La mission « Régimes sociaux et de retraites » regroupe les subventions d'équilibre que l'État verse à onze régimes spéciaux de retraite en situation de déséquilibre démographique. Ces régimes comptent environ 721 000 pensionnés en 2015. Huit d'entre eux sont fermés, c'est-à-dire qu'ils n'accueillent plus de nouveaux affiliés.
La mission, dont les crédits s'élèvent en 2016 à 6,3 milliards d'euros, en recul de 1,45 % par rapport à 2015 et de 2,9 % par rapport à 2014, regroupe trois programmes. D'abord, le programme 198 « Régimes sociaux et de retraite des transports terrestres » comprend les subventions versées à la branche vieillesse des régimes spéciaux de la SNCF et de la RATP, mais aussi celles que reçoivent une série de petits régimes en voie d'extinction parmi lesquels le régime de chemins de fer d'Afrique du Nord et du Niger Méditerranée. Ce programme regroupe aussi les crédits affectés au congé de fin d'activité et au complément de retraite des conducteurs routiers. Avec 4 milliards d'euros, en baisse de 0,1 % par rapport à 2015, il représente à lui seul 64 % des crédits de la mission.
Le programme 197, « Régime de retraite et de sécurité sociale des marins », est le moins doté de la mission puisqu'il n'en représente que 13 % des crédits, soit 825 millions d'euros pour 2016. Enfin, le programme 195, « Régimes de retraite des mines, de la SEITA et divers », affecte 1,4 milliard d'euros à des régimes en extinction rapide et démographiquement déséquilibrés, tels le régime des mines, de la SEITA ou de l'ORTF ; ses crédits, en baisse de 4,5 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2015, représentent 23 % de la mission.
La forte augmentation des crédits de la mission depuis 2006, pour des raisons essentiellement démographiques, a cessé il y a deux ans. D'abord en raison de la faible revalorisation des pensions en 2015 et 2016, conséquence d'une faible inflation et du report de la date de revalorisation des pensions du 1er avril au 1er octobre. Ensuite à cause de la baisse du volume des prestations servies par les régimes fermés. Enfin du fait de la hausse progressive de 0,3 point, entre 2012 et 2014, des parts salariales et patronales des cotisations d'assurance vieillesse, transposée par décret en 2014 aux régimes de la SNCF et de la RATP.
La solidarité nationale finance deux tiers des prestations de ces onze régimes spéciaux. S'il est logique que l'État accompagne l'extinction des régimes fermés de même que celui des marins, dont la pénibilité appelle un traitement différencié, il est indispensable de poursuivre la stratégie mise en oeuvre en 2008 d'alignement progressif des paramètres des régimes spéciaux de la SNCF et de la RATP sur ceux de la fonction publique.
L'année 2015 est marquée par l'expiration de la première convention d'objectifs et de gestion (COG) liant l'État à l'Établissement national des invalides de la marine (Enim), qui gère le régime des marins. C'est pourquoi j'ai décidé cette année de consacrer l'essentiel de mon rapport à ce régime.
La COG 2012-2015, signée à la suite de la clarification du statut de l'Enim en 2010, devenu uniquement un établissement public administratif et non plus également un service d'administration inutile, l'a mieux, selon son directeur général, ancré dans le monde de la protection sociale. L'Enim a amélioré sa gestion et redressé la qualité du service rendu aux assurés.
Le régime des marins, créé sous Louis XIV, trouve sa légitimité dans la spécificité de la carrière maritime, dangereuse et pénible. Il compte en 2014 114 649 pensionnés pour 30 415 actifs-cotisants, soit un ratio démographique de 0,26, contre 1,3 pour le régime général. La branche vieillesse de l'Enim versera en 2016 1 milliard d'euros de prestations mais ne recouvrera que 112 millions d'euros de cotisations. La subvention de l'État, qui ne concerne que la branche vieillesse de l'Enim, s'élève donc en 2016 à 825 millions d'euros soit 78,9 % des produits du régime. Bien qu'ayant bondi depuis 2006 de 17 % pour des raisons démographiques, elle est en recul depuis le pic atteint en 2012 de 856 millions d'euros (- 3,7 % en 2016).
Les spécificités du métier de marin justifient des particularités en matière de prestations et de cotisations, dont les règles n'ont pas été affectées par les réformes de 2010 et de 2014. L'âge légal d'ouverture des droits demeure ainsi à 55 ans lorsque la carrière maritime accomplie représente au moins 15 ans de service. L'âge moyen de départ effectif est toutefois de 58,6 ans en 2014 en raison du nombre important de marins validant des pensions spéciales, c'est-à-dire celles subordonnées au versement de la pension d'un autre régime. Les affiliés de l'Enim sont à 80 % des polypensionnés, ce qui explique que le régime des marins soit qualifié de régime de passage.
Le système de cotisations, éminemment complexe, reste l'une de ses principales spécificités. Dans son rapport d'information de juillet 2013 pour la commission des finances, Francis Delattre avait préconisé de simplifier et d'assouplir la grille de salaires forfaitaires par catégorie, de réduire le nombre de taux de contributions patronales applicables aux armateurs et de rationaliser les dispositifs d'exonération de charges sociales. Je regrette que ces recommandations n'aient pu être mises en oeuvre, même si des simplifications ponctuelles ont été opérées. La réforme catégorielle demeure pourtant un enjeu d'avenir car l'attractivité du régime pour les armateurs, propriétaires et employeurs en dépend.
L'Enim a pourtant réduit ses frais de gestion, tout en plaçant au coeur de son activité les enjeux du contrôle interne et de la lutte contre la fraude. L'organigramme a été refondu afin de mieux correspondre aux standards des caisses de sécurité sociale. Les effectifs ont été réduits de 10 % depuis 2007. Les effets de cette baisse ne se font sentir que depuis 2012 car le remplacement des fonctionnaires par des agents contractuels à la rémunération moyenne plus élevée avait, dans un premier temps, augmenté les dépenses de personnel.
Le déménagement du siège de l'Enim à Périgny, à côté de La Rochelle est allé de pair avec le repositionnement de l'opérateur en tant qu'organisme de protection sociale : les deux tiers des effectifs parisiens de l'Enim ne l'ayant pas suivi, des nouveaux collaborateurs venus d'autres caisses de sécurité sociale ont apporté une véritable expertise métier.
La coopération avec les autres régimes de protection sociale, axe fort de la COG, a également été renforcée. L'adossement du système d'information de l'Enim à celui de la Caisse nationale d'assurance maladie est intervenu en 2008 et les représentants de l'Enim m'ont assuré que les nombreux problèmes rencontrés appartenaient désormais au passé. Un rapprochement avec l'Acoss a été opéré pour doter l'Enim de l'outil de gestion du recouvrement des cotisations et des contributions utilisé dans les Urssaf.
La rationalisation de l'implantation géographique des différents sites de l'Enim, dans le cadre du schéma pluriannuel de stratégie immobilière 2011-2015, a permis la fermeture du centre de Bordeaux et préparé la cession, à plus ou moins long terme, de cinq des neuf hôtels des gens de mer, au Havre, à Dunkerque, à Concarneau, à La Rochelle et à Boulogne-sur-Mer. Les résultats semblent au rendez-vous. D'après l'Enim, depuis 2012, les frais de gestion auraient été réduits de près de 13 % pour revenir à 28 millions d'euros en 2014, contre 33 millions d'euros en 2012. Les frais informatiques ont baissé de près de 50 % et les frais de personnel de plus de 7 %.
C'est dans ce contexte que s'ouvrent les travaux préparatoires à la COG 2016-2020. La négociation entre l'État et l'Enim devrait intervenir au cours du premier trimestre 2016, et sa validation par le conseil d'administration avant l'été. Alors que nos finances publiques demeurent contraintes, des efforts supplémentaires seront à accomplir. Comme le montre le projet annuel de performance de la mission « Régimes sociaux et de retraite » annexé au projet de loi de finances pour 2016, le coût unitaire d'une primo-liquidation de pension de retraite à l'Enim s'élèvera encore en 2016 à 800 euros, contre 879 euros en 2013. Il reste très éloigné des standards du régime général et même des principaux régimes spéciaux - une primo-liquidation coûte par exemple 365 euros à la RATP. Même si ces chiffres ne peuvent pas être directement comparés, ils donnent une idée du coût de gestion de ce régime spécial.
Le déménagement du siège à Périgny, dans un site en location, continue d'entraîner des coûts d'occupation en hausse puisqu'ils ont plus que doublé par rapport à la situation dans l'ancien site parisien. En 2010, cette décision a davantage relevé d'une logique d'aménagement du territoire que d'un souci de réduire les dépenses de gestion. Une renégociation du bail, qui coûte 420 000 euros par an, est toutefois envisagée en 2016.
L'éloignement du siège de ses trois sites de production, Saint-Malo, Lorient et Paimpol, continue d'affecter le pilotage et les coûts de fonctionnement, rendant difficiles certaines mutualisations. La COG 2020 devra être ambitieuse en matière de politique immobilière. La remise en cause de l'éclatement en plusieurs sites ne doit pas être un tabou, même si elle soulève des questions d'emploi dans nos territoires.
Je salue donc les efforts accomplis depuis cinq ans par le régime des marins. La nouvelle gouvernance favorisée par la COG montre que des progrès sont possibles. L'acceptation par nos concitoyens de l'existence de ce régime spécial est à la clé. Je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de cette mission pour l'année 2016, assortie cette année encore, de réserves concernant les règles de départ à la retraite des régimes de la SNCF et de la RATP, trop éloignées du droit commun.