvelle-Calédonie.

Cette situation s’explique en partie par l’éloignement, les circuits d’approvisionnement longs, le volume des importations. À ce sujet, nous sommes, d’ailleurs, favorables à l’encouragement et au développement des productions locales et des circuits courts. En fait, le nombre restreint d’acteurs économiques bénéficiant d’une situation de quasi-monopole est en grande partie la source de ce problème. La position dominante de certains acteurs facilite le maintien de cartels, peut permettre des arrangements collusifs ; l’absence de concurrence permet à quelques oligopoles de profiter de la situation aux dépens des consommateurs.

Au mois de février 2012, la Nouvelle-Calédonie a sollicité à cet égard l’expertise de l’Autorité de la concurrence en vue de la réalisation de deux études portant sur les mécanismes d’importation et de distribution des produits de grande consommation et sur l’organisation des structures de contrôle en matière de concurrence. Un avis a été remis au mois de septembre 2013, dont les conclusions sont claires : deux groupes disposaient alors de plus de 80 % de parts de marché en surface de vente.

Lorsque l’on rapproche cette conclusion du constat du niveau élevé des prix en Nouvelle-Calédonie, particulièrement des biens de première nécessité, on comprend pourquoi les autorités calédoniennes ont choisi de confier à terme la responsabilité du contrôle de la concurrence à une autorité administrative indépendante. Sa mise en place n’a malheureusement pas pu se faire, car, comme cela a déjà été dit, les conditions à remplir pour s’assurer de l’indépendance des futurs membres de l’autorité administrative de la concurrence – ne pas avoir exercé un emploi public ou un mandat électif ni avoir eu des intérêts, directs ou indirects, dans une entreprise du secteur dont l’autorité assure la régulation – ont soulevé des difficultés pratiques.

La superficie limitée du territoire et l’impossibilité pour les membres de la nouvelle autorité indépendante d’occuper ce poste à temps plein, nécessitant donc d’avoir un emploi annexe qui ferait très possiblement partie de la liste que j’ai mentionnée, sont autant de caractéristiques qui rendent ces conditions compliquées à appliquer.

Des propositions ont été formulées pour remédier à ce problème, soutenues notamment par le gouvernement de Nouvelle-Calédonie. Elles créent en particulier un délai de carence pour permettre aux membres de l’autorité administrative indépendante d’avoir par le passé exercé des fonctions citées dans la liste des restrictions en prévenant les éventuels conflits d’intérêts. Des conditions plus strictes applicables au président de l’autorité sont quant à elles prévues, c’est une bonne chose et c’est tout à fait logique.

Au nom du groupe écologiste, je tiens à remercier notre collègue Catherine Tasca d’avoir porté ces propositions devant le Sénat, d’avoir recherché un consensus entre les différentes sensibilités politiques afin de nous permettre d’avancer et d’avoir réussi à conserver l’indépendance de l’autorité de la concurrence, c’est bien là le plus important.

Il nous semble que les dispositions prises dans cette proposition de loi organique sont satisfaisantes pour tous, sur les travées du Sénat comme sur les bancs de l’Assemblée nationale.

Les membres du groupe écologiste voteront donc ce texte.

Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et républicain et du groupe UDI-UC, ainsi que sur quelques travées du groupe Les Républicains. – M. Guillaume Arnell applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Mme la présidente. La parole est à Mme Jacky Deromedi.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacky Deromedi

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi organique qui nous est aujourd'hui soumise porte sur les institutions calédoniennes. Elle vise à faciliter la création d’une autorité administrative indépendante de la concurrence. En réalité, elle traduit des préoccupations économiques majeures des autorités calédoniennes, des partis politiques calédoniens et de l’opinion calédonienne.

Le constat est le même depuis plusieurs années – de nombreux rapports parlementaires s’en sont fait l’écho –, le secteur économique calédonien connaît des problèmes de concurrence pour la fourniture de biens et de services, dont le corollaire immédiat est le coût élevé des produits de première nécessité. Ce sont sur ces deux domaines qu’ont porté les efforts des acteurs économiques et des partis en présence.

Le premier point que j’aborderai concerne les prix. Les causes de leur niveau élevé sont bien connues : l’insularité, l’éloignement des circuits de distribution, les habitudes de consommation, les frais de transport, et des progrès qui doivent être accomplis en matière de concurrence.

Depuis 2012, le principe est la liberté des prix, assortie de deux exceptions : la liberté surveillée – les prix sont déposés auprès du service compétent du gouvernement calédonien au moins quinze jours avant leur entrée en vigueur – et la liberté contrôlée – les prix déposés sont soumis à l’accord préalable de ce gouvernement.

Deuxième point, qui nous occupe plus particulièrement aujourd’hui, le manque de concurrence a un impact évident sur les prix.

Les autorités calédoniennes ont modernisé l’arsenal juridique qui était à leur disposition. Le congrès de la Nouvelle-Calédonie a adopté à l’unanimité la loi du pays du 14 février 2014 qui institue un contrôle des concentrations. Les autorités calédoniennes ont choisi de confier, à terme, la responsabilité des contrôles à une autorité administrative indépendante.

Cette création est d’ores et déjà possible. Répondant en effet au souhait du Comité des signataires, la loi organique du 15 novembre 2013, votée à l’unanimité, a permis au congrès de la Nouvelle-Calédonie de créer des autorités administratives indépendantes.

La loi organique soumet les membres de ces autorités à un régime d’incompatibilité stricte, afin de renforcer leur indépendance et d’empêcher les conflits d’intérêts. Elle prévoit que « la fonction de membre d’une autorité administrative indépendante est incompatible avec tout mandat électif, tout autre emploi public et toute détention, directe ou indirecte, d’intérêts dans une entreprise du secteur dont ladite autorité assure la régulation ».

La loi du pays du 14 février 2014 a d’ores et déjà créé l’autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie. Elle doit « veiller au libre jeu de la concurrence en Nouvelle-Calédonie ». Elle comprendra un président et trois autres membres nommés pour une durée de cinq ans, parmi lesquels sera désigné un vice-président. Le président exercera ses fonctions à plein temps, les autres membres seront « non permanents ». Toutefois, cette instance n’a toujours pas été installée à ce jour.

Le Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie a fait connaître les difficultés qu’il rencontrait pour recruter des membres au regard des incompatibilités prévues par le législateur organique.

La proposition de loi organique de Mme Tasca et des membres de son groupe a pour but de remédier à ces difficultés.

Saisi par le président du Sénat, en application de l’article 77 de la Constitution, le congrès de la Nouvelle-Calédonie a, le 28 septembre 2015, émis un avis favorable sur ce texte sous réserve d’une demande de complément et de modification.

D’une part, le congrès appelle à reprendre une rédaction plus souple de l’incompatibilité. Il propose de « limiter l’interdiction aux emplois publics exercés en Nouvelle-Calédonie, sous l’autorité des instances calédoniennes », envisageant que « des fonctionnaires d’État – magistrats financiers ou professeurs d’économie, par exemple – pourraient ainsi venir utilement en Nouvelle-Calédonie pour y effectuer des vacations et permettre ainsi à cette autorité de s’installer ».

D’autre part, le congrès s’interroge « sur la possibilité d’introduire un délai de carence d’au moins trois années s’agissant d’agents ayant exercé en Nouvelle-Calédonie pour le compte de l’État ou d’agents ayant exercé en Nouvelle-Calédonie et ayant atteint l’âge de la retraite », appelant à retenir un « délai significatif ».

Le texte adopté par la commission des lois est une solution de compromis par rapport à la rédaction initiale de la proposition de loi organique et à l’avis exprimé par le congrès de la Nouvelle-Calédonie.

Les incompatibilités seraient différentes selon la nature des fonctions exercées au sein de la nouvelle autorité. Son président serait assujetti à une incompatibilité avec tout emploi public exercé en Nouvelle-Calédonie, les autres membres à une incompatibilité avec tout emploi public exercé dans les institutions locales.

Un délai de carence de trois ans est prévu empêchant la désignation de ces membres s’ils ont exercé les fonctions couvertes par les incompatibilités professionnelles trois ans auparavant.

Notre groupe votera la proposition de loi organique telle qu’amendée par la commission des lois. Il y voit une nouvelle occasion de montrer son attachement à la Nouvelle-Calédonie et à sa prospérité économique et sociale.

Nous souhaitons, bien sûr, qu’une approche consensuelle puisse être trouvée entre les deux assemblées, comme il est d’usage depuis de nombreuses années pour les textes relatifs à la Nouvelle-Calédonie.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Sylvie Goy-Chavent ainsi que MM. Yves Détraigne et Jean-Pierre Sueur applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

L’article 27-1 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie est ainsi modifié :

1° Le deuxième alinéa est ainsi modifié :

a) À la deuxième phrase, les mots : «, tout autre emploi public » sont supprimés ;

b) La dernière phrase est supprimée ;

2° Après le même deuxième alinéa, sont insérés cinq alinéas ainsi rédigés :

« Est également incompatible l’exercice :

« 1° Pour le président d’une autorité administrative indépendante, de tout autre emploi public exercé en Nouvelle-Calédonie ;

« 2° Pour les autres membres d’une autorité administrative indépendante, de tout autre emploi public placé sous l’autorité ou la tutelle des institutions, des provinces et des communes de la Nouvelle-Calédonie.

« Nul ne peut être désigné président ou membre d’une autorité administrative indépendante si, au cours des trois années précédant sa désignation, il a exercé un mandat électif ou un emploi public ou détenu des intérêts considérés comme incompatibles avec ces fonctions en application des troisième à cinquième alinéas du présent article.

« Il ne peut être mis fin au mandat d’un membre d’une autorité administrative indépendante qu’en cas d’empêchement ou de manquement à ses obligations, constaté par une décision unanime des autres membres de l’autorité. »

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

L’amendement n° 1, présenté par M. Darnaud, au nom de la commission, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 8

Après les mots :

emploi public

rédiger ainsi la fin de l’alinéa :

de la Nouvelle-Calédonie, des provinces et des communes de la Nouvelle-Calédonie ainsi que de leurs établissements publics.

II. – Alinéa 9

1° Supprimer les mots :

président ou

2° Après les mots :

mandat électif

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

ou détenu des intérêts considérés comme incompatibles avec cette fonction en application du deuxième alinéa du présent article. Il en est de même pour la désignation :

« a) Du président si, au cours de la même période, il a exercé un emploi public considéré comme incompatible avec cette fonction en application du 1° du présent article ;

« b) Des autres membres si, au cours de la même période, ils ont exercé un emploi public considéré comme incompatible avec cette fonction en application du 2° du présent article.

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Mathieu Darnaud

Comme je l’ai évoqué lors mon intervention en discussion générale, la commission propose de préciser, d’une part, la rédaction concernant les emplois publics locaux qui entrent dans le périmètre de l’incompatibilité professionnelle des membres et, d’autre part, le champ d’application du délai de carence de trois ans exigé avant la désignation des membres de cette autorité administrative indépendante.

Comme pour les incompatibilités, le périmètre n’est pas le même pour le président et les autres membres ; par cohérence, il reprend celui qui est applicable, respectivement, au président et aux autres membres, pendant leur mandat.

Le délai de trois ans, suggéré par le congrès de la Nouvelle-Calédonie, n’est pas modifié. Il n’est pas inconnu puisqu’il correspond, par exemple, à la durée que l’article 432–13 du code pénal prévoit pour écarter, après la cessation des fonctions, la prise illégale d’intérêts.

Debut de section - Permalien
George Pau-Langevin, ministre

Le Gouvernement est favorable à cet amendement puisqu’il permet de préciser utilement le texte de la proposition de loi organique, tant pour ce qui concerne son application aux emplois publics de Nouvelle-Calédonie, à l’exclusion des fonctionnaires de l’État, que pour l’application du délai de carence. Ainsi, c’est une bonne manière d’améliorer le texte.

Par ailleurs, j’ai oublié d’indiquer à M. le sénateur Guillaume Arnell que l’organisation des relations entre l’autorité nationale et l’autorité locale chargées de la concurrence est telle que l’appel des décisions de l’autorité locale n’a pas lieu devant l’autorité nationale mais devant la cour d’appel de Paris. L’autorité locale bénéficie donc de l’expertise de l’autorité nationale sans qu’il y ait de rapport hiérarchique.

M. Guillaume Arnell marque sa satisfaction.

L’amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’article unique constituant l’ensemble de la proposition de loi organique relative au statut des autorités administratives indépendantes créées par la Nouvelle-Calédonie.

En application de l’article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.

Il va y être procédé dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 60 :

Nombre de votants342Nombre de suffrages exprimés341Pour l’adoption341Le Sénat a adopté.

Applaudissements sur l’ensemble des travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Je constate que cette proposition de loi organique a été adoptée à l’unanimité.

La parole est à Mme Catherine Tasca.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Je tiens à remercier la commission des lois et M. le rapporteur mais aussi l’ensemble des collègues qui ont participé à ce débat et qui ont accompagné l’évolution de ce texte depuis le début.

Pour ma part, je me réjouis que, une fois de plus, le Sénat ait su construire un consensus sur un sujet qui lui tient particulièrement à cœur. Je suis sûre que, pour les Néo-Calédoniens, c’est le signe d’une attention profonde et d’une compréhension réelle de leurs problèmes.

M. Jean-Pierre Sueur opine.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Merci donc à vous tous, mes chers collègues, ainsi qu’à vous-même, madame la ministre !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC. – MM. Joël Labbé et Guillaume Arnell applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante-cinq, est reprise à vingt-et-une heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Jean-Pierre Caffet.