Monsieur le Président, mes chers collègues, je vais donc, cette année encore, vous présenter les crédits de la MIRES, la mission interministérielle « recherche et enseignement supérieur ». Mais ceci dans un contexte un peu particulier, puisque je remplace notre collègue Henri Tandonnet, qui a été opéré la semaine dernière.
Je me propose donc, en me faisant sa simple porte-parole, de vous exposer les grandes orientations du budget pour 2016, puis d'approfondir le sujet que M. Tandonnet a souhaité développer, à savoir le financement de la recherche et de l'innovation par les collectivités, notamment dans le cadre des nouveaux contrats de plan État-région (CPER).
Avec quasiment 26 milliards d'euros, le budget de la MIRES est en stagnation, cette année encore. À l'intérieur de cette enveloppe, les crédits consacrés à la recherche, qui nous intéressent, sont également en stagnation, à un peu moins de 14 milliards d'euros.
Ce gel des crédits se retrouve dans les dotations allouées aux organismes de recherche. À première vue, avec environ 5,8 milliards de crédits alloués en 2016, ils enregistrent une reconduction de ces dernières. Cependant, ce constat est en réalité à nuancer.
D'une part, ce nouvel exercice s'inscrit dans la continuité de précédents déjà marqués, de façon globale, par une stagnation ou une légère régression des dotations, ce qui implique une évolution négative en termes réels.
D'autre part, il n'est ici rendu compte que des dotations en loi de finances initiale, qui bien souvent se trouvent affectées par des mesures de régulation budgétaires en cours d'année. 577 millions d'euros ont ainsi été affectés par ces mesures lors du précédent exercice ; ce n'est pas négligeable ! Il y aurait un accord pour un dégel de 376 millions d'euros, mais nous en attendons la confirmation.
Enfin, ces évolutions généralement négatives s'appliquent à des organismes qui, pour beaucoup d'entre eux, ont déjà « rogné » au maximum leurs dépenses courantes et risquent de voir remise en cause la pérennité de leurs actions d'intérêt général.
L'exemple d'IFP-Énergies nouvelles (IFP-EN) et de l'Institut national de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture (IRSTEA), développé dans le rapport pour avis, illustre cette évolution inquiétante.
Ainsi, depuis 2010, la dotation nette d'IFP-EN aura été réduite de 37 millions d'euros, soit pas moins de 22 %. Cette baisse fragilise fortement l'équilibre financier de l'institut, et par conséquent ses missions de service public ; elle affecte en priorité les travaux de recherche sur les nouvelles technologies de l'énergie, et s'inscrit en contradiction avec les objectifs et priorités de l'État en matière de transition énergétique.
L'institut a déjà réalisé des efforts conséquents sur ses dépenses et semble aujourd'hui parvenu au bout de l'exercice. Depuis 2010, il s'est séparé de près de 150 personnes et a stoppé des projets de recherche parmi ceux à plus haut risque et aux débouchés de plus long terme.
La situation budgétaire, qui permettait encore jusqu'à récemment de compenser la baisse de la dotation par des ressources propres, est arrivée à une limite. En effet, les prélèvements étaient effectués sur les sociétés filiales. Envisageables dans un contexte de croissance, ils ne le sont plus, du fait de la baisse du chiffre d'affaires de ces dernières.
La problématique, quoique différente à l'IRSTEA, aboutit aux mêmes impasses budgétaires. Ses ressources propres, qui s'appuyaient sur les appels d'offre de financeurs publics - comme l'État, les collectivités territoriales ou encore l'Agence nationale de la recherche (ANR) - vont être réduites. En effet, de fortes restrictions budgétaires affectent ces financeurs publics.
Les conséquences sur le fonctionnement au quotidien de l'organisme, mais aussi sur la planification de ses activités de recherche, sont inquiétantes. Ses moyens sont tendanciellement décroissants - à commencer par les plus importants, à savoir le personnel de recherche, réduit d'une cinquantaine de postes ces cinq dernières années. Ainsi que l'ont clairement exprimé à votre rapporteur pour avis ses responsables, l'institut risque d'abandonner certains champs de recherche ces prochaines années.
Je vous l'annonçais déjà l'an dernier, mes chers collègues : nous sommes parvenus à une situation extrême, qui ne permet plus de préparer l'avenir de la recherche, et dont nous ferons les frais dans le futur. En effet, dans une économie où la connaissance et l'innovation seront, demain plus que jamais, la source de toute valeur ajoutée, comme l'a rappelé le ministre de l'économie, M. Emmanuel Macron, lors de sa dernière audition devant notre commission, on mesure les conséquences désastreuses d'une telle évolution pour notre pays. Encore une fois, on voit ici le décalage entre les ambitions annoncées et les moyens réellement mis en oeuvre.
Quelques mots sur l'ANR : après trois années de baisse consécutives, ses crédits sont maintenus cette fois-ci. Mais à niveau tellement faible que l'on peut s'interroger, comme le reconnaît d'ailleurs le ministère, sur l'utilité de cette structure pour financer la recherche sur projet. Vous connaissez d'ailleurs la complexité des dossiers qui sont ceux présentés à l'ANR et il importe de mobiliser les moyens nécessaires.
Ainsi, avec des montants alloués plus importants que ses capacités de trésorerie, l'ANR risque de ne plus pouvoir honorer les échéances des projets engagés, et donc de devoir réduire ses engagements futurs. Il y a là une véritable interrogation sur la place et les moyens consacrés à la recherche sur projet dans notre pays.
Un mot enfin du crédit d'impôt recherche (CIR). Sa dépense fiscale, évaluée à 5,5 milliards d'euros en 2016, serait en passe de se stabiliser. Le régime du CIR n'a pas été modifié à l'Assemblée nationale ; il devrait rester inchangé, ce qui répondrait aux attentes des entreprises en matière de stabilité du cadre règlementaire et fiscal, notamment pour les PME. Ces dernières nous signalent d'ailleurs qu'elles sont très souvent contrôlées a posteriori. Il conviendrait, me semble-t-il, plutôt d'envisager les modalités de leur contrôle a priori.
J'en viens à présent au thème principal du rapport pour avis : l'effort des collectivités en matière de recherche et développement, notamment dans le cadre des CPER.
Si elle reste modérée comparé aux presque 14 milliards d'euros de la MIRES, la contribution des collectivités à l'effort national de recherche n'est pas à négliger : en 2013, elle s'élevait à 1,34 milliard d'euros. Et ce montant ne cesse de progresser, avec une hausse de 13,4 % depuis 2011.
Les conseils régionaux sont les plus investis, avec 918 millions d'euros, soit plus des deux-tiers de l'effort total. Viennent ensuite les communes et leurs groupements, à hauteur de 18 %, puis les départements avec une hausse de 13,5 %, dont l'effort était pourtant supérieur à celui des communes en 2011.
La répartition des dépenses montre la prééminence des opérations immobilières, qui représentent plus du tiers des investissements en recherche-développement (R&D) de l'ensemble des collectivités. Un taux qui n'a cessé d'augmenter, et qui représente même les trois-quarts des dépenses dans le cadre des CPER. Viennent ensuite le soutien à la recherche publique et les aides à l'innovation en entreprises à hauteur respectivement de 31 % et de 28 %.
D'un point de vue géographique, l'investissement en recherche-développement, cela ne vous surprendra pas, est très polarisé. Ainsi, cinq régions en concentrent plus de la moitié : outre l'Ile-de-France, ces régions sont Rhône-Alpes, Aquitaine, les Pays de la Loire et Provence-Alpes-Côte d'Azur.
Je voudrais m'attarder davantage sur les CPER, un sujet que nous avions abordé l'an dernier. Je vous rappellerai tout d'abord que la cinquième génération de contrats de plan de 2007 à 2014 s'est achevée, et que la sixième, de 2015 à 2020, est dans sa première année d'exécution.
Le volet « recherche et enseignement supérieur » des nouveaux CPER est l'une des six orientations prioritaires retenues par ces derniers. Il représente 1,2 milliard d'euros sur 5 ans, ce qui est à peu près en phase avec les 1,7 milliard d'euros sur 7 ans de la génération précédente.
Sur ces 1,2 milliard d'euros, l'essentiel, soit un milliard, est dédié aux universités. Seul le reliquat de 200 millions d'euros environ profitera à la recherche, ce qui est vraiment insuffisant. Et encore a-t-il fallu « taper du poing sur la table » pour obtenir des décisions de rallonge de la part du Premier ministre ! Au départ en effet, une enveloppe de 124 millions d'euros seulement était prévue, soit un très net recul par rapport à l'exercice précédent. Cela au motif que les précédentes dotations avaient été sur-calibrées, et qu'il existait d'autres instruments de financement comme le programme des investissements d'avenir (PIA) ou le plan Campus.
Finalement, les discussions engagées avec l'État et les préfets de région ont permis d'obtenir un surplus de 81 millions d'euros de dotations. Ce n'est pas négligeable, mais cela restera sans doute trop limité. Pour ma région par exemple, cela représente 18 millions de plus, pour un total consacré à l'enseignement supérieur et à la recherche de 69 millions d'euros. Pour celle de M. Tandonnet, l'Aquitaine, c'est 11,6 millions de plus, pour un total de 53,6 millions d'euros.
Par ailleurs, et nous avions évoqué ce problème il y a un an, le mélange des sources de financement, entre le CPER et d'autres instruments de soutien, pose problème. Ils sont en effet fondés sur des logiques différentes : alors que le CPER tend à opérer un rééquilibrage entre les régions, ces autres instruments tendent au contraire à les mettre en concurrence, car ils sont basés sur des appels d'offre. Il pourrait en résulter un effet d'éviction des financements des CPER, que le faible suivi budgétaire et financier de ces contrats risque de masquer. Il y a là un point d'importance sur lequel nous pourrons interroger le ministre.
Voilà, Monsieur le Président, mes chers collègues, les analyses qu'ont inspirées à mon collègue Henri Tandonnet cet avis sur les crédits de la MIRES. Elles rejoignent, vous le voyez, les préoccupations qui étaient les miennes les années passées.
Pour conclure, il me reste à vous faire part de son avis sur les crédits de la mission pour 2016. Eu égard au contexte très particulier de ce projet de budget, qui devrait précéder un accroissement des dépenses publiques dans les domaines de la sécurité et de la défense, M. Tandonnet entend faire preuve d'indulgence, même s'il y était plutôt défavorable au départ, et propose de s'abstenir sur le vote de ces crédits.
Mais il tient à souligner que sa position aurait sans doute été bien moins compréhensive en-dehors d'un tel contexte. Ceci du fait des évolutions budgétaires, qui ne donnent pas à nos organismes de recherche les moyens d'accroître leurs performances dans un secteur extrêmement concurrentiel à l'échelle mondiale, désormais. Ceci également, et peut-être surtout, du fait de l'absence de dynamique impulsée par l'État en matière de recherche : il n'y a ni ligne claire, ni ambition, au plus haut niveau, sur le modèle vers lequel notre pays souhaite s'orienter, ce qui n'est pas sans soulever de vives inquiétudes dans le monde de la recherche.