Intervention de François Zocchetto

Réunion du 18 novembre 2015 à 14h30
Débat sur le rôle du bicamérisme

Photo de François ZocchettoFrançois Zocchetto :

Lors de la fondation de la Ve République, nos concitoyens étaient las d’une instabilité gouvernementale chronique. Les Français voulaient retrouver un minimum de prise sur leur destin. Ils souhaitaient être entendus. Ces aspirations demeurent.

Nos concitoyens, en effet, demandent d’abord la lisibilité et l’efficacité de l’action publique. À cet égard, il nous faut oser bousculer un totem. Il ne peut pas y avoir deux commandants légitimes sur la passerelle du même bateau : le Président et le Premier ministre.

Cette construction provient chez nous de la rencontre, en 1962, entre des circonstances dramatiques et un homme exceptionnel. Nous vivons depuis lors sans jamais avoir réussi à dépasser cette incongruité. Elle demeure, car elle flatte notre égo : nous élisons notre monarque. Elle alimente surtout notre croyance, indue, selon moi, en l’homme providentiel, laquelle épuise notre énergie, assèche le débat des idées et nous infantilise.

Il nous faut retrouver l’équilibre qui prévalait dans la constitution originelle de la Ve République. Celle-ci comptait deux fonctions centrales, mais aux prérogatives différenciées : un chef de gouvernement, qui dirige, et un arbitre, au-dessus des partis, garant de nos intérêts supérieurs.

À mes yeux, cet arbitre doit être un sage. Sa légitimité tient à son expérience et à son impartialité. Son élection au second degré se trouverait ainsi fondée et le ferait échapper aux clivages partisans réducteurs.

Évidemment, l’abandon de l’élection du Président au suffrage universel serait présenté par certains comme un séisme. Toutefois, n’oublions pas que la Constitution de la Ve République avait été adoptée par 82 % des Français.

Le pendant de ce retour aux sources consiste en une revalorisation du Parlement et, en premier lieu, de l’élection législative. Il s’agit non plus d’élire des députés qui soutiendront l’action du Président de la République, mais de désigner un chef de gouvernement qui aura la pleine légitimité du suffrage universel.

Pour cela, il nous faut concilier la double aspiration de chaque citoyen : garder la main sur un député de proximité qui le représente personnellement – c’est l’objet du scrutin uninominal –, mais aussi choisir l’homme ou la femme qui conduira la politique gouvernementale – c’est la fonction d’un scrutin proportionnel, où chaque parti est conduit par son champion, futur Premier ministre. Combiner les deux est possible. Les Allemands nous le démontrent, puisque, le même jour, chaque électeur coche deux cases.

La prééminence redonnée au Premier ministre, donc au Parlement, doit être associée au maintien d’un parlementarisme rationalisé, afin de ne point retomber, bien évidemment, dans les errements antérieurs. Toutefois, un parlementarisme rationalisé ne signifie pas un Parlement rabougri.

Le temps long de l’élaboration de la loi est critiqué. Je ne suis guère convaincu par l’argument et encore moins par l’idée selon laquelle le monocaméralisme serait la réponse. Les quelques semaines gagnées pèsent peu, cela a été dit, au regard des risques que sont l’emballement de l’Assemblée unique sans possibilité de retour en arrière et l’appauvrissement du débat par la disparition de la seule chambre indépendante de l’exécutif.

Les solutions sont ailleurs, nous le savons bien : moins de textes mal préparés, moins de textes trop bavards. Les textes doivent au contraire décliner des obligations de résultat et non un empilement de normes ; ils doivent faire jouer le principe de subsidiarité.

C’est ici que le Sénat a un rôle fondamental à jouer, car il est le garant de la pluralité de la représentation, de la qualité de la loi et de la défense des libertés.

Observons que le Sénat de la Ve République a su trouver sa place. Il ne s’est pas contenté de demeurer un outil du parlementarisme rationalisé. Il a pris son autonomie par rapport à l’approche gaullienne de la présidence et s’est imposé – c’est bien cela aussi qui gêne – comme le défenseur des libertés.

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