Intervention de Esther Benbassa

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 18 novembre 2015 à 8h35
Loi de finances 2016 — Mission « immigration asile et intégration » - crédits « asile » - examen du rapport pour avis

Photo de Esther BenbassaEsther Benbassa, rapporteure pour avis :

La politique de l'asile a connu une réforme majeure avec l'adoption l'été dernier de la loi du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d'asile. La plupart des mesures réglementaires nécessaires à l'application de ses dispositions ont d'ores et déjà été prises, permettant leur entrée en vigueur soit au lendemain de la publication de la loi, soit au 1er novembre 2015.

Le budget pour 2016 se veut, en premier lieu, la traduction de la mise en oeuvre de cette réforme, dont le premier objectif est la réduction du délai de traitement de la demande d'asile. Il se situe dans le prolongement des précédents, avec la poursuite de l'accroissement des moyens et effectifs de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) et l'augmentation de ceux de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII).

Cette année est par ailleurs marquée par l'afflux massif en Europe de demandeurs d'asile en provenance de Syrie et d'Irak, communément désignée comme la « crise des réfugiés », dans laquelle la France occupe une place paradoxale. Ce budget porte la marque de ce contexte, par la mise en oeuvre du plan « Répondre au défi des migrations : respecter les droits, faire respecter le droit », dit « plan migrants», annoncé en juin dernier par le Gouvernement. Un abondement supplémentaire introduit par un amendement adopté par l'Assemblée nationale en première lecture à l'initiative du Gouvernement traduit, quant à lui, les engagements de la France dans le cadre du mécanisme de « relocalisation » des réfugiés décidé par le Conseil de l'Union européenne le 22 septembre dernier.

En 2016, les crédits consacrés à l'exercice du droit d'asile par le programme 303 « Immigration et asile » au titre de l'action n° 2 « Garantie de l'exercice du droit d'asile », augmenteront ainsi significativement : le projet de loi initial, se fondant sur une hypothèse de 71 500 demandes d'asile déposées en 2016, contre 64 811 en 2014, prévoyait une augmentation de 7,4 % par rapport aux crédits ouverts en loi de finances initiale pour 2015, passant de 496,6 millions d'euros à 533,3 millions d'euros - hors fonds de concours et attribution de produits -, en autorisations d'engagement comme en crédits de paiement.

À ces montants s'ajoute un abondement de 68,36 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, intervenu par voie d'amendement en première lecture à l'Assemblée nationale : 53,36 millions d'euros seraient affectés à la prise en charge des demandeurs d'asile - 30 783 demandeurs attendus sur deux ans -, et 15 millions d'euros à l'aide aux communes créant des places d'hébergement. Les crédits de l'action n° 2 « Garantie de l'exercice du droit d'asile » sont ainsi portés à 601,1 millions d'euros, soit une augmentation de 21 %.

Soulignons qu'au 1er janvier 2015, la France métropolitaine disposait de quelque 49 800 places d'hébergement, financées par le programme 303. Ainsi, au 30 juin 2015, davantage de demandeurs étaient hébergés dans le dispositif d'hébergement d'urgence qu'en centre d'accueil de demandeurs d'asile (CADA). Le parc de CADA, moins coûteux que ce mode d'hébergement, sera passé de 21 410 places en 2013 à 33 100 fin 2016. En 2017, 2 000 nouvelles places devraient être créées, ce qui permettrait d'atteindre de manière anticipée l'objectif cible d'un parc de 35 000 places en CADA à l'horizon 2019. Les crédits consacrés à la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) par l'action n° 7 du programme 165 « Conseil d'État et autres juridictions administratives » de la mission « Conseil et contrôle de l'État » augmenteront également de près de 4,5 %, passant de 22,87 millions à 23,72 millions d'euros en autorisations d'engagement et crédits de paiement.

Signalons également les créations de postes à l'OFPRA qui, après 55 nouveaux postes à l'instruction, en 2015, se voit doté de 100 emplois supplémentaires pour l'année 2016. Ce sont principalement les frais induits par ces créations de postes qui expliquent la hausse de la subvention pour charges de service public versée par le ministère de l'intérieur à l'Office, la portant à 52,87 millions d'euros en 2016, soit une hausse de près de 15 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2015.

Comme les années passées, ce projet de budget vise avant tout à poursuivre la réduction du délai de traitement de la demande d'asile, mais également à améliorer la prise en charge des demandeurs d'asile. Il reste encore beaucoup à faire, puisqu'ainsi que je l'ai indiqué dans ma question au Gouvernement la semaine dernière, une centaine de personnes, avec un turn over de 30 à 35 personnes tous les huit ou dix jours, se trouvent, depuis fin octobre, au centre de rétention administrative de Vincennes, ce qui contrevient à l'esprit du texte que nous avons voté. Ces personnes, frappées d'une mesure d'obligation de quitter le territoire français, sont pourtant majoritairement originaires de Syrie, d'Irak et d'Érythrée et ne peuvent donc être reconduites.

Au total, et s'agissant de ces crédits, dans le contexte de forte contrainte budgétaire que nous connaissons, l'effort consenti en faveur de la garantie de l'exercice du droit d'asile mérite d'être salué. Ce budget sera-t-il néanmoins suffisant pour accueillir le flux de réfugiés auquel on peut s'attendre ? La question reste posée.

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