Intervention de Antoine Lefèvre

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 18 novembre 2015 à 9h05
Loi de finances pour 2016 — Mission « justice » - examen du rapport spécial

Photo de Antoine LefèvreAntoine Lefèvre, rapporteur spécial :

L'équilibre de cette mission va être profondément modifié après les annonces du Président de la République devant le Congrès.

Pour l'instant, il est prévu qu'en 2016, le ministère de la justice devrait disposer de 7,9 milliards d'euros en crédits de paiement et de plus de 8 milliards d'euros en autorisations d'engagement. C'est une augmentation modeste de 79 millions d'euros, soit 1 %. Ces moyens ont d'ailleurs été réduits de 40 millions par un amendement du Gouvernement en seconde délibération à l'Assemblée. L'augmentation de ce budget résulte des créations de postes : 979 au total, dont plus de 700 dans l'administration pénitentiaire et environ 150 dans les juridictions. Aux 650 emplois prévus par le triennal s'ajoutent 323 emplois au titre du plan de lutte anti-terroriste.

Plus de 800 emplois ont été créés en 2015 dans le cadre du décret d'avance de février, après les attentats contre Charlie Hebdo et l'Hyper-cacher. Outre les dépenses de personnel associées à ces créations de postes, 80 millions d'euros ont été budgétés.

Ce projet de loi de finances prévoit la création de 323 équivalents temps plein (ETP), et 47 millions d'euros supplémentaires au titre de la lutte contre le terrorisme. Il s'agit de renforcer le nombre de magistrats chargés de la lutte anti-terroriste et de mettre à leur disposition des moyens technologiques modernes dans le cadre des interceptions judiciaires. Ils sont une soixantaine à se consacrer directement à la lutte anti-terroriste : 37 magistrats au tribunal de grande instance de Paris, 25 magistrats du siège à la cour d'appel de Paris, et plusieurs magistrats du parquet général.

Les crédits ouverts dans le cadre du plan de lutte anti-terroriste financent également le programme de dé-radicalisation dans les établissements pénitentiaires, le brouillage des communications illicites en prison, la création de cinq unités dédiées pour les détenus radicalisés et la détection des individus radicalisés. Ils prennent également en charge la formation des agents de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) à ce risque spécifique. Selon la direction de la PJJ, au 1er août, 67 mineurs étaient poursuivis dans le cadre de procédures pénales liées à des infractions à caractère raciste, d'apologie du terrorisme, ou d'association de malfaiteurs en vue d'une entreprise terroriste ; 39 mineurs étaient identifiés comme à risque de radicalisation et faisaient l'objet d'une procédure dans le cadre de la protection de l'enfance et 48 mineurs étaient pris en charge par la PJJ en raison de la radicalisation de leurs parents.

Devant le Congrès, le Président de la République a annoncé la création de 2 500 postes supplémentaires pour l'administration pénitentiaire et les services judiciaires. La répartition entre types de postes devrait être connue prochainement. Il faudra veiller à ce que les postes soient effectivement pourvus - l'administration pénitentiaire m'a fait part de ses craintes en la matière. Les emplois de surveillants pénitentiaires sont des postes de catégorie C, alors que les gardiens de la paix sont des catégories B : le vivier étant le même, il n'est pas toujours facile pour cette administration de recruter. De même, l'absence de professionnels ou d'associations ayant une réelle expertise sur la dé-radicalisation en prison pose problème.

Il est indispensable de donner les moyens de leurs missions aux juges. Lorsqu'on annonce une augmentation du budget de la justice, nos concitoyens pensent que les juridictions vont mieux fonctionner. Or 40 % des crédits sont affectés à l'administration pénitentiaire, notamment au patrimoine immobilier, cher à entretenir voire à construire. Selon une étude de 2014, l'Allemagne consacre 114 euros par habitant à la justice ; la France, seulement 61 euros. Il est indispensable de donner aux forces de sécurité et de défense les moyens de faire face aux nouvelles menaces, mais n'oublions pas que, dans un État de droit, le juge reste le garant des libertés.

Sous réserve de la traduction des annonces du Président de la République sur ce projet de budget, je suis favorable à l'adoption des crédits de la mission.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion