Intervention de Laurent Vallet

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 18 novembre 2015 à 9h10
Contrat d'objectifs et de moyens pour la période 2015-2019 — Audition de M. Laurent Vallet président de l'institut national audiovisuel ina

Laurent Vallet, président-directeur général de l'Institut national de l'audiovisuel (INA) :

Sur les perspectives de développement commercial, nous avons plusieurs pistes pour stopper le mouvement de baisse des ressources propres. Je vous donnerai deux exemples : sur le plan international, avec nos métiers d'expertise et de formation, nous pouvons aider un certain nombre d'institutions étrangères. L'international donne lieu à beaucoup d'échanges et de déplacements. Nous sommes en train de négocier un important contrat en Algérie sur la formation auprès de l'audiovisuel public. Cela demande des moyens mais j'y vois également un gisement de ressources propres et de rayonnement de l'Institut, au-delà même des opérations de prestige comme on a pu le faire en restaurant les archives de l'institut audiovisuel cubain ou la restauration et la numérisation des supports audio très particuliers sur lesquels étaient enregistrés les procès de l'ANC et de Nelson Mandela.

Aujourd'hui, toutes les grandes entreprises sont dans une démarche de renforcement de leur brand content ou contenu de marque. Pour donner de la valeur à sa marque, on peut faire appel à la mémoire audiovisuelle de l'entreprise. La Française des jeux a pris conscience de sa marque et, outre ses propres archives, l'INA disposait d'un grand nombre d'images depuis plus de quarante ans.

Je considère la plateforme « INA Premium » comme une nouvelle façon d'exercer notre mission de service public plutôt que comme une nouvelle source de revenus et de rentabilité. Elle est récente et nous ne nous sommes volontairement pas fixé d'objectifs en termes de nombre d'abonnés. D'ailleurs, qui, parmi vous, connaît le nombre réel d'abonnés à Netflix en France ? Il n'existe pas de secret des affaires pour l'INA et nous sommes très contents du démarrage de la plateforme. À l'issue du premier mois gratuit, le taux de désabonnement a été de 5 à 6 %. Cela devrait permettre d'amortir assez rapidement l'investissement technique, mais définir un objectif de rentabilité pour « INA Premium » est compliqué dès lors qu'il faut payer, même un prix très modique. Dès lors que l'on n'a pas la maîtrise totale dans la fixation du prix, on ne peut pas se fixer les mêmes objectifs qu'un opérateur privé.

La version d'octobre 2015 du COM de l'INA n'a pas varié par rapport à celle du printemps dernier en ce qui concerne ses trois piliers financiers, à savoir : stabilité de la ressource publique allouée à l'INA d'un montant de 89 millions d'euros par an ; plafonnement de la masse salariale à 67,5 millions d'euros par an et autofinancement du projet immobilier de l'INA, à hauteur de 25 millions d'euros pour la période 2015-2019.

Compte tenu de l'accord collectif sur le statut des salariés qui garantit une augmentation automatique de 1,5 % des salaires par an et jusqu'à 0,75 % en plus dans le cadre de mesures individuelles, le plafonnement de la masse salariale sur la période 2015-2019 va nécessairement conduire à réduire le nombre de collaborateurs. Sur les 950 équivalents temps plein (ETP) actuels, 25 à 30 ETP devraient disparaître d'ici 2019. J'ai confiance dans le fait que cela pourra se faire de façon apaisée.

Au-delà, il faut également nous préparer au départ à la retraite de 25 % de nos effectifs. S'il faut saisir cette opportunité pour faire évoluer notre organisation, nous devons veiller à ne pas perdre certaines de nos compétences, comme celles des métiers de traitement du film. Dans ce contexte, nous réfléchissons actuellement avec le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) et la Cinémathèque française à mutualiser nos moyens techniques de traitement du film afin de sauvegarder les compétences en la matière.

J'ai rencontré récemment Delphine Ernotte pour évoquer l'éventuelle articulation de la plateforme « INA Premium » avec une future offre de vidéo par abonnement de France Télévisions. De notre point de vue, plusieurs options sont envisageables. L'INA est quasi-propriétaire de l'outil technique que représente la plateforme sur laquelle s'appuie le service « INA Premium » et pourrait éventuellement le mettre à disposition de France Télévisions selon le principe commercial de marque blanche. Mais « INA Premium » pourrait aussi accueillir un certain nombre de contenus du catalogue de France Télévisions comme des documentaires de création dont l'exploitation n'est plus de mise, ce qui complèterait l'offre en la matière de l'INA.

L'INA est membre du comité de pilotage de la chaîne publique d'information en continu et participe activement à l'élaboration de ce projet. Nous avons accueilli sur notre site de Bry-sur-Marne la semaine dernière l'équipe de préfiguration de la chaîne. Nous réfléchissons actuellement à la façon dont l'INA pourrait fournir, sur une base quotidienne, des programmes courts basés sur ses archives permettant de décrypter et de mettre en perspective l'actualité sur la future chaîne.

L'INA compte six délégations régionales dont une des vocations est de recueillir le fonds d'archives des antennes régionales et locales de France 3. Une partie de ce fonds sert à mettre en valeur les langues régionales. La délégation de Strasbourg a ainsi mis sur pied un projet multimédia sur un chansonnier alsacien très connu dans la région, Germain Muller. Des éléments de même nature sont en cours de réalisation à Rennes. Les langues régionales constituent par ailleurs une thématique qui peut parfaitement s'intégrer dans nos « fresques » multimédia.

Les « fresques » multimédia sont des regroupements thématisés d'archives sur lesquels nous nous appuyons, notamment, dans le cadre de nos relations avec l'éducation nationale. L'éducation à l'image à travers ces fresques est un moyen de toucher le public jeune. Mais il faut admettre que, en dehors du cadre scolaire, les images d'archives ne représentent pas un médium très attractif pour cette catégorie de public... sauf éventuellement pour les utiliser dans un esprit de dérision. Or faire de la dérision à partir de nos archives ne fait pas partie de nos objectifs. Toutefois, nous avons choisi pour la campagne de communication en vue du lancement d' « INA Premium » de jouer délibérément la carte « jeunes » en diffusant sur les réseaux sociaux des « gifs », ces pastilles vidéo de quelques secondes, réalisées à partir de nos archives. C'est une façon de se rapprocher du public jeune sans porter atteinte à la mission de l'INA, dans le respect des ayants droit.

Nous poursuivons notre démarche de « déprécarisation » visant à faire bénéficier de contrats à durée indéterminée des personnes qui jusqu'à présent étaient employées sur la base de contrats à durée déterminée (CDD) reconduits. Cette démarche a été appliquée à 29 salariés, et se prolongera pour la catégorie des documentalistes.

Les autres pays européens - je pense principalement à l'Allemagne, à l'Italie, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni - ont des modèles très différents en matière de conservation et de diffusion des archives audiovisuelles. Le modèle économique le plus proche du nôtre est celui des Pays-Bas. D'un point de vue plus général, on peut dire qu'ils ont tous un temps de retard en matière de numérisation de leur stock d'archives par rapport à la France, mais ils sont en avance sur le plan des usages.

Nos relations avec l'AFP donnent lieu à différents partenariats : nous vendons sur la plateforme professionnelle de l'INA, INA Media Pro, des contenus produits par l'AFP ; l'AFP puise par ailleurs régulièrement dans nos fonds des archives pour illustrer ses reportages. Avec Emmanuel Hoog, qui connaît bien notre maison, nous partageons la volonté de développer ces partenariats. Nous avons ainsi un projet de numérisation d'une partie du fonds de l'AFP en vue d'une mise à disposition dans le cadre d'un mandat partagé. De même, nous envisageons de valoriser davantage le fonds photographique de l'INA en bénéficiant de la connaissance de l'AFP dans ce secteur.

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