Intervention de Hervé Maurey

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 19 novembre 2015 à 10h15
Déplacement en chine — Communication

Photo de Hervé MaureyHervé Maurey, président :

Je vous présente ce matin le compte rendu du principal déplacement de l'année 2015 pour notre commission, qui s'est déroulé en Chine du 20 au 25 septembre derniers. Notre délégation comprenait cinq sénateurs, Jérôme Bignon, Evelyne Didier, Louis Nègre, Rémy Pointereau ainsi que moi-même.

Pourquoi la Chine ? Tout simplement parce que, dans la perspective de la Conférence de Paris sur le climat, plusieurs de nos interlocuteurs nous y avaient vivement encouragés au cours des derniers mois, en particulier Laurence Tubiana, ambassadrice chargée des négociations internationales sur le climat.

C'est la raison pour laquelle, le programme de notre déplacement a été très orienté autour des questions climatiques. Mais nous avons tenu à y ajouter une dimension développement durable, comprenant les aspects transports, infrastructures et mobilité, car c'est l'un des domaines dans lesquels la Chine s'engage résolument aujourd'hui. C'est aussi un secteur dans lequel nos entreprises sont présentes et actives.

Nous tenions également à ne pas rester uniquement à Pékin car beaucoup d'initiatives sont prises actuellement dans les villes de l'intérieur, « moyennes » à l'échelle de la Chine - c'est-à-dire tout de même des villes de plus de 10 millions d'habitants, en très forte croissance démographique, urbanistique, etc.

Concrètement, nous avons donc passé deux journées et demie à Pékin et deux journées et demie à Wuhan, capitale de la province du Hubei, au bord du fleuve Yang Tse Kiang, dans le centre de la Chine.

A Pékin, notre séjour s'est orienté autour de trois axes.

Le premier axe était une série d'entretiens de haut niveau avec les principales institutions concernées par les négociations climatiques internationales : la commission de la population, des ressources naturelles et de l'environnement de la Conférence consultative politique du peuple chinois, dont nous avons rencontré le premier vice-président ; le NCSC, think tank chinois qui pourrait s'apparenter à notre Commissariat au Plan, qui apporte un soutien technique au Gouvernement chinois pour fixer les objectifs de la politique climatique, et notamment pour fixer les objectifs de réduction des émissions et les répartir entre secteurs économiques et régions ; le département changement climatique de la Commission nationale pour la réforme et le développement dont est issue l'équipe des négociateurs chinois de la COP21.

Deuxième axe de notre séjour à Pékin : la rencontre avec des associations impliquées dans les questions environnementales. Nous avons ainsi passé une soirée avec M. Ma Jun, pionnier de la mobilisation environnementale en faveur de la qualité de l'air et de la qualité de l'eau. C'est grâce à lui et ses relais associatifs, à Pékin et dans de nombreuses autres villes du pays, que des mesures de la pollution sont effectuées désormais en temps réel et surtout rendues publiques. Nous avons d'ailleurs pu le constater, chaque habitant de Pékin pouvant consulter son smartphone pour connaître à tout moment l'indice de la qualité de l'air. C'est évidemment un sujet de préoccupation majeur pour la population. Et c'est grâce à l'obstination de personnes comme M. Ma Jun, qui a su à chaque étape aller aussi loin que le régime le lui permettait, que la population peut bénéficier aujourd'hui d'une réelle transparence sur cette question. Reste bien sûr le plus difficile : améliorer significativement la qualité de l'air dans toutes les grandes villes chinoises. Le défi est là immense. Lors de notre séjour, nous avons pu mesurer ce que signifie un ciel pollué puisque pendant une journée à Pékin, nous avons vécu dans une sorte de brouillard dense et piquant aux yeux et à la gorge.

Nous avons également rencontré deux autres associations, beaucoup plus modestes, mais qui tentent de mettre en place des modèles intéressants de développement durable auprès de familles pour un mode de vie sobre en carbone et pour favoriser des constructions à énergie positive. L'ambassade de France apporte un soutien à ces initiatives venues de la société civile chinoise.

Troisième axe : les infrastructures et l'urbanisme. Nous sommes allés sur le site du futur second aéroport international de Pékin pour lequel ADP-international est très actif, notamment pour la conception du projet. Cette visite sur le terrain, à 50 km au sud de Pékin, a été très instructive car elle nous a permis de voir successivement les villages abandonnés, les villages détruits, les tas de gravats, les travaux de terrassements, puis enfin le lieu où les premières dalles ont été posées. La rapidité d'avancement d'un projet d'une telle ampleur - 6 pistes d'atterrissage pour accueillir 100 millions de passagers par an et 4 millions de tonnes de fret - est évidemment extrêmement frappante pour nous : du début des études de faisabilité en novembre 2014, à la mise en service de l'aéroport, prévue pour fin 2019, devraient s'écouler à peine cinq ans. En même temps, le souci de respecter un certain nombre d'objectifs verts et de règles environnementales est réel, aussi bien dans la construction de l'aéroport que dans son fonctionnement futur (architecture, bruit, eau, énergie), celui-ci devant être autonome sur le plan énergétique.

Autre visite, cette fois-ci dans Pékin, celle des quartiers anciens et traditionnels où sont menés des travaux de réhabilitation avec le souci de préserver le patrimoine ancien, tout en modernisant les infrastructures et en organisant la reconversion d'un certain nombre d'usines ou d'ateliers désaffectés.

A Wuhan, notre visite a été entièrement consacrée au thème du développement durable, avec un fort accent sur les coopérations franco-chinoises dans ce domaine. Wuhan a en effet été sélectionnée en 2009 par le Gouvernement central chinois pour être une ville modèle pour le développement durable.

Là aussi trois axes dans notre programme.

Premier axe : des entretiens officiels. Ces entretiens, avec le gouverneur du Hubei, avec le maire de Wuhan et avec le secrétaire du parti, ont tous concerné le projet de ville durable franco-chinoise. Celui-ci a été imaginé en juillet 2013. Il s'inscrivait dans la perspective du 50ème anniversaire de la relation diplomatique franco-chinoise (1964-2014). Mais il s'inscrivait aussi dans une continuité puisque dès 2006 a été lancé un partenariat sur l'efficacité énergétique des bâtiments à Wuhan.

Le projet de ville durable franco-chinoise du district de Caidan vise à faire d'une zone encore peu urbanisée de Wuhan un modèle de développement urbain, en prenant en compte tous les aspects de l'aménagement urbain, notamment celui de la mobilité. Malgré des visites sur place de Martine Aubry, initiatrice du projet, et de Manuel Valls, ce projet n'est pas encore parfaitement défini. Dans ce contexte, le consul général de France nous a demandé d'appuyer deux demandes des autorités françaises correspondant à deux points de blocage : la délimitation d'un périmètre cohérent de 100 km2 au lieu de 32 km2 et la présence d'une gare TGV au coeur même de cet éco-quartier afin d'en faire un vrai hub intermodal avec 3 lignes de métro et 2 lignes de tramway, et non en bordure de ce quartier.

Deuxième axe : l'urbanisme et l'urbanisation de demain. Nous avons visité la « Maison des Wuhanais » qui est une sorte de gigantesque musée de la ville avec toutes sortes de plans, cartes et maquettes, décrivant le passé, le présent et surtout le futur de Wuhan. Nous avons été extrêmement impressionnés par ces gigantesques maquettes sur lesquelles figurent tous les axes de transport (en particulier les nouvelles lignes de métro), les noeuds ferroviaires et routiers, l'organisation des différents quartiers, actuels et futurs (y compris la ville durable franco-chinoise), et même les nouveaux bâtiments envisagés, certains très hauts. On y prépare le passage de 10 millions d'habitants aujourd'hui à 50 ou 60 millions en 2030.

Troisième axe : la présence française, à travers près de 130 entreprises implantées à Wuhan et dans sa région, notamment les constructeurs automobiles PSA et Renault, mais aussi Alstom, Schneider, Keolis, Suez environnement, Veolia, L'Oréal, Carrefour, Auchan, Decathlon, etc. Une ligne aérienne directe relie Paris-Wuhan trois fois par semaine. Des échanges universitaires, des jumelages parfois anciens rendent cette relation franco-chinoise particulièrement vivante à Wuhan.

À titre d'exemple, nous avons passé un moment dans les services de la municipalité de Wuhan qui a entrepris un travail de réhabilitation de 25 bâtiments publics, avec l'aide de PME françaises, le soutien technique de l'Ademe et le soutien financier de l'AFD (à hauteur de 20 millions d'euros). L'originalité du projet est non seulement de permettre de réduire la consommation et donc la facture énergétique de ces bâtiments, mais de démontrer l'efficacité d'un modèle de performance énergétique, en particulier d'économies d'énergie, qui permet de financer les travaux. En principe, une fois mis en place, ce projet est destiné à être étendu à un très gros parc de bâtiments publics.

Quelles conclusions tirer de ce voyage ?

Première conclusion : sur la COP21. La France et la Chine ont noué des contacts très étroits au cours des derniers mois dans la perspective de cette conférence :

- c'est à Paris, le 30 juin dernier, que le président Xi Ping a rendu publique la contribution nationale chinoise avec les engagements de ce pays en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre ;

- c'est à Pékin, il y a quelques jours, que les présidents Xi Ping et Hollande ont déclaré ensemble leur souhait que l'accord de Paris puisse être revu tous les cinq ans.

Que contient la contribution chinoise et quels sont les engagements de la Chine ? Il y en a quatre :

- parvenir à un pic d'émissions de CO2 en 2030, ou plus tôt si possible ;

- réduire l'intensité carbonique de l'économie de 60 à 65 % en 2030 par rapport à 2005 ;

- atteindre au moins 20 % d'énergies renouvelables ;

- augmenter le stock forestier.

Pour y parvenir, nos interlocuteurs nous ont dit que la Chine misait désormais clairement sur le nucléaire ainsi que sur l'éolien et le photovoltaïque, mais aussi sur le développement d'une économie plus sobre en carbone. Le secteur des transports est en pleine évolution avec beaucoup de véhicules électriques : vélos, motos, voitures électriques, et un développement très rapide des transports en commun : bus, metro, trains intercités, etc.

Nos interlocuteurs nous ont tous assuré que la Chine accordait une très grande importance à la COP21. Ils nous ont aussi indiqué être optimistes sur ses résultats.

Mais ils nous ont aussi fait observer que la Chine n'avait pas achevé sa transition : plus de 300 millions d'habitants des campagnes vont rejoindre les villes au cours des 10 à 15 prochaines années. Il n'est donc pas possible de fixer un pic d'émissions avant cette date. Si la Chine est le premier émetteur mondial de gaz à effet de serre, c'est aussi parce que c'est la deuxième économie mondiale et que, dépourvue de ressources pétrolières ou gazières, elle est très dépendante du charbon.

Deuxième conclusion : sur la qualité de la relation franco-chinoise. La France est un partenaire ancien et loyal de la Chine, depuis la reconnaissance officielle par le Général de Gaulle de la Chine populaire, ce qui nous donne une place particulière dans ce pays, sur laquelle nous devons à l'évidence continuer à miser.

Le Gouvernement a beaucoup renforcé les services de l'ambassade et des consulats présents dans chacune des grandes villes et centres économiques de la Chine. Le but est de développer nos échanges commerciaux et de faire profiter nos entreprises de la croissance chinoise qui, même ralentie, reste significative, car nous pouvons lui apporter nos compétences.

Mais cela nécessite beaucoup de souplesse et de réactivité de notre part car les évolutions sont très rapides dans ce pays. Nous l'avons en particulier mesuré en visitant le site du futur nouvel aéroport de Pékin. C'était néanmoins pour nous un vrai motif de satisfaction de voir autant d'intervenants français présents dans tous les secteurs porteurs d'avenir du développement durable.

Je laisse maintenant mes collègues qui ont participé à ce déplacement compléter ces propos s'ils le souhaitent.

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