Intervention de Thierry Carcenac

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 17 novembre 2015 à 17h35
Loi de finances pour 2016 — Missions « gestion des finances publiques et des ressources humaines » et articles 57 à 57 quater et « crédits non répartis » et compte d'affectation spéciale « gestion du patrimoine immobilier de l'état » - examen du rapport spécial

Photo de Thierry CarcenacThierry Carcenac, rapporteur spécial :

Principale mission du pôle économique et financier de l'État, la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » porte principalement les crédits des deux administrations de réseaux que sont la direction générale de finances publiques (DGFiP) et la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI), ainsi que les moyens de plusieurs structures et politiques transversales qui relèvent de Bercy.

Comme depuis plusieurs années, cette mission qui représente 3 % du budget de l'État contribue fortement à l'effort de réduction des dépenses publiques. Ses crédits baisseront de 317 millions d'euros en 2016, soit 15,2 % des réductions totales du budget général, pour s'établir à environ 11 milliards d'euros. Cette baisse correspond, tout d'abord, à la suppression de 2 453 ETP, dont 2 130 ETP pour la seule DGFiP, soit près de 7 400 ETP en trois ans. Les dépenses de personnel diminuent ainsi de 127 millions d'euros cette année. Celles-ci représentent 79 % des crédits de la mission ; elles sont donc le principal levier d'économies. Toutefois, l'annonce par le Président de la République, hier, de la création de 1 000 postes de douaniers supplémentaires dans le cadre de la lutte contre le terrorisme remet en cause cette prévision - nous venons d'apprendre que deux douaniers avaient été victimes des tragiques événements de vendredi dernier. Notre première estimation aboutit à un coût supplémentaire de 70 millions d'euros pour 2016. Deux priorités coexistent donc : une réduction des effectifs correspondant aux gains d'efficience, et une hausse des effectifs consacrés à la sécurité, qui sont plus que jamais nécessaires.

L'autre volet des économies de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » est une réduction nette de 190 millions d'euros des dépenses hors personnel (- 8 %). Celle-ci est toutefois loin de correspondre seulement à des économies sur le fonctionnement courant. Certes, les administrations s'attachent à maîtriser leurs coûts, à l'instar de la DGFiP qui peut encore réduire ses coûts d'affranchissement, grâce aux progrès de la dématérialisation. Néanmoins, à missions constantes, les gisements d'économies de fonctionnement se font de plus en plus rares. En fait, une partie de la baisse tient à la réduction des aides aux buralistes à hauteur de 63 millions d'euros, du fait de la fin du programme triennal 2014-2016 qui concernait 26 000 d'entre eux. En outre, les investissements baissent de 33 millions d'euros - les investissements informatiques de la DGFiP et de la DGDDI étant heureusement préservés.

L'un des principaux chantiers de modernisation tient à la rationalisation du réseau territorial de la DGFiP, avec ses 4 000 points de contact. Ce chantier de long terme doit être mené avec constance : le maintien de petites trésoreries de trois ou quatre agents n'est pas raisonnable. Il ne s'agit pas seulement de faire des économies, mais aussi de fournir un service public de qualité aux usagers et des conditions de travail satisfaisantes aux agents.

Du côté de la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI), la réorganisation du réseau se poursuit également. L'an dernier, nous avions évoqué la situation du centre de Metz, avec les 130 agents prévus pour Ecomouv' : désormais, il centralisera les services chargés de la fiscalité des transports.

Dans ces réorganisations, le contrôle fiscal ne doit pas être oublié. Le Gouvernement a fait à juste titre de la lutte contre la fraude et l'optimisation fiscales une priorité - qui d'ailleurs porte ses fruits, puisque le service de traitement des déclarations fiscales rectificatives (STDR) devrait rapporter 2,1 milliards d'euros en 2016, après 2,5 milliards d'euros cette année. Les progrès sont également notables en matière de fiscalité internationale, grâce notamment à l'action de l'OCDE. Mais il importe aussi de ne pas baisser la garde sur le terrain. À cet égard, il conviendrait de créer un « indice de couverture du tissu fiscal », pour vérifier qu'aucun territoire n'est oublié. Dans certaines zones, les brigades sont nombreuses et, dans d'autres, très disséminées. La création de cet indice aiderait à rationaliser le réseau.

Le projet de loi de finances contient aussi des mesures intéressantes, telles que l'obligation de posséder un logiciel de caisse certifié pour éviter les fraudes.

Enfin, le numérique est une véritable chance pour les administrations de Bercy. Il ne s'agit pas seulement de la dématérialisation d'un nombre croissant de procédures existantes, déclarations, paiements etc., mais aussi de nouveaux outils, qui s'appuient sur des techniques de data mining - à ce jour, toutefois, seuls dix agents y sont affectés. Nous estimons qu'il conviendrait de repenser le recouvrement de l'impôt lui-même.

Nous avons exploré deux pistes avec le groupe de travail de la commission des finances sur le recouvrement de l'impôt à l'heure de l'économie numérique. En ce qui concerne le commerce en ligne, pourquoi ne pas prélever la TVA à la source, au moment du paiement, plutôt que d'attendre une hypothétique déclaration d'un vendeur introuvable ? En ce qui concerne les revenus des particuliers qui utilisent des plateformes comme Airbnb ou Uber, pourquoi ne pas demander à ces plateformes de déclarer automatiquement ces revenus ? Nos interventions auprès de Bruxelles devront se poursuivre car si l'Union européenne reconnait des pertes de recettes de TVA - près de 140 milliards d'euros par an, dont 14 milliards d'euros pour la France -, elle n'est pas encore prête à de telles évolutions.

Le programme 218 « Conduite et pilotage des politiques économiques et financières » rassemble diverses structures d'état-major, d'expertise et de support de Bercy, et affiche une baisse de 5,5 % de ses crédits, soit 58 millions d'euros. Au-delà de l'effort sur les crédits de personnel, les économies sont en partie réalisées sur l'action sociale ministérielle (restauration, tourisme etc.). Surtout, la baisse des dépenses d'investissement tient à l'arrêt de l'opérateur national de paye (ONP) : les économies de 2016 sont une maigre consolation par rapport au milliard d'euros perdu pendant une décennie. Les investissements restants sont consacrés à la mise à jour de l'application existante PAY.

Les crédits du programme 148 « Fonction publique » sont stables, hormis les 30 millions d'euros supplémentaires ouverts pour aider les ministères à recruter 6 000 apprentis, conformément aux engagements du Président de la République.

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