Certes, nous ne pourrons pas vous reprocher une quelconque inconstance dans vos choix budgétaires et économiques…
Avec le Gouvernement tout entier, vous vous inscrivez dans la morne continuité de la réduction de la dépense publique, dans la stricte application de la loi de programmation des finances publiques, dans la droite ligne du dernier traité européen enfanté par Mme Merkel et l’ancien président de la République, texte auquel aucune inflexion n’a été apportée, dont on n’a pas déplacé la moindre virgule. Vous répondez aux recommandations de la Cour des comptes et suivez docilement les avis du Haut Conseil des finances publiques.
Dès lors, que reste-t-il à faire au Parlement pour infléchir ce projet de loi de finances, dont nous aurions pu attendre un léger coup de barre à gauche au titre de la dernière année pleine du quinquennat de François Hollande, très éphémère adversaire du monde de la finance ?
Pourtant, n’y avait-il pas lieu de ménager quelques bonnes surprises à nos concitoyens pour 2016 ? N’y avait-il pas lieu, au regard de l’évaluation du bilan, de procéder à des inflexions sérieuses de vos choix politiques ?
Vous avez opté, nous a-t-on dit, pour la politique de l’offre. Voyons ce qu’en dit l’INSEE.
D’après les enquêtes de conjoncture menées par cet institut, 40 % des entreprises se disent aujourd’hui confrontées à des problèmes de demande, contre 11 % à des problèmes d’offre, 11 % d’entre elles se disant par ailleurs confrontées aux deux phénomènes. À nos yeux, la demande a été par trop négligée ; ces chiffres, d’ailleurs, sont éloquents !
Il aurait été judicieux de procéder, dans l’élaboration de ce projet de budget, à une évaluation sérieuse des mesures décidées dans le but d’alléger les cotisations des entreprises. J’évite délibérément le mot « charges » : pourquoi parlerait-on de « cotisations » pour les salariés et de « charges » pour les entreprises ?
Examinons donc les données relatives à ces allégements.
Selon une étude sérieuse menée par l’Observatoire français des conjonctures économiques, l’OFCE, entre 2010 et 2015, les ménages ont payé le prix fort des politiques de réduction des déficits. Mis en œuvre parallèlement, le pacte de responsabilité et de solidarité n’a pas modifié cette tendance de fond.
Les prélèvements obligatoires sur les ménages ont augmenté de 66 milliards d’euros, soit 3, 1 % du PIB, alors que ceux qui sont appliqués aux entreprises croissaient de 8 milliards d’euros.
Les prélèvements obligatoires sur les ménages atteindront en 2016 un record historique, représentant 28, 2 % du PIB. Pour les entreprises, ce taux s’établira à 16, 4 %, un niveau inférieur à ce qu’il était en 2008.
Mes chers collègues, à ce stade, comment ne pas pointer l’écart croissant, dans le projet de budget pour 2016, entre les ressources issues de l’impôt sur le revenu, 72 milliards d’euros, 24 % du total, et celles de l’impôt sur les sociétés, qui va plafonner à 33 milliards d’euros, soit à peine 11 % des recettes du budget de la République ? Ce constat doit tous nous interpeller.
On nous explique régulièrement que les premiers signes de la reprise sont là, qu’ils sont perceptibles. Nous scrutons l’horizon, mais ne voyons pas grand-chose. « Anne, ma sœur Anne, ne vois-tu rien venir ? » Et Anne de répondre : « Je ne vois que dividendes qui prospèrent et fortunes qui grossissent. »