Les trois programmes de la mission consacrés à l'enseignement supérieur représentent quelque 15,6 milliards d'euros pour 2016, en quasi-stabilité par rapport à 2015. Plus des trois quarts de ces sommes sont destinés au programme 150 qui finance les établissements. À l'heure où la norme de réduction des budgets appliquée à l'ensemble des opérateurs de l'État est de 2 %, cette relative stabilité des crédits consacrés à l'enseignement supérieur mérite d'être remarquée.
M. Thierry Mandon, secrétaire d'État chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche, a évoqué, il y a quelques semaines, le défi quantitatif auquel est confronté notre système d'enseignement supérieur, avec l'arrivée d'étudiants chaque année plus nombreux, et le défi qualitatif, avec les transformations induites par le numérique. Je partage sur ce point son analyse : disposer d'un système d'enseignement supérieur rayonnant est un enjeu primordial pour notre pays, notre économie, notre société, le modèle de valeurs que nous avons tous à coeur de défendre.
L'investissement dans l'enseignement supérieur est extrêmement rentable : un euro en rapporte quatre, sans compter les bénéfices annexes du rayonnement. Quelle part de la richesse nationale voulons-nous consacrer à notre enseignement supérieur ? Les crédits ont été préservés cette année ; le Gouvernement a même ajouté 100 millions d'euros en première lecture à l'Assemblée nationale. Mais l'État est à bout de souffle. En dépit de ses déclarations sur la priorité nationale accordée à l'enseignement supérieur, le Gouvernement est incapable d'accompagner seul le développement de l'enseignement supérieur à la hauteur de nos ambitions communes. S'il maintient les crédits, il prélève 100 millions d'euros sur le fonds de roulement des établissements ; il divise par deux son engagement financier dans les contrats de plan État-Région 2015-2020 ; il baisse les crédits accordés aux collectivités territoriales et aux chambres de commerce et d'industrie (CCI), qui financent aussi l'enseignement supérieur ; il laisse des impayés, réforme la taxe d'apprentissage et, ce faisant, fragilise les rares ressources propres des budgets des établissements...
Si l'objectif annoncé par la stratégie nationale de l'enseignement supérieur (StraNES) et par le ministre est de passer en 2025 à 2 % du produit intérieur brut (PIB) consacré chaque année à l'enseignement supérieur, nous devrons franchir une marche à 40 milliards d'euros, soit 2,5 milliards d'euros supplémentaires chaque année pendant les dix prochaines années.
Face à l'essoufflement des financements publics, il est indispensable de repenser avec réalisme le modèle économique de notre enseignement supérieur. Confronté à une équation impossible, le Gouvernement fait miroiter les fonds de la formation professionnelle continue. Mais, ce n'est pas la caverne d'Ali Baba. L'on peut escompter 400 millions d'euros supplémentaires dans le meilleur des cas, soit tout juste 1 % des 40 milliards nécessaires.
Nous devons sortir des postures idéologiques et envisager avec sérénité les solutions. Je plaide pour une hausse raisonnable des frais d'inscription de l'ordre de 500 euros par an, à deux conditions : qu'elle soit compensée à due concurrence pour les familles modestes par un élargissement des bourses sur critères sociaux et qu'elle ne soit pas l'occasion pour l'État de se désengager. En abondant leur budget, cette hausse offre aux établissements une plus grande autonomie et une visibilité financière accrue. Les enseignants-chercheurs pourraient être mieux rémunérés. Un signal-qualité positif serait adressé aux étudiants, les autorisant à être plus exigeants quant à la qualité des formations dispensées.
L'enseignement privé non-lucratif contribue aussi à la mission de service public de l'enseignement supérieur. Il accueille 500 000 étudiants, soit près d'un sur cinq. Depuis 1998, ses effectifs ont crû de 75 % contre 6 % pour ceux du public. Il revient moins cher à l'État par étudiant, mais ses crédits ont été réduits de 36 % depuis 2011, atteignant un étiage en-deçà duquel la pérennité des établissements n'est plus garantie. J'accueille donc très favorablement l'initiative de Philippe Adnot, qui a fait adopter à l'unanimité par la commission des finances un amendement abondant les crédits de l'enseignement privé. Mon avis dépendra notamment du sort réservé à cet amendement. A ce stade du débat, je serais tenté de m'abstenir.