Je vous remercie pour l'ensemble de vos remarques. D'une façon générale, la situation maritime de la France m'inquiète et je la regarde d'un oeil marri. Je suis pourtant d'un naturel optimiste, mais je vous rappelle que nous possédons la deuxième zone maritime derrière les États-Unis et que nous importons malgré tout 85 % de nos besoins en poissons et crustacés. Cela soulève quand même quelques interrogations légitimes !
En ce qui concerne les grands ports maritimes, j'avais essayé d'introduire des dispositions pour améliorer leur situation lorsque j'étais rapporteur de la réforme en 2008. Il n'est pas normal que nous soyons les mieux positionnés en Europe, et que le premier port de France soit Anvers, qui traite autant de conteneurs à lui seul que l'ensemble de nos grands ports maritimes réunis. C'est un constat, ce n'est pas du pessimisme, mais la triste réalité. Et mon discours ne varie pas au gré des majorités politiques L'avenir du monde se joue en mer, où ont lieu 90 % des échanges mondiaux.
En Europe, les ports sont largement gérés au niveau régional. Il n'y a qu'en Espagne ou en France que l'on trouve des ports « d'État ». Et encore, l'Espagne a déconcentré la majeure partie des responsabilités, de sorte que l'État ne joue qu'un rôle d'arbitre en cas de différend entre deux ports. En France, l'autonomie de nos grands ports est une fiction juridique : dans les faits, toutes les grandes décisions relèvent encore de l'administration, qui d'ailleurs n'assume pas du tout ses responsabilités. Il y a un vrai problème de gouvernance.
En ce qui concerne le budget consacré aux transports maritimes, il est vrai que la baisse observée en 2016 reste relativement contenue, mais c'est le niveau général des crédits, beaucoup trop faible, que je critique depuis de nombreuses années ! Et ce n'est pas le million supplémentaire décidé pour l'entretien des phares et balises qui change réellement la donne.
Nous ne nous donnons pas les moyens de tirer profit de nos atouts et de nos outils. Il fallait effectivement créer HAROPA pour renforcer la coordination, mais cela n'a pas changé grand-chose en termes d'activité : on ne fait qu'additionner les trafics des trois ports ! De même, je ne suis pas contre le canal Seine-Nord, au contraire. Mais nous n'anticipons pas assez les incidences sur Le Havre et Rouen : nous devons attirer dès maintenant les entreprises sur ces places portuaires, et pour cela, régler les problèmes d'acheminement des produits en amont et en aval. Le grand port maritime du Havre est magnifique, et il est vrai que les plus gros navires du monde y font escale, mais davantage pour des inaugurations que pour décharger des produits ! Je me bats depuis longtemps pour que l'on réalise une liaison fluviale directe à travers une chatière pour le port du Havre, afin de permettre un accès 365 jours par an et 24h/24. Aujourd'hui, l'administration retarde volontairement ce projet car il risque de freiner le développement du terminal multimodal, que les entreprises hésitent à emprunter pour des raisons de coût.
En ce qui concerne l'enseignement maritime, il est vrai que l'ENSM forme aujourd'hui davantage d'ingénieurs à terre que de marins. Je plaide en partie coupable car j'avais défendu cette réorientation vers l'ingénierie afin d'attirer davantage d'étudiants.
Il faut également admettre que le matériel de nos ports est parfois vieillissant, surtout lorsque l'on regarde le degré d'automatisation des ports du range nord européen, par exemple celui de Hambourg. Le Havre et Rouen ne sont pas automatisés ! Nous devons faire beaucoup d'efforts pour améliorer la qualité du service proposé.
L'autoroute de la mer entre Nantes-Saint-Nazaire et Gijón a effectivement du mal à être pérennisée, car l'équilibre économique est difficile à atteindre. Des discussions sont en cours mais je n'ai pas davantage d'informations. Quant au port de Calais, il est vrai qu'il est dans une situation particulière, tout comme celui de Dunkerque.