Intervention de Maud Olivier

Commission mixte paritaire — Réunion du 18 novembre 2015 à 16h30
Commission mixte paritaire sur la proposition de loi visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées

Maud Olivier, rapporteure pour l'Assemblée nationale :

Voilà maintenant plus de deux ans que la proposition de loi visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées a été déposée sur le Bureau de notre assemblée. Après deux lectures dans chaque chambre et conformément à la procédure prévue au deuxième alinéa de l'article 45 de la Constitution, une commission mixte paritaire a été convoquée. À ce stade, neuf articles restent en discussion, parmi lesquels l'article 16, qui vise à pénaliser l'achat d'actes sexuels.

De toute évidence, les points qui nous rassemblent sont plus nombreux que ceux qui nous séparent. Cela n'est guère surprenant dans la mesure où nous sommes guidés par un certain nombre d'ambitions communes : renforcer la lutte contre l'exploitation sexuelle sous toutes ses formes, mettre en place une véritable politique publique d'accompagnement des personnes prostituées, améliorer les connaissances des jeunes générations quant aux réalités de la prostitution.

Plusieurs articles de la proposition de loi ont d'ores et déjà été adoptés dans des termes identiques ; d'autres sont encore en discussion, pour des raisons tenant plus à leur rédaction qu'à leur contenu. Je voudrais en évoquer brièvement quelques-uns, que je considère comme étant d'une importance particulière :

- l'article 1er, qui autorise le signalement, sur Internet, des contenus qui contreviendraient à la législation sur la traite des êtres humains ou le proxénétisme. À cet égard, nous savons que l'activité des réseaux d'exploitation sexuelle repose désormais, en grande partie, sur les facilités qu'offre internet pour mettre en relation « acheteurs » et « vendeurs » de services sexuels ;

- l'article 1er ter, qui vise à accorder une protection adéquate, inspirée de celle offerte aux « repentis », aux personnes prostituées victimes de la traite des êtres humains ou du proxénétisme qui aident l'autorité judiciaire, par leurs témoignages, à démanteler les réseaux ;

- l'article 3, qui crée un parcours de sortie de la prostitution et d'insertion sociale et professionnelle afin que les personnes prostituées, soutenues par les pouvoirs publics et le secteur associatif, puissent bénéficier d'un véritable accompagnement, encadré, solide et pérenne, pour parvenir à rompre avec l'activité prostitutionnelle ;

- l'article 3 bis, qui reconnaît aux personnes engagées dans le parcours de sortie de la prostitution et, plus généralement, aux victimes de la traite des êtres humains ou du proxénétisme le statut de public prioritaire pour l'accès aux logements sociaux ;

- l'article 4, qui met en place un fonds dédié à la prévention de la prostitution et à l'accompagnement social et professionnel des personnes prostituées, fonds qui devrait être abondé à hauteur de vingt millions d'euros par an conformément aux engagements du Gouvernement ;

- l'article 6, qui a pour objet de sécuriser la situation administrative des personnes prostituées étrangères victimes des réseaux, qu'elles collaborent ou non avec l'autorité judiciaire ;

- l'article 10, qui ouvre aux victimes de proxénétisme un droit à la réparation intégrale des dommages subis du fait de cette infraction, sans qu'il soit nécessaire d'apporter la preuve d'une incapacité permanente ou d'une incapacité totale de travail égale ou supérieure à un mois ;

- l'article 15, qui doit permettre d'améliorer, dans les établissements d'enseignement secondaire, l'information sur les réalités de la prostitution et les dangers de la marchandisation du corps, phénomènes très largement méconnus des élèves.

Tous ces articles sont porteurs d'avancées considérables pour les personnes prostituées. Tous doivent en effet leur permettre, qu'elles soient françaises ou étrangères, d'être mieux protégées par la puissance publique et mieux accompagnées dans leur quête de rupture avec l'activité prostitutionnelle.

En revanche, nous n'avons pas réussi à nous mettre d'accord sur la question du statut qu'il convient d'accorder, dans la loi, aux personnes prostituées, d'une part, et aux clients de la prostitution, d'autre part. Car si l'article 13, qui supprime le délit de racolage public prévu à l'article 225-10-1 du code pénal, a été adopté dans des termes identiques par nos deux assemblées, l'article 16, qui crée une infraction de recours à l'achat d'actes sexuels, afin de décourager la demande, a été supprimé par le Sénat tant en première qu'en deuxième lecture.

Nous avons tenté de parvenir, au cours des dernières semaines, à une solution acceptable pour les deux assemblées. Nos collègues sénateurs étaient disposés à faire évoluer leur position sur la pénalisation du client, au prix toutefois d'un rétablissement partiel de la pénalisation des personnes prostituées - dès lors qu'elles auraient circulé ou stationné dans certaines zones délimitées par arrêté municipal. Il n'a donc pas été possible de parvenir à un accord, toute incrimination des personnes prostituées - quelle qu'en soit la forme - apparaissant à la fois inacceptable et incompatible avec l'idée selon laquelle celles-ci sont des victimes, pas des coupables.

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