Séance en hémicycle du 19 novembre 2015 à 11h00

Résumé de la séance

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  • PIB
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La séance

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La séance est ouverte à onze heures.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de finances pour 2016, adopté par l’Assemblée nationale (projet n° 163, rapport général n° 164).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Savin

Madame la présidente, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, dans les circonstances douloureuses des attentats de vendredi dernier, la vie parlementaire reprend son cours, mais elle prend bien sûr pleinement en compte le contexte dans lequel nous sommes.

Tel est le cas pour la matière budgétaire, qui est non pas une doctrine froide mais bien un outil au service de l’action et des priorités publiques.

Le principe de responsabilité budgétaire que Christian Eckert et moi-même défendons n’est en aucune manière antagoniste avec la responsabilité politique face aux événements ; il est au contraire la condition nécessaire pour pouvoir financer nos priorités.

Le contexte appelle un renforcement d’une ampleur exceptionnelle des moyens de sécurité et de défense. Le Président de la République l’a annoncé lundi dernier, 8 500 postes supplémentaires seront créés dans la police, la gendarmerie, la justice et les douanes au cours des deux prochaines années.

Dès la semaine prochaine, à l’occasion de la discussion de la seconde partie de ce projet de loi de finances, le Gouvernement proposera d’ajouter les crédits nécessaires à la création de ces postes ainsi que les crédits de fonctionnement qui doivent les accompagner. Je reviendrai plus en détail sur ce point.

Comme le Président de la République l’a exprimé, il ne peut être question d’augmenter les impôts des Français, que nous continuerons à baisser. Il ne peut être question non plus de réduire les crédits des autres ministères, qui chacun concourent également dans leur périmètre respectif à l’action de l’État, et souvent d’une manière ou d’une autre à la lutte contre le terrorisme. C’est pourquoi nous assumons, à ce stade de la discussion budgétaire, une dégradation du déficit à cette fin.

Nos partenaires européens ont très bien compris que la protection de nos concitoyens est une priorité absolue en ces moments, et que les règles européennes, qui ne sont « ni rigides ni stupides » pour reprendre les mots d’un commissaire européen, offrent les marges de manœuvre adéquates.

C’est donc dans ce contexte très particulier que nous débutons cette année l’examen du budget de la Nation.

Cet examen est aussi l’occasion de faire le point sur la situation de la France, de tracer les grands axes de la politique économique du pays et de prendre les décisions qui engageront notre avenir collectif pour 2016 et au-delà.

C’est donc peu dire que Christian Eckert et moi-même y attachons une grande importance et que, cette année encore, nous nous présentons devant le Sénat, comme nous l’avons fait à l’Assemblée nationale, avec le souci d’engager un vrai débat, d’écouter tous les points de vue et de tenir à tous un discours de vérité sur les enjeux auxquels notre pays est confronté.

L’année dernière, c’est dans cet esprit que nous avions présenté le projet de loi de finances et que, devant vous, nous avions pris un certain nombre d’engagements précis et chiffrés : engagement de retour à la croissance, engagement de financement de nos priorités, engagement de maîtrise des dépenses et, surtout, engagement de baisse des prélèvements sur les entreprises et les ménages.

Comme il est parfois – pour ne pas dire souvent – d’usage dans les échanges entre majorité et opposition, ces engagements avaient été mis en doute et parfois sévèrement critiqués. Certains s’étaient même laissé aller à des prévisions et à des prophéties bien sombres sur l’aggravation de la crise, sur la surestimation de notre hypothèse de croissance, sur le dérapage des dépenses, sur la dérive inexorable des déficits et les sanctions qui en découleraient de la part de l’Union européenne.

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre

Je n’aurai pas la faiblesse de rappeler chacune de ces prophéties à leurs auteurs, mais permettez-moi simplement de vous dire que les engagements pris devant vous l’année dernière ont été tenus, et que la confiance que le Parlement dans son ensemble nous a accordée, le mandat qu’il nous a confié, ont été respectés.

Les engagements ont tout d’abord été tenus s’agissant du redressement économique du pays.

Pour la première fois depuis de nombreuses années, la prévision de croissance sur laquelle nous avons construit le budget 2015, soit 1 %, est déjà atteinte au bout de trois trimestres : 2015 sera la première année de reprise effective, et il semble acquis que la croissance dépassera 1 %, comme l’anticipent aussi bien l’INSEE que le Fonds monétaire international.

Cette prudence et ce réalisme ont de nouveau prévalu pour la construction du budget 2016. Nous avons retenu cette fois une hypothèse de 1, 5 % de croissance pour l’an prochain. C’est la prévision de ce que l’on appelle le « consensus des économistes », prévision que le Haut Conseil des finances publiques considère comme « atteignable » quand 1 % l’an passé lui semblait optimiste. Cela nous conforte donc dans cette hypothèse, et je pense que cela nous permettra d’éviter les contestations assez traditionnelles sur la fixation de l’hypothèse de croissance de la France.

J’emploie volontairement le terme « hypothèse ». Chacun sait que les prévisions économiques sont entachées d’incertitude : il s’agit là avant tout d’un choix réaliste pour construire notre budget et pour éviter de devoir demander un effort supplémentaire aux Français en cours d’année.

La reprise que nous observons cette année est la conjugaison de l’effet des politiques que nous avons menées, notamment le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, ou CICE, et le Pacte de responsabilité et de solidarité, qui rendent les entreprises plus compétitives et davantage à même de profiter de la demande extérieure, ainsi que la baisse d’impôt sur le revenu qui vient conforter en 2015 le pouvoir d’achat des ménages à revenus modestes ; en outre, l’environnement extérieur est plus favorable : un prix du pétrole divisé par deux, un taux de change euro contre dollar plus en ligne avec ses fondamentaux et des conditions de financement propices pour les entreprises et les ménages, avec des taux d’intérêt bas.

Ce que nous montrent les derniers indicateurs, c’est que la reprise se diffuse progressivement dans l’économie. Chacun commence à en ressentir les effets.

Le pouvoir d’achat des ménages devrait progresser de 1, 5 % en 2015, avec des créations d’emploi qui ont redémarré – plus de 50 000 emplois privés depuis un an, même si le nombre de ces créations ne permet pas de contrebalancer les nouveaux arrivants sur le marché du travail.

Le climat des affaires dépasse sa moyenne de long terme pour la première fois depuis 2011. Le redressement du taux de marge au premier semestre apporte aux entreprises une bouffée d’air bienvenue : il a progressé de 2 points depuis un an, reprenant les deux tiers du chemin perdu depuis la crise.

Avec la demande qui se renforce et des capacités à investir qui apparaissent, l’investissement des entreprises a redémarré puisqu’il a déjà progressé de plus de 2 % sur un an.

L’engagement est tenu aussi s’agissant du redressement de la situation budgétaire.

Loin des dérapages annoncés, le déficit public pour 2014 s’est finalement réduit à 3, 9 %, grâce à une progression des dépenses, hors crédits d’impôt, contenue. Il s’agit là d’un record obtenu grâce à l’engagement de l’ensemble des administrations publiques : ministères, administrations de sécurité sociale comme collectivités locales.

Cette dynamique se poursuit cette année avec une dépense qui évoluera sensiblement au même rythme. Les recettes rentrent sans difficulté – je préfère le dire car certains ont pris l’habitude de s’en inquiéter ! Nous conservons donc la prévision de déficit de l’ensemble des administrations publiques à 3, 8 % cette année.

Nous poursuivrons l’effort l’an prochain, avec une diminution plus sensible du déficit en lien avec les efforts réalisés et le retour à davantage de croissance.

La Commission européenne vient d’ailleurs de constater que nous avions une trajectoire budgétaire, en 2015 et en 2016, « globalement conforme » à ce qui nous avait été recommandé. C’est la première fois depuis longtemps !

Les engagements ont également été tenus s’agissant des baisses d’impôts et de prélèvements, qui se poursuivent et se poursuivront.

Ces baisses d’impôts concernent tout d’abord les ménages : notre volonté de rendre aux Français aux revenus moyens le produit de l’effort qu’ils ont consenti pour le redressement du pays est confirmée. Non seulement il n’y a plus de hausses d’impôts décidées depuis un an, mais nous concentrons nos efforts sur la baisse de l’impôt sur le revenu. Pour la troisième année consécutive, l’impôt sur le revenu sera allégé l’année prochaine pour les ménages, à hauteur de plus de 2 milliards d’euros. Depuis l’été 2014, cette baisse aura représenté 5 milliards d’euros de baisses, et douze millions de foyers fiscaux, soit les deux tiers des foyers fiscaux imposés, auront bénéficié de la baisse de l’impôt sur le revenu.

Il n’y a donc pas lieu de dire, me semble-t-il, que les classes moyennes sont les oubliées de nos réformes : c’est bien le cœur des classes moyennes qui bénéficie des baisses d’impôts sur le revenu. De même, il n’y a pas lieu, de mon point de vue, de dire que l’impôt sur le revenu se « concentre » sur les classes moyennes supérieures. La part des foyers fiscaux imposés retrouve exactement son niveau de 2010, et je vous rappelle que, avec la TVA ou la CSG, tous les ménages paient par ailleurs des impôts.

Nous n’opposons pas les catégories sociales entre elles, nous n’avons pas deux politiques en fonction des uns et des autres. Nous avons un principe et un seul, c’est que l’impôt doit baisser et qu’il doit baisser en priorité pour le cœur des classes moyennes, le couple d’employés avec enfant, l’instituteur débutant, ceux qui ont contribué à l’effort de redressement depuis 2011 alors que cela leur était particulièrement difficile.

Cette baisse d’impôt, mesdames, messieurs les sénateurs, concerne donc les retraités, les salariés, les familles, les ménages à revenus moyens, dont certains sont entrés dans l’impôt ces dernières années et qui sont les principaux bénéficiaires de nos mesures. Ce ne sont bien évidemment pas les seuls à avoir contribué au redressement de nos finances publiques, c’est vrai, mais ce sont aujourd’hui ceux qui sont en droit d’être les premiers à bénéficier de nos baisses d’impôts. C’est une question de justice fiscale, d’équité, et peut-être même de bon sens.

Mesdames, messieurs les sénateurs, une page est en train de se tourner en matière d’impôts, et pas seulement à cause des baisses d’impôt sur le revenu.

L’année 2016 sera l’année du lancement du chantier du prélèvement à la source, qui aboutira au 1er janvier 2018. Les travaux techniques progressent, et nous ouvrons une période de concertation qui se matérialisera par un Livre blanc au printemps prochain et par des choix inscrits « en dur » dans le projet de loi de finances pour 2017, afin que le basculement ait lieu dans de bonnes conditions au 1er janvier 2018.

L’année 2016 sera également l’année de la généralisation de la déclaration des revenus par internet. Cette généralisation sera opérée de manière souple et progressive, en commençant par les plus hauts revenus, sans jamais oublier le cas des personnes qui ne pourraient pas y procéder.

Nous souhaitons que, comme dans de nombreux autres pays, la télédéclaration devienne le principe, le droit commun, tout en permettant à ceux qui n’ont pas la possibilité d’y procéder, parce qu’ils n’ont pas d’accès à internet à leur domicile ou qu’ils déclarent ne pas être en mesure de le faire, de continuer à utiliser le papier. Nous n’allons donc pas, comme je l’entends parfois, faire payer quinze euros de plus à ceux qui ne pourraient pas déclarer leurs revenus par internet !

La justice fiscale, c’est aussi l’intensification de la lutte contre la fraude et l’optimisation fiscale abusive.

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre

Grâce au service de traitement des déclarations rectificatives, le STDR, ce sont déjà 4, 5 milliards d’euros de recettes, provenant d’argent caché jusqu’alors à l’étranger, qui auront été recouvrés en 2014 et 2015. Nous prévoyons de récupérer encore 2, 4 milliards d’euros l’an prochain. Le mouvement ne s’arrêtera pas là, car seuls 9 800 dossiers sur 44 600 ont été complètement traités. Aussi, nous avons renforcé les moyens dédiés à cette opération pour accélérer le traitement des dossiers.

Voilà un résultat extrêmement concret de l’action que nous avons menée pour mettre fin au secret bancaire en Europe. À cet égard, je rappelle que l’échange automatique d’informations fiscales en matière financière sera effectif avec cinquante-huit États en 2017 et avec quatre-vingt-quatorze États en 2018, dont – au hasard ! – la Suisse, le Luxembourg et Singapour.

Permettez-moi aussi de me féliciter que la voix de la France, pour ce qui concerne l’optimisation fiscale abusive, ait porté et que nous ayons débouché sur des résultats concrets ! Trop de groupes internationaux ont aujourd’hui la capacité d’échapper parfois presque totalement à l’impôt.

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre

Cette situation n’est pas tenable et n’est pas acceptable.

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre

Grâce à la mobilisation de certains pays comme la France et au travail de l’Organisation de coopération et de développement économiques, l’OCDE, nous sommes désormais en mesure d’avancer.

Le G20, qui s’est tenu à Antalya le week-end dernier et auquel j’ai participé, a adopté une série d’actions communes, qu’on appelle dans notre jargon BEPS – Base, Erosion and Profit Shifting, c'est-à-dire l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices –, et l’Assemblée nationale avait adopté quelques jours auparavant une première disposition sur le reporting pays par pays. C’est un réel progrès ! Aussi convient-il de saluer tous ensemble, quelles que soient les travées sur lesquelles vous siégiez, mesdames, messieurs les sénateurs, ces pas décisifs qui ont été franchis.

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre

Ce n’est pas tenir un discours anti-entreprises que de dire cela. Bien au contraire ! Les règles communes sont aussi une manière d’assurer l’égalité des règles du jeu entre les entreprises, et beaucoup d’entre elles sont engagées dans une prise de conscience salutaire sur ces grands enjeux.

Notre politique à l’égard des entreprises se construit dans un esprit de responsabilité. Nous tenons nos engagements, et c’est précisément pour cette raison que nous pouvons nous montrer exigeants. Je le redis ici devant vous cette année encore : c’est parce que nous tenons parole que nous créons les conditions pour que chacun s’engage à son tour au service de la reprise économique et de l’emploi. C’est notre stratégie depuis le début, et nous nous y tenons.

Je m’adresse là évidemment aux entreprises, dont nous avons déjà baissé les prélèvements de 24 milliards d’euros entre 2013 et 2015 grâce au CICE et au pacte de responsabilité et de solidarité. Depuis le début du quinquennat, la fiscalité des entreprises a diminué.

Le CICE est désormais arrivé à maturité, comme l’a relevé le comité de suivi. Il représente cette année 17 milliards d’euros.

Quant au pacte de responsabilité et de solidarité, il continuera d’être déployé comme prévu l’an prochain. Les baisses de prélèvements supplémentaires sur les entreprises atteindront bien 9 milliards d’euros en 2016, ce qui portera le niveau des allégements à 33 milliards d’euros. Ainsi, nous aurons annulé en 2016 les hausses des prélèvements des années 2011 et 2012 votées sous la législature précédente, ainsi bien sûr que les hausses des prélèvements votées dans la seconde partie de l’année 2012 et en 2013, sous l’actuelle législature.

La contribution exceptionnelle des grandes entreprises à l’impôt sur les sociétés prendra fin. La suppression de la C3S, la contribution sociale de solidarité des sociétés, se poursuivra comme prévu à hauteur de 1 milliard d’euros, une mesure qui bénéficiera à plus 80 000 entreprises de taille intermédiaire.

Enfin, les mécanismes d’allégements supplémentaires de cotisation sur les salaires jusqu’à 3, 5 SMIC s’appliqueront à compter du 1er avril prochain.

Si le Gouvernement respecte ses engagements en matière de baisse de prélèvement, il peut aussi se montrer exigeant.

Selon les enquêtes réalisées par l’INSEE auprès des entreprises, les trois quarts d’entre elles déclarent qu’elles utilisent le CICE pour investir ou embaucher. Ces annonces, il faut les concrétiser, et les négociations sur le pacte de responsabilité et de solidarité dans les branches professionnelles doivent se poursuivre, en vue d’aboutir partout.

Les engagements ont enfin été tenus sur la dépense publique.

Notre stratégie budgétaire est inchangée : maîtriser nos dépenses, sans jamais renoncer à financer nos priorités, tout en sachant être réactifs pour répondre aux nouveaux besoins. Nous le démontrons encore cette semaine.

Nous n’avons rien cédé quant à nos priorités budgétaires : tout d’abord, l’éducation nationale se voit effectivement dotée de 60 000 postes supplémentaires sur le quinquennat ; ensuite, les budgets consacrés à l’intérieur et à la justice, qui étaient jusqu’à présent préservés, seront désormais augmentés ; enfin, l’emploi reste une priorité, pour lutter contre le chômage et pour accompagner les actifs dans leurs transitions.

Notre priorité, c’est également la lutte contre le réchauffement climatique, tout en soutenant le développement des pays du Sud.

Dans le cadre de la COP 21, il était évident qu’il fallait consentir des efforts supplémentaires. Dans cette perspective, le Président de la République a décidé que l’aide publique au développement à l’échelle nationale augmenterait de 2 milliards d’euros d’ici à 2020, avec des moyens budgétaires renforcés dès l’an prochain.

Certaines priorités sont établies depuis longtemps ; d’autres se font jour en fonction des événements. Nous devons être réactifs pour financer ces nouveaux besoins. Et c’est le cas des moyens accrus pour la sécurité intérieure et la défense nationale à la suite des événements qui se sont produits en janvier dernier et, bien sûr, la semaine dernière.

Parce que la sécurité des Français est la condition de leur liberté, le Président de la République a annoncé un ensemble de mesures visant à lutter contre le terrorisme, et certaines d’entre elles conduiront à mobiliser de nouvelles ressources pour renforcer l’action de l’État.

Le Gouvernement vous proposera par amendements d’amplifier dès 2016 les créations de postes dans trois ministères.

Au ministère de l’intérieur, dans la police et la gendarmerie, ce sont 5 000 postes supplémentaires sur deux ans qui seront créés.

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre

Ces créations de postes s’ajouteront à celles que nous avons décidées depuis 2012, notamment aux créations déjà annoncées au printemps dernier dans le cadre du plan de lutte contre le terrorisme. Au total, nous reviendrons, en 2017, au niveau du nombre de postes de 2007.

Au ministère de la justice, ce sont 2 500 postes qui seront créés sur deux ans, qui s’ajouteront aux 4 744 créations de postes réalisées ou prévues au cours du quinquennat.

Dans les services de la douane, 1 000 postes seront créés dans les deux ans qui viennent.

Au ministère de la défense, enfin, les 2 300 créations de postes annoncées pour 2016 seront réalisées comme prévu. À partir de 2017, les effectifs seront stabilisés, et ce jusqu’en 2019 au moins.

Au final, la mobilisation de ces nouveaux moyens conduira à une dépense supplémentaire sur le budget de l’État de l’ordre de 600 millions d’euros en 2016, pour financer à la fois ces nouveaux postes et les besoins en équipement qui les accompagnent.

Par ailleurs, notre effort d’économies restera conséquent, avec une dépense publique qui progressera de 1 % en 2015 – un peu plus en 2016 –, à comparer au rythme de plus de 3 % par an entre 2007 et 2012, avec une tendance moyenne de 2, 5 % par an.

Je dirai, pour terminer, un mot sur l’Europe.

Les efforts que nous demandons, les décisions que nous prenons, nous ne le faisons pas à cause de l’Europe.

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre

Redresser nos finances publiques nous a aussi permis de restaurer en Europe la voix de la France, cette dernière étant ainsi entendue. J’ai pu le constater personnellement lorsque, avec le Président de la République et nos partenaires, nous avons pu trouver une issue favorable à la crise grecque, construite sur les deux piliers que sont la solidarité et la responsabilité.

C’est aussi cette confiance retrouvée qui nous permet de mobiliser des moyens supplémentaires pour notre sécurité, avec l’aval de la Commission européenne.

Redresser nos finances publiques, c’est d’abord et avant tout nécessaire pour les Français. Là où l’Allemagne avait équilibré ses comptes en 2012, d’autres nous ont laissé un déficit qui allait franchir les 5 % du PIB et une compétitivité de nos entreprises en berne.

Redresser le pays en lui permettant de renouer avec la croissance et de réduire les déficits qui nous avaient été laissés ; financer nos priorités, et tout spécialement la sécurité, tout en maîtrisant la dépense comme jamais cela n’avait été fait avant nous ; mener à bien le programme de baisses d’impôts que nous nous sommes fixé, pour les entreprises comme pour les ménages, telle est, mesdames, messieurs les sénateurs, notre feuille de route, celle qui trouve sa traduction dans ce projet de loi de finances et qui continuera à guider notre action.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Nous sommes convenus, lors de la conférence des présidents, que le temps de parole total attribué aux deux représentants du Gouvernement était de trente minutes.

Monsieur le secrétaire d'État chargé du budget, puisque c’est le début de la discussion, je vous laisserai un peu plus de temps, si vous le souhaitez.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Mais j’aimerais que, à l’avenir, le temps de parole sur lequel se sont mis d’accord le Sénat et le Gouvernement soit respecté le mieux possible.

La parole est à M. le secrétaire d'État.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert

Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, voilà moins d’une semaine, notre pays était frappé d’une attaque sans précédent. Le Gouvernement a immédiatement réagi, comme vous le savez, et tous les moyens nécessaires à la sécurité des Français seront déployés. À cet égard, le Gouvernement vous fera des propositions dans le cours de la discussion, comme Michel Sapin vient de l’indiquer.

La sécurité des Français est bien entendu la priorité absolue du Gouvernement, et nous dégagerons toutes les ressources nécessaires pour la garantir. Nous continuons néanmoins à travailler et à avancer.

Nous entamons aujourd’hui la discussion du projet de loi de finances pour 2016. Les débats budgétaires, qui nous occuperont jusqu’à la fin de l’année, seront sans doute animés. C’est un moment essentiel de la vie parlementaire et démocratique, et je souhaite que, comme ce fut le cas l’an dernier, nous puissions aller au bout de tous les débats. Le Gouvernement ne se dérobera à aucune discussion, et vous savez le prix que j’attache à nos échanges.

Les premiers résultats sont là : le déficit est au plus bas depuis sept ans ; la dette est sur le point de se stabiliser après avoir connu une augmentation continue pendant huit années ; la dépense progresse certes, mais à un niveau historiquement bas. Les Français doivent savoir que ces résultats résultent de leurs efforts.

Ces résultats, nous les obtenons par des économies sur la dépense. À cet égard, je formulerai quelques observations.

Faire des économies, c’est d’abord garantir aux Français que leur argent est correctement utilisé. Chaque année, au moment où l’on prépare le budget, le Gouvernement examine le détail de toutes les dépenses engagées dans le budget de l’État. Ce travail, nous le faisons tous les ans; cette année, il a encore été renforcé grâce au travail mené par le Conseil stratégique de la dépense publique et aux revues de dépenses que nous avons proposées.

Pourquoi le budget de l’État devrait-il continuer à supporter des exonérations de cotisations ciblées alors que nous avons allégé le coût du travail de manière massive ? Pourquoi les allocations logement ne tiendraient-elles pas compte de la réalité des ressources des bénéficiaires ? Pourquoi les chambres de commerce et d’industrie, qui assument des missions qui ne sont pas plus importantes que celles de la sécurité sociale ou de l’État, ne pourraient-elles pas contribuer à la réduction du déficit ?

Faire des économies, c’est aussi garantir le financement de notre modèle social. Là aussi, des résultats ont été obtenus. Ainsi, en 2016, les déficits sociaux retrouveront leur niveau d’avant-crise. Cette année, pour la première fois depuis 2002, j’y insiste, la dette sociale diminue. Et l’an prochain, après des déficits continus pendant douze ans, notre régime de retraite sera à l’équilibre.

Faire des économies, enfin, c’est la condition pour disposer des marges nécessaires en vue de répondre à l’urgence.

Michel Sapin a présenté les dépenses qui seront engagées pour renforcer les moyens de l’État en matière de sécurité.

À ce stade de la procédure budgétaire, nous prévoyons environ 600 millions d’euros de dépenses supplémentaires en 2016 par rapport au projet de loi de finances initiale. Ces chiffres vont être affinés avec les ministères concernés, sur la base d’une analyse précise des besoins. Des amendements seront déposés, dans la seconde partie du projet de loi de finances, sur chacune des missions budgétaires concernées.

Ces dépenses supplémentaires ne seront financées ni par un nouveau coup de rabot sur les crédits des ministères ni par des hausses d’impôts ; nous sommes en mesure d’y faire face pour répondre à l’urgence, qui est d’assurer la sécurité des Français. Du reste, elles ne feront qu’infléchir notre effort d’économies qui se poursuit conformément au plan de 50 milliards d’euros sur trois ans.

Tout commentateur qui s’attache à la réalité des chiffres constatera que les économies sont au rendez-vous chaque année. Comment ne ferions-nous pas d’économies, alors que la dépense publique, qui représentait 56, 4 % du PIB en 2014, en représente 55, 8 % en 2015 et en représentera 55, 1 % en 2016 ? C’est seulement quand le commentaire à l’emporte-pièce prend le pas sur l’analyse que l’on refuse de voir les économies !

Celles-ci s’accompagnent de baisses d’impôts, que Michel Sapin vient de décrire dans le détail, au bénéfice tant des entreprises que des ménages. Ces diminutions visent notamment à rendre à nos entreprises la compétitivité qu’elles avaient malheureusement perdue. Pour ce qui concerne les ménages, le mouvement de baisse des prélèvements s’inscrit dans une logique simple : justice fiscale et lutte contre les inégalités. Chaque année depuis le début de la législature, nous avons franchi un pas supplémentaire dans cette voie.

Peut-être certains regrettent-ils qu’il n’y ait pas eu de grand soir fiscal, mais ce n’est pas ainsi que l’on réforme.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d'État

Nous avons pris une succession de mesures cohérentes et progressives, qui rendront notre système fiscal, année après année, beaucoup plus juste qu’il ne l’était en 2012. Ainsi, il y a maintenant un véritable impôt de solidarité sur la fortune et une tranche d’impôt sur le revenu à 45 %. Il y aura des droits de succession et de donation réellement efficaces. Il y a un impôt sur le revenu délesté des niches fiscales ayant perdu toute justification, des niches dont les bénéfices, de surcroît, étaient d’autant plus importants que les revenus étaient élevés. Il y a surtout un impôt sur le revenu réduit, et même parfois annulé, pour les classes moyennes et modestes, alors même que le nombre de ses redevables revient au niveau atteint en 2008. Il y a, enfin, davantage de ménages modestes exonérés d’impôts locaux. En un mot, mesdames, messieurs les sénateurs, il y aura en 2017 une fiscalité juste, qui protège les ouvriers, les employés, tous les travailleurs pauvres et les petits retraités, …

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Vous nous servez le discours des années cinquante !

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

C’est très important, la justice, monsieur Karoutchi !

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d'État

… une fiscalité qui demande aux plus riches de prendre toute leur part du financement du service public.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d'État

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Oui, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement et sa majorité ont un engagement sans faille en faveur de la justice fiscale, et ils le prouvent à chaque loi de finances ! Nous menons tous les combats de front : celui pour l’assainissement de nos finances publiques, celui pour la production et l’emploi et, à travers nos réformes fiscales, celui pour une société plus juste et plus égale.

MM. Philippe Dallier et Roger Karoutchi soupirent.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d'État

Avant de conclure, madame la présidente, je souhaite examiner trois critiques qui sont parfois formulées contre notre politique, et qui peut-être le seront de nouveau au cours de ce débat.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Remarquez que nous n’avons encore rien dit !

Sourires.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d'État

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. C’est que je vous vois venir, monsieur le rapporteur général !

Nouveaux sourires.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d'État

Premièrement, pour ce qui concerne le déficit, on a commencé par nous reprocher de ne pas le réduire. Entre 2012 et 2014, pourtant, le déficit a bel et bien diminué : c’est contre toute logique arithmétique que certains ont prétendu qu’il augmentait ! On nous reproche aujourd’hui de ne pas le réduire assez vite, alors que sa baisse se poursuit plus vite que prévu. Mais il faut bien que vive le débat politique…

Deuxièmement, nous ne réaliserions pas d’économies, ou, plus exactement – car le reproche a évolué –, nous ne pourrions pas qualifier de « structurelles » les économies que nous réalisons.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d'État

Pour ma part, je ne sais toujours pas ce que l’opposition entend par « économies structurelles ».

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d'État

À vrai dire, j’attends beaucoup de ce débat pour connaître les réformes qui, selon elle, mériteraient ce qualificatif.

Certains veulent faire descendre les impôts par l’ascenseur et les dépenses par l’escalier ; on imagine les conséquences sur le déficit !

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d'État

Troisièmement, l’impôt serait concentré sur les 10 % de ménages les plus aisés. À ce sujet, il faut rappeler que tout le monde acquitte un impôt sur ses revenus via la CSG, sans parler des impôts locaux et, bien entendu, de la TVA. Il est donc faux d’affirmer que seuls les ménages les plus aisés assumeraient la charge fiscale.

Il est tout aussi faux de soutenir que nous reporterions cette charge des classes moyennes vers les ménages les plus aisés, puisque, en 2016 comme en 2015, l’impôt des classes moyennes baissera grâce aux économies que nous réalisons.

Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d'État

Il faut surtout rappeler une évidence : quand on a des revenus importants, on doit assumer un impôt élevé. L’opposition compte supprimer l’ISF : si c’est la seule réforme structurelle qu’elle projette, les Françaises et les Français apprécieront !

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Capo-Canellas

Franchement, monsieur le secrétaire d’État, nous nous attendions à mieux !

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d'État

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Je conclus – Mme la présidente m’a en effet invité à raccourcir mon propos – en demandant au Sénat d’approuver ce projet de budget qui assure le respect des engagements pris, ce projet de budget de réforme économique et sociale, ce projet de budget qui tient compte des priorités immédiates, en particulier celle d’assurer la sécurité des Français !

Applaudissementssur les travées du groupe socialiste et républicain. – MM. Yvon Collin et Joseph Castelli, ainsi que Mme la présidente de la commission des finances, applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, d’avoir bien voulu abréger votre discours.

La parole est à M. le rapporteur général.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’examen par la Haute Assemblée du projet de loi de finances pour 2016 commence dans un contexte assurément particulier, à la veille de la discussion du projet de loi relatif à l’état d’urgence.

Le Président de la République a fait part au Congrès, lundi dernier, de son intention de modifier certains équilibres du budget pour 2016, notamment en matière de sécurité. La majorité sénatoriale l’approuve d’autant plus sur ce point que, voilà un an, elle avait souligné l’insuffisance des moyens alloués à notre défense et à notre sécurité lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2015.

Voilà trois jours, le Président de la République a ajouté que, désormais, « le pacte de sécurité l’emporte sur le pacte de stabilité ». Cette formule visait-elle à balayer d’avance toute critique portant sur le respect par la France de ses engagements européens en matière de redressement des comptes publics ?

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

On peut s’interroger… En tout cas, la commission des finances attend que le Gouvernement tire, par voie d’amendement, les conséquences de ces déclarations. M. le ministre vient de nous indiquer que le coût des créations de postes annoncées serait de l’ordre de 600 millions d’euros en 2016, ce qui représente 0, 03 % du PIB et 0, 15 % des dépenses du budget de l’État. Il paraît évident qu’une augmentation aussi modeste de nos dépenses peut être financée par des économies, sans que nous ayons à nous soustraire à nos engagements européens.

D’ores et déjà, j’estime, à l’instar de la majorité des membres de la commission des finances, qu’il n’est pas acceptable d’opposer la nécessaire remise à niveau des moyens de nos armées, de nos forces de l’ordre et de nos services de contrôle aux frontières, une remise à niveau que nous appelons de nos vœux depuis plusieurs années, …

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Après avoir supprimé des milliers de postes ? Quel culot !

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

… et les indispensables réformes que notre pays doit encore accomplir pour réduire sa dépense publique.

Au mois de septembre dernier, présentant le présent projet de loi de finances, M. Sapin a affirmé que le budget de 2016 serait celui des engagements tenus.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Or le présent projet de loi ne tient pas ses promesses en matière de redressement des finances publiques. En juillet dernier, pourtant, la Commission européenne a seulement suspendu la procédure pour déficit excessif engagée à l’encontre de notre pays, qui fait partie – faut-il le rappeler ? – des mauvais élèves de la classe européenne ; si nous avons bénéficié d’un report à 2017 de l’objectif de réduction du déficit public sous les 3 % du PIB, c’est en échange d’efforts accrus sur le plan de la diminution de notre déficit structurel.

Seulement voilà : la réduction de notre déficit devrait se limiter à 0, 1 point de PIB cette année. Le principal effort serait donc fourni en 2016, avec un déficit public ramené de 3, 8 % à 3, 3 % du PIB, avant d’être réduit à 2, 7 % l’année suivante. Cette évolution positive résulterait non pas de réformes structurelles – je reviendrai sur ce point dans quelques instants –, mais de l’accélération de la croissance, estimée à 1, 5 % en 2016, et d’une élasticité des recettes de 1, 3, sur le fondement de laquelle le Gouvernement anticipe de bonnes rentrées fiscales. Bref, pour respecter ses engagements européens, l’exécutif compte sur un retour quasi providentiel de la croissance.

La commission des finances n’a pas souhaité remettre en cause cette perspective, dont la réalisation serait, de l’avis général, une bonne nouvelle, ni contester l’hypothèse d’une inflation atone, limitée à 1 % en 2016. Elle entend cependant mettre en garde contre les dangers qu’il y a à s’en remettre à la conjoncture, estimée de manière peut-être trop optimiste, pour atteindre ces objectifs. Je vois, monsieur le secrétaire d’État, que vous hochez la tête : pourtant les risques sont bien réels, …

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

… qu’il s’agisse d’un ralentissement de la croissance des pays émergents, d’une contraction du commerce mondial ou de l’instabilité des marchés financiers, sans oublier les risques spécifiques en matière de sécurité que court malheureusement notre pays.

La moindre variation, fût-elle très faible, des hypothèses retenues par le Gouvernement suffirait à faire déraper le déficit ou la dette, laquelle pourrait bien atteindre les 100 % du PIB. Or le projet de loi de finances ne prévoit aucune marge de sécurité §pour tenir compte des incertitudes qui entourent les prévisions de croissance pour 2016 et qui ne peuvent être levées à ce jour.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d'État

M. le rapporteur général est un homme angoissé !

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Monsieur le secrétaire d’État, je suis non pas angoissé, mais réaliste !

Par ailleurs, le Gouvernement a annoncé, avant les événements récents, qu’il poursuivrait son plan d’économies dites « tendancielles ». J’observe que ses 50 milliards d’euros d’économies sur trois ans sont comme un dogme qui ne varie jamais, alors même que les hypothèses économiques ont sensiblement évolué.

L’effort de 5, 1 milliards d’euros annoncé sur les dépenses de l’État en 2016 n’est pas documenté, comme la Cour des comptes l’a signalé, tandis que les mesures nouvelles non financées se multiplient, au point que les crédits de certaines missions budgétaires dépassent d’ores et déjà de plusieurs centaines de millions d’euros les plafonds fixés par la loi de programmation des finances publiques.

De même, l’annonce par le Président de la République de moyens supplémentaires dévolus à l’indispensable renforcement de notre sécurité n’est accompagnée d’aucune mesure d’économies sur d’autres missions, ce qui ne peut qu’aggraver le constat que nous dressons.

M. le ministre et M. le secrétaire d’État se félicitent d’avoir su maîtriser la dépense publique. Las, les chiffres montrent que le projet de budget pour 2016 bénéficie d’abord d’économies de constatation, sur lesquelles le Gouvernement n’a manifestement aucune prise.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d'État

C’est incroyable !

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Je pense en particulier à la faiblesse de la charge de la dette dans un contexte de taux d’intérêt bas au niveau mondial.

Sans compter que, pour la première fois, et indépendamment des 8 500 recrutements supplémentaires sur deux ans que le Président de la République vient d’annoncer dans la police, la gendarmerie, la justice et les douanes, les effectifs de l’État repartent à la hausse de plus de 9 000 emplois. Certes, l’honnêteté commande d’ajouter qu’une partie de cette augmentation résulte de la priorité donnée à la défense nationale, …

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre

Pas une partie, la totalité !

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

… une priorité au demeurant nouvelle, puisque, je vous le rappelle, l’année dernière, le Sénat a rejeté, sur la proposition de la commission des finances, les crédits de la mission « Défense » en raison de leur insuffisance. Par ailleurs, 900 créations de postes sont liées à la crise des migrants. Toujours est-il que la moitié de l’augmentation des emplois provient d’autres ministères. Or fixer des priorités n’interdit en aucune manière d’opérer des redéploiements.

Nous sommes évidemment très favorables à une nouvelle révision de la loi de programmation militaire, après celle qui est intervenue au mois de juillet dernier, compte tenu de la faiblesse des moyens alloués à nos armées, qui ont supporté jusqu’ici l’essentiel des réductions d’effectifs.

Si le Gouvernement ne parvient pas à contenir les effectifs des autres ministères, c’est tout simplement que l’État se montre incapable de réexaminer ses missions, qu’il exerce de plus en plus mal. Il préfère conserver de nombreux emplois, geler le point d’indice de la fonction publique et, parfois, faire face à des difficultés de recrutement liées à la faible attractivité de la fonction publique. Des marges de manœuvre existent pourtant, comme le démontre l’enquête que la commission des finances a commandée à la Cour des comptes sur la masse salariale de l’État.

Ainsi, il n’est pas acceptable que, du fait de la multiplication des régimes dérogatoires, un quart seulement des agents de l’État travaillent à temps plein. C’est pourquoi je défendrai, au nom de la commission des finances, plusieurs amendements visant à faire converger les temps de travail dans les secteurs public et privé, à instaurer trois jours de carence dans la fonction publique, à geler l’avancement automatique et à requérir des efforts supplémentaires des opérateurs de l’État, dont la Cour des comptes nous a rappelé qu’ils avaient vu leurs effectifs augmenter de 50 % en quatre ans.

La commission des finances proposera aussi, afin de réaliser des économies ciblées, par exemple, de supprimer de nouveaux contrats aidés dans le secteur public et de renforcer au contraire les contrats aidés dans le secteur marchand. En effet, ces derniers débouchent tout simplement sur un taux d’insertion dans l’emploi durable beaucoup plus favorable. Elle proposera également de prendre en compte le taux de recours prévisible à la prime d’activité.

Au total, les amendements adoptés par la commission des finances qui tendent à la réduction de crédits représentent près de 5 milliards d’euros, ce qui permettra, compte tenu des allégements qui seront proposés en recettes, d’améliorer sensiblement le solde budgétaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Par ailleurs, alors que les efforts de l’État sont à ce stade difficiles à mesurer, la réduction en valeur des dotations budgétaires versées aux collectivités territoriales est bien réelle : 10, 7 milliards d’euros en trois ans !

Pour 2016, l’effort de 3, 5 milliards d’euros qui leur sera demandé sera bien supérieur à celui qui est requis de l’État en pourcentage de leur poids dans les dépenses publiques. La baisse de la dotation globale de fonctionnement, la DGF, a pourtant des effets redoutables sur l’investissement public local, qui représente près de 60 % de l’investissement public.

La réduction brutale des dotations mettra en difficulté financière de nombreuses collectivités locales, qui se verront contraintes, tant leurs budgets sont rigides, de réduire les investissements ou d’accroître malheureusement la pression fiscale. C’est pourquoi la commission des finances proposera de modérer cette baisse des dotations à hauteur de 1, 6 milliard d’euros, montant qui correspond très exactement à la somme des dépenses contraintes mises à la charge des collectivités selon les estimations du Conseil national d’évaluation des normes.

J’en viens désormais au volet « recettes » du projet de loi de finances.

Depuis trois ans, nos concitoyens n’ont cessé de constater une hausse de la pression fiscale. Les statistiques sont là : le taux des prélèvements obligatoires a bondi de 42, 6 % du PIB en 2011 à 44, 9 % en 2014 ! Le Premier ministre lui-même a fini par l’admettre en mentionnant une augmentation de la fiscalité qui a créé « une forme de rupture entre les Français et l’impôt ».

Si l’imposition très lourde des entreprises a récemment connu une décrue avec la mise en œuvre du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi, le CICE, et du pacte de responsabilité, les ménages paient toujours au prix fort le coût des ajustements budgétaires reposant principalement sur des efforts en recettes.

Depuis le début du quinquennat, ces ménages ont en effet supporté une hausse de 7 milliards d’euros de l’impôt sur le revenu, alors même que le nombre de contribuables n’a cessé de se réduire. Les effets ne se sont pas fait attendre : les contribuables dits « aisés » s’exilent de plus en plus à l’étranger, comme en témoigne un rapport remis par le Gouvernement qui mentionne une hausse de 40 % des départs à l’étranger en 2013 par rapport à 2012.

Les familles ont également été particulièrement visées par la politique fiscale du Gouvernement avec à la fois la baisse progressive du plafond du quotient familial et la modulation des allocations familiales. C’est pourquoi la commission des finances proposera de modifier la réforme de la décote prévue à l’article 2 du présent projet de loi de finances. Outre la complexité de cette nouvelle réforme, la mesure conduit à une hyperconcentration de l’impôt sur le revenu sur un nombre toujours plus réduit de contribuables, au risque de porter atteinte dangereusement au principe de consentement à l’impôt. Nous proposerons une réforme alternative consistant à alléger l’impôt des contribuables qui en paient la plus large part et qui n’ont subi que des hausses jusqu’à présent, et à relever le plafond du quotient familial, afin de restituer un peu de pouvoir d’achat aux familles.

Par ailleurs, le budget pour 2016 – il faut le constater – est le budget de l’immobilisme en matière fiscale, …

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

M. Richard Yung. Il faudrait savoir ce que vous voulez !

M. Michel Sapin opine.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

… car aucune réforme n’est engagée pour donner de la lisibilité à un système fiscal complexe et contre-productif.

Au début de l’année 2014, l’Inspection générale des finances a suggéré de supprimer 192 taxes à faible rendement, proposition que vous aviez approuvée, monsieur le secrétaire d’État, et qui représenterait, selon vous, 1 milliard d’euros. Or le Gouvernement ne nous invite qu’à en supprimer trois dans le présent projet de loi de finances ! Au nom de la commission des finances, je vous proposerai évidemment d’aller plus loin, mes chers collègues, en supprimant plusieurs petites taxes supplémentaires, dont certaines ne concernent aucun redevable !

Je vous proposerai également d’adopter plusieurs amendements en matière de fiscalité de l’épargne, d’une part, et en faveur du développement et de la transmission des entreprises, d’autre part.

À ce titre, je vous rappelle, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, que la commission des finances avait adopté la première un mécanisme d’amortissement dégressif pour les investissements productifs dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2015 – je crois d’ailleurs que cette disposition avait été adoptée à la quasi-unanimité, ce qu’il faut souligner –, mécanisme que le Gouvernement avait écarté à l’époque pour des raisons de coût, avant de proposer, quelques mois plus tard, un dispositif relevant du même esprit, mais beaucoup plus coûteux dans le cadre de la discussion de la loi Macron.

Il faut davantage écouter le Sénat, car il a parfois raison avant l’heure !

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

De même, l’article 3 du présent projet de loi de finances abaisse le seuil d’application de la TVA sur les ventes à distance, mesure qui rejoint ainsi l’une des propositions du groupe de travail sur l’économie numérique créé par la commission des finances.

Nous vous proposerons d’aller plus loin et d’instaurer un régime particulier de déclaration pour les revenus tirés de l’économie collaborative qui échappent aujourd’hui à l’impôt. Nous vous proposerons aussi d’engager des travaux pour enfin prélever la TVA à la source et remédier ainsi à l’évaporation fiscale liée au commerce électronique.

Ces propositions – je le souligne – résultent directement du travail réalisé par un groupe composé de collègues de différentes sensibilités politiques qui interviendront sans doute sur ce thème. Elles permettront d’éviter des fraudes et l’érosion de certaines recettes, qui pourraient évidemment servir utilement à financer les dépenses nouvelles, auxquelles nous souscrivons tous.

Enfin, le Gouvernement indique que l’avenir est au prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Pourtant, le présent projet de loi de finances prévoit seulement un rapport sur le sujet et une mise en œuvre de la mesure en 2018 !

Il ne s’agit d’ailleurs que de l’un des exemples de réformes ou de charges reportées après la fin du quinquennat…

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

M. Didier Guillaume. Mais c’est ce que nous ferons lors du prochain quinquennat !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

L’Assemblée nationale voulait, semble-t-il, accélérer les réformes fiscales. En effet, elle a adopté l’amendement déposé sur l’initiative de Jean-Marc Ayrault qui visait à introduire un abattement de CSG en lieu et place d’une partie de la prime d’activité, et sur lequel nous reviendrons. Je remarque du reste que le Gouvernement n’a pas proposé la suppression de cette disposition en seconde délibération.

Par ailleurs, dans l’urgence, alors même que chacun s’accorde sur la nécessité d’une remise à plat de la fiscalité énergétique, l’Assemblée nationale a voté une révision des tarifs de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, la TICPE. La commission des finances vous proposera sa suppression, non pas sur le principe, mais au bénéfice d’un débat dans le cadre du projet de loi de finances rectificative, lors duquel nous examinerons la question de la contribution au service public de l'électricité, la CSPE.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Pour conclure, je dirai que ce projet de budget pour 2016 ne prépare pas l’avenir, car il maintient les dépenses publiques sans prévoir de réforme de structure, il n’apporte aucune réponse à des sujets majeurs pour l’économie française et pour sa compétitivité, et il ne répond pas aux attentes de nos concitoyens, qui subiront de nouvelles hausses de la fiscalité, notamment à la suite de l’adoption du projet de loi de finances rectificative : je pense en particulier à la hausse de la CSPE.

Aussi, la commission des finances proposera de modifier profondément ce projet de loi de finances pour 2016 !

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il faut légiférer pour donner au Gouvernement les moyens juridiques et financiers dont il a besoin pour agir.

Il s’agit de lui donner des moyens nouveaux pour répondre à une situation nouvelle.

Il s’agit également de lui donner des moyens pour assurer la continuité de l’État, de nos services publics et de notre modèle social en toutes circonstances.

Il s’agit enfin de lui donner des moyens pour mettre en œuvre sa politique.

Comme l’a dit M. le président du Sénat, la réponse à ceux qui veulent abattre la démocratie, c’est le fonctionnement de nos institutions !

C’est dans ce contexte, alors que nous avons besoin de l’unité nationale pour protéger notre diversité et nos différences, que nous entamons la discussion budgétaire. Le budget, c’est la matérialisation de notre communauté de destin, de notre vivre ensemble. En cela, il dépasse la seule question des équilibres budgétaires.

Durant les vingt prochains jours, nous allons renouveler le consentement à l’impôt, fixer la quotité et l’assiette de la contribution publique par laquelle tous ceux qui vivent sur notre territoire contribuent au bien commun. Tous ensemble, le rapporteur général, les quarante-huit rapporteurs spéciaux, les quatre-vingt-deux rapporteurs pour avis, vous tous, mes chers collègues, nous allons aussi examiner les choix budgétaires du Gouvernement, la pertinence de ses priorités.

Nous nous prononcerons sur le fondement du texte transmis ce matin par l’Assemblée nationale, ce texte que la commission des finances examine en détail depuis le début du mois d’octobre. Nous nous prononcerons aussi à l’aune des modifications qui seront apportées en cours de discussion au Sénat pour traduire les mesures annoncées par le Président de la République et que vous venez, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, de nous confirmer.

M. Michel Sapin opine.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Ce budget, c’est le budget d’un gouvernement qui agit, d’un gouvernement qui, depuis 2012, s’attache à reconstituer des marges de manœuvre pour l’action publique, qui dit ce qu’il fait et fait ce qu’il dit dans la cohérence et la transparence !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Nous avons des priorités à financer, ce que ce budget nous donne les moyens de faire par la fiscalité ou les dépenses des missions.

Les priorités immédiates sont la sécurité, la défense nationale et la justice, c’est-à-dire fournir un effort de guerre pour préparer la paix !

Les priorités pour construire la France de demain sont l’éducation, l’innovation, la compétitivité et la jeunesse.

La jeunesse a besoin d’espoir, et qu’on lui en donne particulièrement aujourd’hui ! En tout point dans ce budget transparaît la priorité accordée par le Gouvernement à cette jeunesse : les désormais 43 000 créations de postes dans l’éducation nationale, 100 millions d’euros supplémentaires en faveur des universités, l’aide « TPE jeunes apprentis », à laquelle, j’en suis sûre, M. le président du Sénat sera sensible, lui qui, avec le bureau, veut ouvrir notre institution à l’apprentissage, l’ouverture de la prime d’activité aux jeunes actifs âgés de moins de vingt-cinq ans, les moyens permettant d’accueillir 110 000 jeunes dans le cadre du service civique en 2016, la mise en place du dispositif des « contrats territoire-lecture », l’ouverture des musées nationaux aux publics scolaires, ainsi que le retour des crédits de la protection judiciaire de la jeunesse au niveau atteint avant la révision générale des politiques publiques, la RGPP. En aidant la jeunesse, nous préparons l’avenir !

Autre priorité : la recherche d’une société plus juste et équilibrée par le soutien au pouvoir d’achat, la consolidation de notre modèle social et la recherche de l’équilibre entre les territoires.

Sur ce dernier point, j’évoquerai l’augmentation de 4 % des crédits de la politique de la ville. J’évoquerai également l’accompagnement des collectivités territoriales dans l’effort de baisse des dotations, avec la dotation de soutien à l’investissement local de 1 milliard d’euros, l’élargissement du bénéfice du Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée, le FCTVA, aux dépenses d’entretien de bâtiments publics pour 150 millions d’euros, ou encore le fonds de soutien aux collectivités victimes des emprunts toxiques, dont les crédits vont doubler.

J’évoquerai, enfin, l’occasion manquée que constitue la réforme de la dotation globale de fonctionnement. Le Sénat a travaillé pour mettre en lumière toutes les injustices du dispositif actuel. Permettez-moi de rappeler le rapport élaboré au mois d’octobre 2013, au nom de la commission des finances, par Jean Germain, alors rapporteur d’une proposition de loi présentée par le groupe communiste républicain et citoyen, tendant au traitement équilibré des territoires par une réforme de la dotation globale de fonctionnement.

On nous propose aujourd’hui une réforme qui fixe une dotation unique par habitant quelle que soit la taille des communes. Je veux saluer là encore l’engagement de notre ancien collègue Jean Germain et de Mme la députée Christine Pires Beaune, car cette réforme, qui prend en compte les charges, est une réforme juste. Toutefois, elle ne s’appliquera pas en 2016, sans doute parce qu’elle a été mal préparée et mal expliquée.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Pour autant, il est évident que, en amont de la préparation du présent projet de loi de finances, tous les protagonistes de la réforme n’ont pas joué le jeu de la concertation. En conséquence de cette inertie, le projet de loi de finances comprend un dispositif dont personne n’avait pu préalablement mesurer les effets, faute d’avoir analysé toutes les idées et d’avoir réalisé suffisamment de simulations.

Monsieur le secrétaire d’État, je me souviens de l’engagement que vous aviez pris ici même de faire tester toutes les simulations. Je crains que tout le monde n’ait pas suivi cet engagement, ce que je regrette véritablement !

Nous avons désormais un rendez-vous à la fin du premier semestre de 2016. D’ici là, mes chers collègues, je peux vous assurer, du haut de cette tribune, que la commission des finances s’attachera – le rapporteur général et moi-même y veillerons – à mettre en place un dispositif de suivi de la réforme dès le début de l’année prochaine. Nos deux collègues rapporteurs spéciaux, Claude Raynal et Charles Guené, travaillent déjà sur ce sujet, travail dont je ne doute pas des effets.

Cela dit, le contretemps en matière de DGF ne doit pas nous faire perdre de vue que l’on trouve partout dans ce projet de budget la traduction des réformes engagées depuis 2012, dont l’effet cumulé d’ici à 2020 est estimé à 5 points de produit intérieur brut.

Réforme du droit du travail, réforme territoriale, transition énergétique, simplification administrative qui procure aux agents économiques des économies évaluées à 3, 3 milliards d’euros, prime d’activité, loi Macron : la liste est longue et les effets seront durables !

Ces marges de manœuvre pour agir, nous les devons à la crédibilité de la gestion de nos finances publiques qui assure la soutenabilité de notre endettement : les marchés prêtent aujourd’hui à notre pays à des taux proches de ceux de l’Allemagne.

Nous enrayons la spirale de la dépense publique en infléchissant son dynamisme spontané dans des proportions jamais atteintes. Nous envoyons des messages lisibles : le temps des ajustements par le biais de la hausse des prélèvements obligatoires est terminé !

C’est cela qui nous permet d’alléger les prélèvements sur les entreprises de 40 milliards d’euros dans le cadre d’un pacte de responsabilité sans précédent.

C’est cela qui nous permet d’alléger l’impôt sur le revenu des classes moyennes et des plus modestes de près de 5 milliards d’euros en deux ans ; 8 millions de foyers fiscaux bénéficieront de la mesure inscrite dans le présent projet de loi de finances, parmi lesquels 3 millions de foyers qui n’avaient pas bénéficié de la mesure prise l’année dernière.

C’est cela qui nous permet de redresser nos comptes publics sans verser dans l’austérité.

C’est cela qui nous permettra, si besoin, d’ajuster notre trajectoire budgétaire pour que nos forces de souveraineté puissent rapidement reconstituer puis amplifier leurs moyens d’action. Je dis bien « ajuster notre trajectoire », car, bien sûr, elle ne peut être remise en cause !

C’est cela qui nous aidera à peser en Europe pour ne pas perdre de vue l’essentiel. La gouvernance budgétaire et les règles communes sont nécessaires lorsque des États partagent une même monnaie, la situation de la Grèce nous le rappelle tous les jours – vous me permettrez d’ailleurs, mes chers collègues, de saluer l’engagement déterminé de M. Sapin pour défendre, au nom de la France, le maintien de la Grèce dans la zone euro. Mais ces règles et cette gouvernance doivent être mises au service des deux objectifs que l’Europe est appelée à atteindre : la sécurité et la croissance.

Aujourd’hui, pour reprendre les mots de Victor Hugo – quoi de plus naturel, dans cet hémicycle, que d’invoquer ce visionnaire de la problématique européenne ? –, il faut « relever la France, avertir l’Europe. Oui, la cause de l’Europe, à l’heure qu’il est, est identique à la cause de la France. »

Dans ce contexte, ce projet de budget, tel qu’il nous arrive de l’Assemblée nationale, me semble servir au mieux les intérêts de notre pays. Naturellement, vous le comprendrez, je le soutiendrai.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Mes chers collègues, je vous rappelle que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.

La parole est à M. Yvon Collin.

Applaudissements sur les travées du RDSE et sur certaines travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous examinons le présent projet de loi de finances dans un contexte particulier et, surtout, tragique, à la suite des attentats survenus le 13 novembre dernier à Paris.

Devant le Congrès, le Président de la République a déclaré : « le pacte de sécurité l’emporte sur le pacte de stabilité. » Je le dis d’emblée, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, bien que les membres du RDSE aient toujours plaidé en faveur de la maîtrise de tous les déficits publics, vous aurez leur soutien.

La gravité de la situation impose effectivement une réaction exceptionnelle. Oui, nous devons redimensionner notre outil de défense et de sécurité à la hauteur des nouvelles menaces. Alors oui, il nous faudra assumer le nécessaire surcroît de dépenses pour augmenter les moyens du renseignement, de la défense, de la gendarmerie, des douanes et de l’administration pénitentiaire.

C’est évident, cela ne sera pas sans conséquence sur la trajectoire de nos finances publiques, et l’objectif d’un déficit ramené à moins de 3 % du PIB d’ici à 2017 ne sera probablement pas tenu. Dans ce nouveau cas de figure, il nous faut toute la compréhension de Bruxelles. À l’heure où nous parlons, il semble d’ailleurs que nous l’ayons. Tant mieux, car, de toute façon, il ne peut en être autrement !

À cet égard, je rappelle que le pacte de stabilité et de croissance n’est pas un carcan, n’est pas indépassable, comme on peut parfois l’entendre. En effet, il prévoit une certaine flexibilité.

Selon la procédure pour déficit excessif, dont les modalités sont mises en œuvre par le règlement n° 1467/97 du Conseil européen, un déficit peut ne pas être excessif, mais être considéré comme exceptionnel et temporaire. Toutefois, il faut pour cela qu’il soit le fruit d’une « circonstance inhabituelle indépendante de la volonté de l’État membre concerné et ayant des effets sensibles sur la situation financière de ses administrations publiques ».

Nous y sommes, hélas ! Notre pays a fait l’objet d’un acte de guerre qui nécessite en retour un véritable effort de guerre.

Pour le moment, nous ne savons pas comment les nouvelles dépenses seront réparties entre les années 2016 et 2017. Mais je ne doute pas un seul instant que la commission des finances sera vigilante sur le principe de l’affectation exclusive des nouveaux moyens à la lutte contre le terrorisme. C’est un impératif pour garantir la crédibilité de nos engagements européens.

En attendant de connaître le détail des amendements gouvernementaux au projet de loi de finances pour 2016, nous devons commencer l’examen de ce texte à la lumière d’un équilibre général empreint, de facto, d’une certaine caducité.

Néanmoins, je souhaite faire part de ma position et de celle de mon groupe sur les orientations budgétaires jusque-là définies. En effet, si l’on peut regretter d’être contraint de laisser filer le déficit, on peut au moins se satisfaire des efforts d’assainissement des comptes publics qui ont été entrepris, avec un objectif initial d’un déficit ramené à 3, 3 % du PIB en 2016.

C’est bien parce que des efforts ont été réalisés au cours de ces dernières années que l’on peut lâcher du lest dans les circonstances actuelles.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

Ainsi, nous étions parvenus depuis trois ans à rétablir une trajectoire des finances publiques plus saine. Depuis 2012, la progression des dépenses publiques, hors crédits d’impôt, a été divisée par deux pour atteindre désormais, en moyenne, 15, 5 milliards d’euros. Certes, elle se poursuit, mais dans une proportion bien moindre, ce qui pèse favorablement sur l’ajustement structurel.

À cet égard, je rappelle que cet ajustement ciblé à 0, 5 % du PIB en 2016 aurait rempli l’une des obligations du pacte de stabilité et de croissance.

Tout cela va dans le bon sens, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mais je ne m’étendrai pas davantage sur l’équilibre général du projet de loi de finances pour 2016, compte tenu du nouveau cadrage que vous allez nous proposer. Il s’agissait cependant de démontrer que nous sommes entrés dans une ère de responsabilité.

Cette trajectoire de responsabilité est d’autant plus fondamentale que la conjoncture économique peine à s’améliorer nettement. De nombreux indicateurs restent dans le rouge, dont le taux de chômage qui demeure très élevé, autour de 10 %. L’investissement des entreprises ne décolle pas suffisamment, malgré le CICE et le pacte de responsabilité et de solidarité, qui a déjà conduit à 24 milliards d’euros d’allégement de cotisations de charges en 2015.

Au-delà de la reconduite des dispositifs issus de la deuxième année du pacte, le projet de loi de finances tend à compléter le soutien aux entreprises par différentes mesures en faveur des TPE et des PME. Parmi ces mesures, la limitation des effets de seuil permettra de ne pas retirer à ces entreprises le bénéfice d’avantages fiscaux incitant à l’embauche. On ne peut qu’approuver, bien sûr, ces efforts en direction des entreprises, tout en espérant qu’ils finissent par payer davantage.

Mais je souhaite aussi souligner que, aux côtés de l’investissement privé, figure l’investissement public. Or celui-ci, après avoir enregistré une baisse de 8, 8 % en 2014, a encore chuté de 6, 6 % cette année.

Comme vous le savez, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, le RDSE ne souhaite pas voir une nouvelle fois les capacités d’investissement des collectivités amputées au-delà du raisonnable. C’est pourquoi nous présenterons des amendements tendant à contenir la baisse des dotations aux collectivités.

Enfin, s’agissant des prélèvements obligatoires, la pause fiscale s’inscrit dans nos propositions. Toutefois nous aurons l’occasion, au cours des débats, de défendre le principe d’une assiette plus large, assortie d’aménagements pour les plus modestes, car c’est un gage de consentement à l’impôt.

Depuis vendredi dernier, notre pays traverse une épreuve difficile. Mes chers collègues, tâchons de trouver la voie la plus consensuelle pour encourager la croissance, tout en répondant au défi de la sécurité, qui nous est une nouvelle fois posé.

Comme depuis le début du quinquennat, la très large majorité des membres du RDSE apportera de nouveau son soutien à la politique économique et budgétaire du Gouvernement. Elle l’a fait hier, elle le fait aujourd'hui, et toujours en s’efforçant d’avancer des propositions par l’intermédiaire du droit d’amendement.

Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe écologiste et du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ce projet de loi de finances brille par son faible, très faible contenu ! Aucune des réformes structurelles indispensables que nous appelons de nos vœux depuis longtemps n’y figure. C’est le statu quo, l’immobilisme élevé au rang de politique nationale ! On a l’impression que la consigne a été : surtout ne rien faire !

Commençons pourtant – une fois n’est pas coutume – par des félicitations.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Effectivement, quelle belle communication ! Un budget affichant une baisse du déficit et des impôts, des dépenses maîtrisées, une charge de la dette stabilisée, des engagements tenus…

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Franchement, on aimerait y croire… Et je suis même sûr – je le vois dans cet hémicycle – que certains se laissent prendre !

Pourtant, quels enseignements tirer d’un examen plus détaillé de ce projet de budget ?

Tout d’abord, le déficit ne baisse quasiment pas.

On nous parle d’engagements tenus. Sont-ce ceux du Président de la République, qui promettait un retour à l’équilibre en 2017 ? On sait depuis longtemps que tel ne sera pas le cas. Sont-ce ceux du Gouvernement ? En 2012, on nous annonçait un déficit à moins de 0, 6 % du PIB en 2016. Le chiffre est passé à 1, 2 % en 2013, puis à 2, 2 % en 2014 et, aujourd'hui, on se félicite d’un déficit à 3, 3 %, considérant les engagements comme tenus.

J’ai le tort et, sans doute, le gros défaut de lire les documents budgétaires : le déficit n’a diminué que de manière très marginale, passant de 4, 1 % du PIB en 2013, à 3, 9 % en 2014 et à 3, 8 % en 2015. Vous admettrez, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, que ces baisses sont extrêmement limitées.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d'État

L’année n’est pas terminée !

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

En 2015, c’est la plus piètre performance de la zone euro !

Mais les pourcentages de PIB n’ont d’intérêt que pour les spécialistes, et le citoyen, lui, doit savoir que, en réalité, le déficit ne baisse quasiment pas. Il passe de 73 à 72 milliards d’euros, et encore c’est avant les nouvelles dépenses annoncées par le Président de la République.

Ce dernier nous a dit, lundi, à Versailles : « le pacte de sécurité l’emporte sur le pacte de stabilité. » Tout en soutenant la nécessité d’un effort de guerre accru, il est permis de ne pas partager l’opposition factice entretenue par François Hollande entre le militaire et le budgétaire. L’un n’est pas l’ennemi de l’autre.

Donner la priorité à la sécurité des Français, ce devrait être, dans la situation budgétaire désastreuse qui est la nôtre, avoir le courage d’opérer des choix forts, d’effectuer des économies drastiques dans des politiques de l’État, par exemple dans les milliards d’euros consacrés au logement et souvent mal utilisés.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d'État

Nous attendons vos propositions ! J’espère qu’il y aura des amendements sur le sujet !

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Attendre du chef de l’État qu’il ne sacrifie pas trop vite le pacte de stabilité au pacte de sécurité, même si, visiblement, cela l’arrange, ce n’est pas manquer de sentiment patriotique, au contraire. Car si elle finance son effort de guerre par plus de déficit et de dettes, la France en sortira économiquement plus faible.

En sus de cette réduction quasiment nulle du déficit, les impôts augmentent, pour ceux qui en payent.

Selon vos prévisions, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, la recette d’impôt sur le revenu passerait de 69 à 72 milliards d’euros en 2016, soit une augmentation de près de 3 milliards d’euros, alors que le nombre de contribuables diminue.

Depuis 2010, on constate 25 milliards d’euros supplémentaires d’impôt sur le revenu !

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d'État

Vous avez oublié la prime pour l’emploi !

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

On est si loin des promesses du début du quinquennat !

Neuf Français sur dix seraient épargnés par les hausses d’impôts… Les chiffres de l’INSEE à cet égard sont implacables : en 2014, 19 millions de ménages ont vu leur niveau de vie reculer, soit 80 % des ménages. Qui peut encore prétendre que seuls les riches, ceux que n’aime pas le président Hollande, contribuent au « redressement dans la justice » ?

En réalité, 103 hausses ou créations d’impôts ont été enregistrées depuis le début du quinquennat.

Souvenons-nous, dès le mois de mars 2013, le Président de la République promettait qu’il n’y aurait aucune augmentation d’impôt supplémentaire, après la trentaine de hausses d’impôts, de cotisations et de taxes en tout genre – un matraquage fiscal d’une quinzaine de milliards d’euros qui lui fera dire à l’époque : « c’est beaucoup, donc ça devient trop ! ». Que s’est-il passé ensuite ? Ont été décidés une augmentation de la TVA, un abaissement du quotient familial, une suppression des niches fiscales concernant les enfants scolarisés, une augmentation des cotisations de retraite, etc.

Mes chers collègues, connaissez-vous le niveau d’augmentation des prélèvements obligatoires prévu, en 2016, par le Gouvernement ? L’hémicycle est bien silencieux… Ce niveau – ce sont les chiffres de Bercy – atteint 22 milliards d’euros. Une paille !

En 2016, le Gouvernement envisage de prélever 286 milliards d’euros sur l’économie. Un record historique ! On n’aura jamais prélevé autant sur les forces vives du pays ! En outre, ces prélèvements sont en hausse de 7 milliards d’euros par rapport à 2015. Le hic, c’est que, malgré ces 7 milliards d’euros de recettes supplémentaires, le déficit ne baisse que de 1 milliard d’euros. Cherchez l’erreur !

Ce projet de budget, ce sont aussi des collectivités au pain sec ; des collectivités que l’on étrangle encore davantage.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Souvenons-nous de l’automne 2011. Le gouvernement de l’époque, en annonçant qu’il envisageait de réduire les dotations de 200 millions d’euros, s’était attiré les foudres de l’opposition – vous, chers collègues de l’actuelle majorité gouvernementale : 200 millions d’euros, c’était impensable !

Ainsi, on a abordé la campagne présidentielle de 2012 en assurant que les dotations aux collectivités territoriales ne baisseraient pas. Par son engagement 54, le candidat Hollande promettait de maintenir ces crédits à leur niveau de l’époque.

Pourtant, quelques mois après son élection, le Président de la République changeait d’avis : il annonçait une réduction de 750 millions d’euros, montant rapidement porté à 1, 5 milliard d’euros puis, tout aussi rapidement, à 10, à 11 milliards d’euros, pour aboutir à un total de 28 milliards d’euros sur la durée du quinquennat.

Le hic, car là aussi il y a un hic, c’est que l’État procède en 2016 à une économie de 3, 7 milliards d’euros aux dépens des collectivités, alors que le déficit ne baisse que de 1 milliard d’euros. Cherchez l’erreur !

L’erreur, c’est bien sûr la dépense publique, qui ne cesse d’augmenter.

Chaque année on nous annonce des économies, mais, dans les faits, les économies, on les cherche ! La plupart sont non documentées, c’est-à-dire non justifiées. Ce ne sont que de fausses économies.

La rapporteure générale socialiste de l’Assemblée nationale l’a reconnu elle-même : elle a déclaré que, en 2015, sur les 18, 6 milliards d’euros annoncés au titre des économies, seuls 11, 2 milliards d’euros seraient véritablement dégagés.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, pour 2016, les réductions de dépenses proprement dites ne s’élèveraient qu’à 6 milliards d’euros sur les 16 milliards d’euros annoncés.

Bref, les économies, on les cherche ; les baisses d’impôt, on les cherche ; les réformes structurelles, on les cherche également… En définitive, que de temps perdu !

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Hormis le CICE, dont on peut discuter des effets en termes d’emplois et dont l’efficacité est loin d’égaler ce qu’aurait pu apporter une TVA sociale, en faveur de laquelle nous ne cessons de plaider ; hormis le pacte dit « de responsabilité », qui n’a pas rétabli l’équilibre après la création, durant vos premières années d’exercice du pouvoir, de charges fiscales exorbitantes…

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre

Ce n’est pas vrai !

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Si, monsieur le ministre ! Les chiffres pourraient aisément le démontrer.

Au total, à quoi se résument les réformes engagées ? À rien, ou à si peu…

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

En tout cas, il ne s’agit pas des vraies réformes structurelles, que j’ai évoquées l’année dernière et dont il a été question à de nombreuses reprises, ici, au Sénat. Elles seules pourtant sont à même de redresser nos finances publiques, de redonner confiance aux acteurs économiques, de faire repartir la croissance et reculer le chômage.

Trois ans et demi se sont écoulés sans réforme d’ampleur, et nous les payons cher. Déjà une élection présidentielle se profile, et l’on en voit les tristes effets dans ce projet de loi de finances, qui se résume à un non-événement. « Surtout, ne rien toucher qui puisse fâcher. » C’est donc cela, le programme ? Encore un an et demi à ne rien faire ?

Protestations sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

De tels propos ne font pas honneur au Parlement !

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

C’est dramatique ! Car, pendant ce temps-là, le monde tourne, le monde avance. Mes chers collègues, chacun de nous le sait pertinemment : quand on n’avance pas, en général, on recule.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Pardonnez-moi de le rappeler, c’est ce qui se passe en Europe et dans le monde.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Nous débattons du budget ! Quelles sont vos propositions ?

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Nos propositions ? Nous les avons déjà faites, qu’il s’agisse des 35 heures, des retraites, du code du travail ou de nombreux autres sujets.

On aimerait que ce projet de budget contienne de véritables réformes de fond. Or ce n’est pas ce que l’on observe.

Les sénateurs du groupe UDI-UC examineront avec attention toutes les modifications qui seront proposées au titre du présent projet de loi de finances. D’assez nombreux changements ont déjà été opérés lors de l’examen en commission.

Nous suivrons souvent les avis du rapporteur général et, plus largement, de la commission des finances, …

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

M. Vincent Delahaye. … pour remanier largement ce projet de loi de finances pour 2016 !

Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

M. Éric Bocquet. Monsieur le ministre des finances, le 30 septembre dernier, en présentant à la presse le texte qui nous est soumis aujourd’hui, vous avez eu ces mots : « La surprise de ce projet de loi de finances, c’est qu’il n’y a pas de surprise. »

M. Philippe Dallier rit.

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre

La continuité, c’est plus important que les effets de surprise !

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Certes, nous ne pourrons pas vous reprocher une quelconque inconstance dans vos choix budgétaires et économiques…

Avec le Gouvernement tout entier, vous vous inscrivez dans la morne continuité de la réduction de la dépense publique, dans la stricte application de la loi de programmation des finances publiques, dans la droite ligne du dernier traité européen enfanté par Mme Merkel et l’ancien président de la République, texte auquel aucune inflexion n’a été apportée, dont on n’a pas déplacé la moindre virgule. Vous répondez aux recommandations de la Cour des comptes et suivez docilement les avis du Haut Conseil des finances publiques.

Dès lors, que reste-t-il à faire au Parlement pour infléchir ce projet de loi de finances, dont nous aurions pu attendre un léger coup de barre à gauche au titre de la dernière année pleine du quinquennat de François Hollande, très éphémère adversaire du monde de la finance ?

Pourtant, n’y avait-il pas lieu de ménager quelques bonnes surprises à nos concitoyens pour 2016 ? N’y avait-il pas lieu, au regard de l’évaluation du bilan, de procéder à des inflexions sérieuses de vos choix politiques ?

Vous avez opté, nous a-t-on dit, pour la politique de l’offre. Voyons ce qu’en dit l’INSEE.

D’après les enquêtes de conjoncture menées par cet institut, 40 % des entreprises se disent aujourd’hui confrontées à des problèmes de demande, contre 11 % à des problèmes d’offre, 11 % d’entre elles se disant par ailleurs confrontées aux deux phénomènes. À nos yeux, la demande a été par trop négligée ; ces chiffres, d’ailleurs, sont éloquents !

Il aurait été judicieux de procéder, dans l’élaboration de ce projet de budget, à une évaluation sérieuse des mesures décidées dans le but d’alléger les cotisations des entreprises. J’évite délibérément le mot « charges » : pourquoi parlerait-on de « cotisations » pour les salariés et de « charges » pour les entreprises ?

Examinons donc les données relatives à ces allégements.

Selon une étude sérieuse menée par l’Observatoire français des conjonctures économiques, l’OFCE, entre 2010 et 2015, les ménages ont payé le prix fort des politiques de réduction des déficits. Mis en œuvre parallèlement, le pacte de responsabilité et de solidarité n’a pas modifié cette tendance de fond.

Les prélèvements obligatoires sur les ménages ont augmenté de 66 milliards d’euros, soit 3, 1 % du PIB, alors que ceux qui sont appliqués aux entreprises croissaient de 8 milliards d’euros.

Les prélèvements obligatoires sur les ménages atteindront en 2016 un record historique, représentant 28, 2 % du PIB. Pour les entreprises, ce taux s’établira à 16, 4 %, un niveau inférieur à ce qu’il était en 2008.

Mes chers collègues, à ce stade, comment ne pas pointer l’écart croissant, dans le projet de budget pour 2016, entre les ressources issues de l’impôt sur le revenu, 72 milliards d’euros, 24 % du total, et celles de l’impôt sur les sociétés, qui va plafonner à 33 milliards d’euros, soit à peine 11 % des recettes du budget de la République ? Ce constat doit tous nous interpeller.

On nous explique régulièrement que les premiers signes de la reprise sont là, qu’ils sont perceptibles. Nous scrutons l’horizon, mais ne voyons pas grand-chose. « Anne, ma sœur Anne, ne vois-tu rien venir ? » Et Anne de répondre : « Je ne vois que dividendes qui prospèrent et fortunes qui grossissent. »

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Si encore il était certain que ces mesures dégagent de la croissance, de l’investissement, de l’embauche, et enfin un début d’inversion de la courbe du chômage – formule dont je note au passage qu’elle semble avoir désormais disparu des écrans radars…

Le projet de loi de finances pour 2016 budgétise la montée en puissance des aides aux entreprises décidées dans le cadre du CICE et du pacte de responsabilité, ce qui explique largement le fait que le déficit de l’État recule très peu, de 73 milliards d’euros en 2015 à 72 milliards d’euros en 2016, et que les recettes de l’impôt sur les sociétés s’effondrent.

Ces aides bénéficient à des entreprises de plus en plus grandes et prospères. La suppression de la surtaxe de l’impôt sur les sociétés revient, à elle seule, à 2, 5 milliards d’euros en 2016 ; elle doit atteindre 4, 5 milliards d’euros en 2017 !

Aujourd’hui, on peut dresser ce constat : les marges des entreprises se rétablissent, mais l’effet de ce mouvement sur l’emploi tarde à se faire jour.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Monsieur le ministre, du côté des recettes, nous aurions souhaité vous voir afficher beaucoup plus d’ambitions dans la lutte contre l’évasion fiscale et l’optimisation fiscale des grands groupes, comme nous y invite désormais l’Organisation de coopération et de développement économique, l’OCDE.

Certains amendements tendant à aller dans ce sens ont certes été adoptés lors du débat à l’Assemblée nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Espérons cette fois que ces dispositions ne seront pas invalidées par le Conseil constitutionnel à la veille des fêtes de fin d’année, comme ce fut le cas il y a deux ans.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Vous choisissez de maintenir le cap d’une politique qui anémie l’économie. La dette est devenue la clef de voûte de toutes les actions menées au sein de l’Union européenne. Ce sujet mériterait sans doute d’être travaillé par le Parlement, afin que soient analysées l’origine et la structure de la dette.

Pourtant, nos dépenses sont désormais contenues. Elles ne croissent quasiment plus en volume, alors qu’elles augmentaient de 2, 4 % par an entre 2002 et 2010. Le plan de 50 milliards d’euros d’économies, même si certains, sur ces travées, préconisent de faire deux ou trois fois plus d’économies, pérennise davantage encore cette tendance.

En 2016, l’effort atteindra 16 milliards d’euros, soit encore plus que prévu dans la loi de programmation des finances publiques. Il concernera tant l’État que la sécurité sociale et les collectivités territoriales, au sujet desquelles ma collègue Marie-France Beaufils s’exprimera plus spécifiquement dans la suite de notre débat.

Au sein du budget de l’État, par exemple, l’emploi, le logement, l’agriculture et l’écologie verront leurs moyens diminuer au mépris des besoins qui se font jour.

La politique de rigueur a constamment pesé sur la demande et la croissance de l’activité, à hauteur de 1 % tous les ans d’après l’OFCE.

Il faut suspendre le programme d’économies de 50 milliards d’euros, mettre fin au gel du point d’indice de la fonction publique, engager un plan de transition écologique et donner aux collectivités territoriales les moyens d’investir. Seule la croissance est une garantie de solvabilité, comme vient de le rappeler l’agence Moody’s en dégradant la note de la France.

Cette dernière année pleine du quinquennat aurait également dû être l’occasion de lancer la grande réforme fiscale, promise un temps par le chef de l’État, amorcée, remisée et finalement enterrée.

Cette réforme fiscale, si nécessaire à la justice sociale et au pouvoir d’achat des couches populaires, serait de surcroît un atout pour la relance économique.

Manipuler les tranches d’imposition et la décote année après année ne suffira jamais à faire une vraie réforme fiscale. Comme si la vocation de la gauche était de baisser l’impôt sur le revenu dans le bas du barème et celle des libéraux de supprimer la tranche d’imposition la plus élevée !

Le chantier à ouvrir, c’est celui d’une plus grande progressivité, d’une plus grande équité. Surtout, il faut veiller à ce que nul ne s’affranchisse de l’impôt sous prétexte de « matraquage fiscal ». Sans ces trois conditions, il ne peut y avoir de consentement à l’impôt, et sans consentement à l’impôt, il ne saurait y avoir d’édifice républicain stable.

Dans la période tragique que nous traversons, l’impôt citoyen prend un sens tout particulier.

La tendance historique à la diminution du nombre de tranches d’imposition, passant en deux décennies de quatorze à cinq, va à l’encontre de la progressivité de l’impôt sur le revenu. Nous avons besoin d’un impôt universel et progressif, formant la colonne vertébrale de notre système fiscal, chacun acquittant l’impôt en fonction de ses facultés contributives.

Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, c’est aux lois de finances que l’on juge les choix politiques d’un gouvernement. Or ce budget n’est pas un budget de changement. À travers nos amendements, nous vous aiderons à infléchir vos choix. Surprenez-nous ! Cela aidera également à éviter le pire dans les urnes au mois de décembre prochain.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

M. Éric Bocquet. Faites la preuve que des choix politiques peuvent améliorer la vie des gens. Il est urgent de redonner de l’espoir à nos concitoyens, qui, hélas !, vont parfois jusqu’à désespérer de la République et des modestes représentants que nous sommes.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, c’est la première fois que je prends la parole dans cet hémicycle depuis ce vendredi 13 novembre. Veuillez m’en excuser, mais c’est encore pour moi un exercice assez difficile.

Le deuil suspend le temps, et la souffrance ajourne les controverses. Comment peut-on débattre dans le sang tout juste versé, les blessures encore ouvertes et la douleur qui, toujours, nous traverse ?

Pourtant, la démocratie est là, qui nous attend. Exprimer le pluralisme, organiser le dialogue, fonder la prise de décisions : voilà un remède à la violence que nous ne pouvons délaisser.

L’exemple à ne pas suivre nous a toutefois, et malheureusement, été donné dans une autre enceinte…

Mes chers amis, mes chers collègues, soyons plus que jamais à la hauteur de la réputation de sagesse dont jouit la Haute Assemblée. Puissions-nous simplement nous rappeler, quand nous confrontons nos divergences, que nous avons le devoir, tous ensemble, de concourir dignement au débat démocratique.

Toutes et tous, dans cette assemblée, nous avons d’ailleurs témoigné notre profonde admiration aux forces de sécurité et aux personnels hospitaliers de notre pays, à tel point qu’une unanimité semble s’être formée pour réclamer davantage d’effectifs dans ces services.

Aujourd’hui, je nourris l’espoir que, sur toutes les travées, nous osions, même timidement, louer les vertus de la dépense publique. Ayons le courage de la cohérence : la dépense publique et, à travers elle, l’impôt qui la nourrit ne sont pas qu’un problème. Ils sont aussi, lorsqu’on a un besoin vital des services qu’ils financent, un formidable soutien.

En la matière, le débat qu’il nous faut avoir, c’est celui de l’efficacité de cette dépense qu’il convient d’aborder précisément, au cas par cas. Bien sûr, dans un second temps, on peut s’interroger sur son niveau, mais présenter exclusivement la dépense publique comme une charge, qui plus est trop élevée, revient à esquiver le véritable débat politique sur les services : souhaite-t-on conserver les services publics ou les abandonner au secteur marchand ?

Bien sûr, la dette nous obère, mais il ne faut pas se méprendre sur ses causes. Il est toujours utile de rappeler ici que, depuis l’introduction de l’euro et jusqu’en 2008, la dette de la zone euro était stable, autour de 70 % du PIB. Entre 2008 et aujourd’hui, elle est passée à environ 90 % du PIB dans cette même zone euro, et à 96 % en France.

Le surcroît de dette publique postérieur à la crise est donc largement imputable au système financier, et non pas à la seule dépense publique.

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

Si d’indéniables progrès ont été réalisés au niveau européen en matière de régulation bancaire, il n’est toutefois pas acceptable que nous entravions la directive Barnier ou la mise en place de la taxe sur les transactions financières dans le seul but de préserver une industrie bancaire aux lourdes responsabilités.

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

Pour le reste, une part importante du stock de la dette résulte du système économique dominant. Fondé sur une expansion supposée sans limites, ce système consiste à emprunter aujourd’hui ce que l’on croit pouvoir générer demain.

Or, on le sait maintenant, la mécanique s’enraye.

La croissance économique se heurte à des limites physiques dures, comme la déplétion des ressources ou la crise climatique, tandis que la dette, économique comme écologique, s’accumule.

Il est assurément moins facile de changer ce modèle que d’encadrer le secteur bancaire. Comme pour la misère du monde, la tâche est globale, mais chacun doit y prendre sa part.

La COP 21 est, de ce point de vue, un événement majeur. Sa tenue à Paris est pour notre pays une grande opportunité, appelant de notre part pédagogie et exemplarité.

Malheureusement, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, le Gouvernement a opéré un choix quelque peu déroutant, en choisissant d’exclure du projet de loi de finances toutes les mesures de fiscalité écologique que nous attendions.

Certes, c’est une habitude ancienne que de dévoyer le projet de loi de finances rectificative en en faisant la voiture-balai des mesures que l’on n’a pas préparées à temps pour le projet de loi de finances. Mais, en l’occurrence, il nous paraissait évident que, en raison de la concomitance parfaite de la discussion du projet de loi de finances avec la COP 21, ces mesures écologiques devaient devenir le thème central – au moins cette année – de notre débat budgétaire.

Nous ne pouvons donc qu’être extrêmement déçus, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, de voir la transition écologique interdite de débat budgétaire et reléguée à l’examen du projet de loi de finances rectificative : du fait des contraintes de calendrier, ce dernier est généralement expédié par le Sénat en deux jours.

En revanche, et en dépit de ce manque, il me faut signaler, non sans une certaine satisfaction, la première parution du rapport annuel sur les nouveaux indicateurs de richesse. Ce document traduit la proposition de loi de notre collègue députée Eva Sas, que nous avions adoptée au Sénat en avril dernier.

Le nombre et la définition des indicateurs sont évidemment toujours discutables. Toutefois, c’était le parti pris de cette proposition de loi d’en déléguer le choix à France Stratégie et au Conseil économique, social et environnemental, après une grande consultation.

Cette démarche collective permet, je le crois, de susciter autour de cette vision novatrice de la politique économique une adhésion plus large que si nous avions d’emblée tout figé dans la loi.

Au-delà de la définition des indicateurs et de l’analyse de leur évolution, c’est évidemment l’usage susceptible d’en résulter qui constituait le point central de la proposition de loi. Celle-ci dispose en effet que le rapport doit présenter « une évaluation qualitative ou quantitative de l’impact des principales réformes » sur les indicateurs.

Si le rapport contient bien, conformément à la loi, de brefs paragraphes intitulés « impact qualitatif et quantitatif » sur les indicateurs de quelques-unes des réformes importantes de l’année, force est de reconnaître que le contenu de ces paragraphes – sans doute du fait d’une certaine précipitation –, qui s’apparente à de simples postulats généralistes, n’est pas totalement éclairant.

Par exemple, au paragraphe consacré à la baisse de cotisations des entreprises, on se borne à constater qu’une telle mesure devrait relancer l’activité.

En ce qui concerne l’impact de cette même mesure sur les émissions de carbone, les auteurs du rapport indiquent pour toute analyse : « À technologie inchangée, toute mesure favorable à l’activité implique […], nécessairement, une hausse des émissions de gaz à effet de serre ». Évidemment, il serait intéressant d’aller un peu plus loin.

C’est en effet lorsque l’analyse des indicateurs permettra véritablement d’influer sur les choix de politiques publiques que l’on pourra considérer que l’objectif de notre proposition de loi aura été atteint.

Toutefois, je dois le dire, ce document a déjà l’immense mérite d’exister. Pour citer M. le Premier ministre, dans son éditorial : « La publication de ce rapport n’est pas un aboutissement, mais un point de départ. » Merci, et à bon entendeur, salut !

À nous, donc, de nous saisir de ce rapport pour susciter le débat et en faire petit à petit un outil incontournable d’évaluation et d’élaboration des politiques publiques.

Il manque néanmoins un dernier élément, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, pour que la société civile et, bien sûr, le Parlement puissent pleinement jouer leur rôle : il s’agit de l’intelligibilité des documents budgétaires.

Le projet de loi de finances et ses documents annexes occupent chaque année plus d’un mètre linéaire de rayonnage et, pourtant, il est encore impossible d’y trouver la réponse à ces questions simples : quel est le niveau consolidé et quelle est l’évolution réelle de nos engagements budgétaires, par exemple en matière d’écologie ?

Pour rester sur cet exemple, on peut comprendre qu’il soit régulièrement nécessaire de procéder à des changements de périmètre des missions, mais pourquoi ne pas fournir alors les clés de conversion permettant de les neutraliser d’une année sur l’autre ? Je ne peux pas croire, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, que l’administration n’en dispose pas.

Pourquoi, lorsque vous proposez, par exemple, une réforme de l’impôt sur le revenu, ne dispose-t-on jamais, dans l’étude d’impact, de quelques données agrégées sur la ventilation des foyers fiscaux entre les différentes tranches ? Cela nous permettrait de chiffrer les propositions alternatives qui seraient formulées en réponse à celle du Gouvernement...

Le succès du petit ouvrage de Thomas Piketty, intitulé Pour une révolution fiscale, a en partie reposé sur la mise en ligne par l’auteur d’un petit logiciel très simple, permettant de simuler, avec quelques curseurs, sa propre réforme fiscale.

Sans aller jusque-là, il me semble que le Parlement devrait pouvoir, dans la plupart des cas, disposer des sources permettant d’assurer la reproductibilité, et donc l’analyse des raisonnements de l’administration de Bercy.

Car, au-delà des slogans ou des communications affichés, ce qui est en jeu, c’est la lisibilité et la compréhension des choix budgétaires ; il y va tout simplement de la démocratie.

Parlant de ce projet de loi de finances, monsieur le ministre, vous aviez annoncé : « La surprise, c’est qu’il n’y a pas de surprise » ! Face aux mêmes choix du Gouvernement, les écologistes afficheront donc, sans surprise, les mêmes avis.

Quant au vote final, nous nous prononcerons sur la base du texte tel qu’il aura été modifié par le Sénat.

Mmes Nathalie Goulet et Marie-France Beaufils, ainsi que M. Éric Bocquet, applaudissent .

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, la loi de finances pour l’année 2016 sera sans doute, symboliquement, la plus importante de ce quinquennat, et ce à plusieurs titres.

Tout d’abord, ce texte est examiné dans un contexte dramatique, celui de la série d’attentats les plus meurtriers jamais commis à Paris, qui a fait prendre conscience à tous les Français que notre pays était en guerre, ou plutôt que certains lui faisaient la guerre.

Oui, cette triste réalité appelle des réponses fortes en matière de sécurité, mais aussi en termes budgétaires. Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, vous nous trouverez à vos côtés pour cela.

Ce budget est également important parce qu’il devrait répondre à la crise économique qui dure anormalement en France, alors que beaucoup de nos voisins s’en sortent mieux que nous.

Enfin, ce budget est celui de la dernière année pleine du quinquennat et, de ce fait, il nous permet d’ores et déjà d’avoir une vision assez claire de ce que sera le bilan de ces cinq années au niveau économique et financier. Je crains malheureusement, mes chers collègues, que la formule qui qualifiera le mieux ce quinquennat ne soit : « À la recherche du temps perdu ».

Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

En théorie, il vous reste, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, un an et demi utile pour agir. Mais, en réalité, en décomptant la campagne présidentielle, il vous reste un an, c’est-à-dire l’année 2016.

Ce projet de budget aurait donc dû être celui de l’accélération des réformes et du redressement. Or il n’en est rien. Son contenu est plus que décevant et les objectifs que vous vous assignez restent bien modestes. Comme l’ont rappelé deux orateurs avant moi, en ouvrant la conférence de presse pour présenter votre budget, monsieur le ministre, vous avez en effet déclaré : « La surprise de ce projet de loi de finances, c’est qu’il n’y a pas de surprise » ! Malheureusement, nous le constatons avec vous.

Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Après une baisse quasi nulle du déficit public en 2014, le déficit ne sera probablement réduit en 2015 que de 0, 2 point, pour atteindre 3, 8 % du PIB.

Pour 2016, vous visez un déficit de 3, 3 % du PIB, alors que l’objectif était, je le rappelle, de 0, 6 % dans la loi de programmation votée en 2012, c’est-à-dire un taux 5, 5 fois supérieur à ce que prévoyait à l’époque le candidat François Hollande.

En quatre ans, le déficit public n’aura donc été réduit que de 1, 6 point de PIB, alors que, sous le précédent quinquennat, entre 2009 et 2011, au plus fort de la crise, nous l’avions réduit de 2, 3 points de PIB.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Reconnaissez, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, que les objectifs que vous vous fixez sont bien faibles, alors même que votre gouvernement a eu la chance de ne devoir encaisser aucun choc comparable à la crise de 2009.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

De plus, puisqu’il faut bien se comparer, je rappelle qu’en Allemagne les comptes étaient à l’équilibre déjà depuis l’an dernier et seront en excédent cette année, alors qu’avec 3, 8 % de déficit en 2015 la France se situera toujours en queue de peloton de la zone euro.

Tout cela, c’est la conséquence du temps perdu en 2012 et en 2013, avant que le Président de la République comprenne enfin que la croissance ne reviendrait pas toute seule, …

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

… qu’il comprenne enfin la nature de cette crise, qu’il fasse enfin de la compétitivité de nos entreprises un objectif majeur, bref, avant qu’il décide de changer de politique.

Seulement voilà, comme trop souvent, il y a le discours et il y a les actes.

Les engagements pris pour améliorer la compétitivité de nos entreprises ne seront pas respectés en 2016. Monsieur le ministre, vous avez affirmé que vous teniez absolument vos engagements, mais vous décalez au 1er février la baisse des charges que vous aviez promise aux entreprises au 1er janvier.

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre

J’avais promis 9 milliards d’euros de baisses de charges, et j’ai tenu parole !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Cela vous rapporte quelques centaines de millions d’euros, mais ce n’est pas une très bonne idée.

Votre budget pour 2016 est bâti sur une prévision de croissance de 1, 5 %, ce qui est, nous le reconnaissons, plutôt raisonnable. Elle rejoint d’ailleurs le consensus des économistes.

Néanmoins, la croissance française demeurerait ainsi inférieure à la moyenne de la zone euro, prévue à 1, 8 %, et même à 2 % dans l’Union européenne.

Elle est en outre, pour une part significative, due à des facteurs exogènes pourtant très favorables à un redressement de l’activité qui ne se produit pas : baisse du prix du pétrole, baisse de l’euro, politique d’achats d’actifs par la Banque centrale européenne, taux d’intérêt toujours extraordinairement bas. Pourvu que cela dure…

Malgré tout cela, la dette publique continue de grimper, elle avoisine les 97 % du PIB et a allègrement dépassé les 2 000 milliards d’euros.

Avec un taux prévisionnel de 55, 1 % du PIB en 2016, le taux de dépenses publiques en France demeurera le plus élevé de l’Union européenne, après celui de la Finlande.

Non, la dépense publique ne décroîtra pas en 2016, vous en limitez simplement la hausse et l’objectif de la contenir à 0, 3 % en volume, contre 0, 9 % en 2015, ce qui constitue effectivement une amélioration, comporte cependant « des risques significatifs » et est jugé « particulièrement ambitieux » par le Haut Conseil des finances publiques.

Même la rapporteure générale socialiste du budget à l’Assemblée nationale, Valérie Rabault, a émis des doutes. Sur les 16 milliards d’euros d’économies annoncées, 3, 5 milliards d’euros reposent sur les collectivités locales. Ces économies-là, vous les ferez d’autant plus, évidemment, qu’elles nous sont imposées, avec des conséquences sur l’investissement des collectivités locales et donc sur l’activité économique.

Est-ce un si bon calcul ? Nous sommes nombreux à penser que non, sur quelque travée que nous siégions.

En outre, 7, 4 milliards d’euros reposent sur l’assurance maladie et les régimes sociaux. Resterait donc un effort de l’État de 5, 1 milliards d’euros, mais seuls 2, 3 milliards sont documentés, soit moins de la moitié.

À cela s’ajoute l’annonce de nombreuses dépenses nouvelles depuis plusieurs mois - le service civique, les contrats aidés, les aides agricoles, l’aide aux migrants, l’hébergement d’urgence - sans que les économies prévues pour les financer aient été portées dans leur intégralité à la connaissance du Parlement, ni dûment documentées, comme l’a reproché le Haut Conseil des finances publiques.

Cela s’explique sans doute par le fait que ces mesures seront financées par le déficit que l’on pourrait laisser filer ou par des coups de rabot durant l’année, autant d’éléments toujours assez difficiles à supporter, tant par les services de l’État que par les agences ou les collectivités locales.

Nous le craignons d’autant plus que, à l’approche de l’échéance de 2017, les annonces se multiplient, annonces dont les conséquences budgétaires seront pour la plupart à prendre en charge par vos successeurs.

Le plus bel exemple figure dans ce projet de loi de finances et coûtera 5 milliards d’euros à l’État et aux collectivités locales : il s’agit de la revalorisation des régimes indemnitaires des fonctionnaires, dont la montée en charge portera ses effets – ce doit être un hasard – en 2017, 2018 et 2019…

On annonce la décision, cela fait plaisir à une partie des électeurs, et on renvoie le financement à plus tard... C’est très commode. Bon courage à ceux qui prendront la suite et auront à en assumer les conséquences !

Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Pourtant, monsieur le ministre, nous allons déjà devoir trouver les moyens financiers pour assumer les créations de postes, que nous approuvons, rendues nécessaires pour répondre aux défis lancés par la guerre que nous mènent les terroristes djihadistes.

De la même manière, il nous faudra bien trouver le moyen d’inscrire enfin à leur niveau prévisible le coût des opérations extérieures, ces OPEX qui vont, à l’évidence, durer et s’intensifier. C’est absolument nécessaire, bien sûr, et il nous semble possible de le faire sans dégrader encore le solde de nos comptes publics.

Les créations de postes représentent un coût de 250 millions d’euros par an. Il faut prendre en compte les coûts d’équipement, puis, pour les OPEX, 600 ou 700 millions d’euros. Le coût total atteindra peut-être un peu plus de 1 milliard d’euros en année pleine.

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre

Il s’agit de 600 millions d’euros, et c’est déjà beaucoup !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Sommes-nous incapables de trouver cette somme sans pour autant envisager de laisser filer le déficit ? Nous pensons le contraire. Nous devons conserver pour objectif le respect de nos engagements en la matière.

Des économies, nous vous en proposons ! Notre rapporteur général, dont je tiens à saluer la qualité du travail

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Ces économies permettront non seulement d’améliorer le solde budgétaire, de financer nos propositions en matière de fiscalité des ménages et des entreprises et en faveur des collectivités, mais aussi de financer les mesures que le Président de la République a annoncées au Congrès.

Il est maintenant presque certain que la France ne respectera pas l’objectif de passer sous la barre des 3 % de déficit en 2017.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Puissiez-vous avoir raison, monsieur le ministre !

En tout cas, personne ne pourra sérieusement mettre cet échec sur le compte de la réaction aux attaques terroristes. Je rappelle d’ailleurs que cet objectif avait été fixé en 2012 par le candidat François Hollande à l’année 2013 ! Où en sommes-nous aujourd’hui ?

Nous le voyons, le bilan du quinquennat sera assurément mauvais.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

La France n’aura pas respecté ses objectifs, elle aura repoussé les échéances d’année et année. La comparaison avec nos voisins européens n’est pas à notre avantage et les perspectives que vous annoncez ne sont guère enthousiasmantes.

On constatera avec le recul que le Président de la République aura mis beaucoup de temps à se forger une opinion dans presque tous les domaines et aura sans cesse changé de position. Voilà le problème essentiel de ce quinquennat !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Ce manque d’anticipation, voire de conviction, a fait perdre beaucoup de temps à la France. Si certaines positions vont désormais dans le bon sens, elles demeurent, je l’ai dit, insuffisantes ou mal ciblées.

Lors de cette discussion, nous vous proposerons un certain nombre de dispositions. Je forme le vœu que le Sénat les accepte, car je suis certain qu’elles sont de nature à faire évoluer le budget dans le bon sens, bien plus, en tout cas, que ce que vous nous promettez !

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Mme la présidente. La parole est à M. Didier Guillaume.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Madame la présidente, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur général, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, tous les orateurs précédents l’ont dit, la discussion de ce budget s’ouvre dans un contexte politique et international compliqué. L’union nationale, l’unité nationale, la concorde nationale que, les uns et les autres, nous appelons de nos vœux, est essentielle. L’image que nous devons donner à nos concitoyens dans tous nos débats doit donc être d’une tout autre qualité que celle qui a été donnée mardi dernier, dans une autre enceinte.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Mais il ne me semble pas que le Sénat soit dans le même état d’esprit. Je suis certain que ces deux semaines de discussion budgétaires, même si la confrontation est dure et parfois le propos virulent parce que nos projets et nos orientations diffèrent, se dérouleront dans l’unité sénatoriale, conformément à la tradition de cette assemblée.

Le contexte politique lié aux attentats a été évoqué par les membres du Gouvernement. Il conduit à une augmentation des budgets de la défense, de l’intérieur et de la justice. J’y reviendrai brièvement, avant que mes collègues n’en parlent plus précisément.

Le contexte du débat budgétaire au Sénat est également particulier. Les budgets pour 2013 et 2014 avaient été rejetés dès la première partie ; l’année dernière, neuf missions avaient été supprimées, parmi lesquelles celle de la défense.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Pour 2016, le rapporteur général et les orateurs de la majorité sénatoriale nous ont annoncé 5 milliards d’euros de baisse des dépenses, alors que nous en attendions 95 milliards de plus – 80 milliards, si l’on ne prend pas en considération le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Nous avons pris connaissance de l’ensemble des orientations de la majorité sénatoriale et nous attendons toujours sa proposition de budget prévoyant 100 milliards d’euros de dépenses en moins !

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

M. Didier Guillaume. Vous parlez du Sénat comme d’un laboratoire de l’alternance, mais il semble que vous n’osiez pas présenter un tel budget cette année, de crainte, peut-être, qu’il ne soit trop dur pour être apprécié de nos concitoyens !

M. Bernard Lalande applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

En écoutant le rapporteur général, qui semblait jouer les Cassandre, je me disais : « Non, pas lui, pas ce rapporteur général. Avec son honnêteté intellectuelle, son professionnalisme, il ne peut pas se prêter à ce jeu ! Souhaite-t-il vraiment que ces prévisions négatives se réalisent ? Non, son histoire politique, son amour de la France, sa vision des finances interdisent de le croire ! »

Rires sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre

M. Michel Sapin, ministre. Quelle belle assemblée !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Ou peut-être vous opposez-vous par dogmatisme ? Mais, là encore, nous savons, au travail que vous accomplissez au sein de cette assemblée, qu’il n’en est rien.

J’en conclus, monsieur le rapporteur général, que vous peinez à accepter qu’éventuellement un gouvernement de gauche parvienne à redresser les finances, à les remettre dans la bonne direction, et avec elles le pays !

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre

C’est fort possible !

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Nous allons donc essayer, avec ce budget et les initiatives que nous allons prendre dans les mois qui viennent, de vous en convaincre !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Il va falloir y consacrer un peu plus de dix minutes ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

M. Didier Guillaume. Le budget se discute à partir de chiffres et non de fantasmes. Dans le passé, chaque fois que la gauche a été au pouvoir, les choses sont allées dans la bonne direction.

Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Delattre

Malheureusement, les électeurs ne sont pas d’accord !

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

À mon sens, ce budget est le plus abouti et le plus complet. Les engagements relatifs aux priorités définies par le Président de la République y sont tenus.

C’est un budget qui affirme la souveraineté de l’État vis-à-vis de nos engagements et de la trajectoire européenne, et nous l’assumons.

Le pacte de sécurité, qui prend le dessus par rapport au pacte de stabilité, nous permettra ainsi, malgré tout, de maintenir le cap de nos engagements européens.

Ce budget respecte quelques grands équilibres. On nous annonçait une croissance atone, qui n’atteindrait jamais les prévisions du Gouvernement ; elle s’élèvera pourtant à 1, 1 %. Nous avons entendu ce qui a été dit tout au long de l’année, et nous aimerions que ce chiffre soit plus important, mais la croissance est une réalité !

La dette a été évoquée par beaucoup des orateurs précédents, je ne m’y attarderai pas, mais enfin, elle avait augmenté de 600 milliards d’euros durant le quinquennat précédent. Selon la Cour des Comptes, 200 milliards d’euros découlaient de la crise et 400 milliards d’euros des choix politiques que vous assumez, chers collègues, comme il revient à chaque gouvernement de le faire.

Enfin, nous avons montré, dans ce budget, que le déficit était en train de baisser. Soulignons, c’est important, que, pour la première fois, la charge de la dette n’est pas le premier budget de l’État. Cette place revient au budget de l’éducation nationale. Nous en sommes très fiers, car c’était une priorité du Président de la République.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Nous avons identifié trois grandes priorités : le soutien au pouvoir d’achat, le soutien à l’économie et le soutien à l’investissement, parce que nous voulons redresser le pays.

S’agissant du pouvoir d’achat, ne vous en déplaise, chers collègues, la baisse des impôts est bien là ! Elle concernera 12 millions de foyers fiscaux sur les 17 millions qui sont assujettis à l’impôt, durant ces deux années. C’est une réalité que nous assumons. L’année dernière, 9, 5 millions de foyers fiscaux étaient concernés, ils seront 8 millions cette année, parmi lesquels 3 millions n’en bénéficiaient pas encore. Au total, ce sont donc bien 12 millions de foyers fiscaux qui vont voir leur impôt baisser.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

M. Didier Guillaume. C’est peut-être modeste, mon cher collègue, mais nous baissons les impôts et nos concitoyens s’en aperçoivent !

Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Je peux vous dire que, pour les personnes âgées, notamment les veuves, qui ne paieront pas la taxe d’habitation, et économiseront un mois de pension, un mois de retraite, cela compte !

Le soutien à l’économie a déjà été évoqué, avec le pacte de responsabilité, que nous mènerons jusqu’au bout, et avec le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi. C’est par les entreprises que l’économie repartira, et nous constatons d’ailleurs que leurs marges se redressent. Est-ce suffisant, certainement pas, mais c’est une réalité que l’on ne peut pas nier. Lorsque l’on parle de budget, les chiffres sont têtus !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Peu importe, donc, que nous soyons toujours les plus mauvais en Europe ?

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

J’en viens à la troisième grande priorité, le soutien à l’investissement.

Je tiens à saluer à nouveau le Gouvernement, parce que le prêt à taux zéro élargi est une mesure formidable, qui va permettre, de relancer la construction et la rénovation et, ainsi, de soutenir les entreprises du secteur du BTP, dans l’ancien comme dans le neuf.

Quant aux collectivités locales, nous en parlerons.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

M. Didier Guillaume. Nous sommes sénateurs et avons donc chacun les meilleures raisons de déposer des amendements pour revenir sur la baisse des dotations de l’État aux collectivités locales ! Mais je constate que, dans bon nombre des propositions formulées par les uns ou par les autres, il faut absolument diminuer le budget dans son ensemble, mais non moins absolument augmenter les crédits de toutes les missions !

Sourires.

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre

Absolument ! Et baisser tous les impôts !

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Nous étudierons cela durant les deux semaines de débat à venir ; chacun assumera ses positions, c’est normal.

La sécurité a été évoquée par le Président de la République devant le Congrès. Les ministres nous ont annoncé qu’ils présenteraient les 600 millions d’euros qui y seront consacrés dans ce budget. Il est en effet très important de redonner des postes et des moyens à la justice, à la police, aux douanes et à la défense.

Permettez-moi un simple rappel : le budget de la police nationale était de 6, 7 milliards d’euros en 2013, il est de 9, 7 milliards d’euros en 2015. Avec ces 3 milliards d’euros supplémentaires, nous effaçons, nous corrigeons les effets de la baisse des effectifs pratiquée dans tous ces services.

Cette somme d’environ 600 millions d’euros de dépenses supplémentaires, dont M. le rapporteur général rappelait qu’elle correspondrait à 0, 13 % ou 0, 15 % du budget global, pourra malgré tout, selon moi, être absorbée.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Si ce n’était pas entièrement le cas, cela ne remettrait pas pour autant en cause les équilibres, et le pacte de stabilité ne devrait pas être écorné.

Nous ne parlons que de 0, 1 % du budget de l’État, nous arriverons peut-être à nous accorder sur ce point.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Dans ce contexte particulier aura lieu la COP 21, pour laquelle un financement est prévu. Cette rencontre mondiale aura cette année deux objectifs : s’occuper du climat et de l’avenir de la planète, c’est indispensable, et, certainement, travailler contre le terrorisme, afin que l’ensemble des pays se disent : « On se serre les coudes et on y va ! »

Je ne serai pas plus long. Mes collègues du groupe socialiste et républicain interviendront sur des sujets précis concernant les recettes, les dépenses, les collectivités locales.

La protection des Français ne souffre aucun débat, nous sommes tous d’accord là-dessus. Ce budget sera, je le pense, suivi. Le groupe socialiste et républicain soutiendra de toutes ses forces le Gouvernement et les ministres, car ce budget nous semble être le plus abouti et le plus équilibré. C’est le budget des priorités, le budget des engagements tenus, qui va permettre de relancer l’économie.

Nous le soutiendrons, car nous avons besoin de protéger les Français, de leur accorder du pouvoir d’achat et de faire en sorte que notre économie redémarre.

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Mme la présidente. Monsieur Guillaume, vous avez parfaitement respecté votre temps de parole : bravo !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à treize heures, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Claude Bérit-Débat.