J'ai le plaisir de souhaiter ce matin, en notre nom à tous, la bienvenue à M. Laurent Vallet, président-directeur général de l'Institut national de l'audiovisuel (INA) qui vient nous présenter le projet de contrat d'objectifs et de moyens (COM) de l'INA pour la période 2015-2019.
Je rappelle que M. Laurent Vallet a pris ses fonctions le 21 mai dernier suite à la démission de Mme Agnès Saal dans des conditions que nous gardons en mémoire. Nous vous saurons gré, Monsieur le président, si vous le voulez bien, de nous expliquer quelle est aujourd'hui la situation de l'INA et l'état d'esprit des collaborateurs compte tenu de ces événements.
Je vais vous laisser la parole, monsieur le président, afin de nous présenter les grandes lignes de ce projet de contrat d'objectifs et de moyens. Compte tenu du fait qu'un premier COM nous avait déjà été présenté au printemps, je vous proposerai de nous indiquer également les principales différences entre les deux documents.
À l'issue de votre intervention, je donnerai la parole à notre rapporteur pour les crédits de l'audiovisuel, Jean-Pierre Leleux, puis à l'ensemble des sénateurs.
Concernant l'état d'esprit de l'entreprise, après les mois agités qu'elle a connus, j'ai trouvé une entreprise choquée et secouée par les conditions du départ de ma prédécesseure. Le fait que j'étais le troisième président en deux ans et demi pouvait donner aux personnels le sentiment d'un problème de gouvernance. L'expression publique autour de l'établissement ne concernait plus ses métiers et son savoir-faire.
J'ai commencé par aller à la rencontre des collaborateurs sur les différents sites. Je m'attendais à recevoir seulement un accueil poli ; j'ai découvert des salariés passionnés par leur métier. Ils ont noté que j'avais passé treize ans dans mes précédentes fonctions, ce qui constituait un signe de stabilité.
Parmi les différences entre la première version du contrat d'objectifs et de moyens (COM), qui vous a été présenté il y a quelques mois et la version que vous examinez aujourd'hui, je mentionnerai l'abandon du projet de ma prédécesseur de faire de l'INA la mémoire de l'audiovisuel en général à travers la création d'une plateforme culturelle qui aurait rassemblé les archives audiovisuelles du spectacle vivant et des institutions muséales. Ce projet, qui ne disposait pas du plein soutien des tutelles et dont le financement posait question, ne figurait pas explicitement dans le projet de COM. Le projet que je vous présente repose sur la réaffirmation de la vocation de l'INA et la volonté d'imaginer l'après « plan de sauvegarde numérique » (PSN) compte tenu du fait que ce plan, qui a constitué la colonne vertébrale des trois précédents COM, devrait être quasiment achevé en 2019.
Imaginer l'après PSN nécessite de réinventer la place des archives à l'heure du numérique en partant des usages et non plus des outils. Il faut réfléchir à la façon de partager ces fonds numérisés auprès du public le plus large à travers des MOOCs, par exemple. Je suis très heureux du lancement de la plateforme « INA Premium » qui constitue un joli succès. On est bien là dans les usages et la réaffirmation de la mission patrimoniale. Il faut, par ailleurs, continuer à enrichir notre fonds car le flux n'alimente plus le stock de la même façon. Il faut trouver des détenteurs de fonds qui font sens avec l'audiovisuel.
La seconde priorité consiste à assumer pleinement le statut d'établissement public industriel et commercial (EPIC) hérité de la loi de 1974. Même si les échanges commerciaux n'étaient probablement pas le fruit de négociations avec les différentes branches de l'ancienne ORTF à l'origine, il s'agissait d'un statut visionnaire puisque les ressources propres constituent un tiers du budget de nos jours. Un des objectifs doit consister à enrayer la baisse de nos ressources propres.
Nous avons, par ailleurs, un devoir d'exemplarité en matière de gestion qui dépasse la situation des dirigeants. À cet égard, la suppression, en 2007, de l'agence comptable n'a pas été sans conséquence sur la gestion de la dépense. L'INA n'a pas mis en place de dispositif de contrôle interne comptable et financier satisfaisant.
En matière de gestion des compétences et des effectifs, 25 % des effectifs partiront à la retraite dans les cinq années à venir, d'où la nécessité d'une gestion attentive des ressources humaines pour ne pas perdre les compétences. Il s'agit également d'une opportunité pour faire évoluer les métiers de l'INA.
Enfin, le COM prévoit un projet immobilier stabilisé à travers le site fédérateur historique de Bry-sur-Marne. Même si le lieu est un peu isolé aujourd'hui, il devrait être mieux desservi à l'avenir compte tenu du développement du Grand Paris.
Le projet de COM qui nous avait été présenté au printemps prévoyait un développement de l'INA auprès des entreprises hors médias et des collectivités publiques pour leur proposer un service de conservation de leurs archives audiovisuelles. Cette « diversification » pouvait s'apparenter à une volonté de compenser par des missions nouvelles la prochaine arrivée à son terme du plan de sauvegarde numérique (PSN). Est-ce que cette diversification demeure une priorité du nouveau COM ? Une telle diversification ne constituerait-elle pas un risque financier pour l'Institut et, par voie de conséquence, pour les finances publiques ? Je souhaiterai avoir des précisions sur ce sujet même si vous avez laissé entendre que cette orientation était abandonnée.
Le projet de COM prévoit un maintien de la masse salariale à 67,5 millions d'euros sur la période 2015-2019 qui s'explique, en particulier, par le coût des augmentations générales de l'accord collectif. Quelles sont, selon vous, les marges qui existent afin que l'INA contribue, dans la durée, aux efforts de maîtrise des dépenses ? Et comment vont évoluer, en particulier, les effectifs d'ici 2019 ?
Enfin, vous avez évoqué l'ouverture de l'« INA Premium » à laquelle d'ailleurs je me suis abonné pour 2,99 euros par mois, avec le premier mois gratuit. Quels sont les premiers résultats en termes d'abonnements de cette plateforme, lancée fin septembre ? Avez-vous une perspective de ressources propres ? Et sujet plus sensible, comment cette plateforme pourrait-elle intégrer une offre commune du service public de vidéo à la demande par abonnement ? L'INA est la première institution du service public à offrir une telle plateforme. Je pense qu'il faut néanmoins se concerter avec les autres opérateurs du service public. Des discussions ont-elles commencé avec France Télévisions ?
Vous nous avez donné l'état d'esprit du personnel à l'INA. Nous étions déjà inquiets quand Mme Agnès Saal est venue devant notre commission et notre inquiétude a augmenté.
Du point de vue de l'évolution de la masse salariale et du maintien des compétences, le fait que l'INA doive faire de plus en plus appel à un financement par ressources propres nous inquiète : ceci introduit une grande incertitude et traduit une diminution des ressources par dotation.
Le projet établi par Agnès Saal visait à la reconstruction de l'entreprise sur la base d'un frein considérable à la suppression des emplois. Vous nous avez indiqué que 25 % des personnels partiraient prochainement à la retraite. Pouvez-vous nous donner quelques explications complémentaires sur l'évolution des effectifs ?
Je voudrai rendre hommage à cet établissement qui vient de fêter ses quarante ans, qui a rempli son rôle et su évoluer, notamment sur la numérisation des archives. Ce COM marque une ère nouvelle.
Je suis arrivée au Conseil d'administration de votre institution à une époque troublée et j'ai pu remarquer la solidité des équipes et la présence d'un personnel compétent et volontaire.
Ma question porte sur les langues régionales. Quelles sont les ressources dont disposent l'INA afin d'avancer dans ce secteur où il existe une attente ?
Je vois trois enjeux pour l'INA.
Comment le fonds d'archives continue-t-il à augmenter son fonds à partir de ce qui a déjà été acquis, et dans quelles conditions peut-il négocier avec les différentes chaînes de télévision ?
Le deuxième enjeu porte sur la conservation des archives à l'heure du numérique. Comment va-t-on utiliser ces archives dans cinquante ans. On a cru que le numérique permettrait un stockage plus facile. Mais, en même temps, les technologies changent. Tout est plus volatil. J'ai une grande inquiétude sur la façon dont on anticipe les évolutions technologique futures.
Ma dernière question est relative au projet de chaîne d'information en continu du service public. Êtes-vous associés à cette perspective ? Votre fonds d'archives, en termes d'images et de documentaires, permettrait d'alimenter cette nouvelle chaîne.
En conclusion, je soulignerai que vous faites partie du service public de l'audiovisuel et votre rôle est primordial. Je pense qu'aucune entreprise publique ne peut vivre sans ressources propres. Au-delà de la ressource, c'est la condition de sa performance et de son dynamisme.
Je souhaite revenir sur deux points de votre exposé sur l'évolution du COM pour l'avenir.
Vous avez également une vocation de formation. Vous disposez d'un institut de formation qui a des taux d'insertion convenables, mais qui pourrait peut-être être consolidé et amélioré. Que comptez-vous faire pour renforcer cet institut de formation ? Et comment comptez-vous renforcer votre coopération avec l'éducation nationale ? Aujourd'hui, l'enseignement passe aussi par l'éducation à l'image. De nombreuses disciplines utilisent les sources audiovisuelles.
Pour une génération qui a connu l'Office de radiodiffusion-télévision française (ORTF), l'INA est une évidence. C'est beaucoup moins vrai pour les jeunes générations. Que comptez-vous mettre en place à destination de ceux qui sont vos clients de demain ? Comment concilier toutes ces missions ?
Enfin, quelle est votre vision exacte des missions que l'on pourra donner aux personnels à statut précaire et dont le savoir-faire est précieux ?
Existe-t-il des institutions similaires en Europe et, si oui, quels sont leur modèle économique ?
Existe-il une coopération avec l'Agence France Presse (AFP) et des optimisations sont-elles possibles dans ce domaine ?
Sur les perspectives de développement commercial, nous avons plusieurs pistes pour stopper le mouvement de baisse des ressources propres. Je vous donnerai deux exemples : sur le plan international, avec nos métiers d'expertise et de formation, nous pouvons aider un certain nombre d'institutions étrangères. L'international donne lieu à beaucoup d'échanges et de déplacements. Nous sommes en train de négocier un important contrat en Algérie sur la formation auprès de l'audiovisuel public. Cela demande des moyens mais j'y vois également un gisement de ressources propres et de rayonnement de l'Institut, au-delà même des opérations de prestige comme on a pu le faire en restaurant les archives de l'institut audiovisuel cubain ou la restauration et la numérisation des supports audio très particuliers sur lesquels étaient enregistrés les procès de l'ANC et de Nelson Mandela.
Aujourd'hui, toutes les grandes entreprises sont dans une démarche de renforcement de leur brand content ou contenu de marque. Pour donner de la valeur à sa marque, on peut faire appel à la mémoire audiovisuelle de l'entreprise. La Française des jeux a pris conscience de sa marque et, outre ses propres archives, l'INA disposait d'un grand nombre d'images depuis plus de quarante ans.
Je considère la plateforme « INA Premium » comme une nouvelle façon d'exercer notre mission de service public plutôt que comme une nouvelle source de revenus et de rentabilité. Elle est récente et nous ne nous sommes volontairement pas fixé d'objectifs en termes de nombre d'abonnés. D'ailleurs, qui, parmi vous, connaît le nombre réel d'abonnés à Netflix en France ? Il n'existe pas de secret des affaires pour l'INA et nous sommes très contents du démarrage de la plateforme. À l'issue du premier mois gratuit, le taux de désabonnement a été de 5 à 6 %. Cela devrait permettre d'amortir assez rapidement l'investissement technique, mais définir un objectif de rentabilité pour « INA Premium » est compliqué dès lors qu'il faut payer, même un prix très modique. Dès lors que l'on n'a pas la maîtrise totale dans la fixation du prix, on ne peut pas se fixer les mêmes objectifs qu'un opérateur privé.
La version d'octobre 2015 du COM de l'INA n'a pas varié par rapport à celle du printemps dernier en ce qui concerne ses trois piliers financiers, à savoir : stabilité de la ressource publique allouée à l'INA d'un montant de 89 millions d'euros par an ; plafonnement de la masse salariale à 67,5 millions d'euros par an et autofinancement du projet immobilier de l'INA, à hauteur de 25 millions d'euros pour la période 2015-2019.
Compte tenu de l'accord collectif sur le statut des salariés qui garantit une augmentation automatique de 1,5 % des salaires par an et jusqu'à 0,75 % en plus dans le cadre de mesures individuelles, le plafonnement de la masse salariale sur la période 2015-2019 va nécessairement conduire à réduire le nombre de collaborateurs. Sur les 950 équivalents temps plein (ETP) actuels, 25 à 30 ETP devraient disparaître d'ici 2019. J'ai confiance dans le fait que cela pourra se faire de façon apaisée.
Au-delà, il faut également nous préparer au départ à la retraite de 25 % de nos effectifs. S'il faut saisir cette opportunité pour faire évoluer notre organisation, nous devons veiller à ne pas perdre certaines de nos compétences, comme celles des métiers de traitement du film. Dans ce contexte, nous réfléchissons actuellement avec le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) et la Cinémathèque française à mutualiser nos moyens techniques de traitement du film afin de sauvegarder les compétences en la matière.
J'ai rencontré récemment Delphine Ernotte pour évoquer l'éventuelle articulation de la plateforme « INA Premium » avec une future offre de vidéo par abonnement de France Télévisions. De notre point de vue, plusieurs options sont envisageables. L'INA est quasi-propriétaire de l'outil technique que représente la plateforme sur laquelle s'appuie le service « INA Premium » et pourrait éventuellement le mettre à disposition de France Télévisions selon le principe commercial de marque blanche. Mais « INA Premium » pourrait aussi accueillir un certain nombre de contenus du catalogue de France Télévisions comme des documentaires de création dont l'exploitation n'est plus de mise, ce qui complèterait l'offre en la matière de l'INA.
L'INA est membre du comité de pilotage de la chaîne publique d'information en continu et participe activement à l'élaboration de ce projet. Nous avons accueilli sur notre site de Bry-sur-Marne la semaine dernière l'équipe de préfiguration de la chaîne. Nous réfléchissons actuellement à la façon dont l'INA pourrait fournir, sur une base quotidienne, des programmes courts basés sur ses archives permettant de décrypter et de mettre en perspective l'actualité sur la future chaîne.
L'INA compte six délégations régionales dont une des vocations est de recueillir le fonds d'archives des antennes régionales et locales de France 3. Une partie de ce fonds sert à mettre en valeur les langues régionales. La délégation de Strasbourg a ainsi mis sur pied un projet multimédia sur un chansonnier alsacien très connu dans la région, Germain Muller. Des éléments de même nature sont en cours de réalisation à Rennes. Les langues régionales constituent par ailleurs une thématique qui peut parfaitement s'intégrer dans nos « fresques » multimédia.
Les « fresques » multimédia sont des regroupements thématisés d'archives sur lesquels nous nous appuyons, notamment, dans le cadre de nos relations avec l'éducation nationale. L'éducation à l'image à travers ces fresques est un moyen de toucher le public jeune. Mais il faut admettre que, en dehors du cadre scolaire, les images d'archives ne représentent pas un médium très attractif pour cette catégorie de public... sauf éventuellement pour les utiliser dans un esprit de dérision. Or faire de la dérision à partir de nos archives ne fait pas partie de nos objectifs. Toutefois, nous avons choisi pour la campagne de communication en vue du lancement d' « INA Premium » de jouer délibérément la carte « jeunes » en diffusant sur les réseaux sociaux des « gifs », ces pastilles vidéo de quelques secondes, réalisées à partir de nos archives. C'est une façon de se rapprocher du public jeune sans porter atteinte à la mission de l'INA, dans le respect des ayants droit.
Nous poursuivons notre démarche de « déprécarisation » visant à faire bénéficier de contrats à durée indéterminée des personnes qui jusqu'à présent étaient employées sur la base de contrats à durée déterminée (CDD) reconduits. Cette démarche a été appliquée à 29 salariés, et se prolongera pour la catégorie des documentalistes.
Les autres pays européens - je pense principalement à l'Allemagne, à l'Italie, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni - ont des modèles très différents en matière de conservation et de diffusion des archives audiovisuelles. Le modèle économique le plus proche du nôtre est celui des Pays-Bas. D'un point de vue plus général, on peut dire qu'ils ont tous un temps de retard en matière de numérisation de leur stock d'archives par rapport à la France, mais ils sont en avance sur le plan des usages.
Nos relations avec l'AFP donnent lieu à différents partenariats : nous vendons sur la plateforme professionnelle de l'INA, INA Media Pro, des contenus produits par l'AFP ; l'AFP puise par ailleurs régulièrement dans nos fonds des archives pour illustrer ses reportages. Avec Emmanuel Hoog, qui connaît bien notre maison, nous partageons la volonté de développer ces partenariats. Nous avons ainsi un projet de numérisation d'une partie du fonds de l'AFP en vue d'une mise à disposition dans le cadre d'un mandat partagé. De même, nous envisageons de valoriser davantage le fonds photographique de l'INA en bénéficiant de la connaissance de l'AFP dans ce secteur.
Vous avez tenu un discours très jacobin de détenteur de la mémoire de la nation et je voudrais vous interroger sur la dimension de la décentralisation car votre prédécesseur était plus créative. Il va y avoir treize régions dont certaines auront la taille d'une nation. Dans le Nord-Pas-de-Calais-Picardie, par exemple, est-ce que vous envisagez de contractualiser avec la région ? Un décalage nous menace car la mémoire de l'image est absente des débats locaux. Attendez-vous des propositions de la part des régions ?
Pouvez-vous nous préciser quelles sont les relations de l'INA avec les cinémathèques de nos régions qui ont pour mission de conserver la mémoire locale ?
Quelles garanties avez-vous du maintien de votre part de contribution à l'audiovisuel public et quels sont les objectifs financiers de votre nouveau service de vidéo à la demande par abonnement ?
Qui protège l'INA et existe-t-il un « INA bis » en cas de destruction de vos fichiers ?
Vous essayez de faire évoluer le modèle économique de l'établissement. Quels partenariats envisagez-vous avec les autres établissements publics fonctionnant en réseau ?
Sur la décentralisation, j'ai bien noté que vous me trouviez moins dynamique et créatif que ma prédécesseure. J'en prends acte. En tout cas, je me réjouis du document multimédia élaboré pour célébrer la mémoire de votre région. Il est vrai que les délégations régionales se trouvent éloignées du centre. Je vous promets d'être plus dynamique et créatif ! L'INA essaie de partager dans les meilleures conditions possibles ses collections avec ceux qui s'y intéressent. Beaucoup de promesses ont été faites ces derniers mois, et nous allons essayer de les tenir dans la mesure où elles sont en cohérence avec notre modèle économique.
Pour le reste nous trouverons d'autres façons de nous associer au mouvement de décentralisation.
S'agissant des relations avec les cinémathèques et médiathèques, nous disposons de postes de consultation mobiles (PCM). Leur installation et leur déploiement se poursuivent. Le projet de COM fixe d'ailleurs des objectifs chiffrés. Toutes les demandes d'installation de nouvelles bornes multimédias sont les bienvenues. Les coûts restent encadrés et raisonnables. C'est également un moyen d'entretenir notre lien avec les collectivités locales.
Le projet immobilier est financé par un prélèvement sur notre fonds de roulement sur la durée du COM pour un peu moins de 20 millions d'euros et une contribution du budget d'investissement, à hauteur de 5,5 millions d'euros. Nous sommes confiants sur le fait que ce coût doit être correctement évalué et ces ressources identifiées et sanctuarisées dans le COM.
S'agissant des conditions de sécurité dans lesquelles sont conservés nos fonds, nous disposons d'un site miroir à Aubervilliers, où toutes nos machines sont dupliquées. Par ailleurs, la question d'intrusion informatique se pose à l'ensemble des sociétés audiovisuelles publiques qui échangent régulièrement sur cette question. Dans la cadre du projet immobilier, le stockage des informations se trouvera dans la partie nouvellement construite et bénéficiera, par conséquent, de conditions de sécurité renforcées.
Enfin, les partenariats avec différents réseaux constituent une priorité à mes yeux. Nous souhaitons faciliter l'accès de nos fonds de collection aux réseaux culturels français à l'étranger. C'est un dialogue que j'ai relancé à mon arrivée. Il existe un potentiel important dans les relations de l'INA avec ce réseau.
Je vous remercie, monsieur le président, pour ces précisions. Nous allons poursuivre notre réflexion sur le projet de COM et nous rendrons un avis dans les délais prévus par la loi du 30 septembre 1986.
La commission procède à l'examen des rapports pour avis de M. Philippe Nachbar sur les crédits « Patrimoines », de M. Jean-Claude Luche sur les crédits « Transmission des savoirs » et de M. David Assouline sur les crédits « Création et cinéma » de la mission Culture du projet de loi de finances pour 2016.
Les crédits du programme 175 « Patrimoines », après deux ans de recul et une année de stabilisation, progressent pour 2016 : les autorisations d'engagement (AE) gagnent 166 millions d'euros, à 912 millions d'euros (+18%) et les crédits de paiement (CP) 122 millions d'euros, à 873 millions d'euros (+16%). Cependant, cette hausse tient essentiellement à la budgétisation de 118 millions d'euros pour la redevance pour l'archéologie préventive (RAP). En fait, la hausse des crédits budgétaires est en trompe-l'oeil, les missions des opérateurs sont élargies et les défis demandent une mobilisation bien plus forte de politiques publiques, en particulier pour l'entretien et la valorisation de notre patrimoine. Ceci est d'autant plus vrai qu'en deuxième délibération, le 13 novembre 2015, l'Assemblée nationale a diminué de 10 millions d'euros les crédits de la mission « culture », dont 5 millions d'euros pour le seul programme 175.
Les crédits de l'action 1 « Patrimoine monumental » progressent de 11,32 millions d'euros en autorisations d'engagement, à 352,72 millions d'euros (+3,32%) mais perdent 1,5 million d'euros en crédits de paiement, à 327,35 millions d'euros (-0,47%). En outre, ces chiffres ne tiennent pas compte du « rabot » de 5 millions d'euros sur le programme 175 qui, d'après ce que m'a dit hier Mme la ministre, pourrait toucher principalement l'action 1.
Cette stagnation des crédits de paiement est inquiétante face à l'ampleur de la tâche à accomplir pour entretenir et valoriser notre patrimoine historique. Je rappelle que la France compte 43 609 immeubles protégés au titre des monuments historiques, dont 14 135 classés et 29 474 inscrits et que s'y ajoutent de très nombreux bâtiments ni classés ni inscrits mais qui présentent un intérêt historique indéniable et pour lesquels nos concitoyens attendent un certain entretien.
Les crédits de l'action 1 vont financer de « grands chantiers » l'an prochain : la restauration et l'aménagement du Grand Palais - projet de 130 millions d'euros de travaux encore soumis à des arbitrages - ; la restauration du château de Fontainebleau, d'un montant global de 114 millions d'euros sur douze ans, lancée l'an passé et qui devrait s'échelonner jusqu'en 2026 ; la construction d'un centre de conservation et d'études en Lorraine (CCEL), commencée l'an passé et qui doit s'achever l'an prochain ; la restauration de l'ancien hôpital Jean Martial à Cayenne ; la nouvelle reconstitution de la grotte de Lascaux et la création d'un centre international d'art pariétal à Montignac, en Dordogne ; la modernisation du musée de Cluny, à Paris et la restauration des thermes gallo-romains.
Les crédits de l'action 2 « Architecture » progressent de 987 000 euros en autorisations d'engagement comme en crédits de paiement, à 28,8 millions d'euros (+3,5%) ; ils vont pour plus de moitié à la Cité de l'architecture et du patrimoine (16,46 millions d'euros), pour 12,6% au cofinancement des études pour la constitution des AVAP et pour 12% aux réseaux de promotion de la qualité architecturale, comme les CAUE et les 184 « Villes et Pays d'art et d'histoire ».
Les crédits de l'action 3 « Patrimoine des musées de France » progressent de 13,15 millions d'euros en autorisations d'engagement, à 344,44 millions d'euros (+3,97%) mais ils reculent de 323 000 euros en crédits de paiement, à 339,38 millions d'euros. C'est important, mais nous devons prendre en compte l'élargissement des missions des musées : ils sont sous pression et c'est bien pourquoi l'annonce d'une ouverture 7 jours sur 7 a suscité de vives réactions parmi les personnels.
L'action 4 « Patrimoine archivistique et célébrations nationales » gagne 20 millions d'euros en autorisation d'engagement, à 43,75 millions d'euros. Ce bond spectaculaire (+ 83%) tient à ce que les crédits d'investissements passent de 6,51 à 25,70 millions d'euros, dont 17,45 millions d'euros pour l'aménagement du site des Archives nationales à Pierrefitte-sur-Seine.
Les crédits de l'action 8 « Acquisition et enrichissement des collections publiques » gagnent 500 000 euros en autorisations d'engagement comme en crédits de paiement, à 8,85 millions d'euros, c'est 6% de mieux que l'an passé. Je signale au passage les vertus du mécénat, qui dépasse les subventions pour l'achat d'oeuvres d'art, puisqu'il a atteint 13 millions d'euros en 2013.
Les crédits de l'action 9 « Patrimoine archéologique » passent de 11,29 à 131 millions d'euros en autorisation d'engagement et de 19,7 à 137,8 millions d'euros en crédits de paiement du fait qu'ils intègrent désormais la redevance d'archéologie préventive (RAP), provisionnée à hauteur de 118 millions d'euros.
La budgétisation de la RAP est une bonne nouvelle ; elle va permettre à l'Institut national pour l'archéologie nationale, l'Inrap, d'en finir avec l'incertitude permanente sur le montant de son budget, situation que nous déplorons depuis de nombreuses années. Cependant, il nous faut résister à la tentation de revenir au monopole de l'Inrap, les pressions sont évidentes, nous le verrons en examinant le projet de loi « liberté de création, architecture et patrimoine » (LCAP) : rappelons-nous, mes chers collègues, ce qu'il en était au temps du monopole, pour les délais, les coûts et les retards, et sachons défendre les apports de la concurrence, qui a permis aux collectivités territoriales d'organiser des services archéologiques et à des entreprises privées - la plupart créées par d'anciens de l'Inrap - de proposer également leurs services, au bénéfice de l'archéologie préventive. Gardons-nous de revenir en arrière !
Les opérateurs du programme 175, ensuite, en ont trop souvent été la variable d'ajustement : ce n'est pas le cas cette année, semble-t-il, même si je note qu'un million d'euros est retiré au Musée d'Orsay et deux millions au Louvre, du fait de leur capacité d'autofinancement, c'est-à-dire de leur réussite...
Le Centre des monuments français (CMN) demande plus de souplesse dans la gestion des emplois de manière à élargir l'amplitude horaire d'ouverture de certains monuments. Le président du CMN m'a donné l'exemple de l'Arc-de-Triomphe, qui n'ouvre qu'à 10 heures du matin alors que des touristes, arrivés d'Asie dès l'aube à Roissy, pourraient apprécier d'y petit-déjeuner. De façon également regrettable, des musées du sud de la France ferment l'été en fin d'après-midi, à l'heure où des touristes demandent à s'y rendre : pourquoi ne pas adapter davantage les horaires à la demande, de façon saisonnière ? Ne pourrait-on pas, puisque le plafond d'emplois est intouchable, en exclure l'emploi saisonnier, qui représente tout de même 82 équivalents temps-plein au CMN ? La ministre m'a dit, hier, qu'elle y travaillait. Je suivrai ce dossier et j'espère que nous trouverons une solution, utile à la valorisation de notre patrimoine et, finalement, à l'attractivité de notre pays.
Mes chers collègues, je m'apprêtais à vous proposer un avis de sagesse à l'adoption des crédits du programme, mais le « rabot » de 5 millions d'euros sur le programme 175 me fait pencher pour un avis défavorable : la ministre m'a répondu hier que ces économies seraient faites plutôt sur de grands chantiers de l'État, pas sur des opérations conjointes avec les collectivités territoriales, ce n'est guère satisfaisant pour autant. L'inquiétude des professionnels est manifeste, ils me l'ont dit en audition, des entreprises ferment, 300 emplois auraient été perdus l'an passé, déjà 230 cette année : c'est chaque fois un drame économique, social, mais c'est aussi une perte très difficile à réparer pour nos savoir-faire, il ne faut pas que les crédits baissent pour les monuments historiques !
Je m'inquiète, également, que Bercy annonce pour 2015 une diminution de moitié pour le produit des successions en déshérence car, - depuis un amendement de notre collègue Yann Gaillard à la loi de finances pour 2005 -, c'est une source très importante de financement pour la Fondation du patrimoine, pour les milliers de rénovations qu'elle aide chaque année, le plus souvent conduites par des propriétaires privés sur leur patrimoine vernaculaire, non classé ni inscrit. Les successions en déshérence rapportent entre 8 et 11 millions d'euros par an depuis dix ans, mais 4 millions d'euros seulement en 2015, voire moins les années suivantes, ces moyens vont nous manquer cruellement, il faut en tenir compte.
L'argent public manque, nos collectivités territoriales doivent faire des arbitrages, trop souvent au détriment du patrimoine, je crois que nous devons trouver de nouvelles solutions de financement. Notre collègue Vincent Eblé vient de publier un rapport d'information sur « la dépense fiscale et la préservation du patrimoine historique bâti », je crois qu'il présentera des amendements en séance, nous pourrons lui apporter notre soutien. Nous devrons examiner toutes les pistes, y compris celles d'un élargissement des possibilités d'implantation de bâches publicitaires, d'un Loto affecté au patrimoine, d'un élargissement du mécénat : les idées ne manquent pas !
En attendant, je vous propose de donner un avis défavorable aux crédits de la mission « culture ».
Les crédits du programme 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », représentent un peu plus d'un milliard d'euros dont les deux-tiers vont aux « fonctions supports » du ministère, c'est-à-dire principalement aux personnels, aux locaux et aux équipements du ministère de la culture et de la communication.
Je commencerai par les points de satisfaction. D'abord une hausse d'ensemble des crédits de programme : pour 2016, ce programme gagne 38 millions d'euros en autorisations d'engagement, ce qui représente +3,4 %, et 21 millions en crédits de paiement (+2 %). Cette hausse est concentrée sur la transmission des savoirs et la démocratisation culturelle : les crédits des fonctions support du ministère progressent de 1,2 %, alors que le reste du programme, c'est-à-dire les subventions aux écoles d'art et d'architecture, les actions ciblées en matière de démocratisation culturelle, gagnent 29,3 millions d'euros, soit + 7,7 %. Cette augmentation est continue depuis trois ans, il faut le signaler : en trois ans, les crédits ciblés sur la transmission des savoirs et la démocratisation culturelle ont progressé de 30%.
Deuxième point de satisfaction, le retour de l'État dans le soutien aux conservatoires. Nous n'avons pas ménagé nos efforts, et tout particulièrement notre présidente, pour que le Gouvernement revienne sur sa décision de se désengager complètement ; je rappelle que, l'an passé, nous n'avions pas voté le budget « culture » précisément pour dénoncer ce désengagement de l'État vis-à-vis des conservatoires. La ministre a fait un virage à 180 degrés, elle a reconnu que ce désengagement était une erreur et elle présente cette année un « plan conservatoires » doté de 13,5 millions d'euros : c'est 8 millions de plus que le « plancher » atteint l'an passé. Cependant, ce plan ne représente que la moitié des 27 millions d'euros que l'État consacrait aux conservatoires à rayonnement régional et départemental il y a trois ans.
Ensuite et surtout, comme pour d'autres politiques culturelles, l'État veut « redéfinir » les modalités de l'aide ; on nous parle de « refondre les procédures de classement » pour « ouvrir les conservatoires à la diversité », on nous dit qu'il faut « moderniser » la pédagogie et l'offre des conservatoires, pour « être au plus près des aspirations de nos concitoyens ». En réalité, les conservatoires s'ouvrent depuis longtemps à leur environnement ; les musiques, la danse et le théâtre actuels y ont leur place. La réalité de terrain, c'est que le retrait de l'État et sa focalisation sur « la professionnalisation des artistes » a provoqué des dégâts : des postes ont été supprimés, les tarifs ont dû être augmentés, c'est plutôt cela qui éloigne nos concitoyens des conservatoires ! La réalité, c'est que les conservatoires sont le plus souvent disposés à coopérer avec leur environnement, en particulier l'Éducation nationale : il faut développer ces coopérations, je pense en particulier à des classes de pratiques artistiques où des collégiens viennent deux fois par semaine au conservatoire, cela demande des instructions interministérielles.
Je sors du cadre strictement budgétaire, mais c'est nécessaire parce que c'est la toile de fond : nous avons besoin d'une mobilisation bien plus importante pour les enseignements artistiques, je le précise dans mon rapport écrit, en particulier pour soutenir la proposition de notre présidente pour une véritable décentralisation, avec transfert des crédits correspondants.
Autre mesure mise en avant par le ministère, le plan d'éducation artistique est renforcé, pour des actions avec les scolaires, avec des publics et des territoires prioritaires. Les crédits augmentent, c'est une bonne chose même s'ils restent très en-deçà des besoins pour rattraper les écarts au sein de la population comme entre territoires. Ainsi, le plan d'éducation artistique gagne 45% : c'est une belle affiche, mais on parle là de 4,5 millions d'euros supplémentaires à l'échelle du territoire national et pour des objectifs ambitieux...
Même chose pour les bourses sur critères sociaux, dont les crédits augmenteront de 7% l'an prochain -ils auront progressé d'un tiers en quatre ans. C'est appréciable mais là encore, on parle de 8 millions d'euros supplémentaires sur quatre années, qu'il faut comparer à l'augmentation des frais scolaires et hors scolaires des étudiants qui sont eux-mêmes en nombre croissant... Surtout, les étudiants en art accèdent moins facilement aux bourses que dans les autres matières, c'est un héritage dont il faut se défaire, les Assises de la jeune création ont évoqué le sujet et nous devrons y revenir.
S'agissant de l'enseignement supérieur, je salue l'effort d'investissement dans les établissements : plusieurs rénovations importantes ont eu lieu ces dernières années, elles se poursuivent et cet effort d'investissement est significatif. En revanche, je m'inquiète pour le développement de la recherche dans les écoles d'art et d'architecture : c'est une obligation pour l'intégration au schéma Licence Master Doctorat du processus de Bologne, mais les moyens ne suivent pas et le « bleu budgétaire » n'est pas clair du tout : il mentionne 1 million d'euros, mais l'appel à projet pour les écoles territoriales ne dépasse pas 600 000 euros : les associations m'ont alerté, il faut plus de transparence.
La ministre a annoncé la création d'un statut pour les professeurs des écoles supérieures d'art territoriales, c'est un véritable sujet pour que nos écoles territoriales ne décrochent pas et je crois que l'Etat doit davantage les aider à se mettre aux nouveaux standards.
Un mot sur les fonctions support, c'est-à-dire les quelque 760 millions d'euros que ce programme réserve aux équipes, aux équipements et aux locaux du ministère : la hausse est contenue à 1,3% et les marges vont servir, grâce à des économies internes, à revaloriser une partie des carrières, c'est important pour le ministère de la culture où les rémunérations sont moindres que dans les autres ministères. On m'a dit qu'à responsabilités égales, les écarts pouvaient atteindre jusqu'au tiers de la rémunération d'ensemble, entre la culture et les finances. Cela m'a surpris et je m'interroge sur la légitimité de tels écarts entre administrations centrales.
Voilà, mes chers collègues, il y a certes un léger mieux par rapport à l'an passé, mais je crois que nous devons marquer clairement que nous attendions davantage pour les conservatoires et pour les enseignements artistiques en général : c'est pourquoi je vous propose un avis défavorable sur ces crédits.
« A la barbarie, nous devons opposer l'invincible humanité de la culture » : c'est ainsi que le Président de la République a conclu son propos hier à l'Unesco et c'est dans cette perspective que nous devons examiner les moyens que nous mettons dans la culture. Je sais que nous en sommes tous convaincus, que nous partageons tous, ici, cet engagement pour la culture - mais aussi que ce n'est pas le cas de tous nos collègues, que nous devons nous battre pour que cet engagement se traduise en actes, en moyens.
C'est pourquoi je veux souligner l'importance politique de la progression des crédits du programme 131 « Création » et du soutien public au cinéma : la tendance amorcée l'an passé se confirme avec ce projet de loi de finances, c'est un acte politique fort. L'an passé, j'avais été soulagé de voir cesser la baisse des crédits culturels, nous avions marqué un palier ! Cette année, le budget de la culture augmente, nous devons d'autant plus nous satisfaire de cette hausse qu'elle se produit au moment où les dépenses publiques diminuent. Et c'est d'autant plus utile que nous allons débattre très bientôt de la LCAP : sans cette hausse des crédits, nos débats législatifs auraient été virtuels, nos grandes ambitions laissées sans moyens.
La question se pose dans des termes très proches pour les collectivités territoriales. Comme l'État, elles doivent s'adapter aux contraintes nouvelles, mais alors que l'État fait le choix de maintenir ses crédits à la culture, elles ne peuvent pas toujours s'abriter derrière la baisse des dotations pour justifier le recul de leur participation à des projets culturels. C'est même précisément en période de crise et quand les moyens baissent, que les choix deviennent plus aigus et que celui de la culture devient plus important - car la culture c'est d'abord l'expérience positive d'être ensemble, d'être autre, c'est du lien social.
J'en viens aux crédits du programme 131 « Création » : les autorisations d'engagement gagnent 16 millions d'euros (+2,25 %), les crédits de paiement progressent de 9,7 millions d'euros (+1,3 %). Cette augmentation d'ensemble est un premier motif de satisfaction.
Je déplore depuis plusieurs années que les arts plastiques, avec à peine 10 % des crédits, soient le « parent pauvre » du programme « création » - même s'il faut prendre en compte, au-delà de la nomenclature, les apports des grands équipements dont les budgets figurent au spectacle vivant. Cette année, il y a un mouvement de rattrapage, puisque les deux-tiers des crédits supplémentaires vont aux arts plastiques, au parent pauvre : l'action 2 progresse même de 11,5 % en autorisations d'engagement.
Troisième point de satisfaction, l'accent mis sur l'accès à la culture, sur le soutien à la jeune création et au renouvellement des esthétiques, sur l'aménagement culturel du territoire et sur des mesures très utiles dans la vie des artistes, comme les résidences pour les plasticiens ou le soutien aux « scènes de musiques actuelles » (SMAC) ou encore aux festivals, j'y reviendrai.
La stratégie de l'État est claire, bien formulée, en particulier l'intention de faire mieux avec des moyens très contraints : le ministère est plus exigeant avec ses opérateurs, il leur demande des contrats d'objectifs, d'accueillir des artistes en résidence, de développer la co-production et la co-diffusion, de renforcer l'éducation artistique et culturelle : tout ceci se retrouve dans la politique des labels dont nous allons reparler dans la loi prochaine. L'intention est très bonne également, quand on parle de soutenir des outils de création mutualisés, des « tiers lieux et lieux intermédiaires », des « foyers de jeunes créateurs », quand on encourage, comme les directions régionales des affaires culturelles (DRAC) le font à une échelle expérimentale, la diffusion de spectacles vivants et d'expositions dans toutes sortes de lieux : les idées ne manquent pas et le ministère est à l'écoute, c'est le sens des Assises de la jeune création qu'il a lancées au printemps dernier et qui ont été fructueuses.
Nous nous saisirons de tous ces sujets lors de l'examen de la LCAP mais le mouvement a déjà commencé : dans les « pactes culturels » que le ministère signe avec les collectivités, dans les contrats d'objectifs en cours de négociation, et y compris dans la mise en oeuvre de la réforme territoriale. Le Gouvernement se mobilise pour la culture, nous l'avions vu sur le dossier des intermittents, cette loi de finances le confirme..
Nous devons également nous assurer que les progrès de méthode et les intentions se traduisent en actes conséquents et pas seulement en expérimentations ponctuelles : notre rôle est bien de conforter la réforme, de la faire aller aussi loin que possible.
C'est pourquoi, au-delà de cette satisfaction d'ensemble, je pose dans mon rapport quelques jalons et quelques questions utiles à notre travail dans le projet de loi à venir.
S'agissant des moyens nouveaux dédiés aux arts plastiques, attention aux effets d'annonce : sur trois millions d'euros d'actions nouvelles pour les arts plastiques, un million va au déménagement du Centre national des arts plastiques(CNAP), un autre au projet de la « tour Médicis » à Montfermeil... si bien qu'il ne reste qu'un million d'euros supplémentaire à partager entre les 22 Fonds régionaux d'art contemporain (FRAC), les 48 centres d'art conventionnés, le réseau des résidences et l'ensemble de la commande publique. Le CNAP doit probablement déménager, la « tour Médicis » est certainement un bon projet, mais comment la mobilisation annoncée pour les artistes sera-t-elle perçue si les moyens vont majoritairement au déménagement d'une institution et à un projet qui ne verra pas le jour avant quelques années ?
Autre sujet sur lequel nous devons avancer, la protection sociale des artistes plasticiens, la structuration de leurs professions au sens large. Je le souligne depuis plusieurs années : beaucoup de plasticiens vivent en dessous du seuil de pauvreté, leurs droits d'auteur sont bafoués, y compris par les établissements publics, leurs droits sociaux sont mal gérés, il n'existe toujours pas de convention collective spécifique car le ministère du travail ne répond pas aux demandes du ministère de la culture pour négocier. Il est grand temps d'avancer ces sujets, ou bien nos progrès budgétaires sur le programme « création » paraîtront dérisoires.
Deux mots, enfin, sur la situation des festivals, après une année que la « cartocrise », sur internet, a fait paraître particulièrement sombre. Je fais un point dans mon rapport, le diagnostic est plus nuancé que dans la « cartocrise » mais il faut savoir que les festivals, même les plus grands, sont fragiles, et que quand ils sont annulés, parfois pour un manque de quelques milliers d'euros seulement, il est très difficile de faire machine arrière, nous devons y faire très attention.
J'en viens au soutien public en faveur du cinéma. Son niveau élevé, via les taxes affectées au Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) et les différents dispositifs de crédit d'impôt au bénéfice des producteurs, constitue un cas d'école que l'Europe nous envie, d'autant que leur efficacité ne cesse de progresser. Le succès de nos productions ne cesse de conforter ce choix politique : le cinéma français a encore brillé dans les salles en 2014. Qu'est-ce qu'on a fait au bon Dieu ?, Supercondriaque et Lucy ont attiré des millions de spectateurs. À l'affiche, plus de 340 oeuvres originales françaises ont continué à faire vivre l'industrie culturelle la plus populaire, ses milliers d'entreprises et ses 250 000 emplois directs. Le succès de notre cinéma bénéficie à la renommée et à l'image de la France de par le monde.
Dans son rapport d'avril 2014 relatif aux soutiens à la production cinématographique et audiovisuelle, la Cour des comptes soulignait d'ailleurs les résultats indéniables d'une politique conduite en France avec vigueur et constance depuis plus de soixante-cinq ans, toutes majorités politiques confondues.
Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2016, le Gouvernement - en cohérence avec des engagements pris par le Premier ministre au Festival de Cannes en faveur de la culture - fait le choix de poursuivre son effort budgétaire à destination du cinéma : comme je l'avais proposé l'an passé, le crédit d'impôt cinéma est sensiblement renforcé, tandis que, pour la deuxième année consécutive, l'affectation des taxes au fonds de soutien du CNC est intégralement préservée.
L'opérateur n'est toutefois pas à l'abri d'une nouvelle offensive contre ces ressources. Je ne puis, à cet égard, souscrire à la proposition de nos collègues de la commission des finances de plafonner le niveau des taxes dont bénéficie le CNC, alors même que leur moindre rendement, année après année, oblige l'opérateur à puiser dans ses réserves pour maintenir son niveau d'intervention.
Par ailleurs, les difficultés de la majorité des films français à l'exportation, la délocalisation trop fréquente des tournages et l'échec relatif de la lutte contre le piratage, qui constitue un manque à gagner réel pour l'industrie du cinéma, représentent autant d'ombres au tableau du satisfecit général apporté au système français de soutien au cinéma.
Des aménagements sont nécessaires, afin d'adapter les outils, notamment fiscaux, et les règles applicables aux évolutions de l'écosystème du cinéma. Il en va du maintien d'une production aussi qualitative que diversifiée, qui constitue aujourd'hui un objet de fierté nationale.
C'est pourquoi, je salue le dispositif proposé à l'article 44 du présent projet de loi de finances, qui, pour tenter de relocaliser les tournages d'oeuvres cinématographiques sur le territoire national, améliore sensiblement les modalités d'application du crédit d'impôt cinéma. Ainsi, le plafond des dépenses éligibles par films et porté de 4 millions d'euros à 30 millions d'euros ; les films en langue étrangère pourront bénéficier du dispositif sous certaines conditions ; l'ensemble des oeuvres se verra attribuer un taux de 30 % de crédit d'impôt.
Le pari est audacieux mais nécessaire : nous ne pouvons tolérer éternellement que tant de producteurs français, pour des raisons économiques, tournent leurs oeuvres à l'étranger, où, à l'instar de la Belgique ou de la Grande-Bretagne, les pouvoirs publics n'hésitent nullement à proposer une fiscalité favorable à l'industrie cinématographique. Il en va du maintien de nos emplois et de nos savoir-faire.
Se satisfaire de ce nouvel aménagement du crédit d'impôt cinéma serait toutefois oublier un peu vite que la délocalisation des tournages concerne également un nombre croissant de fictions audiovisuelles, genre coûteux mais dans lequel la France peine à s'imposer comme une grande nation de production. C'est pourquoi, mes chers collègues, j'avais envisagé de vous proposer de porter le crédit d'impôt les concernant de 20 à 25 % des dépenses éligibles, c'est-à-dire à un taux équivalent à celui qui s'applique aux fictions audiovisuelles d'animation. Toutefois, et je ne peux que saluer cette initiative, l'Assemblée nationale a adopté vendredi dernier en séance publique un dispositif identique doublé d'une augmentation des plafonds applicables aux dépenses éligibles. Vous comprendrez que je vous invite à maintenir l'article 44 dans sa rédaction issue des travaux de nos collègues députés.
Compte tenu de ces observations, je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption des crédits du programme « Création», au sein de la mission « Culture ».
L'augmentation du budget de la culture est une bonne nouvelle, qui prend un relief tout particulier dans le contexte actuel et qui nous permettra d'aborder l'examen du projet de loi « Liberté de la création, architecture et patrimoine » dans de bonnes conditions.
Je me réjouis tout particulièrement de l'augmentation des crédits consacrés à l'éducation artistique et culturelle ainsi que de la signature de pactes culturels entre l'État et des collectivités territoriales. Nous assistons toutefois à une légère diminution des crédits déconcentrés de l'État : restons vigilants !
Je suis également satisfaite des moyens alloués aux résidences d'artistes ainsi qu'aux lieux intermédiaires. Ces crédits permettront d'accompagner le développement de projets pluridisciplinaires et hybrides.
Enfin, s'agissant des arts plastiques qui demeurent le « parent pauvre » de nos politiques culturelles, je rejoins les réserves émises par notre collègue David Assouline.
Le groupe socialiste et républicain donnera un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Culture ».
Après plusieurs années de baisse ou de stagnation, l'augmentation du budget de la culture va apporter de l'oxygène au secteur. Nous resterons toutefois vigilants aux éventuels glissements budgétaires et nous regarderons de près ce qu'il en deviendra du « rabot » qui vient tout juste de s'abattre sur cette mission : la ministre nous a dit hier que l'éducation artistique et cultuelle ne serait pas touchée, c'est déjà une bonne chose.
Les moyens du CNC sont constamment rognés soit par le ministère des finances soit par la commission des finances de notre assemblée. Je propose que ses missions soient étendues à la mise en accessibilité des petites salles « Art et Essai ».
Il faut aussi que le dossier des droits sociaux des artistes plasticiens avance auprès du ministère du travail. J'encourage notre Présidente à se rapprocher de son homologue de la commission des affaires sociales afin de suivre, de concert, cet important dossier et de tâcher d'y apporter plus de clarté. Des associations nous alertent que des mutuelles se seraient enrichies, alors que les bases des droits sociaux ne seraient pas garanties, par manque de financements de l'État ; il faudrait au s'en assurer.
Enfin, je suis très inquiète d'une forme de myopie du ministère de la culture et de la communication, qui dialogue avec les grandes institutions culturelles de notre pays, sans prêter l'oreille à ce qui se passe dans bien des quartiers et des territoires. Il ne voit pas non plus que les droits culturels de millions d'individus ne sont pas reconnus. Nous avons, au Sénat, fait inscrire dans la loi que sur chaque territoire, les droits culturels des citoyens sont garantis par l'exercice conjoint de la compétence en matière de culture, par l'État et les collectivités territoriales : les droits culturels, c'est la reconnaissance de chacun dans son égale dignité ; cela donne les meilleurs résultats, je pourrais vous en citer beaucoup d'exemples.
Le groupe écologiste donnera un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Culture ».
Je partage les inquiétudes de notre rapporteur Philippe Nachbar sur l'organisation actuelle de l'archéologie préventive. Savez-vous si l'Inrap a pris des engagements en contrepartie de la budgétisation de la RAP ?
Le financement des conservatoires est un sujet cher à notre Présidente : quelles pistes de financement sont envisageables ? Par ailleurs, d'où proviennent les écarts de rémunération entre agents de différents ministères ?
Le budget qui nous est présenté est plutôt satisfaisant, que ce soit sur l'éducation artistique, l'amélioration de la vie des étudiants ou les crédits consacrés aux conservatoires. Nous resterons cependant vigilants à ce que des coupes sombres n'interviennent pas en dernière minute.
Le groupe RDSE donnera un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Culture ».
Ce budget en hausse constitue un signe positif. Je m'interroge cependant sur son caractère suffisant au regard des enjeux auxquels nous faisons face et de nos ambitions. En particulier, la revalorisation des droits sociaux des artistes plasticiens ou encore la nécessaire poursuite de l'amélioration du statut des intermittents du spectacle nécessiteront des moyens supplémentaires. J'appelle donc une nouvelle fois de mes voeux notre sortie du pacte de stabilité européen.
Le groupe CRC s'abstiendra lors du vote sur l'avis à donner sur les crédits de la mission « Culture ».
À ma connaissance, Madame Férat, il n'y a pas de contrepartie de l'Inrap à la budgétisation de la RAP ; il s'agit surtout de mettre fin à une situation anormale, où l'Institut était incapable de payer ses 2100 salariés et d'assurer ses missions de service public. La budgétisation, cependant, représente un effort public incontestable : l'examen de » la LCAP sera l'occasion de demander des contreparties à l'Inrap.
Les crédits augmentent, c'est une réalité, mais nous devons examiner les choses comme elles sont : le plan d'éducation artistique et culturelle voit ses moyens bondir de 45%, c'est une belle affiche, mais cela représente en fait 4,5 millions d'euros à l'échelle nationale, à diviser entre la centaine de départements, cela ne fait pas beaucoup pour chacun.
Même chose pour les conservatoires : le retour de l'État est une bonne chose, mais avec 8 millions d'euros supplémentaires, on en reste à une aide très ponctuelle, surtout après la régression des dernières années. Des postes ont été supprimés, les tarifs augmentés, des familles ont dû renoncer à inscrire leurs enfants au conservatoire. Le Gouvernement revient sur son erreur, c'est un fait, mais il ne nous donne pas pour autant satisfaction puisqu'il ne rétablit pas les moyens qu'il a supprimés depuis 2012.
La différence de revenus entre les fonctionnaires des ministères des finances et de la culture tient essentiellement aux primes. Je ne m'explique pas qu'il puisse y avoir de telles disparités entre fonctionnaires, elles posent des difficultés de recrutement à la culture et c'est certainement dommageable.
Sur les coupes qui seront réalisées dans le programme 224 pour trouver les 5 millions du « rabot », la ministre m'a seulement répondu, hier, qu'elle y travaillait et qu'elle nous tiendrait informés.
Ce projet de loi de finances apporte donc un petit bol d'oxygène au programme 224, c'est évidemment mieux que les années précédentes mais ce n'est pas satisfaisant pour autant, surtout dans le contexte présent où les problèmes vont être aggravés par la réforme territoriale : les DRAC ne savent pas comment elles vont fonctionner, les associations sont dans le flou le plus total, les collectivités territoriales vont devoir suppléer les retraits de l'État, les familles fournir davantage d'efforts encore ; dans ces conditions, notre devoir politique est de dire que ce n'est pas satisfaisant !
J'ajoute que la baisse des dotations aux collectivités territoriales se répercute sur les conservatoires, y compris sur ceux qui sont prioritaires.
Effectivement, les collectivités territoriales n'ont souvent pas d'autre choix que de répercuter la baisse des moyens.
Vous êtes dans la posture politique ! Nous pouvons comprendre que l'exigence pousse à vouloir toujours mieux, mais en venir à voter contre un budget de la culture qui augmente alors que la plupart des autres budgets sont en baisse, c'est tout à fait inédit et nous prenons date. L'Etat fait des économies budgétaires, le Gouvernement en préserve la culture, parce qu'il fait le choix politique de la culture, mais vous votez contre - et vous qui demandez davantage pour la culture, j'espère que vous serez cohérents avec ceux qui proposent aujourd'hui de diminuer les dépenses publiques de 130 milliards d'euros ! Comme rapporteur pour avis, y compris sous un Gouvernement de droite, je n'ai jamais donné un avis défavorable à budget de la culture en augmentation.
Je ne m'écarte pas davantage du budget que mes collègues ne l'ont fait, ils ont donné un fort accent politique à leur avis, je me devais de leur répondre.
Les crédits déconcentrés, Madame Robert, sont en augmentation et les DRAC les distribuent, sur l'ensemble des territoires, à l'ensemble des structures et lieux, pas seulement à ceux qui sont labellisés.
Effectivement, Madame Blandin, les droits sociaux des plasticiens sont mal gérés. La ministre m'a répondu hier qu'elle allait saisir la nouvelle ministre du travail de ce sujet, nous pouvons espérer des progrès et je veillerai de près sur l'état d'avancement de ce sujet.
S'agissant du financement des travaux d'accessibilité des salles de cinéma évoqué par Marie-Christine Blandin, il pourrait être utilement envisagé une participation du CNC sous forme d'une subvention aux établissements. Un système d'aides leur avait déjà bénéficié au profit de leurs investissements numériques : unique au monde et particulièrement efficace, le dispositif a permis de moderniser le parc de salles français sans le réduire. A contrario, en Espagne, où la mise en place d'un système d'aide tel qu'il en existe en France est désormais réclamée, le processus de numérisation, coûteux, a conduit les établissements cinématographiques les plus fragiles à la fermeture. La numérisation de notre parc étant achevée, une partie des crédits qui y était destinée pourrait dès lors être consacrée aux travaux d'accessibilité. À cette fin, les distributeurs, dont l'assise financière est conséquente, pourraient être mis à contribution. Membre du conseil d'administration du CNC, je m'engage à étudier de plus près avec l'opérateur l'opportunité de mettre en oeuvre un tel dispositif.
Nous nous réjouissons tous de l'augmentation de ce budget mais il ne fait que retrouver son niveau de 2012 ...
Je m'inquiète de la baisse des ressources issues du mécénat pour le château de Versailles, qui a obligé l'État à réabonder ses crédits, alors que les besoins sont immenses.
Je m'interroge aussi sur l'élargissement des horaires et des jours de visite de Versailles, du Louvre et du musée d'Orsay : est-ce le bon moment pour y procéder ?
Enfin, je déplore le désengagement de la DRAC du financement du conservatoire de Versailles : celui-ci avait reçu plus de 312 000 euros en 2011, et rien en 2015. A ce désengagement de l'État, s'ajoute celui des départements en raison de la baisse des dotations en provenance du budget de l'État.
L'augmentation du budget de la culture, qui permet de lutter contre le repli sur soi et l'obscurantisme, est un signe très positif. Je m'en réjouis, tout particulièrement en ce qui concerne le patrimoine.
Je suis tout à fait favorable au principe de l'ouverture 7 jours sur 7 de certains établissements, avec une journée dédiée aux publics scolaires ; 65 créations d'emplois ont été annoncées par la ministre pour permettre ces ouvertures élargies, c'est une très bonne chose.
Je me réjouis de la décision de budgétisation de la RAP qui permettra à l'Inrap de disposer de ressources plus stables et d'apurer progressivement les dettes qu'il a contractées auprès d'autres opérateurs.
Même chose pour les crédits dédiés au patrimoine monumental : leur augmentation permettra de développer l'activité et l'emploi sur les territoires.
Nous avions l'occasion de donner un avis favorable, pour saluer cette hausse, je regrette que vous n'ayez pas pris cette voie.
Effectivement, mieux vaut une augmentation que la baisse que nous avons connue en en 2013 et 2014, ou que la stagnation de l'an passé. La sincérité oblige cependant à dire que dans les 2,7 % d'augmentation pour la culture, une part non négligeable vient de la budgétisation de la RAP. Et finalement, nous sommes tout juste au niveau de 2012...
Monsieur Nachbar, les crédits aux études pour les aires de valorisation du patrimoine (AVAP), aux conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE) ainsi qu'aux villes d'art et d'histoire, vont-ils augmenter l'an prochain, ou diminuer ?
Je soutiens notre collègue David Assouline dans ses combats en faveur de l'élargissement du champ du crédit d'impôt ainsi qu'en faveur du financement du CNC. Les avancées sur ces sujets me rendraient presque enclin à voter les crédits de la mission « Culture », tant nous nous sommes battus, unanimement, pour les obtenir. Je n'ai donc pas de posture politicienne sur ce budget.
Si ce budget n'est certes pas la Symphonie héroïque, nous sommes cependant encore loin de La mort du cygne : il augmente dans un contexte de disette budgétaire, il ne faut pas le dire mezza voce ! Je suis d'avis de suivre l'appel plein de sagesse de notre collègue Jean-Pierre Leleux et je voterai les crédits de la mission « Culture ».
On pourrait être tenté, effectivement, après trois années de baisse ou de surplace, de voter des crédits qui augmentent. Mais rappelons-nous qu'en mai dernier, le Premier ministre a publiquement reconnu que « cela avait été une erreur de baisser le budget de la culture au-delà des nécessité de la lutte contre l'endettement et de la lutte contre les déficits publics ». « Au-delà », cela veut donc dire que le chemin parcouru dans le mauvais sens n'est peut-être pas rattrapé... Avec ce budget, le Gouvernement fait-il vraiment machine arrière ? Est-il même sincère, quand un « rabot » arrive à la dernière minute ? Je crois qu'il est prudent, dans ces conditions, de donner un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission.
Dans le contexte difficile qui est le nôtre aujourd'hui, nous avons besoin d'un message d'espoir. Ce budget en est un : c'est par la culture que nous remporterons nos victoires contre l'obscurantisme.
Nous avons également un nouveau défi à relever, celui de la sécurisation des salles de cinéma, en particulier des petites salles qui, dans nos territoires ruraux, sont parfois le principal lieu de culture et de rencontre.
Je voudrais profiter de cette occasion pour évoquer la remarquable campagne de restauration du château de Fontainebleau, engagée par Renaud Donnedieu de Vabres lorsqu'il était ministre de la culture, poursuivie par son successeur Frédéric Mitterrand et désormais achevée.
S'agissant des crédits du budget de la culture pour 2016, je constate qu'ils n'ont pas encore atteint le niveau qui était le leur en 2012.
Le soutien de l'Etat aux conservatoires était de 27 millions d'euros en 2012, le Gouvernement parle aujourd'hui d'un « plan conservatoires » de 13,5 millions d'euros, c'est la moitié et les conditions d'accès en sont plus sévères ! Ceci après plusieurs années de recul, qui ont fait des dégâts : les conservatoires ont subi la double peine, avec le retrait de l'Etat et des collectivités territoriales contraintes par la baisse des dotations, il est de notre devoir de le dire. Je m'inquiète, en plus, de la mise en place des schémas départementaux, car des intercommunalités pourraient ne pas reconduire leur compétence sur les conservatoires : que se passera-t-il, alors, pour les conservatoires ?
L'ouverture 7 jours sur 7 me paraît une bonne chose, Madame Duchêne, et la ministre a répondu à mes inquiétudes hier en annonçant la création de 65 postes : c'est une condition à cette ouverture, tout le monde en est bien conscient et je suivrai ce dossier.
Les crédits aux études pour les AVAP, aux CAUE et au label « Villes d'art et d'histoire », Monsieur Leleux, sont stables, à 3,5 millions d'euros.
La restauration du château de Fontainebleau, lancée l'an passé, est une grande opération d'un montant global de 114 millions d'euros prévue sur douze ans, donc jusqu'en 2026.
Comme Mme Cartron, je pense que la sécurisation des salles de spectacle requiert une aide spécifique, nous ne sommes pas dans le registre de la mise aux normes. Je crois aussi qu'il faut prêter la plus grande attention aux décisions de fermer les salles, eu égard à leur rôle dans la vie sociale de notre pays.
Je vous remercie, Monsieur Leleux, d'avoir distingué le sort que vous réserviez au programme 131 « Création » en précisant que vous souhaiteriez donner un avis favorable, parce que, sans me mêler de l'opinion des autres rapporteurs pour avis, je crois très important de manquer notre satisfaction quand les crédits de la culture progressent : les chiffres sont là, ces crédits augmentent de manière sûre et certaine.
L'avis de la commission porte sur la mission « Culture » dans son ensemble, pas sur les programmes.
Dans le fond, je suis d'accord avec chacun des rapporteurs pour avis et je fais miens leurs arguments : pour en donner un signal, je m'abstiendrai.
La commission émet un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Culture » du projet de loi de finances pour 2016.
Pour terminer je laisse la parole à notre collègue Jean-Pierre Leleux qui souhaite vous présenter deux projets d'amendement sur la première partie du projet de loi de finances alors que le délai limite est fixé à 11 heures.
Le premier amendement que je souhaite vous proposer vise à supprimer la hausse de la taxe sur les opérateurs de communication électronique (TOCE) de 0,9 % à 1%, adoptée à l'Assemblée nationale. La TOCE a été créée en 2009 pour compenser la baisse des recettes de publicité de France Télévisions et il n'y a pas de raison d'en augmenter le taux alors que son produit actuel permettrait de financer les 140,5 millions d'euros affectés à France Télévisions.
Le second amendement vise à affecter les 140,5 millions d'euros mentionnés précédemment à France Télévisions sur la base du produit de la TOCE au taux de 0,9 % actuel.
L'augmentation de la TOCE permet de répondre au déficit structurel de France Télévisions et à la hausse limitée de 1 euro de la contribution à l'audiovisuel public (CAP). Vous dites être opposé à la hausse de la TOCE et pour une affectation du produit des 0,9 %. Or en supprimant la recette, il ne sera pas possible d'affecter des crédits à France Télévisions car ceux-ci ont déjà été déployés par ailleurs dans le budget et on ne sait pas où ces crédits seraient pris. Le succès des enchères sur la bande des 700 MHz, qui ont permis d'obtenir 2,8 milliards d'euros, prouve que les opérateurs de télécommunication trouvent leur intérêt dans la vente d'abonnements grâce aux contenus qu'ils distribuent.
Quels crédits du budget général seraient impactés par l'annulation de la hausse de la TOCE.
Le Parlement a adopté, en 2009, la création d'une taxe dont le produit est aujourd'hui détourné de son objet. Je suis opposé à la hausse du taux de cette taxe et les amendements que je vous propose visent à préserver la situation de France Télévisions. C'est une question de principe. Je souhaite une réforme de la contribution à l'audiovisuel public ; en l'absence de celle-ci, il faut un signal. Le premier des amendements est identique à celui déposé par le rapporteur général de la commission des finances et le second permet de sécuriser les 140,5 millions d'euros affectés à France Télévisions.
Ce débat est surprenant sur la forme puisque nous n'avons pas encore examiné la mission Médias, livre et industries culturelles, mais nous n'avons pas d'autre choix compte tenu des modalités d'examen du projet de loi de finances.
Sur le fond, nous nous prononcerons contre ces amendements à titre de précaution, car nous ne disposons pas à ce stade suffisamment d'informations. Il faut que le débat ait lieu en séance.
Avec votre second amendement, vous voulez compenser la suppression de la hausse de la TOCE. Je propose que notre commission se rapproche de la commission des finances afin de la convaincre de renoncer à la suppression de cette hausse.
Les deux amendements ne sont pas adoptés.
La réunion est levée à 12 h 30.