Les trois programmes de la mission consacrés à l'enseignement supérieur représentent quelque 15,6 milliards d'euros pour 2016, en quasi-stabilité par rapport à 2015. Plus des trois quarts de ces sommes sont destinés au programme 150 qui finance les établissements. À l'heure où la norme de réduction des budgets appliquée à l'ensemble des opérateurs de l'État est de 2 %, cette relative stabilité des crédits consacrés à l'enseignement supérieur mérite d'être remarquée.
M. Thierry Mandon, secrétaire d'État chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche, a évoqué, il y a quelques semaines, le défi quantitatif auquel est confronté notre système d'enseignement supérieur, avec l'arrivée d'étudiants chaque année plus nombreux, et le défi qualitatif, avec les transformations induites par le numérique. Je partage sur ce point son analyse : disposer d'un système d'enseignement supérieur rayonnant est un enjeu primordial pour notre pays, notre économie, notre société, le modèle de valeurs que nous avons tous à coeur de défendre.
L'investissement dans l'enseignement supérieur est extrêmement rentable : un euro en rapporte quatre, sans compter les bénéfices annexes du rayonnement. Quelle part de la richesse nationale voulons-nous consacrer à notre enseignement supérieur ? Les crédits ont été préservés cette année ; le Gouvernement a même ajouté 100 millions d'euros en première lecture à l'Assemblée nationale. Mais l'État est à bout de souffle. En dépit de ses déclarations sur la priorité nationale accordée à l'enseignement supérieur, le Gouvernement est incapable d'accompagner seul le développement de l'enseignement supérieur à la hauteur de nos ambitions communes. S'il maintient les crédits, il prélève 100 millions d'euros sur le fonds de roulement des établissements ; il divise par deux son engagement financier dans les contrats de plan État-Région 2015-2020 ; il baisse les crédits accordés aux collectivités territoriales et aux chambres de commerce et d'industrie (CCI), qui financent aussi l'enseignement supérieur ; il laisse des impayés, réforme la taxe d'apprentissage et, ce faisant, fragilise les rares ressources propres des budgets des établissements...
Si l'objectif annoncé par la stratégie nationale de l'enseignement supérieur (StraNES) et par le ministre est de passer en 2025 à 2 % du produit intérieur brut (PIB) consacré chaque année à l'enseignement supérieur, nous devrons franchir une marche à 40 milliards d'euros, soit 2,5 milliards d'euros supplémentaires chaque année pendant les dix prochaines années.
Face à l'essoufflement des financements publics, il est indispensable de repenser avec réalisme le modèle économique de notre enseignement supérieur. Confronté à une équation impossible, le Gouvernement fait miroiter les fonds de la formation professionnelle continue. Mais, ce n'est pas la caverne d'Ali Baba. L'on peut escompter 400 millions d'euros supplémentaires dans le meilleur des cas, soit tout juste 1 % des 40 milliards nécessaires.
Nous devons sortir des postures idéologiques et envisager avec sérénité les solutions. Je plaide pour une hausse raisonnable des frais d'inscription de l'ordre de 500 euros par an, à deux conditions : qu'elle soit compensée à due concurrence pour les familles modestes par un élargissement des bourses sur critères sociaux et qu'elle ne soit pas l'occasion pour l'État de se désengager. En abondant leur budget, cette hausse offre aux établissements une plus grande autonomie et une visibilité financière accrue. Les enseignants-chercheurs pourraient être mieux rémunérés. Un signal-qualité positif serait adressé aux étudiants, les autorisant à être plus exigeants quant à la qualité des formations dispensées.
L'enseignement privé non-lucratif contribue aussi à la mission de service public de l'enseignement supérieur. Il accueille 500 000 étudiants, soit près d'un sur cinq. Depuis 1998, ses effectifs ont crû de 75 % contre 6 % pour ceux du public. Il revient moins cher à l'État par étudiant, mais ses crédits ont été réduits de 36 % depuis 2011, atteignant un étiage en-deçà duquel la pérennité des établissements n'est plus garantie. J'accueille donc très favorablement l'initiative de Philippe Adnot, qui a fait adopter à l'unanimité par la commission des finances un amendement abondant les crédits de l'enseignement privé. Mon avis dépendra notamment du sort réservé à cet amendement. A ce stade du débat, je serais tenté de m'abstenir.
Notre débat prend un relief particulier en cette période où toutes les énergies doivent être mobilisées pour résister à une barbarie qui veut réduire à néant notre civilisation. La culture, l'éducation, la connaissance, le partage des savoirs sont essentiels pour lutter contre les dogmes et les croyances. Il y va de l'émancipation des esprits, de la liberté de penser et d'agir, de la grandeur de la France, soutenue par l'ensemble du monde démocratique, qui se drape des couleurs de la nation, et entonne la Marseillaise comme signe de ralliement.
Deux programmes de ce ministère sont consacrés à la recherche : le programme 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » qui regroupe tous les opérateurs de recherche sauf le Centre national d'études spatiales (Cnes), et le programme 193 « Recherche spatiale ». À structure constante, le montant alloué est stable par rapport à 2015. Il s'élève à 7,7 milliards d'euros en crédits de paiement, dont 6,3 milliards d'euros pour le programme 172. Les opérateurs de recherche liés à ces programmes voient leurs subventions globalement reconduites au niveau de 2015, selon l'engagement du secrétaire d'État.
Outre l'Éducation nationale, cinq ministères sont impliqués dans la Mission interministérielle recherche et enseignement supérieur (Mires) : celui de l'écologie, du développement durable et de l'énergie ; celui de l'économie, de l'industrie et du numérique ; celui de la défense, celui de la culture et de la communication et celui de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt. Or la stabilité des crédits accordés aux opérateurs par la subvention pour charges de service public n'est pas totalement assurée partout. Par exemple, dans le cadre du programme 190 opéré par le ministère de l'écologie, les subventions pour charges de service public destinées aux opérateurs sont orientées à la baisse.
La sanctuarisation du budget de l'enseignement supérieur et de la recherche devrait concerner les programmes de tous les ministères contribuant à la Mires. Son budget a été modifié à la marge par l'Assemblée nationale, qui a voté en seconde délibération une minoration des crédits de 119,6 millions d'euros sur tous les programmes à l'exception du 191 sur la recherche duale, ce qui annule l'amendement d'abondement de 100 millions d'euros proposé par le Gouvernement.
Dans un contexte budgétaire très contraint, les subventions pour charges de service public aux opérateurs de recherche sont stabilisées, ce qui les pousse à poursuivre leurs efforts, compte tenu de la progression de leur masse salariale. Les programmes d'investissement d'avenir (PIA) ont un effet très positif en constituant une ressource non négligeable pour les organismes de recherche. Le premier programme lancé en 2009 représente un financement extrabudgétaire équivalent à 11,7 milliards d'euros entre 2010 et 2020. Le deuxième programme, ouvert en 2014, dispose de 5,9 milliards d'euros à déployer entre 2014 et 2025. Ces programmes constituent aussi un formidable levier pour renforcer la lisibilité de la recherche française. Ils mettent à la disposition de l'Agence nationale de la recherche (ANR), en tant qu'opérateur dans les domaines de l'enseignement supérieur et de la recherche, des instruments pour faire émerger des grands pôles d'enseignement supérieur et de recherche nationaux tels que les initiatives d'excellence (Idex) et renforcer la compétitivité des équipes de recherche en finançant de grands projets de recherche ou de grands équipements multithématiques tels que les laboratoires et les équipements d'excellence (Labex et Equipex).
La loi du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche a contribué à structurer le paysage. Le mouvement de regroupement des établissements publics d'enseignement supérieur et des organismes de recherche partenaires, pour coordonner leur offre et leur stratégie, est maintenant achevé.
Les crédits de l'ANR sont reconduits à 585,1 millions en autorisations d'engagement et 590 millions en crédits de paiement. Ce budget plancher ne peut être diminué davantage, sauf à s'interroger sur l'utilité d'une agence de recherche, puisqu'elle est contrainte à un taux de sélection des projets très bas, ce qui crée des frustrations.
La communauté scientifique française doit s'impliquer davantage dans les appels à projets lancés par la Commission européenne. Après des résultats médiocres pour le 7e programme-cadre de recherche et développement technologique (PCRDT), les premiers résultats liés aux appels Horizon 2020 sont encourageants. Ainsi, avec un taux de succès de 17,1 %, la France se place en première position des pays de l'Union européenne. Néanmoins, elle ne représente que 9,2% de la demande totale de financement, ce qui la place en cinquième position des pays participants. La stratégie nationale de la recherche a été publiée en mars dernier. Je m'interroge sur le nombre d'orientations retenues, qui fait courir un risque de dilution des priorités. Je souhaite que le Conseil national stratégique ait un véritable rôle d'impulsion et d'arbitrage auprès du Premier ministre. On a l'impression que les décisions proviennent du comité opérationnel de la Direction générale de la recherche et de l'innovation (DGRI).
Je me préoccupe aussi de l'avenir du Conseil national de la culture scientifique, technique et industrielle, que je préside. Outre le retard de sa constitution, en l'absence de ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, l'État ne semble pas avoir pris la mesure de son implication nécessaire dans la stratégie nationale de la culture scientifique, technique et industrielle.
L'État, comme les organismes de recherche et beaucoup des scientifiques qui y travaillent, a pris conscience de la nécessité de renforcer la valorisation. Tous les organismes de recherche ont développé en interne une politique cohérente de valorisation. L'État, quant à lui, a multiplié les structures de valorisation sur l'ensemble du territoire, notamment depuis le lancement des investissements d'avenir. Toutefois, le foisonnement des outils de valorisation rend le dispositif globalement complexe et difficilement lisible - ce dont le ministre a convenu -, notamment pour les entreprises désirant bénéficier et développer des innovations des laboratoires. Ce morcellement peut freiner la constitution de structures de valorisation à réelle capacité d'action dans le domaine de la maturation. Or de fortes mises de fonds sont nécessaires, à long terme, pour que les résultats de la recherche soient suffisamment développés pour être transférés vers l'industrie. Le devenir des sociétés d'accélération du transfert de technologie (SATT) suscite des interrogations quand les grands organismes de recherche disposent déjà de leur propre structure de valorisation. Une évaluation transparente des secteurs couverts, des chevauchements et des synergies pourrait être utile.
Compte tenu du contexte budgétaire très contraint, félicitons-nous d'un budget de la recherche globalement sanctuarisé, qui accompagne bien la reconnaissance de la recherche au coeur des activités majeures de notre société. Je vous propose en conséquence de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de la recherche au sein de la Mires.
Hier, la commission des finances a adopté à l'unanimité un amendement de notre collègue Philippe Adnot majorant légèrement la dotation en faveur des étudiants accueillis dans les établissements privés à but non lucratif, et notre collègue Michel Berson rétablissant les 119 millions supprimés à l'Assemblée nationale. A titre personnel, je suis favorable à ces deux amendements en sachant que nous devons rester vigilants pour faire respecter l'engagement du ministre validé par le Premier ministre : nous ne sommes pas à l'abri d'un amendement d'équilibre de dernière minute.
On voit l'exercice inextricable que représente la réduction des dépenses publiques, et combien la StraNES avait raison de suggérer d'y soustraire l'enseignement supérieur et la recherche de cette contrainte. La notion de réalisme relève aussi d'une posture idéologique, que je refuse. Si je partage les propos du rapporteur sur la situation des universités, je n'approuve pas ses recommandations. Il ne s'en étonnera pas. La hausse des frais d'inscription serait le pire message à envoyer. Le budget est sanctuarisé ? Avec 45 000 nouveaux étudiants, avec des postes gelés parce qu'il faut affronter le quotidien ? On rogne sur la vie étudiante. Les Centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires (Crous) auront du mal à faire face au nouvel effort demandé.
Je ne partage pas l'optimisme de la rapporteure sur le budget de la recherche. Il faut faire davantage, sur le terrain, pour résorber la précarité. Je suis très inquiète. Étant donné les difficultés financières actuelles, pourquoi ne pas réexaminer le crédit d'impôt recherche (CIR), qui augmente de 214 millions d'euros ? Sans le supprimer, plusieurs millions d'euros pourraient être économisés sur sa gestion et réinjectés dans la recherche. M. le secrétaire d'État n'a pas rejeté l'idée d'un travail sur ce sujet. La question se reposera. Notre avis sera donc négatif.
Monsieur Grosperrin, n'existe-t-il pas une contradiction entre hausse des frais d'inscription et besoin de bourses ?
Sans être aussi virulente que ma collègue sur le CIR, je la comprends. Nous voulons quant à nous insister sur le fléchage : le CIR est censé servir aux chercheurs. Je suis satisfaite que les crédits du programme 193 « Recherche spatiale », qui me tient à coeur, soient maintenus. En revanche, la sanctuarisation n'existe pas dans les autres ministères. Les 119 millions d'euros de réduction des crédits que vous avez évoqués ont également porté sur les crédits alloués à l'enseignement supérieur et à la recherche agricole. Mme Dominique Gillot peut-elle nous en dire davantage sur les deux amendements de la commission des finances ?
Je remercie les deux rapporteurs. Le budget évoqué est important en masse, mais aussi stratégique. Première priorité de la nation, l'éducation représente 120 milliards d'euros. Mme Gillot a rappelé le contexte actuel. Moins on a de mots, plus on est violent. Les auteurs de l'irréparable n'ont sans doute pas été assez éduqués.
Ce budget reflète la mauvaise répartition des moyens dans l'éducation. L'enseignement secondaire, très bien doté, ne réduit pas les insuffisances du primaire et ne prépare pas à l'enseignement supérieur. Pensez au nombre d'élèves qui quittent l'enseignement sans diplôme ni qualification !
Je suis d'accord avec les propositions de Jacques Grosperrin, sur la hausse des frais d'inscription, en tenant compte du niveau social des étudiants, et sur l'enseignement supérieur privé non lucratif. J'y ajouterai la nécessité d'une meilleure implication du monde économique. Des gains de productivité aideraient à développer la culture scientifique, technique et industrielle, qui est essentielle. Le groupe Les Républicains s'abstiendra.
Merci aux rapporteurs pour leur éclairage précieux. Nous n'avions pas de ministre, nous en avons un ; le budget était très contraint, il va dans le bon sens. Néanmoins, les rapporteurs ont-ils bien demandé le coût en temps, en trajets, en réunions, de la nouvelle stratégie « big is beautiful » de fusions, de regroupements et de communautés d'universités et d'établissements (Comue) ? Comme pour les collectivités territoriales, la fusion coûte, dans un premier temps, bien plus cher que la situation antérieure.
La StraNES compte beaucoup de priorités. Le travail de tous les enseignants-chercheurs est important, notamment en sciences humaines et sociales, surtout en ce moment. La solution ne consiste pas à armer tout le monde.
Je l'ai vérifié, les élèves des classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE) de l'enseignement privé ne paient pas les droits d'inscription à l'université alors que leurs enseignants sont payés par l'État et que les élèves des lycées publics acquittent ces droits. Je ne comprends pas qu'un amendement n'ait pas été déposé pour rétablir l'équité avec l'enseignement public. Personne ne s'explique cette bizarrerie, pas même les directions diocésaines.
Nous sommes farouchement opposés à la majoration des droits d'inscription. Je vous incite à vous pencher sur la bulle d'endettement des étudiants américains. Le président des États-Unis, Barack Obama, a achevé de rembourser ses propres frais de scolarité il y a quatre ans seulement. Ne reproduisons pas les erreurs des autres pays, surtout quand ils reviennent sur leur logique. Sauf coup de théâtre, nous sommes enclins à un avis positif sur les crédits de la mission.
La hausse des droits d'inscription n'est pas la piste à suivre. Je rejoins les propos de Mme Corinne Bouchoux : l'anomalie de différence de traitement entre les élèves de CPGE privées et publiques doit cesser. L'enseignement diocésain, qui est attaché à un traitement équitable, ne pourra que s'associer à cette démarche.
Nous sommes enclins à un regard positif sur ces crédits sanctuarisés, qui ne subissent pas les baisses nécessaires à l'équilibre global des finances publiques. La requalification des bourses attribuées aux plus fragiles et aux plus faibles, qui était un signal très important, est poursuivie. Je m'associe à l'amendement de Michel Berson. Nous serons vigilants sur le rétablissement des crédits rapidement subtilisés à l'Assemblée nationale. La même opération a été effectuée sur l'enseignement scolaire. Sous ces réserves, nous donnerons un avis favorable à l'adoption de ces budgets des crédits de la mission.
A l'UDI-UC, nous ne sommes pas favorables à l'augmentation des droits d'inscription à l'université. La faiblesse du recrutement des chercheurs et leur vieillissement posent problème : ne s'achemine-t-on pas vers une vraie crise des effectifs scientifiques ? Le choix du financement sur projet, par l'ANR, l'Union européenne et les PIA n'est-il pas un frein au développement de la recherche ? Le CIR est l'une des mesures fiscales les plus coûteuses. Si son efficacité globale est établie, il n'en est pas de même au niveau sectoriel. Pourquoi 500 millions d'euros sont-ils accordés chaque année aux laboratoires pharmaceutiques alors que leur investissement en recherche a baissé de 85 millions d'euros par an entre 2007 et 2012 ? Ne peut-on éviter les effets d'aubaine ?
Nous sommes pris dans un étau entre un système en crise et la tentation du système américain. Il faudra trouver le juste milieu. Le groupe UDI-UC propose de s'abstenir et attendra les prises de position de la commission des finances et le vote des amendements en séance pour se prononcer définitivement.
Plusieurs d'entre nous ont récemment participé à une mission du groupe d'amitié France-Québec. Les droits d'inscription des 12 500 étudiants français au Québec ont été multipliés par dix, atteignant plus de 10 000 euros par an. Nous avons obtenu la baisse des droits d'inscription à environ 4 000 euros, à égalité avec les étudiants canadiens. Le sujet du niveau des droits d'inscription mérite d'être approfondi, notamment dans la perspective de la mobilité étudiante.
La baisse des crédits des Crous est importante, d'un point de vue social et médical. Le Gouvernement a annoncé un plan national pour la vie étudiante comportant 35 mesures facilitant la vie des étudiants pour une meilleure réussite, concoctées avec les acteurs de l'enseignement supérieur. Elles ont pour objectif la simplification des démarches administratives, un meilleur accès aux prestations de santé, une plus grande attractivité des campus, et une meilleure prise en compte des étudiants étrangers, handicapés, ainsi que des étudiantes enceintes. J'espère que l'adoption de l'amendement présenté par Michel Berson apaisera mon inquiétude. Le régime de base étudiant sera pris en charge par la Mutuelle générale de l'éducation nationale (MGEN). Reste tout le travail des mutuelles à poursuivre.
J'approuve la remarque de Dominique Gillot : outre la commission des finances, plusieurs commissions donnent un avis sur les crédits de la recherche. Notre vision n'est pas suffisamment transversale et l'éparpillement cache des détails sur les enveloppes financières, mais aussi les orientations. La décarbonisation de notre économie, vantée à l'unisson, n'apparaît guère dans les projets de recherche dissimulés au sein de programmes de recherche dans le domaine de l'énergie.
Cette remarque est tout à fait juste, nous avons du mal à coordonner les avis.
L'État est à bout de souffle, le Gouvernement incapable d'accompagner seul l'enseignement supérieur et la recherche. La hausse des droits d'inscription proposée est raisonnable, sans commune mesure avec ce qui se passe aux États-Unis : ils passeraient de 180 à 500 ou 700 euros, à comparer avec ce que dépensent les étudiants pour la téléphonie, le sport ou les loisirs. Vous avez un totem, mais vous savez qu'on y arrivera.
J'entends que vous craignez que si les frais d'inscription augmentent, l'État ne se désengage. Ce n'est pas mon idée. Les étudiants auront le sentiment de disposer de cours de meilleure qualité, avec des enseignants-chercheurs mieux payés. Vous savez que les Français ont moins de respect pour ce qu'ils ne paient pas. On fréquente davantage le club de sport que l'on paie cher. Nous n'aurons pas le choix. Je suis sûr qu'en votre for intérieur, vous êtes d'accord.
Philippe Adnot préconise de relever le montant de l'enveloppe accordée aux établissements d'enseignement supérieur privés à but non lucratif. Il estime que ces établissements coûtent moins cher, contribuent à l'équilibre des comptes publics et accueillent de plus en plus d'étudiants. Il suggère en conséquence de réduire de 5,59 millions d'euros le montant de l'action 2 consacrée aux aides indirectes, les Crous disposant d'une trésorerie importante, et d'affecter cette somme aux établissements privés.
Merci de votre confiance, Monsieur Carle. On constate un vrai problème d'orientation entre secondaire et supérieur. Je compte sur la mission d'information pilotée par nos collègues Jacques-Bernard Magner et Guy-Dominique Kennel pour nous éclairer. L'implication du monde économique dans l'enseignement supérieur est réelle. À terme, les entreprises bénéficient de la qualité de la formation des étudiants.
Madame Bouchoux, vos questions sont toujours d'une grande acuité. Je vous encourage à déposer l'amendement que vous avez évoqué. Vous avez raison de souligner le problème de l'absence de droits d'inscription à l'université des élèves des CPGE privées. S'agissant des Comue, les économies ne sont pas au rendez-vous. D'ailleurs, sur les 1 000 postes créés en 2016, plus d'un tiers sera absorbé par les emplois administratifs des Comue. On a peut-être créé quelques monstres universitaires. Aux États-Unis, certaines universités accueillent entre 9 000 et 12 000 étudiants, avec des résultats exceptionnels ; la Comue Bretagne-Loire rassemble plus de 120 000 étudiants. Notre modèle, à 700 euros de frais d'inscription, n'est pas celui de la bulle d'endettement.
Monsieur Kern, l'UDI doit réfléchir au niveau des droits d'inscription. Le programme sur la vie étudiante augmente en 2016. Le plan de construction de 40 000 logements est en bonne voie.
Je comprends le débat sur les droits d'inscription. Il y a quatre ans, j'étais sensible à l'idée qu'une petite augmentation donnerait de l'aisance au budget des établissements. Des acteurs majeurs de l'enseignement supérieurs y sont favorables, dont la Conférence des présidents d'université (CPU). Entretemps, j'ai assisté au comité de réflexion sur la StraNES, qui a analysé très précisément les effets restrictifs de la hausse des droits d'inscription dans les pays comparables au nôtre. Elle a fait apparaître un effet de frein à l'inscription des enfants des familles les moins favorisées. Même une petite augmentation reviendrait à donner un signal négatif aux enfants de familles aux moyens modestes, où l'incitation est forte à rejoindre au plus tôt le monde du travail. Jacques Grosperrin propose de compenser cet effet de frein par une augmentation des bourses à due concurrence, si bien que je ne vois pas où est le bénéfice pour le budget de cette rupture d'égalité. Un travail de Gribouille...
Les pays démocratiques considèrent la connaissance comme un bien public. Sans aller jusqu'à la gratuité, comme en Allemagne ou dans les pays du nord de l'Europe, on peut évoluer dans cette direction. L'augmentation des droits d'inscription n'est pas un totem, mais un sujet de réflexion majeur pour notre politique économique. Je n'y suis par conséquent pas favorable.
Quant à l'amendement de Philippe Adnot, la loi sur l'enseignement supérieur et la recherche (ESR) prévoit déjà un label pour les associations à but non lucratif qui gèrent des grandes écoles, de manière à reconnaître leur appartenance à part entière au service public de l'enseignement supérieur. L'intégration de ces écoles dans les regroupements universitaires en cours a mis en évidence les différences de traitement à leur égard ; elles compensent ce déficit par une augmentation des droits d'inscription. Si l'on veut intégrer plus l'enseignement privé à but non lucratif dans les regroupements, il faudra réfléchir à l'équilibre de la dotation de l'État.
Le travail de la commission d'enquête sur le CIR a fait mûrir les esprits et tomber quelques idées reçues de part et d'autre. Ce n'est ni la panacée, ni un détournement de fonds publics au profit de certaines entreprises. Un observatoire du CIR a été constitué pour mieux en apprécier l'utilisation.
Je l'ignore, mais il est essentiel que nous en soyons informés. Les entreprises qui passent des conventions avec les laboratoires publics pourraient bénéficier du CIR.
Non, du moins pas autant. L'augmentation du coût du CIR s'est ralentie : 5,2 milliards d'euros au lieu des 6 à 8 milliards attendus. L'utilisation du crédit d'impôt pour l'emploi scientifique doit néanmoins être contrôlée.
Que Claude Kern se rassure, les entreprises ont été sensibilisées à l'intérêt d'embaucher des docteurs par des campagnes de l'organisation patronale et du ministère. La loi ESR prône la « valorisation du diplôme de docteur dans l'emploi privé » ; cela ne se décrète pas, mais nous sommes parvenus à l'encourager. Parallèlement, l'emploi public scientifique reste soutenu, les principaux organismes s'étant engagés à maintenir le recrutement. La masse salariale continue d'augmenter.
Après deux ans, il est prématuré de mesurer l'augmentation des temps de trajet liée aux regroupements d'établissements, mais nous pouvons l'envisager pour l'année prochaine. Au demeurant, la gouvernance a été améliorée et le travail d'harmonisation des systèmes d'information engagé à l'occasion des regroupements facilitera grandement la communication à distance.
En 2015, les 1 000 nouveaux postes ont été répartis à parts égales entre les fonctions support administratives, les fonctions académiques et l'équilibre budgétaire. La structure administrative étant désormais établie, la part des fonctions académiques devrait être renforcée en 2016.
Madame Blandin, je partage votre souhait de disposer d'une vision globale de l'effort public en faveur de la recherche ; le temps nous a manqué jusqu'à présent, mais je commence à recevoir des responsables d'organismes de recherche dépendant d'autres ministères. Se sentant quelque peu délaissés au sein de l'enseignement supérieur, ils m'en sont reconnaissants. Il convient que notre commission s'intéresse à l'ensemble des crédits de la mission.
Tous les contrats d'objectifs stratégiques mentionnent la transdisciplinarité. Aucun chercheur en sciences dures ne croit plus pouvoir avancer sans le soutien des sciences humaines et sociales. Le cerveau et l'esprit vont désormais ensemble.
Je vous propose de reprendre les deux amendements adoptés par la commission des finances : identique à celui présenté par Philippe Adnot au nom de la commission des finances, l'amendement n° 1 prévoit un abondement en faveur des établissements d'enseignement privé. L'amendement n° 2 est identique à celui présenté par Michel Berson au nom de la commission des finances ; il rétablit les 119 millions d'euros de crédits supprimés par l'Assemblée nationale en seconde délibération.
Je m'abstiendrai pour ma part sur les amendements, en attendant l'examen des crédits en séance.
Pour prendre position, nous avons besoin de davantage d'informations notamment sur l'amendement n° 1.
L'amendement n° 2 ne nous pose aucun problème, mais le n° 1 me gêne dans la mesure où l'abondement ne se ferait pas seulement au détriment du logement. Je vous ferai un compte rendu exhaustif de la prochaine réunion du conseil d'administration du Centre national des services universitaires et scolaires (Cnous) au sein duquel je représente le Sénat.
Nous voterons l'amendement n° 2 ; en revanche, l'amendement n° 1 ne nous satisfait pas. Réduire les crédits de la vie étudiante pour renflouer l'enseignement privé, c'est déshabiller Pierre pour habiller Paul.
L'amendement n° 1 est adopté, ainsi que l'amendement n° 2.
Après le vote des amendements, mon avis sur les crédits de la mission est favorable.
Même modifés par ces deux amendements, il serait gênant de ne pas adopter les crédits de la mission. Je propose par conséquent de donner un avis favorable à leur adoption.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Recherche et Enseignement supérieur», sous réserve de l'adoption de ses deux amendements.
La réunion est levée à 10h55.