La réunion est ouverte à 9h45.
Mes chers collègues, le président Hervé Maurey va nous rejoindre d'ici quelques minutes. Nous avons ce matin trois points à l'ordre du jour : l'examen du rapport pour avis de Nicole Bonnefoy sur les crédits « Transports aériens » du projet de loi de finances pour 2016 ; l'examen du rapport pour avis de Charles Revet sur les crédits « Transports maritimes » du projet de loi de finances pour 2016 ; enfin, le vote reporté sur trois rapports pour avis, à savoir l'avis « Transports ferroviaires et fluviaux » présenté par Louis Nègre, l'avis « Transports routiers » présenté par Jean-Yves Roux, et l'avis « Biodiversité - Transition énergétique » présenté par Jérôme Bignon.
En ce qui concerne le premier point, c'est la première fois que notre collègue Nicole Bonnefoy nous présente le budget « Transports aériens ». Elle succède à François Aubey qui avait fait ce travail l'année dernière. C'est un rapport aux multiples facettes puisqu'au-delà même des crédits budgétaires consacrés aux transports aériens, il permet chaque année de faire un point complet sur la situation du secteur et de ses principaux acteurs - constructeur, transporteur, gestionnaire d'infrastructures.
Notre commission y a consacré plusieurs de ses travaux cette année, notamment deux déplacements : un le 27 mai à ADP sur le site de Roissy-Charles de Gaulle et un le 18 juin au Salon du Bourget. L'actualité très récente nous a également conduits à entendre le président d'Air France-KLM, Alexandre de Juniac, il y a une dizaine de jours. Je cède donc la parole sans plus tarder à Nicole Bonnefoy pour la présentation de son rapport.
Monsieur le Président, mes chers collègues, il me revient de vous présenter les crédits relatifs aux transports aériens pour l'année 2016, en ayant une pensée particulière pour François Aubey, qui s'était brillamment acquitté de cette tâche l'année dernière. Je vous remercie de m'avoir donné cette occasion d'examiner à mon tour un domaine stratégique pour notre pays.
Rares sont les secteurs qui connaissent d'aussi solides perspectives de croissance au niveau mondial que l'aérien. Le trafic est tiré par les besoins de mobilité d'une classe moyenne émergente dans de nombreux pays. On estime généralement qu'il croît deux fois plus vite que le PIB. En 2014, ce trafic dépasse 6 000 milliards de passagers kilomètres transportés (PKT) au niveau mondial, contre 3 000 milliards en 2000, soit un doublement en quinze ans et un taux de croissance annuel moyen supérieur à 5 %. Sauf crise économique majeure, les projections restent favorables et la France possède des atouts incomparables pour capter cette croissance, grâce à son « triple A » : un grand constructeur d'avions, une grande compagnie nationale et le plus grand groupe aéroportuaire du monde.
Mais nous savons aussi que le pavillon français souffre, notamment de la concurrence déloyale des compagnies du Golfe persique. Les tensions chez Air France sont d'ailleurs très révélatrices des difficultés rencontrées. Nous savons aussi que les hubs européens voient leur position menacée par les plateformes du Moyen-Orient et de Turquie, qui jouissent d'une position stratégique. Les trois grands hubs du Golfe réalisent un volume de correspondances intercontinentales trois fois supérieur à celui des quatre grands hubs européens, alors qu'ils étaient équivalents en 2005. Nous savons enfin que notre industrie aéronautique continue d'enregistrer des succès, mais la pression concurrentielle est de plus en plus forte pour Airbus : les pays émergents sont sur le point de faire leur entrée par le bas de la gamme, tandis que les Américains soutiennent massivement leur constructeur Boeing.
Derrière les enjeux économiques, on mesure donc toute l'importance des ambitions étatiques et des rapports de force géopolitiques dans un secteur qui n'entre pas dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). C'est désormais au niveau européen qu'il faut une réaction forte : face à l'agressivité de nos concurrents, il n'est plus possible de se contenter d'une politique limitée au seul contrôle aérien dans le cadre du Ciel Unique. L'Europe doit parler d'une seule voix pour soutenir la compétitivité de nos compagnies, renforcer l'attractivité de nos hubs et défendre notre industrie aéronautique.
Ce n'est donc pas un hasard si, dans son programme de travail pour 2015, intitulé « Un nouvel élan », la Commission Juncker s'est fixé pour objectif de dynamiser la compétitivité du secteur de l'aviation. Elle prévoit d'ailleurs de présenter un nouveau train de mesures lors du Conseil Transports du 10 décembre. Les autorités néerlandaises ont d'ores et déjà clairement exprimé que l'examen de ce « paquet aviation » serait la priorité de leur présidence au premier semestre 2016.
Pour l'heure, il n'est pas certain que le « paquet aviation » intègre une proposition visant à modifier ou à remplacer le règlement de 2004 sur la protection contre les subventions et les pratiques tarifaires déloyales, afin d'élaborer un instrument plus efficace. C'est pourtant la position qu'ont défendue conjointement Alain Vidalies et son homologue allemand, le ministre Alexander Dobrindt, dans un courrier adressé à la Commissaire européenne chargée des transports, Violeta Bulc, en février 2015, puis devant leurs homologues européens lors du Conseil Transports du 13 mars 2015.
Il serait en effet plus que souhaitable que l'Europe se dote d'un outil réellement efficace et dissuasif, à l'image de l'instrument dont disposent les États-Unis avec le US International Air Transportation Competition Act. A fortiori, les trois rencontres qui ont eu lieu en novembre 2013, octobre 2014 et mai 2015 entre la Commission et les États du Golfe, sans la moindre avancée, laissent planer le doute sur la volonté réelle de ces États d'aller vers un fonctionnement plus transparent de leur secteur aérien. Je ne m'étends pas davantage car la commission des Affaires européennes examine demain un rapport sur ce sujet présenté par nos collègues Jean Bizet, Eric Bocquet, Claude Kern et Simon Sutour. Je ne puis que vous inviter à suivre attentivement ce dossier important dans les mois à venir.
Ces éléments de contexte étant posés, j'en viens à présent à l'analyse des crédits consacrés aux transports aériens dans notre budget pour 2016. Ces crédits figurent, d'une part, au budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » (BACEA) géré par la Direction générale de l'aviation civile (DGAC), d'autre part, au programme 203, dans les actions 11 et 14 relatives aux infrastructures de transport et au soutien des lignes pour l'aménagement du territoire.
En ce qui concerne le volet DGAC, ce PLF 2016 apporte de bonnes nouvelles. Par rapport à 2015, le dynamisme du trafic aérien permet une hausse globale de 1,1 % des recettes d'exploitation. Parallèlement, les économies de fonctionnement se poursuivent, conduisant à des dépenses d'exploitation en baisse de 1,7 %. Fait remarquable, les dépenses de personnel diminuent pour la première fois, dans le cadre d'un programme de réduction des effectifs de 100 ETP par an. Au total, le résultat d'exploitation est en forte hausse (+34 %) et atteint 199,7 millions d'euros (M€) contre 148,9 M€ en 2015.
L'autre point important du budget annexe 2016 est qu'il confirme la trajectoire de désendettement amorcée depuis 2015, avec une diminution de 107 M€ de l'encours de dette, soit -8,7 %, pour atteindre 1 117,2 M€. On retrouve ainsi un niveau proche de 2009. Pour rappel, le stock de dette avait augmenté de 75 % depuis 2005, pour atteindre 1,28 milliard d'euros (Md€) en 2014. La DGAC avait volontairement joué un rôle d'amortisseur au plus fort de la crise de 2009, en refusant d'augmenter le montant de ses redevances pour compenser la baisse du trafic, afin de ne pas pénaliser davantage nos compagnies aériennes. Il est donc positif que cette gestion conjoncturelle de la dette fonctionne. Il reste maintenant à profiter du haut de cycle pour reconstituer davantage de marges de manoeuvre et éventuellement apurer le stock de dette consécutif à la privatisation d'Aéroports de Paris en 2005-2006.
J'en viens à présent au second volet, qui concerne le programme 203 relatif aux infrastructures et services de transports. Le montant des crédits est beaucoup plus faible puisqu'il s'établit à 17 M€ en autorisations d'engagement et 13 M€ en crédits de paiement. Par rapport à 2015, leur forte hausse s'explique essentiellement par le début des travaux de rénovation de la piste de l'aérodrome de Saint-Pierre Pointe-Blanche. Par ailleurs, une dépense de 4,5 M€ a également été provisionnée, pour prendre acte du rejet des recours intentés et de la reprise des travaux à Notre-Dame-des-Landes, annoncée le 30 octobre dernier.
Enfin, les crédits consacrés aux lignes d'aménagement du territoire (LAT), après avoir atteint un point bas en 2015, sont en hausse de 8% en 2015. Cela traduit un soutien ponctuel de l'État à la ligne Rodez-Paris, à hauteur d'un million d'euros, alors que dans l'ensemble les crédits continuent de diminuer. L'objectif reste bien de concentrer le soutien aux liaisons aériennes en métropole sur les destinations les plus enclavées : Aurillac-Paris, Le Puy-Paris, Brive-Paris et Rodez-Paris.
J'en ai terminé avec la partie budgétaire à proprement parler, et je vous propose à présent de tracer quelques perspectives d'ordre général sur le secteur aérien.
Je ne reviens pas sur la situation d'Air France, que le PDG Alexandre de Juniac nous a longuement présentée il y a deux semaines. J'espère que l'on pourra sortir par le haut de ce dialogue difficile autour de la compétitivité interne, en évitant la mise en oeuvre du « plan B » pour 2017. L'attrition des personnels et des destinations desservies serait en effet une bien mauvaise nouvelle, dans un domaine où la connectivité constitue le facteur-clé de succès d'une compagnie de hub. Le groupe dispose du deuxième réseau intercontinental au monde, il faut s'efforcer de préserver cet actif inestimable.
Plus globalement, nous savons que la part de marché du pavillon français recule chaque année et n'est plus que de 43,7 % en 2015 contre 48,7 % en 2009 pour le nombre de passagers. D'ailleurs en 2014, le nombre de passagers transportés par le pavillon français connaît sa première baisse depuis 2010 pour atteindre 63,1 millions, soit à peine 2 % de plus qu'en 2008.
Le rapport de Bruno Le Roux, remis au Premier Ministre le 3 novembre 2014, avait dressé plusieurs pistes pour soutenir la compétitivité externe de notre pavillon, en particulier en ce qui concerne l'optimisation du coin fiscalo-social. Pour l'heure, seule l'exonération de la taxe d'aviation civile (TAC) pour les passagers en correspondance a été mise en oeuvre, laissant en suspens deux autres sujets majeurs pour la compétitivité de notre pavillon.
Le premier consiste à faire évoluer l'assiette de la taxe de solidarité dite « taxe Chirac », prélevée sur les billets d'avion pour financer l'aide aux pays pauvres. La France est le seul pays d'Europe à l'avoir adoptée et apporte plus de 90% du financement d'Unitaid, soit 200 millions d'euros par an, dont 70 millions pour la seule compagnie Air France. Le rapport Le Roux a proposé d'asseoir cette taxe sur une toute autre assiette, celle de la grande distribution. L'idée a bien été retenue l'année dernière, puisque l'on a majoré la taxe sur les surfaces commerciales, mais uniquement pour compenser l'effet d'aubaine du CICE, et non pour élargir l'assiette de la taxe Chirac.
Le second sujet consiste à maîtriser le poids de la taxe d'aéroport, due par toute entreprise de transport aérien, pour financer les missions de sécurité. Dans de nombreux pays, les autorités publiques contribuent au financement de ces missions. La sûreté du transport aérien ne concerne pas que les passagers mais l'ensemble des citoyens, comme l'ont malheureusement illustré les attentats du 11 septembre 2001. Alors que de nombreux investissements sont à prévoir, à la fois en raison du contexte actuel et des réglementations européennes, le rapport recommande que l'État contribue à leur financement. Cette piste se heurte cependant à la contrainte budgétaire.
En tout état de cause, si ces propositions méritent d'être examinées, il convient de garder à l'esprit que le soutien de la puissance publique constitue bien un accompagnement, et non un préalable ou un substitut aux efforts de compétitivité interne des compagnies aériennes.
En attendant, il est de notre responsabilité de continuer à freiner l'octroi de nouveaux droits de trafic aux pays du Golfe, afin de limiter l'impact du dumping dont elles bénéficient. Dans leur étude « Fair Skies » de mars 2015, les trois plus grandes compagnies américaines (American Airlines, Delta Airlines et United Airlines) viennent d'ailleurs de chiffrer à 42 milliards de dollars le montant des aides dont Emirates, Etihad Airways et Qatar Airways auraient bénéficié en dix ans. Elles ont également demandé au gouvernement américain de revoir les accords de ciel ouvert conclus par les États-Unis avec les États du Golfe. La France et l'Allemagne sont parmi les rares pays de l'Union européenne à disposer encore d'une réserve de droits de trafic intéressants pour les pays du Golfe, nous devons donc impérativement conserver ce levier de négociation. La crédibilité de cette stratégie est confortée par le récent engagement du sultanat d'Oman auprès de la France : une clause de concurrence loyale entre transporteurs aériens a pu être intégrée dans l'accord entre nos deux pays.
Un mot à présent sur les aéroports. Je commence par Aéroports de Paris (ADP) qui continue à afficher d'excellents résultats et une situation financière solide. Je ne rentre pas dans le détail des chiffres, mais un indicateur est particulièrement révélateur : entre janvier 2014 et novembre 2015, le cours d'ADP est passé de 80 à 115 euros environ, soit une hausse de 40 % alors que le CAC40 n'a progressé que de 16% sur la même période. Sa capitalisation boursière avoisine désormais les 11,5 milliards d'euros (Mds€), alors qu'elle était de 5,8 Mds€ en novembre 2012. Le climat social est relativement bon, en dépit de l'annonce d'un gel des rémunérations pour la première fois en 2015, afin que la situation du personnel ne soit pas totalement décorrélée de celle d'Air France, pour deux populations qui cohabitent quotidiennement.
La principale actualité pour ADP est le renouvellement de son contrat de régulation économique, le CRE3, pour la période 2016-2020. Il existe un débat avec les compagnies aériennes sur le montant des plafonds retenus pour l'évolution des redevances aéroportuaires. Le Gouvernement a fixé cette évolution au milieu du gué, sur la base d'une évaluation du coût du capital à 5,4 %, alors que la Commission consultative aéroportuaire (Cocoaéro) l'a estimé à moins de 5%. Les compagnies ont porté plainte auprès de la Commission européenne, pour non-respect du principe d'indépendance de l'autorité chargée de cette évaluation. Au-delà de ces considérations juridiques, je pense que l'équilibre retenu est au final satisfaisant pour les compagnies, Alexandre de Juniac l'a d'ailleurs reconnu à demi-mots la semaine dernière. En effet, le CRE3 et le plan Connect 2020 d'ADP prévoient un programme d'investissement sans précédent, à hauteur de 3 milliards d'euros sur le périmètre régulé et de 4,6 milliards d'euros pour l'ensemble d'ADP.
Investir dans le hub parisien est en effet devenu une nécessité, tant la concurrence est féroce avec les autres plateformes. Je pense bien sûr à Amsterdam, Londres et Francfort, mais surtout aux hubs du Golfe persique et à Istanbul, car ils sont idéalement positionnés. À ce sujet, le Gouvernement turc a confirmé que le nouvel aéroport d'Istanbul sera opérationnel au premier trimestre 2018, grâce à deux pistes d'atterrissage et un terminal. Les travaux se poursuivront progressivement afin de porter sa capacité à terme à 150 millions de passagers annuels, alors que Turkish Airlines poursuit son expansion.
Je reviens rapidement sur les privatisations des aéroports régionaux. En ce qui concerne Toulouse-Blagnac, la cession de 49,99 % de la société gestionnaire a été effectuée au profit du consortium chinois Symbiose en avril 2015, pour un montant de 308 millions d'euros. L'opération transite par une société de droit français CASIL Europe, dont le président Mike Poon a mystérieusement disparu au mois de juin 2015, sur fond d'accusations de corruption. Une lettre de démission a été reçue au mois de septembre par Anne-Marie Idrac, présidente du Conseil de surveillance. Globalement, l'objectif affiché par les nouveaux investisseurs est de faire de Toulouse-Blagnac un hub destiné aux compagnies chinoises pour acheminer les touristes vers le sud de la France et le sud de l'Europe. Leur ambition est de tripler le trafic passagers de 7,5 millions aujourd'hui à 18 millions à l'horizon 2046.
Après cette opération, l'État travaille désormais à la privatisation des aéroports de Nice (11,6 millions de passagers en 2014) et Lyon (8,4 millions de passagers), respectivement troisième et quatrième aéroports français (derrière Roissy - Charles de Gaulle et Orly). Les valorisations pourraient atteindre respectivement 1,5 milliard et 900 millions d'euros. Comme à Toulouse, l'État conserverait la propriété des terrains, des bâtiments et la régulation de l'activité. Ces privatisations concernent donc bien les sociétés d'exploitation, mais l'infrastructure demeure publique. Une concertation a actuellement lieu avec les collectivités locales, et nous en avons sécurisé le cadre juridique dans la loi Macron.
Sans m'y opposer par principe, je m'interroge cependant sur l'opportunité de multiplier les privatisations d'aéroports, qui sont des monopoles naturels. Prenons garde à ne pas commettre, dans l'urgence dictée par la contrainte budgétaire, les mêmes erreurs qu'avec les concessions autoroutières.
Je passe à présent aux petits aéroports, avec le sujet sensible des lignes directrices sur les aides d'État qui ont été publiées le 4 avril 2014, après plus de deux ans de débats intenses. La DGAC estime qu'une quarantaine d'aéroports de plus de 10 000 passagers commerciaux perçoit des aides et peu l'ont notifié : ces aéroports sont donc pour la plupart dans l'illégalité au regard du droit communautaire. 23 d'entre eux sont toujours sous le coup d'une plainte déposée par Air France en raison des avantages accordés à la compagnie Ryanair sur 27 aéroports français.
Dans ce contexte, la Commission européenne a prononcé en juillet 2014, pour la première fois, des condamnations à remboursement à propos des aéroports de Pau, Nîmes et Angoulême, auxquels les compagnies Ryanair et Transavia doivent rembourser près de 10 millions d'euros au total. Le 27 juillet 2015, la Commission a d'ailleurs traduit la France devant la Cour de Justice de l'Union européenne pour n'avoir pas encore récupéré ces aides. En tant que présidente du Syndicat mixte des aéroports de Charente de 2011 à 2015, j'ai directement été confrontée à ce sujet, et je ne puis que vous inciter à suivre attentivement ce dossier dans les années à venir.
Une bonne nouvelle vient tout de même de l'approbation de trois régimes cadres nationaux d'aide à l'investissement, à l'exploitation et au démarrage, par la Commission le 8 avril 2015 : ils devraient faciliter les échanges et écourter les délais d'approbation pour les aéroports qui y sont éligibles ; ils fournissent également un canevas-type de présentation des dossiers pour la notification.
J'aborde à présent la question de notre industrie aéronautique, dont les carnets de commande ne désemplissent pas. L'année écoulée est notamment marquée par les premières livraisons de l'A350, un salon du Bourget réussi, et une baisse de l'euro qui, moyennant la dégressivité des couvertures de change, devrait produire pleinement ses effets à partir de 2017. Il faut savoir que pour chaque dixième de dollar de dépréciation de l'euro, Airbus améliore son résultat d'un milliard.
Le principal enjeu pour l'ensemble de la filière est de trouver du personnel qualifié, dans un secteur qui recrute 15 000 personnes en 2015. Nous l'avons vu au Bourget, dans certains métiers comme l'ajustage, l'usinage, le soudage ou la chaudronnerie, les emplois sont hélas difficiles à pourvoir : d'un côté, les spécificités du secteur requièrent un degré élevé d'exigence en termes de savoir-faire manuel, de méthodologie et de rigueur ; de l'autre, le niveau des jeunes sortant du système éducatif dans les formations mécaniques de base est jugé insuffisant par beaucoup d'entreprises.
Un important effort de formation professionnelle et de valorisation de ces métiers est donc à mener. Une expérimentation de parcours partagés d'apprentissage (PPA) est conduite actuellement dans le cadre du Comité stratégique de la filière (CSF) aéronautique : cette initiative permet de créer une mobilité interentreprises entre grands groupes et PME de la filière en co-formant des apprentis. Aujourd'hui près 170 parcours ont été initiés sur un objectif de 300, impliquant 64 fournisseurs. En parallèle, un travail est mené pour mettre en place des passerelles avec la filière automobile.
Concernant le paysage concurrentiel de notre industrie aéronautique, les premiers modèles concurrents d'Airbus et Boeing sur le court-courrier (A320 et B737) devraient bientôt apparaître sur le marché. Il s'agit notamment du C919 du chinois COMAC, qui doit effectuer son premier vol en 2016 pour une mise en service entre 2018 et 2020, ainsi que du MS21 du russe UAC qui suit peu ou prou le même calendrier. Cette concurrence émergente est prise au sérieux, et Airbus préfère pour le moment remotoriser l'A320 pour se laisser le temps de développer une prochaine génération d'aéronefs, qui offrira davantage de ruptures technologiques et contribuera ainsi à garder la concurrence à distance. En ce qui concerne les avions long-courriers, la concurrence mettra plus de temps à émerger mais Russes et Chinois se sont d'ores et déjà alliés pour essayer de mettre au point ensemble un programme gros porteur.
Pour l'heure, le véritable problème reste le soutien massif accordé par le gouvernement américain à Boeing. Ce sont ainsi 8,7 milliards de dollars d'avantages fiscaux qui sont accordés par le seul État de Washington au constructeur, pour l'inciter à produire le prochain B777X, dont la mise en service est prévue à l'horizon 2020 : cette somme est jugée supérieure au coût total de développement du programme !
Notons également que la Federal Aviation Administration (FAA) utilise régulièrement son pouvoir normatif pour freiner la pénétration du marché américain par Airbus en retardant la certification des nouveaux modèles pour des motifs techniques, par exemple le bruit ou la taille des pistes pour l'A380. L'impact de cette politique est d'autant plus dommageable que les États-Unis servent souvent de référence pour l'édiction des standards internationaux. Je regrette que l'Agence européenne de sécurité aérienne (EASA) ne poursuive pas le même objectif de soutien à la filière. J'espère que la révision du règlement de 2008, dans le cadre du « paquet aviation » sera l'occasion de corriger cette asymétrie.
Pour finir, j'attire votre attention sur deux enjeux relatifs au contrôle aérien. Le premier concerne la multiplication des drones, un marché qui a pu se développer en France grâce à une réglementation innovante publiée en avril 2012, et qui nous a permis d'acquérir une réelle avance dans ce domaine. La filière représente aujourd'hui 40 constructeurs, 5 000 emplois, 150 organismes de formation et connaît un véritable essor. L'EASA devrait publier, d'ici la fin de l'année, une opinion technique qui servira de base à une future réglementation européenne. L'acceptabilité des drones a été ternie par les survols illicites de sites sensibles au cours de l'hiver 2014-2015 : ce phénomène ne doit pas être surestimé mais est bel et bien réel, et représente une préoccupation importante pour les pouvoirs publics, d'ailleurs partagée par de nombreux gouvernements étrangers. Les magistrats ont de fait tendance à être de plus en plus sévères dans le traitement des dossiers « drones ».
Un autre sujet pose quelques problèmes à la DGAC. Il s'agit de l'essor d'initiatives de coavionnage, depuis le début de l'année 2015, sur le modèle de BlaBlaCar ou Uber. Il s'avère que la conformité de ce type d'activité avec la réglementation en vigueur et son classement en transport privé ou en transport public sont délicats à apprécier. Le problème majeur est celui de la sécurité : soumettre un pilote amateur à une pression économique (arriver à l'heure à un endroit précis) pourrait le conduire à effectuer de mauvais choix, notamment au regard de l'appréciation des conditions météorologiques. Il n'est d'ailleurs pas garanti qu'un assureur accepterait d'intervenir en cas d'accident.
Au niveau international, seule la Federal Aviation Administration (FAA) américaine s'est prononcée récemment en défaveur du « flight sharing ». A ce stade, la DGAC envisage surtout de freiner le coavionnage amateur pour favoriser le coavionnage professionnel, dans la mesure où l'expérience du pilote constitue le seul gage tangible de sécurité. Elle a d'ailleurs mis en place un groupe de travail en octobre 2015, auquel la Fédération Française Aéronautique, représentant les aéroclubs, et les porteurs de projets de coavionnage sont associés.
Enfin, à quelques jours de la COP21, je ne résiste pas à l'envie de vous donner quelques éléments d'actualité sur l'avion électrique, qui vole dans le sillage de Louis Blériot et Charles Lindberg. Premier point, l'E-Fan d'Airbus, dont nous avions parlé l'année dernière, a traversé la Manche le 10 juillet 2015. Pour rappel, il s'agit d'un biplace propulsé par deux moteurs électriques alimentés par des batteries lithium-ion. Pour Airbus, il s'agit d'une première étape dans la production de générations successives d'avions électriques de taille croissante, jusqu'à la construction d'un avion régional, capable de transporter une centaine de personnes, à l'horizon 2030.
Second point, la fondation Océan Vital créée par le navigateur Raphaël Dinelli, envisage de réaliser en juin 2016 un vol transatlantique sans escale et sans empreinte carbone, au moyen d'un biplan décalé à propulsion hybride solaire et bioénergie (25 % de solaire environ), baptisé Eraole. L'énergie solaire sera récoltée par des cellules photovoltaïques disposées sur les ailes et stockée dans des batteries lithium-ion, tandis que la bioénergie sera produite en utilisant un biocarburant élaboré à base de micro-algues. Les premiers vols d'essais pourraient avoir lieu depuis la base de Creil au mois de décembre prochain et l'avion devrait être présenté lors de la COP 21.
Il y aurait encore bien des sujets à aborder, mais pour le moment, au vu des éléments que je viens de vous présenter, et notamment de l'amélioration du budget de la DGAC, je vous propose un avis favorable à l'adoption de ces crédits. Je vous remercie.
Je vous remercie pour cette présentation intéressante et détaillée, qui va bien au-delà d'une simple analyse budgétaire.
Je vous prie d'excuser mon retard mais j'assistais à une réunion du comité de pilotage de la COP21, seul moment malheureusement où le Parlement est associé à l'organisation de cet événement, raison pour laquelle je tenais à y participer.
Comme vous, j'ai constaté avec étonnement au Salon du Bourget, que la filière aéronautique avait du mal à recruter, alors que ce sont de très beaux métiers avec une rémunération attractive. Gérard Miquel, qui sait vendre l'aéronautique française à l'étranger, ne me démentira pas !
Ce rapport très complet montre bien que dans ce domaine, comme dans beaucoup d'autres, notre pays est à un tournant. Nous allons devoir être très attentifs pour ne pas perdre de parts de marché.
Je me pose deux questions. Existe-t-il, à l'instar du registre international français en matière maritime, un dispositif d'allègement de charges pour améliorer la compétitivité du transport aérien ? Comment sont gérées les arrière-pensées géopolitiques, telle la stratégie chinoise à Toulouse, dans le cadre des privatisations d'aéroports ?
Je regrette, comme la rapporteure, la lenteur des instances communautaires en matière de lutte contre la concurrence déloyale dans ce secteur. Nous devons plaider, ce sera l'une des conclusions du rapport que je présenterai demain, pour que le transport aérien relève de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), afin de pouvoir renvoyer certains régimes d'aides devant l'Organisme de règlement des différends (ORD).
Je considère également que la sécurisation des aéroports est une mission régalienne de l'État, qui ne peut être intégralement à la charge des compagnies aériennes. Nous devrons trouver un équilibre avec le Gouvernement sur ce point.
En ce qui concerne la taxe Chirac, elle part d'un très bon sentiment, et personne ne souhaite revenir dessus. Mais nous devons faire évoluer son assiette, car il n'est pas juste de la faire peser uniquement sur les compagnies aériennes françaises, au premier rang desquelles Air France.
À ce propos, je tiens à souligner que l'amélioration de la situation financière de l'entreprise est due à des raisons purement conjoncturelles. Il y a toujours un différentiel de coût de 25 % pour les pilotes par rapport à la concurrence.
Dans le cadre de l'examen du PLFSS, j'ai déposé un amendement visant à créer un régime sectoriel d'exonérations de charges. Je sais bien que ce n'est pas dans l'air du temps, mais Bruno Le Roux a fait pareil à l'Assemblée nationale. L'amendement n'a pas été adopté, mais le ministre a eu tort de dire qu'il n'est pas euro-compatible, car Alitalia a bénéficié d'une mesure similaire. En revanche, je suis d'accord avec le fait que les pilotes doivent d'abord faire des efforts, avant d'envisager un accompagnement par la puissance publique.
Quoiqu'il en soit, nous arrivons à un moment crucial, je sens que le ministre est honnête dans sa réflexion et prêt à avancer sur ce dossier. Je ne saurais que trop recommander aux pilotes de faire un effort. Ayons aussi à l'esprit qu'Air France, ce n'est pas seulement une compagnie qui transporte des passagers, c'est une marque qui véhicule l'image de la France, son nom et son renom !
Je remercie Nicole Bonnefoy pour son rapport, il est intéressant de pouvoir faire le point sur le secteur aérien au moins une fois par an. Je me félicite de l'évolution positive du budget de la DGAC.
En ce qui concerne les drones civils, je tiens à souligner la qualité de la filière française. Notre réglementation est très différente de celle de nombreux pays. En particulier, les États-Unis où il n'y a tout simplement pas de réglementation, ce qui explique que beaucoup d'entreprises françaises font le choix de s'y implanter. Nous devons donc conserver un regard particulier sur l'évolution de ce marché appelé à croître fortement dans les années à venir. N'oublions pas que les drones vont remplacer beaucoup de métiers, comme les géomètres, les arpenteurs...
Au sujet des aéroports régionaux, je n'aime guère le terme de « privatisation ». Les cessions de parts ne concernent que les sociétés d'exploitation, et pour Toulouse elles sont inférieures à 50 % du capital pour le moment. Je crois d'ailleurs que les autorités concernées sont à la recherche d'un nouveau partenaire, après la disparition du dirigeant chinois accusé de corruption.
Il faut quand même savoir que la DGAC est l'administration la plus dure de toute l'Europe. Elle a littéralement tué l'aviation civile, en imposant beaucoup trop de contraintes.
En ce qui concerne les aides d'État aux aéroports régionaux, le problème vient au départ du fait qu'Air France ne veut plus desservir certaines destinations de province. Les collectivités se tournent vers d'autres opérateurs, comme Ryanair, et apportent des subventions pour équilibrer le modèle économique. Il faut bien garder à l'esprit que derrière les questions de transport, il y a des enjeux d'emplois et d'économie touristique. Je veux bien que l'on évoque les contraintes du droit européen, mais que doit-on faire concrètement ?
Il serait intéressant de se pencher sur la question de la desserte aérienne de l'outre-mer, sans pour autant rentrer nécessairement dans le détail des spécificités propres à chaque territoire, mais d'en faire une analyse globale. Il s'agit d'un sujet complexe, qui n'est malheureusement pas évoqué lors de l'examen des crédits dédiés à l'outre-mer.
Je vous remercie pour l'ensemble de vos remarques.
Comme le président Hervé Maurey, j'ai été particulièrement sensibilisée aux difficultés de recrutements de la filière aéronautique, qui ne parvient pas à attirer nos jeunes alors qu'il s'agit d'une importante source d'emploi. Nous avons encore des progrès à faire en matière d'accompagnement et de formation.
En ce qui concerne les interrogations de Charles Revet sur d'éventuels allègements de charges, Jean Bizet a parfaitement dressé l'état des lieux des réflexions menées à ce stade. Même si l'amendement qu'il a déposé doit encore être travaillé, il s'agit de l'une des recommandations du rapport Le Roux, au même titre que le financement de la sécurité des aéroports ou l'élargissement de l'assiette de la taxe Chirac. Nous devons donc continuer à suivre ce sujet dans les mois à venir.
À propos de la privatisation des aéroports, il est légitime d'être prudent pour ne pas commettre les mêmes erreurs qu'avec les concessions autoroutières. J'insiste bien sur le fait que l'on ne privatise que la société d'exploitation, et non l'infrastructure elle-même.
Enfin, pour répondre à la question d'Alain Fouché sur les aides d'État aux aéroports régionaux, je rappelle que trois régimes-cadres nationaux ont été approuvés par la Commission européenne cet été : c'est dans ce cadre que les collectivités qui le souhaitent pourront intervenir pour apporter leur soutien. Je sais à quel point ce sujet est délicat, j'ai pour ma part été confrontée au contentieux avec Ryanair au sujet de l'aéroport d'Angoulême. Il y a des avancées, et l'aboutissement des procédures en cours apportera sûrement des éclairages supplémentaires.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits « Transports aériens » du projet de loi de finances pour 2016.
Le deuxième point à l'ordre du jour concerne l'examen du rapport pour avis de Charles Revet sur les crédits « Transports maritimes », un secteur qu'il suit depuis longtemps.
Il nous rappelle souvent à quel point notre pays a la chance de disposer d'immenses atouts dans le domaine maritime, que ce soit en métropole ou outre-mer, un secteur très porteur, notamment dans le domaine du développement durable.
Mais il exprime aussi le sentiment, que nous partageons, que nous ne valorisons pas assez ces atouts. Nous connaissons bien sûr certains freins liés aux conditions de notre pavillon national, mais il y a aussi d'autres difficultés. Je laisse à Charles Revet le soin de nous en dire davantage, et notamment de préciser si les crédits prévus pour 2016 permettront d'améliorer la situation.
Monsieur le Président, mes chers collègues, il me revient de vous présenter cette année encore les crédits relatifs aux transports maritimes et je vous remercie pour cette marque de confiance. Ces crédits relèvent de deux programmes de la mission « Écologie » dans le projet de loi de finances pour 2016.
Les crédits « sécurité et affaires maritimes » du programme 205 connaissent une diminution de 4 % et s'élèvent à 136 millions d'euros. Cette érosion est principalement due à deux phénomènes bien identifiés : d'une part, la fin de la construction des nouveaux locaux de l'École nationale supérieure maritime (ENSM) au Havre, d'autre part, une baisse du montant des exonérations de charges en raison de perspectives d'emploi dégradées dans la branche « ferries ». Il s'agit de la conséquence directe des difficultés de la SNCM et de MyFerryLink.
Je vous rappelle en effet, que près de la moitié des crédits de ce volet compensent les exonérations de charges patronales pour l'emploi de marins français sur les navires inscrits au registre international français, afin de soutenir la compétitivité de notre flotte. Or si le pavillon français comporte de moins en moins de navires, il y a de moins en moins de marins, et donc de moins en moins d'exonérations de charges sociales. Ce malthusianisme permet certes de réaliser des économies dans le budget de l'État, mais certainement pas de renouer avec la croissance et l'emploi. Il est déplorable que l'on se contente de réduire les crédits chaque année, comme un aveu d'échec. Ces exonérations de charges devraient au contraire être redéployées pour servir d'instrument à destination d'une politique volontariste de développement de notre flotte commerciale. J'y reviendrai.
Pour le reste de ce volet, 20 % des crédits sont affectés aux moyens techniques de la sécurité maritime, 20 % à la formation et au soutien à l'emploi, et les 10 % restants alimentent des mesures techniques de soutien au programme. Les montants sont relativement stables et n'appellent pas de commentaire particulier.
Puisque la sécurité est l'une des missions principales de la direction des affaires maritimes, j'en profite simplement pour rappeler l'importance de l'accidentologie en mer. Je propose depuis de nombreuses années que l'on équipe l'ensemble des marins de balises de détresse, pour les localiser plus facilement lorsqu'ils passent par-dessus bord. J'ai conscience qu'il est déjà difficile de faire accepter le port du gilet de sauvetage, dont l'encombrement gêne le travail sur le navire. Mais une balise de détresse ne souffre pas du même inconvénient et présente un intérêt évident lorsque l'on sait que le temps est le facteur déterminant pour sauver une vie.
J'en viens maintenant aux crédits du programme 203 relatif aux « infrastructures et services de transport ». De façon schématique, il s'agit, pour une grosse moitié des crédits, de financer l'entretien des grands ports maritimes, à hauteur de 46 millions d'euros en 2016. Concrètement, ces crédits sont destinés au dragage des ports, dont les coûts ne cessent d'augmenter au fil des années. Or l'État ne prend à sa charge qu'environ la moitié de ces coûts, alors qu'il devrait les supporter en totalité, et cette part est en diminution constante. La Cour des comptes a d'ailleurs dénoncé ce désengagement dans un rapport sur la gestion du GIE Dragages-Ports publié le 6 octobre 2014. Faut-il rappeler que le bon dragage des sédiments est une condition essentielle de la survie de nos ports ? Rouen perdrait 30% de son trafic avec une profondeur inférieure à 10 mètres, tandis qu'à Dunkerque les navires avec un tirant d'eau de plus de 14 mètres représentent entre 40 et 50 % du trafic. Il est donc indispensable d'ôter régulièrement les dépôts de sédiments dans les voies d'accès.
L'autre moitié des crédits de ce volet sert quant à elle au développement des infrastructures grâce à des fonds de concours de l'AFITF, à hauteur de 60 millions d'euros de crédits de paiement, correspondant essentiellement au volet portuaire des contrats de plan État-Région (CPER) 2015-2020 et à un résidu du plan de relance portuaire.
Au total, lorsque l'on regarde l'ensemble de ces crédits et leur évolution à long terme, on voit qu'ils ne font qu'accompagner lentement le déclin de notre flotte et de nos ports. Certes, le budget de l'État est contraint. Mais à l'heure où l'on souhaite cibler des secteurs d'avenir, à l'heure où le monde entier fait le pari de la croissance bleue, nous faisons le choix délibéré de mépriser la mer.
Cela apparaît clairement dans le document de politique transversale consacré à la politique maritime de la France, que nous avons réclamé pendant de nombreuses années, est présenté pour la première fois au Parlement, à l'occasion de ce PLF 2016. Il nous permet d'avoir une vision consolidée de l'ensemble des crédits relatifs au monde maritime. Que révèle-t-il ? Le montant total de ces crédits s'élève à 1,8 milliard d'euros tous ministères confondus, c'est-à-dire moins d'un dixième de point de PIB ! Ce n'est clairement pas à la hauteur pour un pays qui possède la deuxième zone économique maritime mondiale, avec une superficie maritime supérieure à la superficie terrestre de l'Europe entière.
D'autant que le montant affiché est probablement surévalué, puisqu'en l'absence de comptabilité analytique, la contribution détaillée de chaque programme n'apparaît pas. Par exemple, les actions 11 et 14 du programme 203 relatif aux infrastructures et services de transport sont comptabilisées à hauteur de 117,6 millions d'euros (M€), alors qu'en réalité seulement 51,3 M€ concernent réellement la politique maritime.
Autre problème, les doublons qui consistent à affecter les mêmes crédits à plusieurs politiques transversales différentes, ce qui conduit à une surévaluation de l'effort global. Par exemple, les actions 2 et 8 du programme 162 relatif aux interventions territoriales de l'État sont comptabilisées à la fois dans le document de politique transversale relatif à l'aménagement du territoire et dans celui-ci.
En outre, on observe une prépondérance du régime spécial de sécurité sociale et de retraite des gens de mer, qui compte pour 46 % du budget de la politique maritime de la France ! Or de plus en plus d'entreprises considèrent qu'il n'est plus adapté. Il s'agit certes d'un marqueur identitaire de la profession, mais un rapprochement avec le régime général serait une mesure de bon sens, d'autant plus que l'Établissement national des invalides de la marine (ENIM) manque d'appui et d'expertise pour assurer correctement ses missions.
Au total, je salue l'existence de ce nouveau document de politique transversale, qui permettra peut-être d'objectiver le constat dramatique que je dresse depuis de nombreuses années : la France n'a tout simplement pas de politique maritime. Ce n'est pas un phénomène nouveau propre à ce Gouvernement, mais bien un constat dressé sur une longue période. Il serait temps que nous en prenions conscience et que nous regardions la réalité en face. Autrement, la croissance bleue risque de nous échapper, une fois n'est pas coutume, alors que notre pays est idéalement doté pour en profiter.
Ce n'est pourtant un secret pour personne : 90 % des échanges mondiaux transitent par la mer. Nous pouvons honnêtement rougir du manque d'ambition de nos politiques et de la faiblesse consternante de nos investissements dans ce domaine. Ils sont dérisoires à côté de celui que notre pays consent sur l'autre frontière du futur qu'est l'aérospatial. Et puisque nous avons eu l'occasion d'examiner les crédits consacrés au transport aérien, juste avant ceux-ci, je me permets de vous livrer une comparaison.
D'après le rapport rédigé en juillet 2015 par le Commissariat général au développement durable, consacré aux comptes des transports en 2014, le secteur des transports, pris de manière globale (route, air, fer, mer, fluvial, passagers et marchandises), affiche un déficit de ses échanges extérieurs de 12,3 milliards d'euros : il contribue par conséquent à la perte de compétitivité de la France. Or dans ce paysage catastrophique, il n'y a qu'un bon élève : le transport maritime, avec un solde positif de 4 milliards d'euros et une performance qui croît de 6 % en moyenne annuelle depuis 2008. J'ajoute que le transport aérien est lui aussi en excédent commercial, mais avec un montant nettement plus bas, de l'ordre de 100 millions d'euros, alors que son chiffre d'affaires global est bien plus élevé, 19 milliards d'euros contre 14 milliards d'euros pour le transport maritime.
Ces deux secteurs, l'aérien et le maritime, ont la particularité d'être confrontés directement à la concurrence internationale, et d'être soumis à une exigence de compétitivité forte. Au lieu de les aider à se développer, à gagner des parts de marché, à générer de la croissance et de l'emploi, on se contente de faire des rapports qui ne sont pas suivis d'effets. C'est le cas du rapport d'Arnaud Leroy pour le transport maritime comme de celui de Bruno Le Roux pour le transport aérien. Bien sûr, le Gouvernement s'empresse de mettre en oeuvre quelques mesures de simplification, pour montrer qu'il agit. Mais le coeur de ces rapports n'est pas là : ils préconisent des mesures économiques fortes de soutien à la compétitivité de notre pavillon et de nos hubs. Rien de tout cela n'est mis en oeuvre.
En matière maritime, nous sommes en train d'aller à rebours de toute logique économique et historique. Nous savons que l'avenir d'une nation se décide depuis toujours par l'avenir de ses ports. Nous savons que toutes les grandes économies du monde disposent de ports puissants pour exporter leurs productions. Il n'y a pas de grand pays industriel qui ne soit pas aussi un grand pays portuaire. C'est une loi intangible, de la Venise d'hier à la Chine d'aujourd'hui.
Que constate-t-on pour la France ? Le trafic de nos grands ports maritimes ne fait que baisser quand celui de nos voisins continue d'augmenter.
Sur les cinq dernières années, de 2010 à 2014, le trafic global recule de 1 % par an en moyenne. En Manche et mer du Nord, l'ensemble formé des ports de Dunkerque, du Havre et de Rouen, affiche un taux de croissance annuel moyen stable (0,7 %) sur les cinq dernières années, alors que l'ensemble des dix-huit ports étrangers progresse de 1,5 %. Sur la façade Atlantique, le trafic français régresse de 2 % entre 2010 et 2014, alors qu'il augmente de 1,2 % par an pour les onze ports étrangers. En Méditerranée, le trafic de marchandises du port de Marseille se contracte annuellement de 2,2 % par an entre 2010 et 2014, alors qu'il progresse de 2,3 % par an pour les quinze autres ports.
Il ne s'agit pas d'une tendance récente mais bien d'une évolution structurelle. En 1995, le Havre traitait environ 1 million de conteneurs et Anvers 2 millions ; en 2014, Le Havre est à 2,6 millions et Anvers à près de 9 millions : la différence est presque passée du double au quadruple. Rotterdam atteint désormais les 14 millions de conteneurs ; Tanger Med, créé de toutes pièces en 2007 vise déjà un objectif de 3 millions en 2016, quand Le Havre espère atteindre entre 3,5 et 4,5 millions en 2020 et Marseille 2 millions.
Nous avons fait des réformes entre 2008 et 2013, mais force est de constater que la tendance reste inchangée. L'explication par la baisse (réelle) des trafics pétroliers français ne suffit pas car Rotterdam comme Anvers sont de grands ports pétroliers et n'ont pas connu d'effondrement dans ce domaine. En réalité, nous n'avons toujours pas réglé les vrais problèmes.
Nous avons malheureusement besoin, en cette période de disette budgétaire, de beaucoup d'investissements. Rotterdam et Anvers sont équipés de technologies modernes et offrent une bien meilleure qualité de service, alors que nous nous sommes contentés de faire du maintien en condition de matériel vieillissant.
Et surtout, nous n'offrons toujours pas à nos ports un accès suffisant à un hinterland de portée européenne. Le rail est présenté comme le seul mode massifié capable d'accompagner le développement des hinterlands terrestres de nos ports. Mais en dépit des ambitions affichées dans plusieurs plans, lois et projets stratégiques, sa part modale peine à décoller.
Personnellement, j'attends toujours l'électrification de la ligne ferroviaire Serqueux-Gisors. Des études sont en cours et 300 millions d'euros ont été prévus à cette fin dans les contrats de plan État-région (CPER) 2015-2020. Mais combien d'années précieuses auront nous perdues pour mettre en place ce projet ?
Je ne parle même pas de la réalisation d'une liaison fluviale directe à travers une chatière pour le port du Havre, pour laquelle je me bats depuis des années. On se heurte sur ce point à un véritable problème d'égo. En effet, l'administration a soutenu le projet de terminal multimodal, qui a coûté au total 134 millions d'euros. Le problème est que ce terminal est calibré pour un trafic deux fois plus élevé que les niveaux actuels. Son modèle économique n'est donc pas équilibré et nécessite de surcroît de trouver un accord raisonnable avec les dockers. Par conséquent, la SNCF n'a pas véritablement intérêt à utiliser le terminal à ce stade. Mais comme cette installation existe, l'administration refuse d'étudier toute solution complémentaire qui serait susceptible de lui faire concurrence. Et au final, rien ne change pour la desserte du Havre !
Derrière cette situation kafkaïenne, se dessine un autre problème, celui de la gouvernance de nos ports qui, malgré la réforme de 2008, est encore caractérisée par l'omniprésence de l'administration. Puisque nos ports traversent une situation difficile, ils n'ont aucune capacité d'autofinancement, et restent par conséquent totalement tributaires de Bercy pour leurs projets d'investissements. L'autonomie juridique de nos ports est donc une fiction, car au fond rien ne change. Même si la mode est aux start up d'État, je ne pense pas que nous puissions attendre de l'administration qu'elle insuffle l'esprit entrepreneurial nécessaire pour concurrencer les politiques commerciales agressives de nos voisins.
Quoiqu'il en soit, le fait même que des ports étrangers, notamment ceux de la mer du Nord, soient en capacité de concurrencer nos ports sur leur propre hinterland en dit long sur le chemin qui reste à parcourir. Une dynamique d'investissements est nécessaire, mais elle nécessite pour cela une véritable volonté politique qui fait défaut actuellement. Je ne rouvre pas le débat sur le canal Seine Nord, mais l'effet de signal est quand même désastreux pour le port du Havre ! Si nous concentrions davantage nos efforts sur la desserte du Havre, l'impact économique du canal Seine-Nord serait amoindri, car les entreprises auraient pris l'habitude d'utiliser nos installations !
Quant à notre flotte de transport, elle compte aujourd'hui 176 navires et nous avons dépassé depuis longtemps le seuil psychologique des 200, sans réagir pour empêcher ce mouvement continu de dépavillonnement. Rien qu'en 2014, on a enregistré la sortie de 15 navires pour 4 entrées seulement ! Le tonnage français représente désormais 0,5 % du tonnage mondial tandis que les cinq premiers pavillons pèsent à eux seuls 53,4 %. Il n'y a qu'à regarder la nationalité de ces pavillons pour comprendre le phénomène qui nous touche : Panama, Liberia, Îles Marshall, Hong Kong et Singapour. On est en plein coeur d'un dumping social !
On ne luttera pas contre ce problème avec des mesures de simplification administrative, même si elles sont bienvenues. Il est également illusoire d'espérer une application stricte de normes sociales au niveau mondial. La seule solution est d'ordre économique : nous devons soutenir notre pavillon afin de réduire le plus possible l'écart de compétitivité. La mise en place du registre international français (RIF) en 2005, qui permet de recruter des membres de l'équipage à des conditions internationales, a permis de résister un temps mais ne suffit plus aujourd'hui.
A fortiori, le pavillon français ne souffre pas tant de la concurrence internationale que de celle d'autres États membres de l'Union européenne, pourtant soumis aux mêmes lignes directrices communautaires. Le Danemark, que l'on ne peut suspecter de mener une politique du moins-disant social, a mis en place un dispositif de « netwage » qui consiste en une exonération totale de charges patronales et salariales, et qui permet même aux armateurs de conserver une fraction de l'impôt sur le revenu prélevé à la source. En conséquence, la flotte danoise connaît une croissance de 10 % en nombre de navires et en tonnage.
La Commission européenne a d'ailleurs joué un rôle moteur, puisqu'elle a explicitement reconnu la possibilité de recourir à ce dispositif dans ses lignes directrices sur les aides d'État au transport maritime. Plusieurs pays ont d'ores et déjà franchi le pas comme la Finlande, l'Allemagne, la Belgique, l'Italie et le Royaume-Uni. Ce n'est donc pas un hasard si les 1er et 2ème armements mondiaux sont le danois APM Maersk et l'Italien MSC, qui ne cessent de grossir et distancent nettement CMA-CGM en nombre de navires et en capacité !
Le rapport d'Arnaud Leroy a lui aussi suggéré de s'aligner sur le régime du « netwage », sans grande avancée depuis deux ans. Mais la France est aujourd'hui dans une situation de déni total, puisqu'elle préfère au contraire profiter des dépavillonnements pour réaliser des économies sur les exonérations de charges !
Je pense désormais que l'heure n'est plus aux annonces grandiloquentes autour d'une politique maritime ambitieuse ou d'une nouvelle stratégie nationale de la mer et du littoral, annoncée chaque année pour mieux être repoussée.
Nous devons porter la responsabilité de ce que nous faisons, et de ce que nous votons. Nous avons de l'or bleu dans les mains et nous sommes en train de mutiler notre pays en refusant sa vocation maritime. Par conséquent, je vous propose, mes chers collègues, et croyez bien que c'est par dépit, un avis plus que défavorable à l'adoption de ces crédits alarmants. Je vous remercie.
Je connais votre passion pour le monde maritime, les ports et l'économie bleue en général, passion qui vous conduit peut-être à voir le verre à moitié vide plutôt que le verre à moitié plein.
Je vous rejoins cependant sur un grand nombre de points. Je me félicite comme vous du nouveau document de politique transversale : même s'il n'est pas encore exhaustif, il nous permet d'avoir une vision consolidée et un regard plus global sur notre politique maritime.
Parmi les bonnes nouvelles de cette année 2015, figure l'effort important de l'État en faveur de la Société nationale de sauvetage en mer (SNSM), annoncé lors du comité interministériel de la mer (CIMer) du 22 octobre dernier : le Premier ministre s'est engagé à augmenter la subvention de l'État de 1,4 million d'euros à partir de 2016, en complément de la subvention annuelle de 2,1 millions d'euros. Ce financement est pérennisé par l'affectation d'une part des recettes de la taxe sur les éoliennes offshore. Est-ce que ce montant vous paraît suffisant pour permettre à la SNSM d'assurer ses fonctions ? Quant aux centres de sécurité des navires (CSN), les effectifs sont stables mais les missions sont de plus en plus importantes. Quel est votre avis sur ce point ?
En ce qui concerne l'enseignement maritime, le tassement des crédits est lié à la fin d'une période d'investissement, après une hausse des moyens de 160 % en cinq ans. Vous l'avez fait remarquer à juste titre.
Sur le volet portuaire, on observe effectivement une contraction de 6 % des crédits. Mais je ne partage pas votre analyse sur le matériel vieillissant : il ne faut pas oublier les investissements importants des entreprises de manutention et des chargeurs !
Il est sans doute un peu fort d'affirmer que l'on « méprise la mer ». Le CIMer du 22 octobre a été l'occasion d'annoncer un certain nombre de mesures, avec une réelle volonté de lutter contre le dépavillonnement et de soutenir la croissance bleue. Nous aurons les moyens d'aller plus loin lorsque nous examinerons prochainement le projet de loi sur l'économie bleue.
J'ai une question relative aux autoroutes de la mer, en particulier la liaison entre Nantes-Saint-Nazaire et Gijón. Ce programme a été financé par l'Union européenne et les États français et espagnol. Il doit permettre d'écarter de la route des milliers de camions et de véhicules grâce à des liaisons hebdomadaires. La ligne s'est arrêtée depuis plus d'un an, faute d'avoir pu atteindre l'équilibre économique. Elle devait faire l'objet d'une démarche du Gouvernement pour une relance éventuelle avec l'opérateur Louis-Dreyfus Armateurs. Avez-vous des informations à ce sujet ?
Le budget décrit effectivement une situation compliquée pour le transport maritime, même si le ton de Charles Revet me paraît un peu sombre. Tout n'est pas aussi négatif : les crédits sont relativement stables, bien qu'en légère baisse. La sécurité maritime reste une priorité ferme. J'ajoute que les engagements du CIMer du 22 octobre vont permettre d'affecter quelques moyens supplémentaires, plus d'un million d'euros.
Il faut également y ajouter les moyens des CPER 2015-2020 : les priorités restent les infrastructures multimodales, la préparation à l'installation d'activités logistiques et industrielles, et l'amélioration des services ferroviaires et fluviaux en direction de l'hinterland.
Enfin, sachons aussi mettre en avant nos points forts : le port de Rouen est le premier port européen en matière de céréales !
En tant qu'élu du Pas-de-Calais, je confirme que l'essor d'un port comme Dunkerque donne de l'espoir !
Je n'ai pas bien compris comment seraient abondés les crédits de la SNSM : s'agit-il d'une subvention d'équilibre ou d'une taxe, par exemple sur l'éolien en mer ? Le mécanisme de la taxe me paraît plus pérenne, pour une société qui doit faire face à des renouvellements importants.
Comme mes collègues, je me félicite que Rouen soit le premier port céréalier d'Europe. On peut toujours regretter que l'activité ne soit pas suffisamment importante, mais je trouve qu'une progression de 0,7 %, c'est quand même une belle performance. Ce port est en constante évolution et en constant développement.
Il n'a pas été fait mention du groupement HAROPA, entre Le Havre, Rouen et Paris, qui symbolise le dynamisme de nos ports. Il s'agit d'une véritable porte à l'entrée de l'Europe, qui accueille des navires géants. Récemment, le plus grand porte-conteneurs du monde y a été inauguré, le MSC Oscar. Il s'agit du premier exemplaire d'une série de vingt porte-conteneurs, qui seront une chance d'ouverture sur l'Asie. Cette première escale confirme bien la confiance que les armateurs placent dans HAROPA, l'un des rares ports du Range Nord Europe à pouvoir accueillir ce type de navires. Ce projet permettra à Rouen de développer son hinterland, en particulier vers l'Île-de-France.
Sur le canal Seine-Nord, j'ai également relayé des inquiétudes concernant le pôle multimodal du Havre. Le Premier Ministre a apporté un certain nombre de garanties la semaine dernière, mais nous devons rester vigilants.
Enfin, vous avez parlé du dragage des ports. Un vrai sujet environnemental se pose en Seine-Maritime concernant l'entrepôt des boues de dragage, qui sont chargées de métaux lourds. Où en sont les réflexions sur ce point ?
Je remercie Charles Revet pour sa présentation à la fois géopolitique, sociale et économique. La mondialisation nous impose d'avoir de l'ambition sur les questions maritimes.
J'exprime simplement un point de désaccord au sujet du canal Seine-Nord, auquel s'associe notre collègue Natacha Bouchart. Il ne faut pas opposer le canal Seine-Nord et le port du Havre, il faut que les deux se développent en même temps ! Le canal va être construit, il est inutile de mener un combat perdu d'avance, et plutôt se concentrer sur les moyens de développer la complémentarité.
Si j'étais Normand, je me battrais surtout pour la poursuite de l'électrification vers Châlons-en-Champagne. Le Havre et Rouen sont des ports céréaliers, il faut aller chercher le blé là où il se trouve, c'est-à-dire dans les plaines de Champagne. Je suis prêt à travailler avec la SNCF et l'État pour que Le Havre puisse tirer pleinement parti de son positionnement géographique.
Je partage l'analyse de Charles Revet. La France n'exploite pas son potentiel maritime, tous les professionnels que je rencontre le confirment !
On ne peut pas à la fois se féliciter que Rouen soit le premier port céréalier d'Europe, et voter certaines mesures de la proposition de loi sur les dockers, qui inquiètent justement les céréaliers. J'ai largement insisté sur ce point lors de la présentation de mon rapport.
D'une façon générale, je pense que le développement de notre activité maritime mérite une loi spécifique traitant l'ensemble des sujets, y compris la manutention, si l'on veut réussir à développer nos ports. Je ne peux pas me satisfaire d'une croissance de 0,7 %, surtout lorsque l'on regarde les performances des ports dans les pays voisins !
Je souhaite simplement relayer une interrogation concernant le port de Calais, premier port de voyageurs en Europe. Pourquoi reste-t-il rattaché à la région, alors qu'il devrait faire partie, à mon sens, des ports « d'État » ? Je rappelle qu'il est actuellement engagé dans un projet de 750 millions d'euros, et je m'étonne que son positionnement soit systématiquement sous-estimé, et peu mis en avant dans la stratégie portuaire nationale.
Je vous remercie pour l'ensemble de vos remarques. D'une façon générale, la situation maritime de la France m'inquiète et je la regarde d'un oeil marri. Je suis pourtant d'un naturel optimiste, mais je vous rappelle que nous possédons la deuxième zone maritime derrière les États-Unis et que nous importons malgré tout 85 % de nos besoins en poissons et crustacés. Cela soulève quand même quelques interrogations légitimes !
En ce qui concerne les grands ports maritimes, j'avais essayé d'introduire des dispositions pour améliorer leur situation lorsque j'étais rapporteur de la réforme en 2008. Il n'est pas normal que nous soyons les mieux positionnés en Europe, et que le premier port de France soit Anvers, qui traite autant de conteneurs à lui seul que l'ensemble de nos grands ports maritimes réunis. C'est un constat, ce n'est pas du pessimisme, mais la triste réalité. Et mon discours ne varie pas au gré des majorités politiques L'avenir du monde se joue en mer, où ont lieu 90 % des échanges mondiaux.
En Europe, les ports sont largement gérés au niveau régional. Il n'y a qu'en Espagne ou en France que l'on trouve des ports « d'État ». Et encore, l'Espagne a déconcentré la majeure partie des responsabilités, de sorte que l'État ne joue qu'un rôle d'arbitre en cas de différend entre deux ports. En France, l'autonomie de nos grands ports est une fiction juridique : dans les faits, toutes les grandes décisions relèvent encore de l'administration, qui d'ailleurs n'assume pas du tout ses responsabilités. Il y a un vrai problème de gouvernance.
En ce qui concerne le budget consacré aux transports maritimes, il est vrai que la baisse observée en 2016 reste relativement contenue, mais c'est le niveau général des crédits, beaucoup trop faible, que je critique depuis de nombreuses années ! Et ce n'est pas le million supplémentaire décidé pour l'entretien des phares et balises qui change réellement la donne.
Nous ne nous donnons pas les moyens de tirer profit de nos atouts et de nos outils. Il fallait effectivement créer HAROPA pour renforcer la coordination, mais cela n'a pas changé grand-chose en termes d'activité : on ne fait qu'additionner les trafics des trois ports ! De même, je ne suis pas contre le canal Seine-Nord, au contraire. Mais nous n'anticipons pas assez les incidences sur Le Havre et Rouen : nous devons attirer dès maintenant les entreprises sur ces places portuaires, et pour cela, régler les problèmes d'acheminement des produits en amont et en aval. Le grand port maritime du Havre est magnifique, et il est vrai que les plus gros navires du monde y font escale, mais davantage pour des inaugurations que pour décharger des produits ! Je me bats depuis longtemps pour que l'on réalise une liaison fluviale directe à travers une chatière pour le port du Havre, afin de permettre un accès 365 jours par an et 24h/24. Aujourd'hui, l'administration retarde volontairement ce projet car il risque de freiner le développement du terminal multimodal, que les entreprises hésitent à emprunter pour des raisons de coût.
En ce qui concerne l'enseignement maritime, il est vrai que l'ENSM forme aujourd'hui davantage d'ingénieurs à terre que de marins. Je plaide en partie coupable car j'avais défendu cette réorientation vers l'ingénierie afin d'attirer davantage d'étudiants.
Il faut également admettre que le matériel de nos ports est parfois vieillissant, surtout lorsque l'on regarde le degré d'automatisation des ports du range nord européen, par exemple celui de Hambourg. Le Havre et Rouen ne sont pas automatisés ! Nous devons faire beaucoup d'efforts pour améliorer la qualité du service proposé.
L'autoroute de la mer entre Nantes-Saint-Nazaire et Gijón a effectivement du mal à être pérennisée, car l'équilibre économique est difficile à atteindre. Des discussions sont en cours mais je n'ai pas davantage d'informations. Quant au port de Calais, il est vrai qu'il est dans une situation particulière, tout comme celui de Dunkerque.
Je tiens à préciser que lorsque je disais que vous voyiez le verre à moitié vide, il s'agissait surtout de votre appréciation sur les crédits pour 2016, car des efforts sont faits, surtout avec les annonces du dernier CIMer. Pour le reste, je partage une grande partie de vos inquiétudes !
J'ai surtout voulu, à travers ce rapport, « pousser un coup de gueule » - pardonnez-moi l'expression - car il n'est plus possible de continuer à traiter le monde maritime comme on le fait aujourd'hui.
Je crois que tout le monde reconnait votre engagement fort sur ce sujet, avec un discours et des critiques qui ne varient pas au gré des alternances politiques ! C'est suffisamment rare pour être souligné.
La commission émet un avis défavorable à l'adoption des crédits « transports maritimes » du projet de loi de finances pour 2016.
Nous avions décidé les deux dernières semaines d'attendre l'audition du ministre Alain Vidalies - qui a eu lieu jeudi dernier - pour nous prononcer sur trois avis budgétaires relatifs à des politiques dont il est le responsable. Cette audition ayant eu lieu, je vous propose que la commission se prononce aujourd'hui sur ces trois avis.
Sur les crédits des transports ferroviaires collectifs et fluviaux, le rapporteur pour avis, Louis Nègre, a proposé le rejet des crédits, en particulier du fait de la situation défavorable du budget de l'AFITF. Cet avis défavorable à l'adoption des crédits est-il suivi ?
La commission émet un avis défavorable à l'adoption des crédits « Transports ferroviaires collectifs et fluviaux » du projet de loi de finances pour 2016.
Sur les crédits des transports routiers, le rapporteur pour avis, Jean-Yves Roux, à l'inverse de Louis Nègre, nous avait proposé de donner un avis favorable, invoquant le succès du plan de relance autoroutier, la nouvelle offre de transport par autocar, le maintien à un niveau correct du budget de l'AFITF, les aides mises en place pour les véhicules propres. Cet avis favorable au vote du budget est-il suivi ?
La commission émet un avis défavorable à l'adoption des crédits « Transports routiers » du projet de loi de finances pour 2016.
Sur les crédits des programmes consacrés à la biodiversité et à la transition énergétique, le rapporteur pour avis, Jérôme Bignon, nous avait proposé un avis défavorable, estimant que ce budget n'est pas à la hauteur des ambitions portées par la France dans le cadre de la COP et qu'il prévoit même un certain nombre de prélèvements indus sur des organismes chargés de mettre en oeuvre cette politique : ADEME, agences de l'eau... Cet avis de rejet est-il suivi ?
La commission émet un avis défavorable à l'adoption des crédits « Biodiversité - transition énergétique » du projet de loi de finances pour 2016.
La réunion est levée à 11h30.