Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation

Réunion du 18 novembre 2015 à 9h05

Résumé de la réunion

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La réunion

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Au cours d'une première réunion tenue dans la matinée, la commission examine le rapport de M. Antoine Lefèvre, rapporteur spécial, sur la mission « Justice ».

La réunion est ouverte à 9 h 05.

Debut de section - PermalienPhoto de Antoine Lefèvre

L'équilibre de cette mission va être profondément modifié après les annonces du Président de la République devant le Congrès.

Pour l'instant, il est prévu qu'en 2016, le ministère de la justice devrait disposer de 7,9 milliards d'euros en crédits de paiement et de plus de 8 milliards d'euros en autorisations d'engagement. C'est une augmentation modeste de 79 millions d'euros, soit 1 %. Ces moyens ont d'ailleurs été réduits de 40 millions par un amendement du Gouvernement en seconde délibération à l'Assemblée. L'augmentation de ce budget résulte des créations de postes : 979 au total, dont plus de 700 dans l'administration pénitentiaire et environ 150 dans les juridictions. Aux 650 emplois prévus par le triennal s'ajoutent 323 emplois au titre du plan de lutte anti-terroriste.

Plus de 800 emplois ont été créés en 2015 dans le cadre du décret d'avance de février, après les attentats contre Charlie Hebdo et l'Hyper-cacher. Outre les dépenses de personnel associées à ces créations de postes, 80 millions d'euros ont été budgétés.

Ce projet de loi de finances prévoit la création de 323 équivalents temps plein (ETP), et 47 millions d'euros supplémentaires au titre de la lutte contre le terrorisme. Il s'agit de renforcer le nombre de magistrats chargés de la lutte anti-terroriste et de mettre à leur disposition des moyens technologiques modernes dans le cadre des interceptions judiciaires. Ils sont une soixantaine à se consacrer directement à la lutte anti-terroriste : 37 magistrats au tribunal de grande instance de Paris, 25 magistrats du siège à la cour d'appel de Paris, et plusieurs magistrats du parquet général.

Les crédits ouverts dans le cadre du plan de lutte anti-terroriste financent également le programme de dé-radicalisation dans les établissements pénitentiaires, le brouillage des communications illicites en prison, la création de cinq unités dédiées pour les détenus radicalisés et la détection des individus radicalisés. Ils prennent également en charge la formation des agents de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) à ce risque spécifique. Selon la direction de la PJJ, au 1er août, 67 mineurs étaient poursuivis dans le cadre de procédures pénales liées à des infractions à caractère raciste, d'apologie du terrorisme, ou d'association de malfaiteurs en vue d'une entreprise terroriste ; 39 mineurs étaient identifiés comme à risque de radicalisation et faisaient l'objet d'une procédure dans le cadre de la protection de l'enfance et 48 mineurs étaient pris en charge par la PJJ en raison de la radicalisation de leurs parents.

Devant le Congrès, le Président de la République a annoncé la création de 2 500 postes supplémentaires pour l'administration pénitentiaire et les services judiciaires. La répartition entre types de postes devrait être connue prochainement. Il faudra veiller à ce que les postes soient effectivement pourvus - l'administration pénitentiaire m'a fait part de ses craintes en la matière. Les emplois de surveillants pénitentiaires sont des postes de catégorie C, alors que les gardiens de la paix sont des catégories B : le vivier étant le même, il n'est pas toujours facile pour cette administration de recruter. De même, l'absence de professionnels ou d'associations ayant une réelle expertise sur la dé-radicalisation en prison pose problème.

Il est indispensable de donner les moyens de leurs missions aux juges. Lorsqu'on annonce une augmentation du budget de la justice, nos concitoyens pensent que les juridictions vont mieux fonctionner. Or 40 % des crédits sont affectés à l'administration pénitentiaire, notamment au patrimoine immobilier, cher à entretenir voire à construire. Selon une étude de 2014, l'Allemagne consacre 114 euros par habitant à la justice ; la France, seulement 61 euros. Il est indispensable de donner aux forces de sécurité et de défense les moyens de faire face aux nouvelles menaces, mais n'oublions pas que, dans un État de droit, le juge reste le garant des libertés.

Sous réserve de la traduction des annonces du Président de la République sur ce projet de budget, je suis favorable à l'adoption des crédits de la mission.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

Je vous remercie de m'avoir invité. La commission des lois a nommé trois rapporteurs sur la justice ; je suis chargé de la justice judiciaire. Compte tenu de la situation actuelle et de l'adoption du projet de loi sur la justice du XXIe siècle, nous devons veiller à ce que les arbitrages ne soient pas défavorables au fonctionnement des juridictions. Il serait regrettable que l'on n'ait pas les moyens de mettre en oeuvre les nouvelles dispositions.

En outre, l'accès à la justice et la situation de l'aide juridictionnelle nous soucient.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-France Beaufils

On constate, depuis deux ans, une grande différence entre les plafonds d'emplois prévus et les emplois effectivement créés à la PJJ. J'ai d'ailleurs pu me rendre compte du manque criant de personnel sur le terrain alors qu'il faut suivre nombre de jeunes à la dérive et les accompagner vers une vie plus responsable.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Où sont les manques les plus criants en matière de postes ? Il est impensable que les greffes des tribunaux mettent plus de six mois à notifier les jugements. Comment sont transmises les informations entre juges et greffes ? Le manque de formation, de qualification est évident, et le matériel est obsolète...

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Un tableau du rapport montre que les postes créés ne sont pas forcément pourvus. Pour 2015, l'écart est de 1 370 ETP. Il est essentiellement prévu de créer des postes de catégorie C : à quoi vont-ils servir ? C'est le manque de greffiers qui ralentit les procédures. La mobilité dans la fonction publique d'État devrait être encouragée : ne pourrait-on proposer à des personnels de l'éducation nationale de devenir greffiers ?

Au cours des années passées, nous avions identifié la formation d'une dette importante en matière de frais de justice. S'est-elle réduite ?

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Le budget de la mission « Justice » va augmenter significativement après les annonces du Président de la République. Reste à savoir où vont être créés les 2 500 postes promis, car nous manquons de magistrats, de greffiers, de personnels pénitentiaires, de conseillers en orientation et en insertion professionnelle pour les jeunes.

Nous nous félicitons que l'aide juridictionnelle augmente de 25 millions d'euros en 2016 et de 50 millions d'euros en 2017. De même, les trente nouveaux postes d'aumôniers dans les prisons sont une bonne chose ; nous avons tout particulièrement besoin d'aumôniers musulmans pour lutter contre la radicalisation dans les prisons.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Lalande

Qu'il s'agisse de la justice, de l'enseignement, de la sécurité ou de la santé, les besoins en personnel sont immenses, surtout après les évènements récents. Des postes vont être créés, je m'en félicite, mais n'oublions pas qu'il faut former ces nouveaux personnels, et donc de prévoir des crédits spécifiquement dédiés à ces formations.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

Je suis préoccupé par les coûts unitaires, notamment ceux des centres éducatifs fermés : 700 euros par jour, cinq fois plus que pour un détenu classique. À Fleury-Mérogis, la rénovation a coûté 120 000 euros par place rénovée. Disposons-nous d'éléments de comparaison avec nos voisins européens ? Sommes-nous dans la moyenne européenne ou sommes-nous atypiques ?

Question malicieuse, le pôle financier de Paris bénéficie-t-il toujours de locaux dont les loyers sont supérieurs au coût du marché, ce qui est plutôt cocasse s'agissant de magistrats chargés d'instruire les affaires financières ?

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

Je suis très affecté par les récents évènements. Le fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme va-t-il être abondé ? L'État va-t-il prendre en charge les frais de funérailles ? Les familles sont en plein désarroi, or les services du ministère de la justice renvoient pour l'instant aux entreprises de pompes funèbres. La prévention, c'est bien, mais n'oublions pas les victimes et leurs familles : il faut agir, mais aussi soigner, réparer. Pour l'heure, les moyens mis à disposition me semblent insuffisants.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Boulard

En France, à chaque fois que nous rencontrons un problème, nous créons des emplois. Je ne suis pas sûr que cela suffise car nous ne nous interrogeons pas sur leur efficacité. D'ailleurs, la comparaison avec nos voisins serait sans doute accablante... Nous avons beaucoup plus besoin de greffiers et de moyens informatiques que de magistrats. La justice fonctionne de façon totalement archaïque.

Enfin, il faudrait que les magistrats aient une expérience professionnelle de plusieurs années dans la vraie vie pour appréhender les réalités concrètes de notre monde.

Debut de section - PermalienPhoto de Antoine Lefèvre

Les créations de postes annoncées ont été réalisées, et s'agissant des plafonds, ils n'ont pas nécessairement vocation à être atteints, mais il faut tenter de s'en rapprocher. Je tiens à indiquer à Marie-France Beaufils que 163 postes à la PJJ ont été créés au titre du plan anti-terrorisme : c'est un accroissement de moyens significatif.

Nous manquons surtout de greffiers et de magistrats, comme l'a souligné Daniel Raoul. Un effort en matière d'investissement en matériels informatiques est prévu.

En réponse à Vincent Delahaye, les postes de catégorie C prévus sont ceux des surveillants de prison. Quant aux greffiers, ils reçoivent bien sûr une formation spécifique, indispensable, dans une école dédiée.

S'agissant des frais de justice, un travail de fiabilisation a révélé que la dette accumulée était moindre qu'estimée jusqu'alors.

Les crédits consacrés à l'aide juridictionnelle augmentent : 25 millions d'euros supplémentaires cette année, et encore 25 millions d'euros l'année prochaine. Comme vous, je me réjouis des trente postes d'aumôniers supplémentaires dans les prisons : cela permettra de lutter contre la radicalisation. Il faudra poursuivre l'effort.

Oui, l'École nationale d'administration pénitentiaire et l'École nationale de la magistrature bénéficient de créations de postes pour former les personnels recrutés.

Certes, comme le relève Gérard Longuet, les coûts unitaires des centres éducatifs fermés sont élevés, mais les taux d'encadrement y sont très importants. Je ne dispose pas d'éléments de comparaisons avec nos voisins. En revanche, nous comptons une proportion de détenus supérieure aux autres pays européens. Aux Pays-Bas, les maisons d'arrêt ne sont pas remplies, si bien que des places sont proposées aux détenus belges ! Enfin, je ne dispose pas d'informations précises sur les loyers du pôle financier de Paris.

S'agissant du fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme évoqué par André Gattolin, il est financé par un prélèvement sur les contrats d'assurances et non par des crédits inscrits sur le budget de la justice. Cela dit, il faudra tout faire pour alléger les soucis financiers des victimes et des familles. Ainsi, la ministre de la santé a annoncé que les frais médicaux seraient pris en charge par l'État.

Enfin, Jean-Claude Boulard s'est interrogé sur l'efficacité des nouveaux recrutements. En quelques années, le nombre de juges anti-terroristes a fortement augmenté. Est-ce suffisant devant l'ampleur des difficultés ?

Vincent Delahaye m'a interrogé sur les frais de justice : au 31 décembre 2015, les engagements non soldés sont estimés à 149 millions d'euros contre 493 millions d'euros en 2014.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Je suis bien sûr favorable aux 2 500 créations de postes dans les administrations judiciaire et pénitentiaire. Nous venons d'envoyer un questionnaire au Gouvernement sur l'impact budgétaire des annonces du Président de la République, sachant que chaque poste représente entre 35 000 et 50 000 euros de dépenses par an. Nous voulons savoir de quels emplois il s'agit et nous n'ignorons pas les grandes difficultés de recrutement dans la pénitentiaire. Il faut compter cinq ans pour former un magistrat : ces créations de postes ne se traduiront donc pas immédiatement sur le terrain. Si les 2 500 emplois étaient tous pourvus au 1er janvier 2016, il en coûterait environ 80 millions d'euros.

Demain, le Gouvernement nous en dira sûrement plus et déposera des amendements. Nous les examinerons avec bienveillance mais sans négligence : le pacte de sécurité ne doit pas enterrer le pacte de stabilité.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Nous veillerons aux deux.

À l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat d'adopter sans modification les crédits de la mission « Justice ».

Puis la commission procède à l'examen du rapport de M. Didier Guillaume, rapporteur spécial, sur la mission « Sport, jeunesse et vie associative » et entend une communication sur son contrôle sur le soutien financier de l'État aux fédérations sportives.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

L'examen de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » et le rapport de contrôle budgétaire sur les aides de l'État aux fédérations sportives prennent, à la lumière des événements récents, un relief particulier : nous devons réhabiliter le sport comme vecteur d'intégration dans une société inclusive.

Si l'éducation nationale, l'enseignement supérieur, la culture et les collectivités territoriales jouent également un rôle majeur dans ces politiques transversales, cette mission comprend les subventions les plus directement orientées vers la promotion de la jeunesse, du sport, de la vie associative et des valeurs de solidarité : subventions aux fédérations sportives, promotion du sport pour tous, subventions aux associations accompagnant les jeunes, financement du service civique, devenu universel au 1er juin de cette année.

Avec une dotation globale de 621,6 millions d'euros en crédits de paiement, la mission, composée de deux programmes, connaît une augmentation de 32,8 %, due à la montée en charge du service civique, dont les crédits passent de 148,6 à 300,4 millions d'euros. Hors service civique, les crédits sont stables : + 0,3 %.

Le programme 219 « Sport » ne représente qu'une petite partie du soutien public au sport, estimé à 12 milliards d'euros et porté principalement par les collectivités territoriales. La principale dépense est constituée des subventions aux fédérations sportives, pour 78,7 millions d'euros, dont 19,5 millions en provenance du fonds de concours du Centre national pour le développement du sport (CNDS). Ce montant important permet aux fédérations d'éduquer, d'animer et de diffuser. Je propose cependant d'augmenter cette dotation. Pour une raison forme, d'abord : les fédérations que j'ai rencontrées dans le cadre de mon contrôle m'ont toutes dit qu'une visibilité pluriannuelle leur était indispensable. Une raison de fond, ensuite. « Ce que je sais de plus sûr à propos de la moralité et des obligations des hommes, c'est au sport que je le dois », écrit Albert Camus. Les associations sportives locales ont un rôle majeur à jouer auprès des jeunes pour parler de laïcité et faire fi du communautarisme. Je salue l'engagement des éducateurs, des entraîneurs et des bénévoles qui, dans tous les départements, travaillent à l'intégration des jeunes.

Je vous propose donc un amendement pour abonder de 4,8 millions d'euros les crédits du programme 219 à destination des fédérations sportives, soit le montant prévisionnel de la réserve de précaution. Il est en effet possible de retrancher ce montant des 300 millions destinés au service civique. Je ne suis pas certain que le Gouvernement me suivra, mais qui ne tente rien n'a rien !

Sur le programme 219, je note deux budgétisations à mettre au crédit du Gouvernement : d'abord, la prise en charge, pour 4,3 millions d'euros, des cotisations retraite des sportifs de haut niveau, ainsi que de la couverture des accidents du travail et des maladies professionnelles de ces mêmes sportifs. Les deux-tiers des sportifs de haut niveau ont en effet un revenu équivalent à celui du revenu moyen des Français, beaucoup sont en souffrance. Ne croyons pas que tous ont des salaires de footballeurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

D'autre part, ce projet de loi de finances prévoit une dotation de 5 millions d'euros pour le financement des primes aux médaillés des Jeux olympiques et paralympiques de Rio en 2016. Espérons que nous glanerons plus de médailles qu'à Londres et que cette dotation se révèlera insuffisante !

À côté du programme 219, le Gouvernement assure également, via le CNDS, le financement de dépenses exceptionnelles, mais nécessaires : la construction et la rénovation des stades en vue de l'Euro 2016, ainsi que le financement en 2016 de la part de l'État dans le projet de candidature de la ville de Paris aux Jeux de 2024, pour 10 millions d'euros.

Le programme 163 « Jeunesse et vie associative » se caractérise par le doublement des crédits destinés au service civique : cette augmentation financera 110 000 missions de jeunes en 2016, avant les 150 000 jeunes prévus en 2017. Cette montée en charge est importante : elle mobilisera les jeunes, mais aussi les organismes d'accueil privés et publics, des associations et des collectivités. L'amendement que je propose, même s'il réduit la subvention de l'Agence de service civique, n'oppose pas le sport au service civique : au contraire, il donnera aux fédérations les moyens de se mobiliser en faveur de l'accueil et de l'accompagnement des jeunes.

Hors service civique, le programme connaît des évolutions internes notables. L'Institut national pour la jeunesse et l'éducation populaire (Injep) disparaîtra au 1er janvier, une partie de ses activités étant reprise par une direction ministérielle, tandis que les activités de l'agence Erasmus+ Jeunesse & Sport seront reprises par l'Agence de service civique.

Enfin, d'autres crédits participent à l'effort de réduction des dépenses publiques : ainsi en est-il du Fonds pour le développement de la vie associative (FDVA), dont la dotation passe de 10,3 à 9,6 millions d'euros, du soutien national aux associations agréées Jeunesse et éducation populaire, dont les crédits passent de 8,6 à 7,9 millions d'euros, du Fonds de coopération de la jeunesse et de l'éducation populaire (Fonjep), dont les crédits passent de 31,7 à 30,7 millions d'euros.

Ce budget est responsable, car il participe à la maîtrise des dépenses sur les lignes où cela est possible, et fixe les priorités. Il est cohérent car, grâce au service civique, il favorise l'engagement citoyen de notre jeunesse.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Je vous propose de présenter immédiatement votre rapport de contrôle budgétaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

J'ai pris le relais de Claude Raynal sur cette mission lorsque j'ai intégré notre commission. L'État accorde chaque année 78 millions d'euros de subventions aux fédérations sportives et leur confie 1 620 conseillers techniques sportifs, soit une aide en moyens humains d'environ 120 millions d'euros. Ce soutien est légitime car les fédérations sportives sont délégataires d'une mission de service public. J'ai rencontré une dizaine de présidents de fédérations et nous avons envoyé un questionnaire à une quinzaine d'autres. Tous nous ont dit que le soutien de l'État était légitime, même si les plus grandes fédérations n'en ont pas besoin ; pour les plus petites, il est indispensable. Ce soutien n'est pas homogène car l'aide varie en fonction des fédérations. Si la fédération de football n'a sans doute pas besoin d'aide, elle doit, en tant que délégataire de service public, suivre les orientations fixées par l'État. Il est donc légitime de conserver un socle minimum d'aide, en contrepartie du droit de regard et d'orientation de l'État sur les activités des fédérations.

Enfin, les subventions aux fédérations sportives sont encadrées par une procédure trop bureaucratique. La subvention est fléchée sur quatre actions comprenant chacune des sous-actions, et comprend un plan d'actions. Des objectifs de performance sont fixés, mais l'atteinte de ces objectifs n'a aucune incidence sur la subvention accordée. Il conviendrait donc de donner plus de flexibilité aux fédérations sportives : les subventions dépendraient de deux actions seulement et les fédérations pourraient gérer leurs crédits plus librement. Il faut accorder au mouvement sportif plus d'autonomie : toutes les fédérations réalisent des actions en faveur des jeunes en difficulté, en faveur des quartiers, etc. Il n'y a pas un club qui refuse un jeune dont les parents ne peuvent pas payer la cotisation.

Le contrôle de l'État doit être maintenu mais plutôt qu'un simple contrôle comptable annuel, je préfèrerais un audit complet de la fédération, en profondeur, une fois par olympiade.

Ensuite, donnons aux fédérations plus de visibilité sur leurs subventions : la convention d'objectifs est signée sur quatre ans, mais le montant des subventions est annuel. Il serait utile d'assurer, pour la durée de l'olympiade, une base de subvention stable de 75 % à 80 %. Chaque année, nous n'interviendrions que pour la part restante. Les présidents et les trésoriers de fédérations se plaignent de l'absence de visibilité. Certes, les grosses fédérations n'en ont que faire, mais les plus petites, si.

Mon rapport traite aussi des 1 620 conseillers techniques sportifs, qui sont inégalement répartis entre les fédérations. Les grandes fédérations voudraient pouvoir les rémunérer pour en disposer, tandis que les petites n'en ont pas les moyens. Si nous acceptions les demandes des premières, l'État n'aurait plus son mot à dire. Je préconise en revanche de réorienter les CTS vers les fédérations dont les ressources sont faibles. Pour faciliter ce redéploiement, il faut briser le tabou des spécialisations disciplinaires - ce que je prône, de façon plus générale, dans toute la fonction publique. Les CTS ne peuvent rester quarante ans au même poste. Il faut permettre à ces cadres de multiplier les expériences professionnelles, c'est un enrichissement.

Enfin, la présidence d'une fédération sportive est un travail à plein temps. Beaucoup sont fonctionnaires ou retraités. Je propose donc que la mise à disposition des fonctionnaires soit faite à titre gratuit.

La gouvernance publique du sport doit évoluer. Cela suppose un renforcement de l'autonomie et de la responsabilisation du mouvement sportif, tout en conservant à l'État son rôle d'impulsion stratégique.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

J'approuverai ces crédits. Dans le contexte actuel, ces missions sont essentielles. Il est important de leur consacrer des moyens budgétaires, à l'image de ce que la mission prévoit pour le service civique.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laménie

Je félicite le rapporteur pour son sens de la pédagogie. Quel est le statut de l'Agence pour le service civique ? Son fonctionnement aura certainement un coût. Je me félicite que l'on consacre plus de 301 millions d'euros au service civique : cela participe de la prévention. Le sport est un vecteur social important qui fonctionne surtout grâce au bénévolat et à l'implication des collectivités territoriales.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Boulard

Notre rapporteur a eu raison de saluer le travail des petits clubs et des associations. Je serai cependant d'un avis plus nuancé sur le train de de vie des fédérations. Le prix des dîners de gala est effarant. Nous ne pratiquons plus ce type de dépenses. Les fédérations vivent très bien, au-delà de ce qui est raisonnable. Le prélèvement des fédérations sur les licences est devenu insupportable aux clubs qui n'y trouvent aucune contrepartie.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Boulard

Plus grave, les fédérations développent à l'excès leur activité normative. La multiplication et l'instabilité des normes a un coût budgétaire. Il est inacceptable d'avoir délégué ce droit aux fédérations. J'avais demandé à la fédération de football de décréter une pause pendant la période de repli de nos dotations. En basket, le changement des dimensions du tir à trois points a représenté des millions d'euros de travaux. Il est temps de prendre ce sujet à bras de corps.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-France Beaufils

Je vis les mêmes situations sur le terrain. Si l'on transfère de nouveaux moyens aux fédérations, quelles exigences leur imposera-t-on en contrepartie ? Dans certaines disciplines, les associations sportives sont très critiques quant au soutien et à l'accompagnement qu'elles reçoivent de la part des fédérations. Les cotisations ne font qu'augmenter et ce sont des bénévoles qui continuent d'assurer l'encadrement des clubs. Le rapporteur propose de n'imposer aux fédérations que deux grandes actions. Y gagnera-t-on en clarté ? Quant à prélever sur les moyens alloués au service civique pour abonder les fédérations, ce n'est acceptable que si cela sert à accompagner les clubs et à développer les pratiques sportives à destination des jeunes. Dans ma ville, les emplois créés par les associations sportives ne peuvent être pérennisés que grâce à l'accompagnement de la mairie.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

La difficulté soulevée par Jean-Claude Boulard vient de ce qu'on applique les normes internationales aux championnats départementaux. Retracer les lignes et le périmètre des terrains de basket ou de handball coûte cher aux collectivités locales, d'autant que les normes changent souvent. J'ai souvenir d'avoir dû faire retracer les lignes dans une salle qui venait d'être inaugurée trois mois plus tôt ! Dans le cadre du contrat d'objectifs et de moyens quadriennal, il faudrait imposer un moratoire sur la mise aux normes.

Le prix des licences est devenu tellement insupportable pour les clubs que les collectivités sont obligées de créer des « pass sport » pour le prendre en charge. On gagnerait à réaliser un tableau fédération par fédération des subventions de l'État, ramenée au nombre de licenciés, pour voir comment elles sont affectées. Le développement des contrats d'objectifs et de moyens rassurerait les collectivités tout en contribuant à développer le sport dans les quartiers.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Raynal

Lorsque j'étais rapporteur spécial de cette mission l'an dernier, j'avais insisté sur l'importance de redresser les finances du CNDS pour qu'il ne réduise pas trop son soutien aux projets d'équipement des collectivités territoriales. Je ne pense pas à la construction d'un gymnase à côté d'un collège mais d'équipements d'envergure nationale, voire internationale. L'enveloppe du CNDS à destination des collectivités territoriales est une aide précieuse qui couvre parfois 10 % à 15 % de l'investissement. Il faut poursuivre cette politique de soutien à quelques grands projets dans les régions, si possible en la coordonnant avec les schémas régionaux d'équipement.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

Le rapporteur a-t-il étudié la variation des cotisations ou des licences selon qu'on se place au niveau local, départemental, régional ou national ? Les petites rivières locales donnent de grands fleuves au niveau international... Bien souvent, on vient taxer les clubs pour résoudre des difficultés locales qui finissent par remonter au niveau national. L'an dernier, le club de football d'Orléans a changé de catégorie : il a fallu réaliser pour 4 millions d'euros de travaux en deux mois afin de mettre à niveau les vestiaires et les salles d'entraînement. Sans appel d'offre, on a dû solliciter les clubs. Bien souvent, c'est la pression nationale et internationale qui impose les normes, même si elles changent souvent. C'est la condition sine qua non pour que nos clubs gagnent de l'envergure. Il faudrait limiter les dépenses dans ce domaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

Lorsque la France a gagné la Coupe du monde de football, il n'y a eu aucune répercussion sur les petits clubs, alors que les collectivités avaient payé pour la réalisation des aménagements nécessaires - le stadium à Toulouse, par exemple. Même chose pour la Coupe d'Europe. Les normes sont parfois excessives. Je pense à l'exemple de mon petit club local : pourquoi vouloir remplacer à grands frais l'éclairage moderne d'un stade qui fonctionne bien par un poste de transformation renforcé ? Mettons fin à cette inflation normative qui touche les petits clubs.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bouvard

La commission des finances de l'Assemblée nationale a mené une mission d'évaluation et de contrôle sur les normes imposées par les fédérations sportives, en 2005. Rien n'interdit à l'État de reprendre le pouvoir qu'il a délégué aux fédérations. À la suite du rapport de cette mission, un décret a été pris, en février 2005, sur lequel on est revenu l'année suivante. Cela fait dix ans que les mesures prises dans ce décret ne sont pas appliquées, et que les préconisations du rapport restent lettre morte.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Canevet

On a tout intérêt à augmenter le nombre des contrats jeunes en service civique. L'objectif révisé en 2015 à 70 000 sera-t-il finalement atteint ? Le CNDS a soutenu la création d'emplois dans les fédérations départementales ces dernières années. Depuis peu, il ne finance plus que les nouveaux emplois créés, ce qui met en difficulté les comités départementaux olympiques et sportifs, car les départements n'ont pas les moyens de pallier ces réductions de crédits. On ne peut continuer ainsi à soutenir les créations de postes sur une durée limitée à trois ans, d'autant que le Fonjep ne cesse de diminuer.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques-Bernard Magner

Je me félicite du doublement des crédits affectés au service civique, même s'ils sont amputés de 4,8 millions d'euros par l'amendement du rapporteur. L'objectif de 110 000 jeunes en 2016 et 150 000 en 2017 traduit une volonté d'assurer un recrutement sur les missions nouvelles encouragées par les ministères de l'intérieur et de l'éducation nationale, en cette période troublée : protéger la population et encourager la citoyenneté. Les crédits pour le développement de la vie associative augmentent également, dans une proportion moindre. Grâce à cela, l'augmentation des crédits en faveur du service civique n'aura pas d'impact négatif sur les autres actions du programme 163. C'est ce que le ministre appelle le « new deal ». Ces actions en faveur de la cohésion sociale méritent d'autant plus d'être saluées qu'il est important de former notre jeunesse à la citoyenneté dans le contexte actuel.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Lozach

Une hausse de 4 % à périmètre constant du budget consacré au programme Sport est loin d'être négligeable. Rappelons que ce budget est bipolaire, constitué d'une part des crédits du ministère, d'autre part de la contribution du CNDS. Nous sommes souvent sollicités en tant qu'élus par les clubs et les comités départementaux. Le CNDS était au bord de la faillite en 2012 ; il est encore en phase de redressement, et ce jusqu'en 2017, ce qui explique sa politique de rigueur.

L'augmentation des crédits du programme « Sport » est liée aux évènements prévus en 2016. L'Euro 2016 représente 1,7 milliard d'euros de dépenses pour la construction et la modernisation des stades, mais le Centre de droit et d'économie du sport estime d'ores et déjà ses retombées financières directes à 1,3 milliard d'euros, sans parler des équipements pérennes dont nous bénéficierons. Le préfet Lambert a pour principale préoccupation la sécurité. L'année 2016 sera également olympique, d'où les provisions pour financer les médailles. Le financement du groupement d'intérêt public qui porte la candidature de Paris pour les Jeux de 2024 est prévu jusqu'en septembre 2017.

Nous pouvons nous féliciter que l'on développe, à travers le plan Citoyens du sport et la création de postes d'éducateur sportif, la fonction du sport comme outil d'insertion sociale et professionnelle. Le transfert aux régions de la gestion des centres de ressources d'expertise et de performance sportives (CREPS) s'est réalisé dans de bonnes conditions, à l'euro l'euro, selon le comité d'évaluation des charges.

Cette nuit, les députés ont adopté sans modification le projet de loi sur le statut des sportifs de haut niveau - ce qui représente une dépense de 1,8 million d'euros supplémentaires prévue par le projet de loi de finances. Le bicamérisme a bien fonctionné ! Je soutiens l'amendement du rapporteur spécial : avec l'application de la réserve de précaution, le service civique et les conventions passées entre l'État et les fédérations sportives restent les seules variables d'ajustement possibles.

Enfin, le mouvement sportif est très hétérogène. Si l'on compte une dizaine de fédérations en difficulté, d'autres se portent très bien, organisent des évènements sportifs internationaux et ont leur propre politique sur le prix de la licence. Je vois mal comment un gouvernement, quel qu'il soit, pourrait se montrer plus autoritaire ou directif.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Monsieur Laménie, l'Agence de service civique est un groupement d'intérêt public, avec un effectif d'environ 70 ETP ; c'est une structure légère.

Tous les maires veulent des grandes salles de sport pour que leur commune puisse accueillir des compétitions internationales, ce qui implique évidemment de respecter les normes. Nous avons souvent exagéré, en construisant des équipements sportifs démesurés par rapport à la réalité des compétitions accueillies. Les coûts engendrés se justifiaient surtout à des fins électoralistes, même s'il y avait aussi la volonté de mettre à disposition des équipements adaptés aux clubs. Les normes imposées pour les équipements sont décidées à l'échelle internationale : quand la fédération internationale de basketball décide, dans son congrès de Sao Paulo ou de Mexico, d'écarter de 71 centimètres la ligne des trois points, je dois l'appliquer sur les six terrains de basket de mon petit club à Bourg-de-Péage ! En 2016, l'État a prévu de procéder à une revue des dépenses publiques consacrées au sport. Ce serait l'occasion de faire un sort à cette question des normes.

Quant au fonctionnement des fédérations et au prix des licences, il faut rappeler qu'il n'y a que deux ou trois grosses fédérations « avec pardessus », dont la direction connaît peu d'évolution et dont le train de vie est important. Il faudrait prévoir un audit prospectif quadriennal dans chaque fédération, plutôt que de se contenter de faire un point annuel sur les dépenses. Mis à part quelques errements dans le passé, je peux vous assurer qu'il n'y a pas d'exagération, les nouveaux présidents de fédération veillent soigneusement à leurs dépenses. La fédération française de tennis vit sur les recettes générées par Roland Garros ; celle de football, grâce à la Coupe d'Europe et à la Coupe du monde. Les petites fédérations vivent dans un monde très différent. La France est championne en handball et en basket, or presqu'aucun match n'est retransmis à la télévision.

Le prix des licences garantit l'indépendance du sport. Dans les fédérations où le sport professionnel est médiatisé, elles ne coûtent presque rien. Dans d'autres, elles représentent 50 % à 60 % du budget, et servent à financer des cadres ou des actions sportives. Il est de bon ton de se plaindre, dans les assemblées générales des clubs, de la part que les fédérations récupèrent sur les licences. Mais cet argent leur sert à structurer la fédération, à financer des centres de formation et à préparer nos équipes de France pour les grands événements, notamment les Jeux olympiques. N'oublions pas qu'elles ont deux grandes missions : l'éducation, et le sport de haut niveau.

Fernand Sastre et Michel Platini avaient décidé d'attribuer 100 millions d'euros aux clubs sur les recettes de la Coupe du monde, mais aussi de financer la construction de terrains synthétiques, et de les doter en chasubles, maillots et ballons. Cela avait été une mesure très appréciée. Quant à l'aide du CNDS, elle est nécessaire dans un contexte budgétaire tendu pour les collectivités locales, et va au-delà des seuls territoires prioritaires de la politique de la ville.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Je remercie le rapporteur spécial de nous avoir fait vivre ce moment dynamique.

L'amendement n° 1 est adopté.

À l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative », ainsi modifiés.

Elle donne acte de sa communication à M. Didier Guillaume, rapporteur spécial, et en autorise la publication sous la forme d'un rapport d'information.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

S'il avait fallu trouver un titre à la séquence budgétaire de cette mission, j'aurais choisi « Rebudgétisation, débudgétisation ». Nous assistons à un double mouvement contraire qui conduit à une forte augmentation des crédits de la mission sans pour autant que cela suffise pour faire face à la situation en matière de logement et d'hébergement d'urgence. La mission voit ses crédits augmenter considérablement, avec + 32,26 % en autorisations d'engagement et + 33,46 % en crédits de paiement, pour atteindre 18,15 milliards d'euros et 17,89 milliards d'euros dans le projet de loi de finances initiale.

Cette hausse s'explique principalement par le transfert à l'État, dans le cadre de la montée en charge du pacte de responsabilité et de solidarité, de 4,7 milliards d'euros correspondant au financement de l'allocation de logement familiale (ALF), jusqu'à présent financée par le Fonds national des prestations familiales (FNPF), lui-même alimenté par la branche famille de la sécurité sociale. Une rebudgétisation du financement du Fonds national d'aide au logement (FNAL) avait déjà été réalisée dans le cadre de la loi de finances initiale pour 2015, à hauteur de 5,7 milliards d'euros : elle visait alors la partie des aides personnalisées au logement (APL) jusqu'à présent financée par la branche famille de la sécurité sociale. Le FNAL finance désormais les trois aides personnelles au logement, ALF, APL et ALS (allocation de logement sociale), ce qui a le mérite de la clarification et devrait - j'emploie le conditionnel volontairement - améliorer l'évaluation de la dépense.

Deux abondements de crédits ont été opérés à l'Assemblée nationale. D'abord, 96 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, pour couvrir les besoins liés à l'engagement de la France d'accueillir plus de 30 000 réfugiés d'ici 2017. Ensuite, 100 millions d'euros en autorisations d'engagement et 150 millions d'euros en crédits de paiement sont inscrits sur le programme 135 au titre du financement des aides à la pierre par l'État, conformément aux engagements du président de la République devant l'Union sociale pour l'habitat (USH). En seconde délibération, 10 millions d'euros ont été ajoutés en conséquence d'un amendement réduisant le champ d'application d'une mesure d'économie. La mission atteint ainsi 18,4 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 18,1 milliards d'euros en crédits de paiement.

Les crédits couvrent pour l'essentiel des dépenses inéluctables ou de guichet pour l'hébergement d'urgence et la veille sociale ou pour les aides personnelles au logement. Malgré ces crédits supplémentaires, la mission devrait encore être sous tension en 2016, comme depuis plusieurs années. Les crédits risquent de manquer pour la veille sociale et l'hébergement d'urgence mais aussi pour le financement des aides personnelles au logement.

Quant aux dépenses fiscales, elles s'élèvent à 12 milliards d'euros pour 2016, en baisse de 3,6 % par rapport à 2015, soit 500 millions d'euros. Si certains dispositifs éteints - dispositif d'incitation fiscale « Robien », déductibilité des intérêts d'emprunt - commencent à réduire leur impact sur la dépense annuelle, d'autres montent en charge, comme le dispositif d'incitation fiscale « Duflot », devenu « Pinel », qui passe de 85 millions d'euros à 240 millions d'euros entre 2015 et 2016. La réforme du prêt à taux zéro devrait également avoir un impact pour l'avenir.

Le programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables » bénéficie de 74,5 millions d'euros de crédits supplémentaires par rapport à 2015, avec 1,44 milliard d'euros inscrits en autorisations d'engagement et en crédits de paiement. En outre, un abondement de 69,85 millions d'euros a été opéré à l'Assemblée nationale au titre de l'accueil de réfugiés. On peut s'en féliciter. Pour autant, ces crédits sont systématiquement sous-évalués, et 2016 ne devrait pas échapper à la règle.

La prévision pour 2016 est d'ores et déjà inférieure de plus de 40 millions d'euros à l'exécution prévue fin 2015, si l'on tient compte du décret d'avance intervenu en octobre (pour 130 millions d'euros, dont 100 millions d'euros correspondant à l'écart entre l'exécution 2014 et le montant budgété pour 2015) et de l'inscription de 53,6 millions d'euros en projet de loi de finances rectificative. On nous annonce, ce matin, une ouverture de crédits de 40,1 millions d'euros à prendre sur les aides à la pierre dans le cadre d'un nouveau projet de décret d'avance. Soit ces aides à la pierre étaient inutiles en 2015, soit on fait traîner les dossiers. Financer ainsi l'hébergement d'urgence confirme que nous sommes en sous-budgétisation chronique. Je n'imaginais pas que la situation était aussi mauvaise.

Le programme 109 « Aide à l'accès au logement » couvre essentiellement les crédits consacrés au FNAL. La subvention d'équilibre de l'État s'élèverait à 15,4 milliards d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, soit plus de 85 % de l'enveloppe globale allouée à la mission. Les aides personnelles au logement n'ont cessé d'augmenter, de 25 % entre 2004 et 2013. Elles ont un fort effet redistributif et une bonne capacité à réduire le taux d'effort des ménages, comme l'a démontré l'enquête de la Cour des comptes que nous avions commandée en vertu de l'article 58-2 de la LOLF.

Cependant, le Gouvernement s'était fixé pour objectif de réduire ces aides personnelles au logement de 1 milliard d'euros en s'appuyant notamment sur les conclusions du groupe de travail de l'Assemblée nationale, présidé par François Pupponi. Les économies ne devraient finalement atteindre que 185 millions d'euros pour 2016. Si je suis favorable aux mesures retenues à l'Assemblée nationale, nous restons bien loin des ambitions affichées par le Gouvernement.

Quelles sont nos marges de manoeuvre ? Je regrette que le Gouvernement ait reculé sur les aides personnelles au logement attribuées aux étudiants, même si le sujet est sensible. Ceux qui profitent le plus du cumul des aides accordées aux étudiants (bourses sur critères sociaux, aides personnelles au logement et dépenses fiscales) appartiennent aux premiers déciles et aussi aux deux derniers déciles. Une solution simple consisterait à faire obligation aux familles de choisir entre les deux dispositifs. Le Gouvernement n'a pas voulu aller jusque-là, et l'Assemblée nationale s'est contentée d'adopter un amendement qui prive d'allocations les étudiants dont les parents sont redevables de l'impôt annuel de solidarité sur la fortune (ISF). Ce n'est que de l'affichage politique, car chacun sait qu'il peut y avoir une nette différence entre patrimoine et revenus. Je vous proposerai de supprimer cette mesure, tout en réitérant la nécessité de traiter le problème.

Une autre source d'économies consisterait à introduire le principe d'un taux d'effort minimal des bénéficiaires. Dans le parc social, certaines familles ont un taux d'effort très faible, inférieur à 5 %. Le principe d'un taux minimal serait plus équitable. D'où l'amendement que je vous proposerai en ce sens.

Le Gouvernement a choisi de reprendre une proposition du groupe de travail présidé par François Pupponi pour tenir compte de la valeur en capital du patrimoine des allocataires de l'aide personnelle au logement. Des mesures identiques existant déjà pour le revenu de solidarité active (RSA), une uniformisation des règles serait souhaitable. Cependant, l'Assemblée nationale a cru bon de fixer un plancher à 30 000 euros pour prendre en compte ce patrimoine dans le calcul de l'aide. Je vous proposerai de supprimer ce seuil pour aligner le fonctionnement de l'aide personnelle au logement sur celui du RSA.

Je suis favorable au dispositif proposé de dégressivité des aides au-delà d'un plafond de loyer, déterminé par zones, qui ne pourrait être inférieur à 2,5 fois le loyer plafond servant pour le calcul de l'aide. Cette mesure devrait réduire l'effet inflationniste des aides personnelles au logement, car les propriétaires fixent parfois les loyers en tenant compte des aides. Dans celles présentes dans le projet de loi de finances, nous devrions faire quelques économies supplémentaires, avec à celles que je vous propose, sans remettre en cause les aides personnelles au logement et en favorisant l'équité.

Je souhaite également demander un rapport au Gouvernement sur les modalités d'établissement d'une base de données interministérielle sur les logements, commune aux caisses d'allocations familiales (CAF), au ministère du logement et à la direction générale des finances publiques (DGFiP). Une telle interconnexion des fichiers ne pose pas de problème technique - croyez-en l'informaticien que je suis. L'objectif est de mieux connaître les logements des bénéficiaires des aides et de détecter les anomalies. La surface du logement pourrait également être, à terme, un critère pour l'attribution des aides personnelles au logement, avec un système de dégressivité. En jouant sur ce paramètre, on gagnerait en équité.

Outre la subvention de l'État, le FNAL disposerait également du produit des cotisations employeurs, pour 2,657 milliards d'euros. En vertu de l'article 54 du projet de loi de finances, il disposerait aussi d'une participation exceptionnelle de 100 millions d'euros d'Action logement, laquelle aurait en principe dû s'achever en 2015. On nous dit chaque année que c'est la dernière année ; espérons-le. Va aussi au FNAL le produit de la surtaxe sur les plus-values de plus de 50 000 euros issues des cessions de terrains autres que les terrains à bâtir, à hauteur de 45 millions d'euros. Cette ressource était jusqu'à présent attribuée aux aides à la pierre, par le biais du fonds de péréquation de l'article L. 542-11 du code de la construction et de l'habitation. Ces deux ressources constituent toutefois des contributions très modestes : 145 millions d'euros, pour 18,2 milliards d'euros de dépenses prévues.

Difficile d'imaginer que, contrairement aux années précédentes, le programme 109 n'aura pas besoin de crédits supplémentaires. J'en prends le pari : il y aura certainement des ouvertures de crédits en cours d'année. On est manifestement dans la sous-budgétisation. Bercy peine à boucler les budgets. Quand cela devient chronique à ce point, il faut s'en inquiéter. Voilà pourquoi je serai conduit à vous proposer de ne pas adopter les crédits.

Le programme 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat » était initialement marqué par une baisse des crédits de paiement au titre des aides à la pierre, avec seulement 100 millions d'euros inscrits pour 2016 complété d'un fonds de concours de 270 millions d'euros, pour 400 millions d'euros en autorisations d'engagement. Cela s'inscrivait dans une tendance constatée depuis quelques années de réduction de l'engagement de l'État. Toutefois, un abondement de 100 millions d'euros en autorisations d'engagement et 150 millions d'euros en crédits de paiement a été voté par l'Assemblée nationale, suite à l'annonce faite par le Président de la République au congrès de l'USH à Montpellier. Ces crédits supplémentaires sont bienvenus. Seront-ils pour autant consommés ?

Jusqu'à présent, les crédits budgétaires d'aide à la pierre s'amenuisent d'année en année : ils vont sans doute disparaître, comme le laisse augurer la création du Fonds national des aides à la pierre (FNAP), qui remplacera le fonds de concours géré par la CGLLS sur lequel pesait une incertitude juridique. Parions que ce FNAP, dans quelques années, ne sera plus alimenté que par des ressources extrabudgétaires. Il prendra la forme d'un établissement public qui décidera du montant des aides à la pierre et de leur programmation sur le territoire. Il a été proposé à l'Assemblée nationale que, dans la gestion de ce fonds, les représentants de l'État soient à parité avec ceux des bailleurs sociaux. Les députés n'ont pas souhaité qu'y participent des personnalités qualifiées, comme le proposait le Gouvernement - à juste titre, car la parité affichée est distordue en faveur de l'État par la présence de personnalités qualifiées. Il est logique de responsabiliser les bailleurs sociaux : qui paie, gouverne. Des représentants des collectivités territoriales et leurs groupements seront également dans le conseil. En revanche, je vous proposerai de supprimer la présence des membres du Parlement, qui ne me semble pas opportune.

L'essentiel du financement doit être apporté par la fraction des cotisations versées par les bailleurs sociaux à la CGLLS, qui verrait son taux maximal augmenter de 1,5 % à 3 %. Les suppléments de loyer de solidarité seraient également intégrés parmi les sources de financement, à hauteur de 75 %. Ainsi, la fraction issue des cotisations de la CGLLS passerait de 120 millions à 270 millions d'euros en 2016. À mon sens, la création du FNAP est un signe du désengagement de l'État. Cette année, 250 millions d'euros de crédits de paiement seront prévus, contre 270 millions d'euros pour les bailleurs sociaux. Bercy visait plutôt 100 millions d'euros pour le premier chiffre : la tendance est claire. De plus, 100 millions d'euros sont pris sur la trésorerie de la CGLLS à l'article 14 du projet de loi de finances : c'est une parfaite opération de recyclage, à des fins d'affichage. On comprend que les bailleurs aient du mal à l'admettre.

La soutenabilité financière de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH), qui aide les foyers modestes à régler leurs problèmes de précarité énergétique, est un sujet très délicat. En 2014, elle avait dû stopper l'examen des dossiers car il n'y avait plus d'argent dans les caisses. En effet, l'ANAH est financée par le produit de la mise aux enchères des quotas carbone, dont le cours s'est effondré, en particulier en 2014. Il s'est rétabli en 2015, mais le fonds de trésorerie ne s'élevait plus qu'à 47,4 millions d'euros à la fin de l'année dernière.

Nous avons longtemps hésité : que proposer sur ces crédits ? L'an dernier, nous les avions rejetés. Fallait-il tenir compte cette année des efforts effectués ? Hélas, nous sommes très loin du compte, surtout pour l'accueil des réfugiés. Si la rebudgétisation des APL est une bonne chose, nous sommes encore loin des sommes nécessaires pour boucler l'année en ce qui concerne cette dépense de guichet. Le niveau des crédits consacrés à l'aide à la pierre est satisfaisant, même si la formule retenue ne plaît pas aux bailleurs.

Tout compte fait, ce budget n'est pas suffisamment sincère. C'est pourtant la première qualité que l'on en attend, quels que soient les objectifs politiques. Je vous propose donc de ne pas adopter les crédits de la mission « Égalité des territoires et logement ».

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Ce budget est l'un des plus importants en termes de crédits. C'est aussi l'un des plus complexes, entre rebudgétisations et débudgétisations... Il n'y a jamais de sinistre à couvrir pour la CGLLS, mais le taux de cotisation augmente, des prélèvements sont opérés sur la trésorerie : bref, cette politique manque de lisibilité. Dans le cadre de notre groupe de travail sur les dépenses publiques en faveur du logement et la fiscalité immobilière, ce fut à la fois passionnant et effrayant, tant les mécanismes sont complexes et l'objectif initial parfois perdu de vue.

Ainsi, l'aide personnelle au logement peut avoir comme effet pervers de maintenir des loyers très élevés. Nous peinons à obtenir des statistiques fiables sur le logement, alors que les montants en jeu sont considérables. Quel est le taux d'effort réel des locataires ? On verse des aides personnelles au logement sans connaître la superficie des appartements : étonnant ! Il suffirait de croiser les fichiers pour s'apercevoir que les loyers au mètre carré sont parfois scandaleux. Peut-être faudrait-il plafonner l'aide personnelle au logement au mètre carré ? Bref, cette dépense publique, peu efficace, entraîne des effets pervers.

L'histoire, hélas, se répète : la sous-budgétisation chronique des crédits dédiés à l'hébergement d'urgence n'est pas une surprise. Votre préconisation de ne pas adopter ces crédits est donc particulièrement justifiée.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Morisset

Notre commission des affaires sociales a discuté de cette mission ce matin. Ses lignes budgétaires ne sont jamais stabilisées. Les réactualisations de la loi de finances initiale pour 2015 par l'ouverture de crédits supplémentaires, à hauteur de 130 millions d'euros puis de 54 millions d'euros, ont fait évoluer son périmètre de 13 % et j'apprends encore les 40 millions d'euros supplémentaires... Pour 2016, un amendement de 69,8 millions d'euros a été adopté à l'Assemblée nationale. Cette sous-budgétisation chronique est l'une des raisons pour lesquelles la commission des affaires sociales a émis un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission.

Les autres difficultés viennent des objectifs fixés. Diminuer le nombre de nuitées hôtelières, qui a augmenté de 130 % en cinq ans pour atteindre 35 000, est un objectif louable mais le plan retenu par le Gouvernement pour l'atteindre ne nous paraît pas réaliste. Répondre au défi des migrations est difficile, car il n'est pas aisé de les quantifier. Sur 65 000 demandeurs d'asile chaque année, 50 000 sont déboutés et basculent dans le droit commun. Des crédits sont transférés en permanence du logement adapté vers l'hébergement d'urgence. Enfin, alors que ce programme a pour mission d'accompagner un public en difficulté, nous diminuons les crédits d'accompagnement. Alors que 17 millions d'euros de crédits ont été supprimés, nos associations ne récupèreront que 5 millions d'euros pour le Fonds national d'accompagnement vers et dans le logement. Les crédits du programme 177 irriguent-ils vraiment les territoires ? En Poitou-Charentes, leur montant était de 19,4 millions d'euros en 2008. En 2015, ce montant n'a pas changé...

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Estrosi Sassone

Je partage les avis exprimés. La commission des affaires économiques examinera cette mission le 24 novembre prochain. Son budget est plus sincère que l'an dernier grâce aux rallonges votées à l'Assemblée nationale mais la sous-budgétisation perdure, surtout pour les aides personnelles au logement et l'hébergement d'urgence. Le maintien de l'APL « accession » nous rassure et je salue l'élargissement tout récent du PTZ. Les ressources de l'ANAH se stabilisent aussi, grâce à la remontée du cours des cessions de quotas carbone. La création du FNAP soulève des questions : de quelles ressources disposera-t-il exactement ? La part des bailleurs sociaux est loin d'être acquise. Elle est bien plus élevée que prévue.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bouvard

Je félicite notre rapporteur de s'y retrouver dans ce maquis budgétaire. Je suis favorable à l'amendement supprimant la mesure relative au logement étudiant adoptée à l'Assemblée nationale mais ayons le courage de proposer une option aux bénéficiaires : soit la demi-part, soit l'aide personnelle au logement ! La décote « Duflot » pour les cessions de foncier public constitue une débudgétisation. Le zonage applicable au logement est-il pertinent ? J'en doute.

Le rapport indique que les dépenses fiscales constituent toujours un axe prépondérant de la politique du logement. Je constate toutefois que plusieurs d'entre elles sont peu ou mal renseignées dans les documents budgétaires. Pis : leurs montants ne sont pas les mêmes dans les rapports annuels de performances (RAP) des années précédentes et dans le projet annuel de performances (PAP) de cette année ! Par exemple : la déduction des revenus fonciers des travaux de grosses réparations supportés par les propriétaires qui atteignent le milliard d'euros. Le montant de la dépense fiscale n'est pas renseigné, ni pour 2015 ni pour 2016, le dernier chiffre certifié remontant au RAP de 2013 s'élève à 900 millions d'euros. Dans le PAP de cette année figure le chiffre de 960 millions d'euros, qui correspond à l'année 2014. 60 millions d'euros de plus, excusez du peu ! Il y a un vrai problème de fiabilité des documents qui nous sont remis pour évaluer la dépense fiscale.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Boulard

Merci pour ces éléments intéressants, surtout dans le débat sur le financement de l'aide à la pierre. La débudgétisation de l'aide à la pierre est réelle : elle ne sera plus financée par la solidarité nationale, ce qui est grave. Avec une contribution de 270 millions d'euros, la CGLLS apportera l'essentiel du financement du FNAP. On nous a dit qu'on prenait sur les fonds de roulement et les économies : faux ! La cotisation CGLLS pourra être doublée, alors qu'elle est acquittée par les locataires : scandaleux ! Est-il normal de faire financer par les locataires l'aide à la pierre ? Je m'abstiendrai donc. Pour un vieux social-démocrate comme moi, la méconnaissance de certains principes est inacceptable.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

Merci à notre rapporteur, aussi passionnant que passionné, pour sa présentation pédagogique de ce sujet difficile. Je partage son point de vue sur le plafonnement de l'aide personnelle au logement aux étudiants. Il s'agit d'une demande ancienne, qui a été paralysée, les constructeurs n'étant pas les derniers à s'y opposer. L'amendement qu'il conviendrait de présenter sera nécessairement complexe : aux critères objectifs s'ajoutent les situations des familles elles-mêmes, plus ou moins proches d'une ville universitaire, et qui ont un nombre variable d'enfants - ou de jeunes adultes, plutôt - à prendre en charge, parfois dans des villes universitaires différentes. Il faut tenir compte de la diversité des situations pour éviter toute injustice envers les familles nombreuses.

Malgré l'une des plus faibles densités d'Europe, la France est le pays où le coût du logement est le plus élevé. Cela résulte du coût du foncier et de l'accumulation des normes techniques, inspirées certainement par les meilleures intentions. Les toilettes deviennent plus spacieuses que les cuisines, pour des raisons - valables par ailleurs - d'adaptation pour les personnes handicapées. Cela pèse sur les investissements et contribue à accroître les prix.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Delattre

En effet, le logement est 50 % plus cher en France qu'en Allemagne : c'est autant de moins consacré à la consommation ou à l'épargne, ce qui ne peut manquer d'avoir des conséquences sur notre croissance. Le financement des projets de logements sociaux est toujours trop complexe et préjuge ensuite des attributions, problème central dans les communes. Les montages financiers doivent donc être plus transparents, surtout qu'ils sont garantis par les collectivités territoriales sans qu'elles aient leur mot à dire. La volonté de construire ne manque pas.

Plus globalement, il faut faire attention à l'équilibre du tissu urbain, l'aide à la pierre devrait, à terme, être réservée à l'accession sociale. Nous avons récemment défini de nouveaux quartiers sociaux dégradés qui bénéficient d'un taux de TVA réduit. Bien sûr, les promoteurs se sont précipités, la distorsion de concurrence est massive : du coup, d'autres projets sont interrompus et le PLU est dégradé. Les grands constructeurs de la région parisienne sont de moins en moins favorables à ce type d'aide à la pierre et réclament une simplification des normes. Il suffirait, par exemple, de prévoir que seuls 20 % des logements soient aux normes pour les personnes handicapées pour faire des économies considérables.

La dépense fiscale est très élevée, et je doute de son efficacité. Sur certains programmes, les investisseurs représentent jusqu'à 70 % alors que la cible pour l'accession à la propriété serait plutôt les jeunes ménages.

L'ANAH ne s'intéresse guère aux copropriétés dégradées. Que faire ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laménie

Ce rapport est important, la mission porte sur des milliards d'euros. Plus qu'un maquis, c'est un véritable marécage budgétaire... Les 12 500 équivalents temps plein travaillés sont répartis essentiellement entre deux ministères. Quelle part est consacrée à l'administration centrale ? Les problématiques urbaines sont une chose, mais le monde rural a aussi besoin d'effectifs. Le programme 135 relance le secteur du bâtiment et des travaux publics. L'action n° 1 « construction locative et amélioration du parc » voyait initialement ses crédits de paiement diminuer de 28 %, ce qui aurait été regrettable.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Vincent

Merci pour ce travail précis et de qualité. La budgétisation de l'ensemble des aides personnelles au logement est une bonne chose. Oui, il faut améliorer la justice sociale dans l'attribution de l'aide au logement étudiant, mais ce n'est pas simple ni politiquement, ni techniquement. Les dépenses fiscales sont élevées, et le dispositif « Pinel » les augmente encore : c'est l'un des problèmes de fond de ce budget. L'objectif est de relancer la construction, mais c'est un système à la fois assez inflationniste et, à vrai dire, pas très juste non plus. Le Gouvernement a arbitré en faveur du soutien immédiat à l'activité de la construction. Le financement de l'ANAH par la mise aux enchères des quotas carbone est un peu acrobatique. Un système alternatif est-il envisagé ? Je ne crois pas que ce budget puisse être dit insincère, même s'il est possible que des dépassements se produisent, notamment au titre de l'hébergement d'urgence, où existe un aléa, mais ce n'est pas un argument suffisant. En ce qui nous concerne, nous approuverons ce budget.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Je regrette toujours que le périmètre de cette mission sépare désormais la politique du logement de la politique de la ville. Du coup, le rapporteur n'a pas évoqué les enjeux de la rénovation urbaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Vous n'y êtes pour rien. Merci d'avoir eu l'honnêteté intellectuelle de reprendre certaines idées retenues par le groupe de travail constitué par la commission. La demande de rapport concernant la base partagée sur les logements me paraît acceptable - et c'est rare pour une demande de rapport - si c'est le seul moyen d'obtenir des éléments et de faire avancer les choses. Je suis favorable à l'introduction d'un principe de taux d'effort minimal des ménages et à la dégressivité des aides au-delà d'un certain plafond. Transférer l'aide à la pierre vers l'aide à la personne pose aussi problème. L'aide à la pierre doit relever de la solidarité nationale, ce qui risque de disparaître avec le FNAP.

Le financement de l'ANAH, cher à notre regretté collègue Claude Dilain, est lié aux cessions de quotas carbone... Espérons que, dans le contexte de la COP 21, cette ressource soit stabilisée, car les besoins sont importants. Les copropriétés dégradées le préoccupaient aussi beaucoup. La pérennité des ressources de l'ANAH est fondamentale. Je ne vous suivrai pas dans vos préconisations de rejet des crédits, car l'argument de l'insincérité chronique me parait un peu léger comparé aux nombreuses avancées de ce budget.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Pour évaluer la dépense fiscale ou le produit des taxes, je me réfère généralement à la loi de règlement. Mais celle-ci comporte des chiffres erronés ! La DGFiP nous en informe parfois, avec une invraisemblable légèreté. J'apprends ainsi que le produit de la taxe sur le « trading haute fréquence » est... nul ! Il y a un vrai problème de fiabilité des documents budgétaires qui nous sont transmis. Qui renseigne ces tableaux ? À l'heure de l'informatique, cette situation est incompréhensible. Nous devrons enquêter sur cette question.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Nous pourrons prévoir des auditions lors de l'examen de la loi de règlement, et en profiter pour alerter sur cet état de choses.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

L'aide personnelle au logement des étudiants est un sujet délicat car il faut prendre en compte des situations très diverses. Pour autant, nous devons passer à l'acte et régler ce problème, avec audace. Le prélèvement sur la CGLLS est un maximum. Il est vrai que le taux est multiplié par deux... Le groupe de travail sur les dépenses publiques en faveur du logement et la fiscalité immobilière en faveur du logement a été surpris de constater que le coût de construction n'est pas supérieur en France à ce qu'il est en Allemagne. Le coût du foncier peut faire la différence. En outre, la tension du marché est plus forte en France pour des raisons démographiques. La directrice générale de l'Anah m'a indiqué se satisfaire du financement par les cessions de quotas carbone, d'autant que leur cours remonte, alors qu'une dotation budgétaire risquerait d'être remise en cause chaque année. Ne soyons pas plus royalistes que le roi ! Cela dit, un brusque effondrement des cours poserait problème... L'Anah s'était fixée pour objectif de traiter 14 000 logements dégradés entre 2013 et 2017. C'est peu. Pour sortir les copropriétés dégradées de leur état, il faut beaucoup d'argent - Claude Dilain le savait mieux que personne.

Sur 12 500 ETP, 816 sont affectés à l'administration centrale, 2 299 aux régions et 9 168 aux départements : la majorité des moyens humains sont donc déployés sur le territoire. La rebudgétisation des aides personnelles au logement est bienvenue, en effet. Il est effectivement regrettable que le périmètre de la mission n'inclue plus la politique de la ville. Espérons qu'on y reviendra.

À l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat de ne pas adopter les crédits de la mission « Égalité des territoires et logement ».

Article 54

La commission décide de proposer au Sénat d'adopter l'article 54 sans modification.

Article 55

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

L'amendement n° 1 supprime le seuil de 30 000 euros dans la prise en compte du patrimoine des allocataires, pour aligner le régime des aides personnelles au logement sur celui du RSA. C'est une question de cohérence.

L'amendement n° FINC.1 est adopté, ainsi que l'amendement rédactionnel n° FINC.2.

L'amendement n° 3 prévoit la recherche d'un taux d'effort minimal pour les bénéficiaires, net de l'aide versée et tenant compte de la situation de famille, des revenus et des loyers.

L'amendement n° FINC.3 est adopté.

La commission décide de proposer au Sénat d'adopter l'article 55 tel que modifié par ses amendements et d'adopter les articles 55 bis et 55 ter sans modification.

Article 55 quater

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

L'amendement n° 4 revient sur la mesure adoptée par l'Assemblée nationale supprimant l'aide personnelle au logement pour les étudiants dont les parents sont soumis à l'ISF et demande au Gouvernement, avant le 1er juillet 2016, un rapport comportant une évaluation de pistes de réforme possibles.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

Je vous propose de compléter son deuxième paragraphe par les mots : « sans méconnaître leur lieu de résidence au regard d'un centre universitaire et le nombre d'enfants concernés dans le foyer. »

La commission décide de proposer au Sénat d'adopter l'article 55 quater tel que modifié par ses amendements.

Article additionnel après l'article 55 quater

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

L'amendement n° 5 demande également un rapport, sur la création d'une base interministérielle relative au logement.

L'amendement n° FINC.5 est adopté.

Article 56

L'amendement rédactionnel n° FINC.6 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Il a été proposé que le produit de la majoration du prélèvement payée par des communes « carencées » au titre de la loi SRU, puisse être orienté non vers l'aide à la pierre mais vers l'intermédiation locative. J'y suis défavorable : l'amendement n° 7 supprime donc cette possibilité. L'aide à la pierre doit être réservée à la construction du logement très social.

L'amendement n° FINC.7 est adopté.

L'amendement n° 8 supprime la présence de parlementaires au conseil d'administration du FNAP.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Il y a longtemps que je souhaite que les parlementaires ne siègent plus dans les différentes instances qu'ils ont pour mission de contrôler.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Ce matin, nous sommes au complet, au point de manquer de chaises : je ne vois pas quel parlementaire aurait le temps de siéger dans ces organismes...

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Il y en a 109 !

L'amendement n° FINC.8 est adopté.

La commission décide de proposer au Sénat d'adopter l'article 56 tel que modifié par ses amendements.

L'article 56 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Elle décide de proposer au Sénat d'adopter l'article 56 bis sans modification.

La séance est levée à 12 h 05.