Intervention de Dominique Gillot

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 19 novembre 2015 à 9h35
Loi de finances pour 2016 — Mission recherche et enseignement supérieur - crédits « enseignement supérieur » et « recherche » - examen des rapports pour avis

Photo de Dominique GillotDominique Gillot, rapporteure pour avis des crédits consacrés à la recherche au sein de la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur » :

Notre débat prend un relief particulier en cette période où toutes les énergies doivent être mobilisées pour résister à une barbarie qui veut réduire à néant notre civilisation. La culture, l'éducation, la connaissance, le partage des savoirs sont essentiels pour lutter contre les dogmes et les croyances. Il y va de l'émancipation des esprits, de la liberté de penser et d'agir, de la grandeur de la France, soutenue par l'ensemble du monde démocratique, qui se drape des couleurs de la nation, et entonne la Marseillaise comme signe de ralliement.

Deux programmes de ce ministère sont consacrés à la recherche : le programme 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » qui regroupe tous les opérateurs de recherche sauf le Centre national d'études spatiales (Cnes), et le programme 193 « Recherche spatiale ». À structure constante, le montant alloué est stable par rapport à 2015. Il s'élève à 7,7 milliards d'euros en crédits de paiement, dont 6,3 milliards d'euros pour le programme 172. Les opérateurs de recherche liés à ces programmes voient leurs subventions globalement reconduites au niveau de 2015, selon l'engagement du secrétaire d'État.

Outre l'Éducation nationale, cinq ministères sont impliqués dans la Mission interministérielle recherche et enseignement supérieur (Mires) : celui de l'écologie, du développement durable et de l'énergie ; celui de l'économie, de l'industrie et du numérique ; celui de la défense, celui de la culture et de la communication et celui de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt. Or la stabilité des crédits accordés aux opérateurs par la subvention pour charges de service public n'est pas totalement assurée partout. Par exemple, dans le cadre du programme 190 opéré par le ministère de l'écologie, les subventions pour charges de service public destinées aux opérateurs sont orientées à la baisse.

La sanctuarisation du budget de l'enseignement supérieur et de la recherche devrait concerner les programmes de tous les ministères contribuant à la Mires. Son budget a été modifié à la marge par l'Assemblée nationale, qui a voté en seconde délibération une minoration des crédits de 119,6 millions d'euros sur tous les programmes à l'exception du 191 sur la recherche duale, ce qui annule l'amendement d'abondement de 100 millions d'euros proposé par le Gouvernement.

Dans un contexte budgétaire très contraint, les subventions pour charges de service public aux opérateurs de recherche sont stabilisées, ce qui les pousse à poursuivre leurs efforts, compte tenu de la progression de leur masse salariale. Les programmes d'investissement d'avenir (PIA) ont un effet très positif en constituant une ressource non négligeable pour les organismes de recherche. Le premier programme lancé en 2009 représente un financement extrabudgétaire équivalent à 11,7 milliards d'euros entre 2010 et 2020. Le deuxième programme, ouvert en 2014, dispose de 5,9 milliards d'euros à déployer entre 2014 et 2025. Ces programmes constituent aussi un formidable levier pour renforcer la lisibilité de la recherche française. Ils mettent à la disposition de l'Agence nationale de la recherche (ANR), en tant qu'opérateur dans les domaines de l'enseignement supérieur et de la recherche, des instruments pour faire émerger des grands pôles d'enseignement supérieur et de recherche nationaux tels que les initiatives d'excellence (Idex) et renforcer la compétitivité des équipes de recherche en finançant de grands projets de recherche ou de grands équipements multithématiques tels que les laboratoires et les équipements d'excellence (Labex et Equipex).

La loi du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche a contribué à structurer le paysage. Le mouvement de regroupement des établissements publics d'enseignement supérieur et des organismes de recherche partenaires, pour coordonner leur offre et leur stratégie, est maintenant achevé.

Les crédits de l'ANR sont reconduits à 585,1 millions en autorisations d'engagement et 590 millions en crédits de paiement. Ce budget plancher ne peut être diminué davantage, sauf à s'interroger sur l'utilité d'une agence de recherche, puisqu'elle est contrainte à un taux de sélection des projets très bas, ce qui crée des frustrations.

La communauté scientifique française doit s'impliquer davantage dans les appels à projets lancés par la Commission européenne. Après des résultats médiocres pour le 7e programme-cadre de recherche et développement technologique (PCRDT), les premiers résultats liés aux appels Horizon 2020 sont encourageants. Ainsi, avec un taux de succès de 17,1 %, la France se place en première position des pays de l'Union européenne. Néanmoins, elle ne représente que 9,2% de la demande totale de financement, ce qui la place en cinquième position des pays participants. La stratégie nationale de la recherche a été publiée en mars dernier. Je m'interroge sur le nombre d'orientations retenues, qui fait courir un risque de dilution des priorités. Je souhaite que le Conseil national stratégique ait un véritable rôle d'impulsion et d'arbitrage auprès du Premier ministre. On a l'impression que les décisions proviennent du comité opérationnel de la Direction générale de la recherche et de l'innovation (DGRI).

Je me préoccupe aussi de l'avenir du Conseil national de la culture scientifique, technique et industrielle, que je préside. Outre le retard de sa constitution, en l'absence de ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, l'État ne semble pas avoir pris la mesure de son implication nécessaire dans la stratégie nationale de la culture scientifique, technique et industrielle.

L'État, comme les organismes de recherche et beaucoup des scientifiques qui y travaillent, a pris conscience de la nécessité de renforcer la valorisation. Tous les organismes de recherche ont développé en interne une politique cohérente de valorisation. L'État, quant à lui, a multiplié les structures de valorisation sur l'ensemble du territoire, notamment depuis le lancement des investissements d'avenir. Toutefois, le foisonnement des outils de valorisation rend le dispositif globalement complexe et difficilement lisible - ce dont le ministre a convenu -, notamment pour les entreprises désirant bénéficier et développer des innovations des laboratoires. Ce morcellement peut freiner la constitution de structures de valorisation à réelle capacité d'action dans le domaine de la maturation. Or de fortes mises de fonds sont nécessaires, à long terme, pour que les résultats de la recherche soient suffisamment développés pour être transférés vers l'industrie. Le devenir des sociétés d'accélération du transfert de technologie (SATT) suscite des interrogations quand les grands organismes de recherche disposent déjà de leur propre structure de valorisation. Une évaluation transparente des secteurs couverts, des chevauchements et des synergies pourrait être utile.

Compte tenu du contexte budgétaire très contraint, félicitons-nous d'un budget de la recherche globalement sanctuarisé, qui accompagne bien la reconnaissance de la recherche au coeur des activités majeures de notre société. Je vous propose en conséquence de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de la recherche au sein de la Mires.

Hier, la commission des finances a adopté à l'unanimité un amendement de notre collègue Philippe Adnot majorant légèrement la dotation en faveur des étudiants accueillis dans les établissements privés à but non lucratif, et notre collègue Michel Berson rétablissant les 119 millions supprimés à l'Assemblée nationale. A titre personnel, je suis favorable à ces deux amendements en sachant que nous devons rester vigilants pour faire respecter l'engagement du ministre validé par le Premier ministre : nous ne sommes pas à l'abri d'un amendement d'équilibre de dernière minute.

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