Intervention de Alain Marc

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 18 novembre 2015 à 8h35
Loi de finances 2016 — Mission « sécurité » - examen du rapport pour avis

Photo de Alain MarcAlain Marc, rapporteur :

Je voudrais tout d'abord rendre hommage à mon prédécesseur, notre ancien collègue Jean-Patrick Courtois, qui rapportait auparavant les crédits de la mission « Sécurité ». Le présent rapport pour avis est consacré à trois des quatre programmes que compte la mission « Sécurités » : les programmes 176 « Police nationale », 152 « Gendarmerie nationale » et 207 « Sécurité et éducation routières ». Le programme 161 « Sécurité civile » fait l'objet d'un rapport spécifique, que notre collègue Catherine Troendlé vient de présenter.

Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2016, les crédits examinés se montent à 18 milliards d'euros en autorisations d'engagement et crédits de paiement sur un total de 18,5 milliards d'euros pour la mission, soit une stabilisation des crédits en euros courants par rapport aux crédits ouverts en loi de finances pour l'année 2015. Je souhaiterais tout d'abord constater que si des difficultés persistent au regard des moyens de fonctionnement des forces, les nouvelles priorités assignées à la lutte contre le terrorisme et à la lutte contre l'immigration irrégulière ont conduit à ce que d'importants efforts soient consentis, en termes de création de postes en particulier. Ces efforts sont pourtant notoirement insuffisants, surtout depuis les évènements de janvier, dont les conséquences exigent des interventions supplémentaires. Je constaterai ensuite qu'en matière de mutualisation des moyens entre les forces, si beaucoup a été fait, la poursuite de ce mouvement nécessitera d'importants investissements.

Dans le cadre de cet avis, je me suis rendu au commissariat de Boulogne-Billancourt ainsi qu'au Pôle judiciaire de la gendarmerie nationale, à Cergy-Pontoise, qui rassemble depuis cette année sur une même emprise plusieurs laboratoires de police scientifique mais aussi d'analyse des traces informatiques. Enfin, j'évoquerai la création d'un nouveau service de statistique ministériel, dont le but est de publier des statistiques indépendantes en matière de délinquance.

Traditionnellement, les difficultés liées aux moyens de fonctionnement de la gendarmerie et de la police nationales se concentrent sur deux sujets : le parc immobilier et le parc de véhicules.

Dans les deux forces, le parc immobilier est conséquent et soumis à un vieillissement accéléré du fait d'investissements et de crédits pour la maintenance insuffisants. Toutefois, pour la gendarmerie nationale, j'observe qu'un plan triennal de réhabilitation et d'investissement de 210 millions d'euros a été lancé à compter de l'année 2015 et qu'environ 70 millions d'euros y ont été à nouveau dédiés cette année. C'est un effort important, mais encore insuffisant.

Pour le parc automobile, les deux forces sont contraintes d'acheter entre 2000 et 3000 véhicules par an pour le renouveler. Or, comme l'a relevé mon prédécesseur, c'est moins le montant des crédits tout juste suffisant qui pose difficulté que les mesures de régulation budgétaire : en effet, gelés très tôt dans l'année, les crédits ne sont à nouveau disponibles qu'en fin d'année, ce qui déresponsabilise les acteurs et nuit à une bonne gestion : les achats doivent être lancés en urgence, ne laissant aucune marge de manoeuvre ou de négociation aux gestionnaires. Cette année, la police a été particulièrement affectée par ces mesures. Face à ces contraintes sur les moyens de fonctionnement, il est nécessaire de réfléchir à d'autres sources de financement. Pour les moyens de fonctionnement en général, j'observe que l'idée d'attribuer aux services une fraction du produit des avoirs criminels saisis évoquée par le ministre de l'intérieur, lors de son audition par la commission l'année dernière, a été effectivement mise en oeuvre cette année, même si les montants affectés restent modestes : de l'ordre de 5 millions d'euros cette année pour l'ensemble des forces.

Si la lutte contre le terrorisme ou la lutte contre l'immigration irrégulière ont justifié des créations de postes ou des augmentations de moyens, ces missions entraînent aussi d'importantes contraintes pour l'ensemble des forces, qui ne sont qu'en partie prises en compte par les augmentations de crédits. Le renforcement du plan Vigipirate et, hélas, les derniers évènements parisiens, le montrent par exemple très bien.

En matière de mutualisation des moyens des forces, j'observe que la poursuite de ce mouvement nécessite d'importants investissements alors que les économies seront à moyen ou à long terme. Je pense en particulier au soutien de l'entretien du parc automobile des deux forces. Pendant l'année 2015, le service unique en charge des achats, de l'équipement et de la logistique, destiné à mutualiser les achats des trois directions générales de la gendarmerie nationale, de la police nationale et de la sécurité civile et de la gestion des crises a bien fonctionné et donne satisfaction.

Je souhaiterais enfin revenir plus longuement sur le Pôle judiciaire de la Gendarmerie nationale que j'ai pu visiter à Cergy-Pontoise. Ce pôle rassemble plusieurs laboratoires de la gendarmerie ainsi qu'un institut médico-légal. Il rassemble aussi un service de renseignement criminel qui dispose d'un département des sciences du comportement, permettant de dresser le profil criminel d'auteurs de crimes violents, notamment à caractère sexuel, et qui donne de bons résultats. Par ailleurs, ce service a également développé une méthode d'analyse prédictive, en cours d'expérimentation, qui permet de reprendre les paramètres d'actes criminels, afin de définir les zones pouvant être potentiellement touchées par une délinquance ou une criminalité donnée. Enfin, le pôle dispose d'un centre de lutte contre la cybercriminalité. Cet ensemble n'est pas mutualisé avec les autres services nationaux de la police scientifique, ce qui se justifie par la nécessité de disposer de compétences techniques très approfondies. En revanche, ces services partagent des bases d'information communes et s'entraident très régulièrement, même si des progrès restent à accomplir dans ce domaine.

Enfin, j'ai souhaité présenter les résultats de la lutte contre la criminalité organisée, caractérisée par la montée en puissance de de la délinquance au sein des cités sensibles, structurées autour du trafic de stupéfiants. J'ai présenté également un bilan de la lutte contre le trafic de stupéfiants, qui se caractérise en 2014 par la progression des saisies de cocaïne mais aussi d'héroïne. J'ai souhaité présenter un premier bilan du plan de lutte contre la radicalisation violente et les filières terroristes, mis en place par le ministre de l'intérieur depuis le 23 avril 2014. Ainsi fin août, il apparaît ainsi que 1 726 français sont impliqués dans le djihad en Syrie. Dans le cadre de la loi du 13 novembre 2014 renforçant la lutte contre le terrorisme, plusieurs dispositifs ont été adoptés, en particulier l'interdiction de sortie du territoire ou le blocage des sites. Depuis janvier 2015, 135 interdictions de sortie du territoire ont été prononcées. Concernant le blocage des sites internet, près d'une cinquantaine de sites ont été bloqués. J'observe également que le ministère de l'intérieur s'est doté depuis le 1er septembre 2014 d'un service de statistique indépendant, pour permettre la publication de statistiques fiables.

En conclusion, le budget pour la mission « sécurités » pour 2016, stabilisé en euros courants, redonne des marges de manoeuvre pour financer les moyens de fonctionnement des forces et pour améliorer l'état du parc immobilier des deux forces, notamment le parc immobilier de la gendarmerie, même s'il apparaît encore insuffisant pour permettre un fonctionnement optimal des forces de l'ordre. Or, cela fait peser un risque sur le maintien des brigades de gendarmerie en zone rurale par exemple, au profit de regroupements afin d'optimiser les moyens. Nous devons rester vigilants sur le maintien des brigades territoriales, qui assurent un renseignement de qualité en milieu rural et jouent un rôle irremplaçable dans la protection des populations isolées. Par ailleurs, la création nette de postes supplémentaires dans les deux forces nécessite d'être soulignée, mais le Président de la République, à la lumière des derniers attentats sanglants de Paris, propose la création de 5 000 postes supplémentaires de policiers et de gendarmes.

Je propose donc à la commission, compte tenu de ces observations, et au moment où je vous parle, de réserver sa position sur les crédits de la mission « Sécurité » hors sécurité civile pour 2016, cet avis pouvant évoluer à la lumière des dispositions qui seront prises dans les jours à venir, et notamment au vu des amendements proposés par le Gouvernement.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion