Intervention de Yvon Collin

Réunion du 18 novembre 2015 à 21h45
Devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre — Suite de la discussion et rejet d'une proposition de loi

Photo de Yvon CollinYvon Collin :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, face aux nouvelles formes d’esclavage et aux risques de dommages corporels ou environnementaux graves qu’entraînent certaines activités économiques dans le monde globalisé, nous ne pouvons pas rester indifférents.

Les principes directeurs des Nations unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme, mais aussi les principes directeurs de l’Organisation de coopération et de développement économique, l’OCDE, énoncés dès 1976, et la Déclaration de principes tripartite de l’Organisation internationale du travail sur les entreprises multinationales et la politique sociale, rédigée en 1977, définissent un ensemble de normes applicables aux entreprises en matière de bonnes pratiques et de respect des droits de l’homme. Les législations nationales peuvent et doivent s’appuyer sur cet ensemble.

La Commission européenne encourage les États membres de l’Union européenne à transposer ces différents principes dans leur droit national.

En France, la « jurisprudence Erika » reconnaît la compétence des juridictions françaises à juger des faits survenus en dehors du territoire français et sanctionne la négligence de la société mère pour les agissements de ses filiales.

Des catastrophes comme l’effondrement du Rana Plaza au Bangladesh, au mois d’avril 2013, ou des pratiques moins visibles, mais tout aussi condamnables, à l’instar du travail des enfants, de la pollution de l’environnement et, plus largement, de tout ce qui bafoue les droits élémentaires des travailleurs nous incitent à prendre des mesures.

Le texte que nous examinons ce soir avait d’ailleurs été précédé par une première proposition de loi du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste de l’Assemblée nationale.

Concrètement, il s’agit d’obliger les entreprises de plus de 5 000 salariés en France et de plus de 10 000 salariés dans le monde à établir, à publier et à mettre en œuvre un « plan de vigilance » comportant des mesures propres à identifier et à prévenir les dommages corporels ou environnementaux graves, les risques sanitaires et même d’éventuelles atteintes aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales susceptibles de résulter des activités des sociétés que les multinationales contrôlent, mais aussi des sous-traitants ou des fournisseurs avec lesquels elles entretiennent une « relation commerciale établie ». Le plan de vigilance doit également permettre de lutter contre la corruption.

Ce plan est la clé de voûte du dispositif. Il serait intéressant d’en connaître d’ores et déjà plus précisément les contours. Au fond, il s’agit pour les entreprises de mettre en place un cahier des charges, afin d’abolir les pressions parfois inhumaines que subissent les salariés, dans les pays en développement, mais aussi, souvent, malheureusement, en France.

Au-delà de la prévention des risques, ce texte a aussi pour objet d’offrir des possibilités de réparations pour les victimes. C’est précisément l’enjeu crucial qu’a révélé l’affaire du Rana Plaza. Pour ce faire, la possibilité d’engager des actions en responsabilité à l’encontre des sociétés concernées est ouverte.

Le débat sur la responsabilité sociale et environnementale, la RSE, est d’ores et déjà bien engagé au sein des grands groupes. L’enjeu est économique autant que moral. Nous savons combien la préservation d’une image de marque et d’une bonne réputation entre en ligne de compte dans les plans stratégiques des entreprises.

Ce que cette proposition de loi cherche à encadrer, c’est l’acte de contractualisation. C’est dans ce domaine précis que les entreprises doivent mettre en œuvre leur devoir de vigilance.

J’en appelle à la responsabilité du consommateur. C’est lui qui a in fine le pouvoir de trancher, ou non, en fonction des pratiques plus ou moins vertueuses des entreprises.

Le groupe RDSE comprend bien les préoccupations des auteurs du texte et reste viscéralement attaché aux principes d’égalité et de responsabilité. Aussi, ses membres se partageront, pour l’essentiel, entre un vote pour et un vote d’abstention.

Personnellement, j’apporterai un soutien total à cette proposition de loi !

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