Intervention de Évelyne Didier

Réunion du 18 novembre 2015 à 21h45
Devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre — Article 2, amendement 10

Photo de Évelyne DidierÉvelyne Didier :

Là encore, nous regrettons de ne pas avoir la possibilité de travailler et d’améliorer ce texte.

Comme cela a été souligné lors des débats à l’Assemblée nationale, la référence aux articles 1382 et 1383 du code civil risque d’être contreproductive. Nous proposions donc de la supprimer. La responsabilité de l’entreprise mère pourrait être recherchée sur le fondement du droit commun de la responsabilité civile. Cela permettrait de faire face à l’ensemble des situations.

En effet, l’esprit de la proposition de loi est aussi d’aller vers la mise en place progressive d’une responsabilité du fait d’autrui. Il est dès lors contradictoire de vouloir l’exclure de manière explicite.

Ce texte n’est qu’un premier pas, mais un pas très intéressant, vers la mise en place d’une véritable responsabilité des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre pour le manque de vigilance ou les fautes commises par leurs sous-traitants.

Nous savons – ce sont des mécanismes courants du droit des obligations – que ces dernières pourront toujours se retourner contre leurs sous-traitants. Il n’y a là rien de particulièrement scandaleux. C’est l’application simple de la théorie du risque-profit, qui complète la théorie du risque.

Cette théorie du risque, qui a été introduite une première fois en 1898 – cela ne date pas d’hier ! – avec la loi sur la sécurité du travail, prévoit qu’est responsable celui qui a commis une faute, mais également celui qui a créé un risque.

La théorie du risque-profit énonce simplement que celui qui tire profit d’une activité doit également assumer les responsabilités correspondantes, faute de quoi la situation serait évidemment inadmissible.

Il n’y a rien de scandaleux à faciliter les recours des victimes. Trop souvent, ces dernières n’ont pas les mêmes ressources que les entreprises donneuses d’ordre.

L’amendement n° 10 visait à assurer l’application du droit français en cas de conflit de lois et à répondre aux critiques sur le caractère inopérant du texte. La reconnaissance de la compétence des juridictions françaises doit s’accompagner explicitement de la reconnaissance de l’application du droit français en cas de mise en jeu de la responsabilité des sociétés ayant leur siège social en France.

Le règlement européen Rome II prévoit des exceptions en ce sens. Son article 7 donne à la victime d’une atteinte à l’environnement une option entre la loi du lieu du fait générateur et la loi du lieu où le dommage survient. Dans ce cas, le fait générateur du dommage est bien l’inexécution d’une obligation de vigilance. Il est localisé au siège de la société mère ou du donneur d’ordre. Notre amendement aurait permis simplement de montrer le caractère de « loi de police » de cette proposition.

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