Intervention de Michelle Meunier

Commission mixte paritaire — Réunion du 18 novembre 2015 à 16h30
Commission mixte paritaire sur la proposition de loi visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées

Photo de Michelle MeunierMichelle Meunier, rapporteure pour le Sénat :

Je salue d'abord l'initiative de nos collègues députés, à l'origine de cette proposition de loi, utile et forte, ainsi que la qualité du travail que nous avons pu mener sur ce texte. Son examen nous aura permis de réfléchir à ce que signifie aujourd'hui, concrètement, au regard de la réalité du terrain, l'engagement abolitionniste de la France. Celui-ci doit nous conduire à changer le regard sur la personne prostituée, afin qu'elle soit enfin reconnue comme victime.

Ce changement de regard - et de logique - s'accompagne nécessairement de la responsabilisation du client. J'ai tenu cette position avec constance tout au long de la discussion de ce texte, en défendant l'abrogation du délit de racolage et l'interdiction de l'achat d'un acte sexuel. Ces deux mesures, très complémentaires l'une de l'autre, forment, avec le renforcement de la lutte contre la traite des êtres humains et l'accompagnement des personnes prostituées, un tout cohérent permettant de lutter efficacement contre ce qui constitue une violence exercée, dans la très grande majorité des cas, par des hommes sur des femmes. Au terme des deux lectures, il apparaît que cette vision n'est pas partagée par une majorité de mes collègues. Mais beaucoup d'autres dispositions font consensus, en particulier le parcours de sortie de la prostitution et d'insertion sociale et professionnelle, les mesures de prévention destinées aux jeunes et le dispositif de protection des victimes des réseaux, lorsqu'elles apportent un témoignage utile à la manifestation de la vérité dans le cadre d'une enquête.

Pour autant, la pénalisation des clients de personnes prostituées a été rejetée par deux fois par le Sénat. Je le regrette, mais c'est ainsi. En dépit de l'adoption conforme par notre assemblée, en deuxième lecture, de l'article abrogeant le délit de racolage et malgré la modification de l'article 1er ter, qui constitue une avancée décisive en la matière, les craintes liées au maintien de l'ordre public et à la nécessité de donner aux forces de police des outils de remontée des réseaux demeurent prégnantes parmi les membres du Sénat.

Les discussions avec les présidents Jean-Pierre Vial et Guy Geoffroy ainsi qu'avec la rapporteure Maud Olivier ne nous ont pas permis d'aboutir à un texte susceptible de faire consensus entre nos deux assemblées et entre les différents groupes qui les composent. Nous sommes arrivés à une impasse. Si nous souhaitons réellement traiter les personnes prostituées comme des victimes à part entière, il n'est pas possible d'inscrire dans la loi un mécanisme de sanction à leur égard, dont le déclenchement serait lié à l'exercice de leur activité de prostitution.

C'est finalement toujours la même question qui reste posée : quel regard voulons-nous porter sur la personne prostituée et sur son client ? Je crains malheureusement que, malgré les tentatives de rapprochement, nos deux assemblées ne parviennent pas à dégager une position commune, ce que l'on ne peut que regretter. Il faudra bien trancher et permettre une fois pour toute à cette proposition de loi de terminer son parcours législatif, d'être enfin mise en application et de produire ses effets, tant attendus sur le terrain.

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